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Origine : http://citoyen.onf.ca/fr3/perspective/persp_cossette.html
La publicité est un outil de marketing nécessaire pour les entreprises.
Depuis la révolution industrielle au 18e siècle, la production de
biens est devenue si efficace que les pays avancés en sont venus à
produire plus de biens que les besoins n’exigent :
depuis 100 ans, en effet, l’offre est plus forte que la demande.
Comment alors écouler ces millions de téléviseurs, d’automobiles
ou de porcs superflus, alors que plusieurs foyers canadiens sont déjà
équipés de trois téléviseurs, de deux voitures et que 25 % des ados
sont déjà obèses? En exportant dans les pays qui ne produisent pas
suffisamment, oui, mais là encore, beaucoup de pays se battent pour
ces marchés extérieurs. Alors… en rendant obsolètes les produits
utilisés par le moyen de nouveaux modèles présentant des caractéristiques
nouvelles. Bien! Mais ensuite? Dans les économies libérales, la compétition
est féroce et le besoin se fait vite sentir de stimuler artificiellement
la demande; c’est ici qu’intervient la publicité.
LE RÔLE DE LA PUBLICITÉ
La publicité joue deux rôles complémentaires : elle construit des
« images » (des images de marque) et elle suscite des
besoins. En ce qui concerne l’image de marque, son rôle est
de dorer un nom d’une aura telle que l’acheteur acceptera
de payer davantage pour une valeur présumée supérieure qui n’est
en réalité que symbolique. Exemple : les jeunes consommateurs sont
prêts à payer plus cher un t-shirt Gap qu’un t-shirt anonyme.
Notons toutefois que tous n’accordent pas la même importance
aux valeurs symboliques : ainsi, il y a deux fois plus de Québécois
qui boudent les produits sans marque que la moyenne canadienne!
C’est le prix supplémentaire payé pour cette valeur symbolique
qui assure des marges bénéficiaires plus grandes aux multinationales.
La publicité suscite aussi de nouveaux besoins. À l’infini.
Une fois logé, nourri, habillé, peu de besoins matériels sont essentiels.
Les autres « besoins » matériels sont des besoins artificiellement
créés. Le jeune qui a « besoin » d’un lecteur de
MP3 comme l’intellectuel qui a « besoin » de
L’histoire de Pi… sont pour une grande part, victimes
de la « persuasion clandestine », selon le mot de Vance
Packard. La publicité des grands annonceurs produit indéniablement
des effets : ainsi, on estime que Coca-Cola réussit à faire boire
à chaque Nord-Américain environ 395 canettes de sa boisson sucrée
chaque année; et, alors que le Québec est parsemé de 50 000 lacs,
les embouteilleurs réussissent à faire payer aux Québécois et Québécoises
une eau (qu’ils ne paient pas !) au rythme actuel de 150 millions
de litres par an.
UNE PUBLICITÉ ENVAHISSANTE
La lutte des vendeurs pour s’accaparer les revenus discrétionnaires
des consommateurs est rude. C’est pourquoi les sommes investies
en publicité augmentent sans cesse : en Amérique, entre 1980 et
2000, les dépenses publicitaires ont été multipliées par quatre.
C’est ainsi qu’en faisant croire qu’ils obtiendront
le bonheur en achetant leurs produits – ce qui est le rôle
des publicitaires qui agissent pour eux comme des haut-parleurs
– les riches annonceurs s’enrichissent toujours davantage.
La quantité de publicité augmente donc continuellement. Alors qu’une
revue à grand tirage réserve de nos jours 60 % de ses pages ou davantage
à la publicité, on serait sans doute surpris d’apprendre que
beaucoup de revues vivaient naguère sans publicité : avant
1955, Reader’s Digest n’RTF en acceptait aucune. En
1942, l’ONF lui-même donne une impulsion importante à la publicité
canadienne quand il joue le rôle d’équipe conceptrice pour
la publicité de guerre du Gouvernement. En 2002, au Canada, ce sont
plus de sept milliards de dollars qui ont été dépensés en publicité
proprement dite dans les cinq grands médias (télé, radio, périodiques,
journaux, affichage), une augmentation de plus ou moins 6 % sur
l’année précédente – soit le triple du taux d’inflation.
Ce qui fait beaucoup de messages publicitaires en circulation.
Or, l’espace public étant ainsi de plus en plus occupé par
« le bruit communicationnel », la publicité tente désormais
de nous atteindre par des moyens détournés. Montréal a déjà son
stade DuMaurier, Québec, son Colisée Pepsi; verra-t-on arriver la
« Bibliothèque nationale-Bombardier »? Et un gouvernement
néo-libéral finira sûrement par concéder que l'hôpital Notre-Dame
puisse, contre une somme donnée, s’appeler « Centre hospitalier
Bayer ». Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique fustige
la publicité envahissante en ces mots : « La puissance
des investissements publicitaires est telle que des secteurs entiers
de la vie économique, sociale et culturelle en dépendent [par la
commandite et autres astuces]. C’est déjà le cas des sports
ou des médias. Mais aussi, de plus en plus, de la recherche et de
l’enseignement. »
POURQUOI « J’AI VIRÉ CAPOT »
C’est pourquoi, sous cette pression marchande, « j’ai
viré capot » : j’ai abandonné la pratique pour enseigner
et critiquer la publicité. Les médias de masse et la publicité standardisent
la société : de citoyen libre, le Nord-Américain devient de plus
en plus un béat citoyen consommateur, individu qui préfère avoir
davantage d’argent pour acheter les biens qu’il convoite
plutôt que d’avoir plus de temps pour réfléchir à construire
une société plus juste. Ce citoyen médiatisé passera ainsi le tiers
de sa vie à travailler, le tiers à dépenser, et le tiers à oublier
sa condition… C’est qu’il faut sacrifier quelque
chose pour acquérir tous ces biens (souvent à crédit) : investir
davantage dans le travail (les semaines s’allongent, le deuxième
emploi se répand), sacrifier du temps libre (on travaille aussi
sur le golf), sacrifier la vie affective (le temps pour la famille
et les amis rétrécit). Le citoyen critique devient ainsi, sans s’en
rendre compte, un pantin de la consommation dont les gens d’argent
tirent les ficelles.
