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Origine : Echanges mail en Janvier 2007
Avec une suite en Mai 2009 à la fin du texte : Les
Cahiers Castoriadis et la censure (Lettre ouverte)
Ce qui suit est un essai à la recherche de sa forme. Le thème sera l’expérience d’un traducteur,
en l’occurrence de Castoriadis, dans l’effectivité de son travail,
dans la réflexion et la délibération (le juger et le choisir)
qui font partie intégrante de ce travail et dans la part de vérité
qu’il pourrait - à travers ses efforts, accomplis ou ratés - en
dégager.
*****
Je
commence avec une maxime de Pierre Vidal-Naquet, tirée de ma traduction
de sa “Présentation d’un document: Le Journal de Me Lucien Vidal-Naquet”:
“Tout témoin doit être présenté”.
D’ailleurs, son père, résistant mort à Auschwitz, note-t-il,
“ne manque pas de se présenter lui-même” dans son journal, tenu
pendant la guerre.
[1]
Je tiens à cette nécessité d’une présentation
d’un témoin et m’offre l’occasion de la faire moi-même en auto-présentation.
Comme dans les Mémoires de Vidal-Naquet,
mon témoignage s’efforce d’être véridique ainsi qu’une réflexion
sur ma propre expérience et sous ma propre responsabilité.
Traducteur américain des écrits de
Castoriadis depuis 1984, j’en ai fait la traduction de plus d’un
million de mots. Cela peut
être déjà un choix: traduire
un auteur veut dire introduire son œuvre à un public étranger et
lui transmettre ses idées, son style, son imaginaire. Personne n’est pourtant obligé, au moins dans
nos sociétés, de traduire un auteur.
Tout le monde n’en est pas forcément capable non plus - non
seulement par un éventuel manque d’expertise ou de connaissances,
mais à cause de tout ce qui entoure, et fait partie, de la profession
de traducteur: le concours de l’auteur, l’intérêt du public, l’accord
des maisons d’édition dans notre monde capitaliste actuel, etc.
Dans mon cas, j’ai eu le luxe relatif de réaliser ce choix,
ce qui introduit encore un élément d’effectivité et de contingence
à la démarche. Il y a vingt ans, en grève à Yale avec les secrétaires
de l’Université, j’ai contacté Castoriadis directement, en proposant de venir en France après la grève
afin de traduire ses écrits politiques, sociaux et philosophiques. Mon passé de militant et ma formation en tant
qu’étudiant de philosophie à l’Université de Harvard ont certainement
joué un rôle dans son approbation de ma proposition, mais il s’agissait
surtout de la générosité de celui qui est devenu mon très cher ami
pendant les treize dernières années de sa vie.
[2]
J’ai fait également des traductions
de toutes les “périodes” de son œuvre.
C’est encore un choix effectif, d’en présenter toutes les
“parties”, et non pas de l’amputer ou de les diviser en traduisant
uniquement les premiers écrits, soi-disant “politiques”, ainsi excluant
les derniers écrits, soi-disant “philosophiques”, ou vice versa.
D’ailleurs, dans mes propres écrits et conférences sur Castoriadis,
je tiens toujours à contester, en particulier, le bien-fondé d’une
telle division, et j’ai co-fondé une association, Agora International,
qui, à travers des bibliographies et des “webographies” préparées
dans déjà une quinzaine de langues et dorénavant disponibles sur
internet <http://www.agorainternational.org> (une extension de mon travail
en tant que traducteur/editor), s’efforce d’encourager
des gens qui s’intéressent à telle ou telle “période” de sa vie
à communiquer entre eux et à continuer de dialoguer avec d’autres
personnes qui s’intéressent à d’autres “parties” de son œuvre.
