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AU CASSEUR INCONNU, FILLON ET RAFFARIN RECONNAISSANTS
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MARS 2005 N° 188

AU CASSEUR INCONNU, FILLON ET RAFFARIN RECONNAISSANTS

A Paris, de violents incidents ont émaillé les manifestations lycéennes contre la réforme Fillon. Celle du 8 mars a dû être dispersée à Austerlitz, aux 2/3 de son parcours : trop d’agressions, trop de vols, trop de lynchages de manifestants. Les agresseurs n’étaient ni des CRS, ni des fascistes mais des centaines de tout jeunes garçons, souvent masqués, agissant en meutes, cognant, volant, humiliant, l’injure raciste ou sexiste à la bouche. Les témoignages de lycéens et d’adultes font peur.

C’est une affaire crasseuse et inquiétante par tous les bouts. D’abord parce qu’il est intolérable que des lycéens réclamant que l’école donne sa chance à tout le monde soient agressés à coup de poings et de pieds, mais aussi de bâtons, de bouteilles ou de lacrymos, dépouillés de leurs téléphones, de leurs MP3, de leur argent, aient leurs vêtements lacérés au cutter.

Les casseurs n’ont cassé ni voitures, ni boutiques ni même attaqué la police (qui, en retour, les a laissés paisiblement agir). Ils ont préféré casser du lycéen et réussi ce dont le gouvernement rêvait : détourner l’attention de la réforme, écourter la manifestation du 8 mars et dissuader de participer aux manifestations suivantes ceux qui n’avaient pas envie de se faire racketter et/ou lyncher. Au casseur inconnu, Fillon et Raffarin reconnaissants.

Enfin, et c’est sans doute le pire, ces casseurs que l’on dit venus en bandes de cités dures pourrissent la réputation de tous les jeunes des quartiers même de ceux (l’énorme majorité, évidemment !) qui ont manifesté normalement et ont souvent eux-mêmes été victimes d’agressions. En donnant des jeunes des cités l’image d’abrutis violents, incapables de s’en prendre aux vrais responsables de leur sort mais tout justes bons à lyncher leurs copains, ces pauvres types recrutent pour Le Pen.

Le véritable problème est d’abord de comprendre pourquoi des centaines de jeunes (majoritairement très jeunes, moins de 18 ans) se sont laissé happer dans cette spirale suicidaire, et ensuite de les empêcher de nuire.

L’argent facile, l’appât du gain ? Sans doute, en partie. Mais ce n’est pas l’essentiel. Les pillages de magasins (comme il s’en était produit lors de manifestations lycéennes de 1995 et de 1998) sont bien plus rentables !

Les quelques centaines de portables, de walkman, de blousons (tous d’occasion) et les quelques centaines d’Euros rackettés sont un butin minable pour des centaines de voleurs ! Surtout, cela n’explique pas la rage de certains des casseurs à cogner et à humilier gratuitement ceux qui leur tombaient sous les poings.

En réalité, aussi lamentable que ce soit, c’est une vengeance contre la société que venaient chercher ces jeunes paumés. En cognant avec rage sur leurs copains lycéens, ils croyaient stupidement se venger du mépris social qu’ils ressentent, du racisme aussi pour certains. Incapables de s’en prendre aux véritables responsables, ils faisaient payer leurs échecs à ceux qui réussissent ou essayent de réussir à l’école et dans leur vie. C’était le bal pathétique des laissés pour compte de la société du fric, de la frime et de la combine. La connerie tenait le haut du pavé !

C’est grave. A cause des dégâts immédiats, les blessures, les traumatismes, le handicap qu’ils constituent pour le mouvement lycéen. Mais aussi, et surtout parce que, pour la première fois à cette échelle, une fraction de la jeunesse désespérée, exclue, ayant perdu l’espoir d’une amélioration collective de sa situation, s’est retournée contre une autre fraction de la jeunesse, tout aussi populaire mais qui lutte pour améliorer les choses. Si cela se renouvelait et se développait, ce serait un danger mortel pour l’avenir : les couches dirigeantes, ceux qui profitent à plein du système, auraient trouvé des alliés chez une partie de ceux qu’ils oppriment le plus pour casser les manifestations, empêcher toute contestation de leur ordre social.

Face à ce risque majeur, les jeunes ont commencé à apprendre à se défendre et à s’organiser, avec l’aide des syndicats. Lors de la manifestation du 15 mars, les incidents ont été limités car les cortèges lycéens s’étaient structurés, des groupes de jeunes et d’adultes venus leur prêter main forte empêchaient les casseurs d’agir. Mais cela ne suffira pas. Au-delà de ces précautions élémentaires, c’est sur les raisons même qui conduisent ces jeunes à avoir ce comportement qu’il faut agir. Si la société telle qu’elle est se montre incapable de leur proposer un avenir, pas plus d’ailleurs finalement qu’à toute la jeunesse, c’est l’organisation de la société qu’il faut combattre en luttant collectivement contre les immenses privilèges qu’accumulent quelques uns en pillant le travail de l’immense majorité. Bien plus que de portables, de MP3 ou d’Euros, c’est d’idées généreuses et enthousiasmantes qu’ont besoin les jeunes. Celles de la révolution sociale en sont !

Au boulot, les jeunes !