Dans ce monde de Guignol, même des adultes pas si naïfs s'imaginent
que les objets peuvent remplacer l'amour : ils offrent largement
les repas au restaurant, les vêtements griffés, les gadgets électroniques,
les clubs coûteux ou les cadeaux d'anniversaire somptueux. Mais
ces adultes ne savent plus être disponibles; ils sont absents, rivés
au gagne-pain, au gagne-gadgets.
J’ai créé pour mes clients des publicités qui ont été diffusées
par dizaines de millions de dollars. Maintenant, j’enseigne
la publicité, mais surtout, je sensibilise les étudiants à la publicité
sociale, cette publicité qui vise à persuader en vue du bien commun
et non seulement dans l’intérêt de la minorité possédante.
Je critique la publicité d’aujourd’hui parce que, comme
la journaliste québécoise Judith Jasmin, je pense « qu’un
intellectuel est un homme […] qui, toute sa vie, modestement,
continue à se poser des questions. » Or, je considère
que la publicité est devenue excessive. Excessive par le contenu
des messages qu’elle diffuse : toujours plus d’images
de sexe, de violence, de moquerie, de laideur… Excessive par
la multiplicité des endroits où elle réussit à s’infiltrer
: à l’école ou à l’hôpital, dans les espaces publics
(jardins, autoroutes, trottoirs…), dans l’intimité du
foyer (télémarketing, pourriels, etc.). Excessive par le nombre
de messages qu’elle réussit à marteler dans les têtes chaque
jour : l’American Association of Advertising Agencies estime
que les consommateurs nord-américains sont soumis à 3000 messages
par jour… dont 80 touchent leur cible.
J’ai « viré capot » parce que j’ai compris
qu’il faut choisir ses « amis » : soit dans le monde
marchand, le monde de l’argent, soit dans le monde de la création,
de l’auto-réalisation. Je souscris à l’idée d’Henri
Gobard : « Il faut choisir entre ceux qui veulent compter
leur or, et ceux qui veulent conter leur rêve. »
Claude Cossette
Claude Cossette En 1964, Claude Cossette fondait l’agence
de publicité Cossette, qu’il a dirigée jusqu’à ce qu’elle
devienne la plus important au Québec. Il est aujourd’hui professeur
de publicité à l’Université Laval de Québec.
Enseignant novateur, il a mis au point le premier cours universitaire
entièrement dispensé sur le réseau Internet. Il a aussi publié de
nombreux ouvrages dont Comment faire sa publicité soi-même
et La publicité, déchet culturel.
L'industrie de la publicité canadienne lui a décerné sa plus haute
décoration, le Gold Medal Award.
Réseau
Eco-consommation
http://www.ecoconso.org/publicite/repenserpub.htm
Le Réseau Eco-consommation vise à encourager l’éco-consommation,
c’est-à-dire les comportements de consommation plus écologiques.
Créé en 1991, le Réseau Eco-consommation repose sur une collaboration
étroite entre des associations actives, les unes en environnement,
les autres en matière de protection des consommateurs. Ce site propose
quelques pistes de réflexions sur la publicité et le développement
durable.
Léger
Marketing
http://www.legermarketing.com/
Léger Marketing est la plus importante firme canadienne de recherche
indépendante. Son site affiche une section où il est possible de
consulter moult sondages afin de prendre le pouls de la population
du pays sur divers sujets dont “ Les Canadiens et la
publicité ” (3 décembre 2001), “ Les Canadiens
et les aliments biologiques ” (15 juillet 2002), “ Les
Canadiens et l'eau potable ” (27 janvier 2003), “ Les
Canadiens et le temps des Fêtes ” (1er décembre 2003).
Parti
Vert du Québec
http://www.partivertquebec.org/article.php3?id_article=155"
Depuis sa fondation en mai 2001, le Parti Vert du Québec fait la
promotion d’une façon écologique de voir la société, c'est-à-dire
basée sur la notion de respect et d'interdépendance de la vie sous
toutes ses formes. Ce site véhicule plusieurs textes qui donnent
lieu à des répliques animées sur le phénomène de la publicité et
de la consommation.
Casseurs de pub
http://www.antipub.net/"
Créée en 1999 par un ancien publicitaire, l’association Casseurs
de pub a pour objectif de promouvoir la création graphique et artistique
basée sur la critique de la société de consommation et la promotion
de solutions alternatives. L’association publie une revue
annuelle distribuée en kiosques, réalise des films d'animations,
organise des colloques, des spectacles, des expositions, etc.
Origine : http://citoyen.onf.ca/fr3/perspective/persp_cossette.html
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