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Origine : http://www.decroissance.info/Sport-et-decroissance-Paris-2012
A travers les reflexions d’Albert Jacquard (Halte aux Jeux
! publié en 2004) ou encore la Marche du mouvement de la
décroissance pour l’abolition du Grand Prix de Formule
1 de Magny-Cours, la critique du sport de masse entretient une relation
privilégiée avec la décroissance.
Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
Produit et producteur de la mondialisation capitaliste, le sport
de compétition spectaculaire est aujourd’hui l’horizon
planétaire de la modernité libérale. La sportivisation
totalitaire de l’espace public renforce non seulement les
multinationales de la fausse conscience, mais institue également
un ordre social uniforme qui exalte le national-populisme, la guerre
sportive généralisée, la fabrication planifiée
d’un homme-nouveau, la mobilisation des meutes sportives.
Le sport-opium du peuple avec son caractère illusoire, sa
massification, ses effets mortifères de masse - dopage, toxicomanies,
violences, corruptions - et son idéologie mystificatrice
- sport-intégration, sport-culture, sport-éducation,
sport-fraternité, sport-pacification - est devenu le Veau
d’or de l’unidimensionnalité marchande contemporaine.
Contre la machinerie sportive et ses innombrables machinistes qui
entretiennent les illusions humanistes de « l’esprit
sportif », le mouvement décroissance doit chercher
à créer de franches ruptures : pour arrêter
la vision mécaniste et fonctionnaliste du corps qu’entretient
l’idéologie sportive, pour en finir avec l’infinie
capacité onirique du sport (rêve-spectacle-identification),
pour arrêter la consommation aliénante des produits
et pratiques sportives (les marques sportives ainsi que l’identification
aux stars du sports). La critique sportive peut se fonder à
la fois sur un réalisme écologique (le sport contribue
à la construction d’infrastructures agressives et totalitaires,
le pétrole dans le sport automobile, le sport-planète
télévisuel qui contribue à la mondialisation
prédatrice des matières premières...) et un
projet humaniste : l’application des principes des droits
de l’homme au sein des pratiques du sport de compétition.
En effet, le corps est aujourd’hui l’objet fétiche
de la postmodernité libérale. La religion sportive
avec son culte de la performance et son obsession de la compétition,
mais aussi, bien sûr, les nouvelles pratiques corporelles
avec leurs illusions pédagogiques ou thérapeutiques
forment une « économie politique du corps » (J.-M.
Brohm) qui constitue aujourd’hui le fondement complémentaire
de l’idéologie de la compétition et des vertus
des « compétences », véhiculée
par l’entreprise. La décroissance est aussi la déconstruction
de cette emprise imaginaire qui traverse l’ensemble du corps
social, dans sa dimension sportive autant que capitaliste. Il nous
faut sensibiliser la société pour un autre projet
sportif, un autre projet culturel progressiste (c’est-à-dire
humaniste) et écologiste.
Des propositions suggestives pour lutter radicalement contre le
sport de masse et décoloniser notre imaginaire.
En 1991, un colloque historique a eu lieu en Sorbonne, autour de
la critique du sport : « Anthropologie du sport, perspectives
critiques ». Ce fut la première et unique fois dans
l’histoire, que le Secrétaire d’Etat à
la jeunesse et aux sports, le Comité National Olympique et
Sportif Français et l’Université française
(STAPS) acceptèrent d’être soumis à une
évaluation critique et auto-critique. Ce colloque a rassemblé
l’ensemble des courants de la pensée critique française
: des chercheurs, philosophes, anthropologues, sociologues ne partageant
pas le consensuel imaginaire béatifiant des « passionnés
des passions sportives ». Ce colloque a été
un appel inédit dans l’histoire pour que les pouvoirs
publics, les institutions sportives, les syndicats et surtout les
forces politiques démocratiques acceptent de participer à
la lutte pour un autre sport. Plusieurs propositions concrètes
ont été proposées à la fin du colloque
par les anthropologues Jacques Ardoino et Jean-Marie Brohm, et qui
sont paru dans la revue Quel corps ? en avril 1991. Je reproduis
ci-dessous des extraits forts intéressants pour constituer
une plate-forme de réflexions suggestives autour du thème
sport et décroissance :
- Première proposition : Abolition des sports polluants,
destructeurs, mortifères.
