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Origine : http://www.megapsy.com/Autres_bibli/biblio099.htm
La figure paternelle est en fait chassée, exclue du groupe
ainsi que le Surmoi. Tout se passe comme si la formation collective
en soi constituait la réalisation hallucinatoire d’une
prise de possession de la mère par la fratrie, sur un mode
très régressif, celui de la fusion primaire. Le chef
peut exister cependant (il n’est que de penser aux foules
nazies). Il ne saurait, à mon avis, se confondre avec le
père: le chef est alors celui qui active l’ancien désir
d’union du Moi et de l’Idéal. Il est le promoteur
de l’Illusion, celui qui la fait miroiter devant les yeux
éblouis des hommes, celui par qui elle s’accomplira.
Les temps seront révolus, le Grand Jour (ou le Grand Soir)
adviendra, la Jérusalem céleste s’offrira à
nos regards émerveillés, nos besoins seront satisfaits,
les Aryens conquerront le monde, le jour se lèvera, les lendemains
chanteront, etc. La foule a moins soif d’un maître que
soif d’illusions. Et elle choisit pour maître celui
qui lui promet l’union du Moi et de l’Idéal.
Le meneur, c’est Cagliostro. Il n’y a pas de chef absolu
qui ne soit porteur d’une idéologie. Il est en fait
intermédiaire entre la masse et l’illusion idéologique,
et derrière l’idéologie il y a toujours un fantasme
d’assomption narcissique.
Aussi bien le chef participe-t-il davantage de la mère toute-puissante
que du père. On a souvent comparé le nazisme à
une religion, les assemblées de Nuremberg à des messes
et Hitler à un grand prêtre. En fait le culte ainsi
rendu a plus la déesse-mère (Blut und Boden) que le
père comme objet. On assiste dans les masses constituées
de la sorte à une véritable éradication du
père et de l’univers paternel en même temps que
de tous les dérivés de l’Œdipe, et, en
ce qui concerne le nazisme, le retour à la nature, à
l’ancienne mythologie germanique manifeste l’aspiration
à la fusion avec la mère toute-puissante.
On comprend mieux, me semble-t-il, dans cette perspective, que
le Surmoi puisse être aussi violemment et absolument écarté,
ainsi du reste que l’idéal du Moi évolué,
toutes les fois où l’Illusion a été activée
dans un groupement humain. Si les retrouvailles du Moi et de l’Idéal
sont possibles, toutes les acquisitions de l’évolution
sont inutiles, voire gênantes (puisqu’elles ont été
acquises progressivement en raison, précisément, de
l’écart entre le Moi et l’Idéal).
Joseph Sandler dans son article sur le Surmoi (1959) remarque qu’«il
existe, en vérité, des situations dans lesquelles
le Moi peut et veut totalement dédaigner les critères
et les préceptes du Surmoi, s’il peut gagner un suffisant
apport narcissique ailleurs. Nous observons cet impressionnant phénomène
dans les frappants changements survenant dans les idéaux,
le caractère et la moralité qui peuvent résulter
du port d’un uniforme et du sentiment d’identité
avec un groupe.
Si l’apport narcissique fourni par une identification avec
les idéaux d’un groupe ou avec ceux d’un leader
est suffisant, alors le Surmoi peut être complètement
dédaigné et ses fonctions assumées par les
idéaux, les préceptes et le comportement du groupe.
Si ces idéaux du groupe permettent une gratification directe
des désirs instinctuels, alors une complète transformation
du caractère peut survenir; et l’étendue de
l’abandon du Surmoi en ce cas est évident dans les
épouvantables atrocités commises par les nazis avant
et pendant la dernière guerre ». Je ne puis que me
trouver en accord avec J. Sandler puisque je mets l’accent
sur la reconquête narcissique qui sert de projet aux groupes
fondés sur une idéologie.
Par contre, il me semble que la capacité d’accomplir
des atrocités (en tant que satisfaction pulsionnelle) n’est
pas seulement le résultat d’une adoption des critères
moraux du groupe (venant se substituer au Surmoi personnel), mais
la nécessaire conséquence de l’idéologie
du groupe. Tout ce qui vient entraver l’accomplissement de
l’Illusion doit disparaître.
Or, comme le but de l’Illusion est l’idéalisation
du Moi et qu’il n’existe pas d’idéalisation
du Moi sans projection, les supports de projection doivent être
pourchassés et impitoyablement annihilés. Je pense
qu’il n’est pas suffisant de dire que le meurtre est
alors commis au nom du Surmoi et qu’ainsi il devient licite;
je crois qu’il s’accomplit avant tout au nom de l’Idéal,
comme celui des Infidèles par les Croisés sur le chemin
de Jérusalem. Toute réactivation de l’Illusion
est ainsi inéluctablement suivie d’un bain de sang
pour peu que le groupe ait des moyens à la mesure de sa violence.
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