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La première déclaration des droits humains est africaine
Charte du Manden ou Manden kalikan
1222 Pays Mandingue

Le texte en format brochure est disponible ici http://www.kiosqueb17.lautre.net/spip.php?article31

La brochure est téléchargeable également ici en accès direct : Charte du Manden ou Manden kalikan



"La tradition orale est au coeur de l'histoire de l'Afrique, de l'héritage de connaissance de tous ordres patiemment transmis de bouche à oreille et de maître à disciple à travers les âges"
A. Hampâté Bâ

Elle nous arrive tout droit d'Afrique, contée, chantée et transmise par la voix des griots, jusqu'à nos jours - et ce, depuis le 13ème siècle : on le sait, avec certitude, car elle fut proclamée solennellement lors du passage de la comète de Halley, au jour choisi pour l'intronisation de Soundjata Keïta, le fondateur de l'empire du Mali - c'était à la fin de l'année 1222... longtemps avant les Lumières des blancs.

Il s’agit de la toute première déclaration des droits humains, exprimée au 13ème siècle en pays mandingue en Afrique. Elle est ouvertement anti-esclavagiste. Une autre version a été retrouvée en 1998 lors du recueil et la transcription de la tradition orale pour la sauvegarde du patrimoine africain, elle se nomme « La charte de Kurugan Fuga ». Cette version là reste esclavagiste, esclavagisme qui sera utilisé ultérieurement dans le commerce triangulaire. Cette variante est disponible avec des explications à cette adresse : http://www.oecd.org/dataoecd/56/60/38874898.pdf

La Charte du Manden ou Manden kalikan, aurait donc été proclamée en 1222 par Soundjata, fondateur de l'Empire du Mali, et ses pairs. Elle reste la référence majeure des sinbo, grands maîtres chasseurs du Manden. Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=1621

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1. Les chasseurs déclarent :

Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,
Mais une vie n'est pas plus "ancienne", plus respectable qu'une autre vie,
De même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie.

2. Les chasseurs déclarent :

Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation.
Par conséquent,
Que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.

3. Les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun vénère ses géniteurs,
Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que chacun "entretienne", pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

4. Les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur le pays de ses pères.
Par pays ou patrie, faso,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car "tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface deviendrait aussitôt nostalgique."

5. Les chasseurs déclarent :

La faim n'est pas une bonne chose,
L'esclavage n'est pas non plus une bonne chose ;
Il n'y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans ce bas monde.
Tant que nous détiendrons le carquois et l'arc,
La faim ne tuera plus personne au Manden,
Si d'aventure la famine venait à sévir ;
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves ;
C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour allez le vendre ;
Personne ne sera non plus battu,
A fortiori mis à mort,
Parce qu'il est fils d'esclave.

6. Les chasseurs déclarent :

L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour,
"D'un mur à l'autre", d'une frontière à l'autre du Manden ;
La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle épreuve que le tourment !
Surtout lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours.
L'esclave ne jouit d'aucune considération,
Nulle part dans le monde.

7. Les gens d'autrefois nous disent :

"L'homme en tant qu'individu
Fait d'os et de chair,
De moelle et de nerfs,
De peau recouverte de poils et de cheveux,
Se nourrit d'aliments et de boissons ;
Mais son "âme", son esprit vit de trois choses :
Voir qui il a envie de voir,
Dire ce qu'il a envie de dire
Et faire ce qu'il a envie de faire ;
Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine,
Elle en souffrirait
Et s'étiolerait sûrement."
En conséquence, les chasseurs déclarent :
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
Tel est le serment du Manden
A l'adresse des oreilles du monde tout entier.

Texte repris par Youssouf Tata Cissé dans « Soundjata, la Gloire du Mali », éd. Karthala, ARSAN, 1991