« Nous ne saurions assister impuissants au renforcement et
au développement de certaines pratiques qui constituent autant
d’agressions caractérisées contre la vie, l’environnement,
la dignité humaine, la socialité. Aussi proposons-nous
que, par des campagnes de sensibilisation et de mobilisation de
l’opinion publique, en particulier des forces de progrès,
par le militantisme associatif et culturel, par l’action éducative
auprès des jeunes, par l’intervention auprès
des milieux sportifs et surtout par la législation et réglementation
administrative, il soit rapidement mis fin en France, et il faut
le souhaiter en Europe, à quelques pratiques indignes d’un
pays civilisé :
1) Interdiction des combats de boxe. Avec, dans un premier temps,
interdiction immédiate des combats cadets et juniors. La
boxe doit être juridiquement qualifiée d’atteinte
intentionnelle à l’intégrité physique
et psychique de la personne (coups et blessures prémédités).
On ne saurait donc admettre ce spectacle barbare de deux machines
à cogner cherchant à se détruire mutuellement
par des blessures, des traumas ou le coma du KO. Toutes les études
médicales l’attestent : la boxe mutile gravement, la
boxe tue. De nombreuses associations médicales et humanitaires
ont demandé l’interdiction pure et simple de cette
survivance archaïque de la loi de la jungle. Il ne suffit plus
de se contenter de déplorer hypocritement la « fatalité
du sport », il s’agit de déclarer la boxe hors
la loi. Une civilisation qui admet des combats de gladiateurs et
des jeux du cirque ne saurait avoir de légitimité
morale à parler du respect des Droits de l’Homme. Pour
le respect des droits de l’homme dans le sport et par le sport.
2) Interdiction - et dans un premier temps réglementation
stricte et restrictive - des sports mécaniques dangereux
ou polluants : engins tous terrains, 4/4, motos de pleine nature,
off shore, scooters des mers, moto-cross, stock-cars et plus généralement
tous les engins bruyants et destructeurs de ces sports agressifs
et prédateurs. La nature ne saurait être mutilée
par ces formes para-militaires d’aventurisme. De la même
manière, il y a lieu de limiter au maximum les rallyes, courses
et épreuves auto et moto qui défigurent l’environnement,
tuent, blessent, consomment une quantité incroyable d’énergie
et constituent autant de monstrueux gachis. Les accidents de la
route font en France près de 10 000 morts par an et le triple
de bléssés. On ne peut en même temps lutter,
comme le proposent les Pouvoirs Publics (d’ailleurs bien timidement),
contre cette hécatombe, et en même temps laisser s’épanouir
des épreuves auto et moto qui sont de véritables incitations
publiques à la défonce (de la nature, du matériel
et de soi-même). La lutte contre les effets ravageurs de la
vitesse mécanique et de la puissance des chevaux vapeurs
(l’idéologie du turbo, idéologie du «
vroum, vroum » qui n’est qu’une forme particulièrement
débile de l’idéologie de la bagnole).
3) Réglementation stricte des sports à hauts risques,
des sports extrêmes, des sports dangereux. Il n’y a
pas lieu d’assister dans l’impuissance contrite à
la multiplication des victimes du « sort » ou du «
destin » : les pratiques extrêmes de parachutisme, de
sports de glisse, de sports sous-marins, de rafting, de survie,
les pratiques de sports de souffrance, les pratiques quasi-suicidaires
de records et d’exploits impossibles sont de véritables
apologies de l’autodestruction. La réglementation du
saut à l’élastique, pratique d’autant
plus imbécile qu’elle est valorisée par les
patrons de choc désireux de remotiver leur personnel, a été
un bon exemple à suivre. Hélas, il semble que la réglementation
soit devenue elle-même élastique...