[3]
Ici,
nous nous efforçons, si j’ai bien compris le propos du colloque,
de nous rendre compte des liens éventuels, et éventuellement effectifs,
entre la philosophie, l’art et la littérature sous
les signes de la créativité et de l’imaginaire. C’est à dire, l’apport de notre propre participation
active en tant que philosophes, qu’artistes et qu’écrivains devrait
être constamment en jeu d’une façon exemplaire afin de poser de
nouvelles normes et formes - qui ne sont pas à copier par d’autres
personnes mais à leur inspirer d’aller plus loin en créant eux-mêmes
encore d’autres contributions sous leur propre responsabilité.
Au sujet de tels liens, j’ai pu déjà
en apprendre beaucoup en traduisant un livre d’un autre auteur:
Écrire: à l’épreuve du politique de Claude
Lefort, où il est question d’étudier l’expression littéraire effective
dans des textes politico-philosophiques ainsi que d’éventuelles
implications politiques des textes littéraires, tout en évitant
une “pensée de survol”, déjà critiquée par son maître Maurice Merleau-Ponty,
qui tirerait une “doctrine” toute faite de textes politiques, indifférente
par conséquent à son expression littéraire, ou qui réduirait l’auteur
à ses effets écrits, sans chair et donc sans liens politiques et
sociaux effectifs ou potentiels avec son lecteur éventuel. D’ailleurs - encore un choix - je ne traduis
pas des tas d’auteurs différents mais m’efforce, plutôt, de créer
un œuvre de traducteur en me limitant
à un choix d’auteurs - expression de l’auto-limitation effective,
et donc, d’une autonomie éventuelle du traducteur.
Il est tout à fait possible pour un traducteur de ne pas
se soucier à de tels choix et donc de traduire tout ce qui lui vient
(en l’occurrence, de son employeur).
Mais, je suis convaincu, à partir de ma propre expérience
en tant que traducteur (et tout d’abord à cause de mes hésitations
constantes autant que de l’embarras que j’éprouve parfois devant
mes choix soi-disant définitifs), qu’une vraie œuvre de traduction
est un art à part entière (qui ne se réduirait jamais à un algorithme
d’ordinateur) et qu’en tant qu’artiste, le traducteur - soit dans
ses choix effectifs et réfléchis, soit par défaut - construit, tant
bien que mal et advienne que pourra, son propre œuvre.
Au lieu de traduire tout et n’importe quoi, dans le désert
surpeuplé du monde littéraire contemporain, j’ai construit plutôt
un œuvre de traducteur autour de la traduction, en profondeur, de
quelques auteurs préférés, et choisis par moi-même.
[4]
“Un œuvre de traducteur”: l’expression
même pourrait poser question ou problème. En tant que traducteur, l’on est censé offrir
une traduction “fidèle”, et, alors même que l’on se trouve parfois
obligé, envers ce lecteur potentiel parlant une langue étrangère
à celle du texte originel, de faire des ajouts explicatifs, d’écrire
des notes de clarification, etc., et que la traduction est toujours
dans un certain sens une “trahison”, c’est toujours l’auteur, et
non pas le traducteur, qui devrait primer. Néanmoins, le traducteur et ses choix sont là,
dès sa décision de traduire tel ou tel auteur, dans ses choix effectifs
de traduction, et ainsi de suite.
C’est cet embarras du choix
[5]
- dans une
nouvelle acception de l’expression, et non pas dans le sens très
connu dans notre société de consommation - qui exprime le dilemme
du traducteur, qui ne doit pas être supprimé ou rayé simplement
parce qu’il lui semble embarrassant.
Je ne parle pas tout d’abord de moi-même - qui figurais récemment,
dans l’hebdomadaire universitaire américain du plus grand tirage,
[6]
comme le
“traducteur controversé” de Castoriadis - mais de mon prédécesseur,
connu sous le pseudonyme de “Maurice Brinton”, qui le traduisait
très habilement pour London Solidarity, l’organisation-sœur de Socialisme
ou Barbarie (S. ou B.) en Angleterre.
