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Origine : http://www.dossiersdunet.com/article309.html
C’est l’histoire d’une petite phrase qui en dit
long sur l’état du PAF et sur la logique de puissance
de " la première chaîne française ",
privatisée en 1986. Au début juillet, Patrick Le Lay,
PDG de TF1, s’apprêtait à faire entrer TF1 dans
le capital de la Socpresse, éditeur entre autres du Figaro
et de l’Express. À la même période paraissait
un petit ouvrage les Dirigeants face au changement dans lequel il
définissait son credo : " Le métier de TF1, c’est
d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit...
Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il
faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible.
Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible :
c’est-à-dire de le divertir, de le détendre
pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons
à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible...
" La formule cynique et aussi méprisante pour le téléspectateur
de TF1 qu’à l’égard de la création,
a fait le tour des milieux culturels indignés. La SCAM a
édité une affiche reproduisant le propos, suivie d’un
NON au mépris et à l’arrogance et d’un
cri d’alerte à l’égard de la dégradation.
Un producteur Jacques Kirsner a fait une violente et juste analyse
dans Libération. Lors du Festival d’Avignon et encore
lundi dans l’Humanité, Jack Ralite dénonçait
ces formules qui de Seillière à Le Lay " atteignent
la dignité humaine, agressent l’irréductible
humain consacrent l’hégémonie du moins disant
culturel. Lors de la conférence de rentrée, Marc Tessier,
le PDG de France Télévisions avait pris le contre-pied
en la plaçant sous le signe de " l’appel à
l’intelligence ".
" Je reconnais que cette formule était un peu caricaturale
", confie en forme d’excuse, Patrick Le Lay, le patron
de TF1 dans le numéro de Télérama paru hier.
Mais M. Le Lay, s’il change les mots ne change pas le fond.
" Ce n’était pas une interview officielle ",
affirme le patron de la chaîne vouée au culte du dieu
Audimat. " Le Medef m’avait appelé en me disant
: on interroge des dirigeants d’entreprise sur + le changement
et le mouvement +. Je ne me souviens plus précisément
de cet entretien, mais, comme souvent, j’ai dû parler
deux heures à bâtons rompus et tenir ces propos pendant
la conversation ". On n’ose penser que le patron d’un
grand groupe industriel puisse parler à la légère.
Mais c’est sans doute notre cerveau qui défaille. En
tout cas, M. Le Lay enfonce le clou. Alors qu’on lui demande
s’il avait bien tenu ces propos, il répond : "
Oui, sûrement. Je reconnais que cette formule était
un peu caricaturale et étroite. Mais, encore une fois, c’était
une conversation et j’ai l’habitude de forcer le trait
pour faire comprendre les concepts ". " Le métier
de TF1, c’est l’information et le programme (fiction
divertissement, sport, magazines de découverte). Nous sommes
une grande chaîne populaire et familiale dont l’objectif
est de plaire à un maximum d’audience ", précise-t-il.
" Nous vivons de la publicité, mais ce sont
nos clients qui mettent au point les spots que nous diffusons. En
réalité, que vendons-nous réellement à
nos clients ? Du temps d’antenne ", précise-t-il.
" La logique de TF1 est une logique de puissance. Nous vendons
à nos clients une audience de masse, un nombre d’individus
susceptibles de regarder un spot de publicité ", dit-il
encore. " Pour les annonceurs, le temps d’antenne ne
représente rien d’autre que des "contacts clients".
De l’attention humaine. En particulier celle de la fameuse
ménagère de moins de cinquante ans, largement décisionnaire
dans les achats de produits alimentaires, entretien ménager
et de beauté. "
Il fut un temps où TF1 arguait d’une " quête
de sens ", décriait la téléréalité
importée par M6 avant de s’y rallier massivement. Ce
temps, qui n’a pas duré, est révolu.
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