Que l’on ne vienne pas nous dire que ces mesures seraient
« utopiques », « impraticables », «
impopulaires ». L’abolition de la peine de mort par
la Gauche gouvernementale en 1981 fut un acte symbolique extrêmement
positif, probablement le seul dont puisse se prévaloir la
gauche gestionnaire. De la même manière, la lutte pour
l’obligation du port des ceintures de sécurité
dans les voitures, pour la limitation de la vitesse, la lutte contre
le tabagisme, contre l’alcoolisme, contre la toxicomanie ne
sont pas forcément « populaires » si l’on
confond populaire et démagogique. Il reste qu’il s’agit
là de luttes courageuses pour le Bien public, pour la santé
publique, pour le respect de la vie et des droits du citoyen à
vivre en paix et en harmonie. Il s’agit là de projets
politiques progressistes et pas seulement de mesures d’aménagement
de la pratique sportive ordinaire. Il ne s’agit pas de réformes,
certes. Mais le réformisme sportif n’est même
plus capable de promouvoir des réformes : il gère
la crise, comme d’autres gèrent loyalement et «
tristement » (dans la grisaille ose dire un Premier Ministre)
le capitalisme...
- Deuxième proposition : Lutte contre les effets pervers
du sport professionnel.
« Depuis plusieurs années, scandales, corruptions,
crises, détournements de fonds, endettements massifs, dopages
à répétition, violences gravissimes, combines
douteuses, arrangements clandestins, luttes de clans et de cliques,
voire de mafias, donnent du sport professionnel une image bien peu
reluisante. Le football français, champion toutes catégories
des caisses noires (ou roses), des dessous de table, des faillites
frauduleuses, donne une bien piètre image de sa prétendue
vocation éducative et sociale, à moins d’imaginer
que des condamnés de droit commun ont une mission pédagogique...
La lutte contre le dopage et la toxicomanie sportive dans le sport
de haut niveau, la lutte pour la transparence financière
dans les clubs professionnels sont du ressorts des Pouvoirs publics.
(...) Nous proposons que les forces démocratiques mènent
une campagne contre les détournements des fonds publics municipaux
qui vont, à travers d’innombrables et importantes subventions,
alimenter à fonds perdus les gouffres financiers des clubs
professionnels (Ex : Toulon, Bordeaux, et tant d’autres).
Le contribuable n’a pas à financer des entreprises
privées boiteuses, c’est-à-dire à entretenir
des équipes de mercenaires en crampons. Ces fonds là
peuvent trouver une utilisation bien plus rentable pour les collectivités
locales : équipements collectifs, subventions aux associations,
aides aux clubs amateurs, etc. De la même manière,
nous ne voyons pas la nécessité de flatter le chauvinisme
national par d’onéreuses campagnes olympiques qui pompent
une part importante des crédits, du fait des « aides
olympiques » aux champions, des constructions gigantesques
de « grands stades » et autres dépenses somptuaires
qui rappellent les projets mégalomaniaques de la Rome antique.
Car la question est la suivante : qui utilisera ces équipements,
sinon quelques happy few ? Investir dans l’intelligence, par
des bourses nombreuses et conséquentes aux étudiants
par exemple, investir dans la jeunesse, par des aides multiples
et importantes aux associations, aux colonies de vacances, aux écoles
par exemple, investir dans la cité, par des subventions massives
pour les loisirs et la culture par exemple, autant de choix qui
traduiraient qui traduiraient tout autant le rayonnement du pays
que la course poursuite aux médailles. (...) Le « parler
vrai » et « l’agir juste » doivent aujourd’hui
trouver leur traduction dans les faits, tant dans l’orientation
budgétaire que dans le travail réglementaire et législatif.
Ou bien le sport sera au service réel de la masse de la population
de ce pays ou bien il restera au service de quelques sponsors et
mercenaires d’une prétendue « élite physique
», ceux que le PCF appelait naguère « les pilotes
de l’espèce humaine ». Aujourd’hui, la
majorité des champions sont tout juste les poissons pilotes
du grand capital ! Ces choix, comme au demeurant ceux en faveur
d’une Ecole laïque de qualité et démocratique,
sont aussi des choix de société et donc des choix
politiques fondamentaux. »
Le sport de masse est un angle d’attaque de la décroissance,
que nous devons encore et toujours critiquer à travers le
Grand Prix de Formule 1 de Magny-Cours. Mais plus généralement,
sur cette question des relations entre sport et décroissance,
il nous faut aussi créer des liens avec l’embryonnaire
mouvement anti-sport de compétition spectaculaire, incarnée
en France par les revues Prétentaine et surtout Illusio.
Ce mouvement de critique du mouvement olympique, est constitué
autour du sociologue Jean-Marie-Brohm, ou encore de Patrick Vassort
(professeur Staps de Caen), Marc Perelman (professeur d’esthétique
Paris VII) et de Jacques Adoirno. Le Monde Diplomatique offre régulièrement
une tribune à ce courant de pensée (dans le numéro
de juin 2005, Brohm, Perelman et Vassort signent un article "
Non à l’imposture olympique ! "). Le dernier numéro
de la revue Illusio (printemps-été 2005), s’ouvre
également aux thématiques décroissantes, en
publiant deux articles, de S. Latouche et d’A. Jacquard. Il
y a donc bien aujourd’hui l’apparition d’une convergence
du mouvement en faveur de la décroissance équitable
et du mouvement de critique radicale du sport. Une logique critique,
d’idéal et de nécessité nous réunie.
Parce qu’aujourd’hui le sport, c’est plus généralement
une des principales manifestations du capitalisme, de la consommation
et de la publicité, donc de la croissance, il nous faut ouvrir
une franche dynamique de rupture, pratique et cognitive, avec l’horizon
indépassable du recouvrement de la Terre d’un blanc
manteau de magasins !
- Des liens et des livres sur la critique du sport de masse :
- site de la revue Illusio : http://revueillusio.free.fr/
- Un article d’Illusio, sur les effets écologiques
mortifères des Jeux Olympiques : http://revueillusio.free.fr/article.php3
?id_article=65
- la pétition de Reporters Sans Frontières contre
les Jeux Olympiques de Pékin en 2008 :
http://www.rsf.org/rubrique.php3
?id_rubrique=171
- Jean-Marie Brohm, La machinerie sportive, Essais d’analyse
institutionnelle.Anthropos, 2002. J.-M. Brohm est philosophe et
professeur de sociologue à l’université Paul-Valéry
de Montpellier.
- Anthropologie du sport, perspectives critiques. Actes du colloque
international francophone Paris Sorbonne, 19-21 avril 1991. AFIRSE
- Association Francophone internationale de recherche scientifique
en édcation. Edition ANDSHA-Matrice. Quels Corps ? Publié
sous direction J.-M. Brohm et J. Ardoino.
- Marc Perelman, Le Stade barbare. La Fureur du stade sportif,
Paris, Mille et une nuits, 1998.
- Marc Prelman et J.-M. Brohm, Le Football, une peste émotionelle.
Planètes des singes, fêtes des animaux, Paris, Les
Editions de la Passion, 1998.
- Marc Perelman, Les Intellectuels et le football. Montée
de tous les maux et recul de la pensée, Paris, Les Editions
de la Passion, 2000.
le lundi 11 juillet 2005
par Clément Homs
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
26 février 2007
C’est bien mignon tout ça. Vous avez de bien belles
idées... Totalitaires c’est bien le problème.
Mais bon passons sur le fait que vous souhaitez imposer aux autres
vos choix.
- Comment vous y prendrez-vous pour interdire la boxe (et tous
les sports de contact je suppose également) ?
- Croyez-vous que cela puisse se faire d’un commun accord
dans la joie et la bonne humeur sans faire appel aux forces de cohercision
?
- Si vos idées prennent le pouvoir, vous rendez-vous compte
de la chasse aux sorcières que votre souhait d’interdiction
des sports de combat entrainerait ?
- Savez-vous ce qui peux pousser un être humain, souvent
fragile, à pousser la porte d’une salle de boxe et
à monter sur un ring ?
Je pourrais continuer éternellement à poser ce genre
de question. Mon but est de démontrer qu’il reste préférable
malgré la crise écologique et humanitaire que nous
connaissons, que vous n’ayez pas les moyens de vos ambitions.
Je suis convaincu que si vous les aviez, vous vous montreriez à
coup sûr, en contradiction avec le libertarisme de votre discours
en ayant forcément recours à une maraichaussée,
rompue elle aux sports de combat. Autrement vous seriez contraint
à l’immobilisme.
C’est si facile de se conformer à un dogme en dehors
de toutes formes concrêtes d’application de celui-ci.
Dans ce texte vous appuyez votre volonté d’interdire
la boxe en attestant, je le cite : "De nombreuses associations
médicales et humanitaires ont demandé l’interdiction
pure et simple de cette survivance archaïque de la loi de la
jungle". Pour répondre à cela, j’atteste
que bien des médecins, sont amateurs de boxe. Pour les curieux
j’en citerais un, le docteur Marc Egoumenidès, grand
spécialiste de la traumatologie des sports de combat, médecin
officiel de la fédération de boxe française
dont le fils est un champion de boxe française et qui par
le passé a lui-même été boxeur.
Pour ce qui est des associations humanitaires, étant à
leur contact depuis plus d’une dizaine d’années,
je crois pouvoir affirmer que cette demande d’interdiction
ne peut leur être associée. Si certaines en font la
demande, cela leur est spécifique. Le petit monde de l’humanitaire
a bien d’autres causes à défendre.
Celui qui a écrit cet article a, je l’espère
involontairement, utilisé une technique de com digne de la
publicité que vous critiquez tant (avec raison). C’est
de la pure manipulation. Je regrette que les partisans de la décroissance
usent tant de cette méthode. Pour s’en convaincre il
sufit de lire le journal de la décroissance.
Répondre à ce message
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
26 février 2007, par Florian Olivier, « bug-in ».
Je partage plutôt votre avis (l’avis de Clément
homs n’est pas l’avis des décroissants, mais
celui de Clément homs), le problème pour moi n’est
pas la boxe en elle même (je pratique moi même d’ailleur
le kung fu wushu, qui n’est pas de la boxe, mais le problème
est le même) mais le combat, par exemple : la guerre. A mon
sens un sport de combat canalyse le problème et le rend saint,
alors que la guerre elle est innaceptable, évidement car
les participants ne s’engage pas de leur plein grés.
Toutefois j’emet un bémol, je suis contre l’aspect
spectaculaire et compétition pour l’argent. Le sport
s’il veut rester juster et conserver son esprit originel d’entretien
de soi, doit se défaire de ces pratiques.
Par ailleurs je précise : je suis non-violent ! et cela
n’a rien d’incompatible avec le kung fu !
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
27 février 2007, par muay mat
Salut Florian. Merci d’avoir réagit à mon
message.
Pratiquant le kung fu tu n’as sans doute pas échappé
au phénomène sanda (comprenez boxe chinoise). Pour
ceux qui ne connaissent pas, le sanda est une discipline de combat
pieds et poings avec des projections, pratiquée avec des
gants de boxe, des protections et une tenue traditionnelle. Son
ancêtre le "leitai" était déjà
pratiqué à l’époque Song (960-1279 ap.
JC). Le leitai était très prisé des soldats
et des mercenaires cherchant à faire remarquer leurs qualités
martiales dans un combat où tous les coups sont permis. Ces
affrontements se terminaient le plus souvent par des mutilations
graves et durables, voir même la mort.
Les années 80, furent une période propice au développement
des sports de combat et aux arts-martiaux tels que nous les connaissons
actuellement. Jusque là, un floue artistique des plus total
règnait en ce qui concernait l’efficacité des
méthodes employées. En effet, bien des pseudos-maîtres
se vantaient de pouvoir vaincre simplement d’un cri (le fameux
cri qui tue) n’importe quel adversaire. Le renouveau des pratiques
de combat mirent de l’ordre dans tous ça. Désormais
il devenait impossible de se targuer d’une grande efficacité
sans combattre. Tous les "anciens", habitués des
dojos en témoignent, se fut un grand bol d’air. Fini
les gourous. Place à la recherche de la vérité,
point commun et but ultime de toutes pratiques martiales. En tous
cas après plus de 19 années de pratique c’est
ce que je persiste à croire.
Afin de développer les pratiques d’affrontement et
de par là même la compétition et le sport spectacle,
furent écartées les techniques jugées dangereuses.
C’est ainsi, que l’on introduisit le port des gants
de boxe pour écarter définitivement les techniques
dites à mains ouvertes et les attaques de doigts qui, bien
que cela puisse paraître impensable, peuvent créer
d’avantage de dommage que celles portées avec des gants.
En sanda cela se traduisit par un recul en combat des techniques
de lutte au profit des percussions poings et pieds. Ces dernières
sont pourtant beaucoup plus dangereuses que les techniques de lutte.
Pourtant trois fois sur quatre, même en absence de catégorie
de poid, un combattant usant de techniques de préhension
(de lutte), vaint un boxeur du même niveau et ce, sans avoir
à frapper. Cela, c’est la pratique extrême du
combat libre qui en a fait la démonstration la plus probante.
Finalement c’est le sport de combat le plus spectaculaire
et sans limite qui nous montre la vérité : grace aux
arts-martiaux, le faible peut vaincre le fort, le petit, le grand
sans générer de traumatismes graves la plupart du
temps. Paradoxalement, le fait de ne plus utiliser des techniques
dangereuses amena le renouveau de la course aux armements : plus
de muscles, plus de souffle, plus de produits aussi... Plus vite,
plus loin, plus haut, plus fort en somme. La boucle est bouclée.
Aux Etats-Unis quelques années avant, en 1974 furent organisées
les premières compétitions de full-contact, discipline
qui est au karaté (shodokan) ce que le sanda est aux Kung
fu (wu shu). Cette recherche de "vérité"
amena les combattants à privilégier les techniques
permettant d’abréger le combat, ce qui peut ne sembler
qu’en adéquation avec la recherche du mouvement ultime
propre au karaté. Une autre raison de la réémergence
de ce genre de techniques fut sans nul doute la volonté de
créer le spectacle. Les KO plaisent au public. Actuellement,
les showmans (excusez cette anglissisme) ont la côte et peuvent
même toucher une prime lorsqu’ils mettent leur adversaire
KO rompant de fait avec une certaine tradition de respect et d’humilité
propre aux arts martiaux. Mais la compétition a ses propres
codes et nécessités. Cette recherche de vérité,
ou pour ceux que celà dérange, d’efficacité
a son revers. Trop de KO tue le KO pourrait-on résumer. Ainsi,
une technique, le "haïto uchi" ou "ridge hand"
en français "arrête de la main", portée
avec le le pouce replié, devenait une issue pratiquement
systématique au combat. C’est en voulant se défaire
sa mauvaise image acquise dès ses débuts et limiter
la casse, car pas de spectacle sans acteurs, que les instances du
full-contact préférèrent les gants de boxe
classiques aux gants Jhoon Rhee, remplaçant eux-même
les mains nues des premiers combats dans les années 60.
Les apports du développement de la compétition et
du sport spectacle sont bien complexes. Ils ne peuvent se limiter
à un passé que l’on idéalise à
la recherche d’une pureté originelle. Ces événements
sont une mise en lumière de l’évidence des liens
qui unissent sport et spectacle. La compétition a amené
pour ses adeptes, une recherche de bien-être et santé
à travers une meilleure hygiène de vie indispensable
pour un compétiteur. On peut dire qu’historiquement
la compétition et la recherche de spectacle ont permis de
faire d’un compartiment des disciplines martiales un sport
dont l’essence est la compétition et le spectacle.
Sport, spectacle, esprit de compétition sont dans ce cas
les composantes d’un même système. Après
il y a deux logiques qui s’affrontent, celle qui croit en
un sport amateur de haut niveau, à l’image de la lutte
gréco-romaine ou la boxe française. La seconde option
est d’ailleurs bien mise à mal. Ils devient bien difficile
lorsque l’on est un jeune champion smicard chez McDo de résister
aux sirènes des dollars olympiques ou des yens des organisateurs
de combat du cirque japonais. D’autant quand on sait qu’au
mieux, après l’usure d’une carrière sportive
(et je sais de quoi je parle) et l’obtention d’un BEES
(diplôme sportif) il ne pourra espérer au mieux qu’ouvrir
une salle où bien trop souvent le sport n’est plus
qu’un objet de consommation parmi tant d’autres.
Les techniques de combat se sont développées par
la nécessité de se défendre. C’est un
fait, la violence est dans la nature. L’accouplement de certaines
espèces en témoigne. Pourtant, pour les spécialistes
de l’évolution, ces scènes d’une rare
violence sont l’expression de l’instinct de survie indispensable
à l’espèce. Notre origine est là. C’est
pourquoi les arts-martiaux, indissociables des sports de combat,
à moins que l’on souhaite à tout prix en revenir
aux gourous, ont leur place dans la société. Leurs
maux sont les maux de la société. Ils peuvent apporter
épanouissment et paix. Il peuvent aussi conduire à
notre destruction. Les interdire, signifierait retourner à
l’âge des combats sans règles et sans encadrement
sportif et médicale. Est-ce ce que vous souhaitez ? De toutes
façon vous n’y parviendriez pas.
J’espère que la modération et non pas l’interdiction,
sera un jour notre moteur. En attendant, chaque jour des boxeurs
et des lutteurs apportent concrêtement l’envie de réussir
dans le respect et l’humilité à des jeunes dont
la rage chaque jour grandit l’empêchant ainsi de se
muer en haine.
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
24 mars 2006
Pas terrible ces propositions. Vive la liberté ! Vive le
sport de loisir, mais vive aussi le sport-spectacle ! Vive les boxes
pieds-poings ! Laissez les gens vivre !
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
23 juin 2006
Dommage que tu n’aies pas compris que ta liberté et
peut être celle de tes enfants sera de pouvoir respirer un
air plus sain voire de respirer tout court, de conserver le carburant
des "sports automobiles" (toujours pas compris ou était
le sport là dedans !!!) pour faire voler un hélicoptère
qui te sauveras peut être la vie, de consacrer le fric du
"soit-disant-sport" de masse (que j’apellerai plutôt
sport-business) à la recherche pour une énergie sécurisante
et néammoins suffisante pour faire fontionner, entre autre,
ton poste de télévision ... amicalement . SR
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
10 août 2006
Tu vas vite en besogne mon cher : je n’ai pas de télévision,
n’ai pas et ne compte jamais avoir de voiture, je n’utilise
même pas les transports en commun, cela ne m’est point
utile puisque j’ai un vélo. C’est d’ailleurs
avec ce moyen de transport que j’effrectue 90% de mes déplacements.
Quant aux prétendus sports automobiles je laisse ta puissante
capacité de déduction déduire ce que j’en
pense. Ne confond pas tes certitudes avec la réalité.
Tout aussi amicalement bien sûr !
> Albert Jacquard : Halte aux Jeux !
16 décembre 2005, par rhizome
A propos du livre d’Albert Jacquard :
Une réflexion courte et vivifiante sur un évènement
on ne peut plus emblèmatique de notre course à la
croissance.
Le court essai se découpe en de nombreuses parties, il
est très didactique, très facile à lire et
contient des interrogations pertinentes. Il distingue clairement
l’esprit des jeux de la Grèce Antique de l’esprit
des jeux par Pierre de Coubertin. En revisitant la théorie
de l’évolution de Darwin, il met en lumière
les ombres fallacieuses que contient l’esprit de compétition
et de dépassement de l’homme par l’homme dans
le sport.
Je conseille tout particulièrement cet essai à ceux
qui commencent à s’intéresser à la question
du sport de compétition dans notre société
marchande spectaculaire.
Rhizome
PSsst... N’hésitez pas à laisser vos commentaires
sur ce livre et à ce sujet !
> Sport et décroissance : Paris 2012 et le mouvement contre
le sport spectacle.
30 juillet 2005, par Magnan geneviève
Je m’inscris tout à fait dans cet article sur le sport
d’aujourd’hui, indiquant notamment qu’il est l’opium
du peuple et devenu contraire à l’objectif d’"education
physique" : maitriser son corps, développer ses capacités
et énergies physiques, souplesse, maintien de la santé,
au service de notre vie quotidienne présente et à
venir. Mais enfants ont tous pratiqué un sport, mais nous
avons veilleé à ce que cela soit du sport jeu, développement
physique, moyen modeste de socialisation (les moyens de socialisation
sont de meilleures qualités dans les mouvements d’Education
Populaire et malheureusement, le sport s’est démocratisé
au détriment de ceux-ci, en faisant valoir l’esprit
d’équipe, mais je pense que cela ne va pas toujours
très loin) et non esprit de compétition à outrance.
SPORT, OPIUM DU PEUPLE ?
14 juillet 2005, par damien
Le festival international de films Résistances organise
deux débats ce week-end :
Vendredi 15 juillet : "Le sport : un apprentissage de la
vie ?"
Samedi 16 juillet : "Sport et manipulations"
c’est à Foix (dans l’ariège)
Plus d’infos sur le http://www.cine-resistances.fr ou 05.61.05.13.30
Répondre à ce message
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