L’Internationale Situationniste ne cessait
pas de critiquer le choix de Brinton de traduire en anglais les
écrits de Castoriadis pendant les années soixante/soixante-dix,
et L’IS a même commis
le délit grave, pour des révolutionnaires, de révéler, dans ses
pages, le vrai nom de Brinton afin de poursuivre ses critiques aussi
acharnées qu’injustes. Le traducteur n’est donc pas là pour rien: toute
sa vie et tous ses choix pourraient être remis en cause à n’importe
quel moment et quoi qu’il fasse; cette vie et ces choix pourraient
avoir des retombées, catastrophiques ou bénéfiques, sur la réception
d’un auteur à l’étranger. Le
traducteur prétendant être “invisible” sous les mots de l’auteur
traduits en langue étrangère, c’est non seulement une fiction trompeuse
ou mensongère mais aussi une démission de sa propre responsabilité
inéluctable, peu importe cet embarras que certains essayeraient
d’éviter, en vain. Il ne
faut pas chercher plus loin que Les Protocoles des Sages de Sion - canular
en russe fait à l’attention du Tsar, le traducteur s’effacant complètement,
à partir d’un roman allemand d’Hermann Goedsche (1868) tiré d’un
pamphlet français rédigé en 1864 contre l’Empereur, où Goedsche,
en ne s’avouant pas être traducteur-plagiaire, a méchamment remplacé
“la France” par “le monde” et
“Napoléon III” par “les juifs” - pour comprendre que la présentation
du traducteur (même si, par nécessité, anonyme ou sous un pseudonyme)
ainsi que de son travail est non pas un luxe mais une nécessité
indispensable et primordiale au sein de la
République Transnationale des Lettres.
Qui plus est, en traduisant
un auteur, le traducteur doit prendre position par rapport à sa
propre tradition littéraire. Ici
encore, il est tiraillé entre une fidélité au texte originel, tout
à fait nécessaire, et l’occasion, aussi inévitable que voulue, de
faire entendre et de faire comprendre ces mots transformés dans
une autre langue. Une traduction de texte si fidèle qu’elle est
trop étrangère aux oreilles et aux yeux de ces nouveaux lecteurs
ne serait jamais accueillie d’une façon efficace; en revanche, une
traduction qui ne fait pas part, aux lecteurs, de l’étrangeté inquiétante
d’un texte venu d’un autre monde imaginaire ne ferait pas - de par
cette communication étrange, frôlant presque toujours la contradiction
ou l’absurde, qui est la traduction - son devoir d’élargir la compréhension
mutuelle au sein de cette République Transnationale des Lettres
dont je viens de faire mention.
Le choix de Brinton par rapport à sa
tradition littéraire, c’était de traduire Castoriadis pour un public
essentiellement ouvrier et militant anglais, dans son langage supposé,
et ceci d’une façon très efficace d’ailleurs, alors même que le
côté traduction, proprement
parler, restait essentiellement à l’ombre.
[7]
Travaillant dans une autre époque, venant aussi
d’un autre pays et en voulant traduire des textes de toutes les
“périodes” ou “parties” de sa vie, j’ai fait le choix de rester
plus près de l’original
- dont l’effet, tout à fait voulu, était de créer une certaine distance pour le lecteur
critique d’aujourd’hui - mais aussi de me référer à d’autres traditions
littéraires.
En tant qu’américain, il y en a encore
un embarras du choix. J’ai
rejeté d’emblée, pour des raisons évidentes, notre tradition littéraire
d’origine, c’est à dire le Puritanism.
[8]
Les traditions philosophiques pragmatiste américain
et analytique anglo-saxon ne me semblaient guère plus convenables,
vu les vues là-dessus de Castoriadis lui-même. De même pour toutes
autres traditions d’expression anglaise simplificatrices qui trahiraient
une certaine complexité ainsi que l’unité et la spécificité de sa
pensée, alors même que j’ai toujours voulu - et pu, dans l’effectivité
de mes traductions - communiquer la part de plain-spokenness (“franc-parler”
ou parr‘sia) que comporte
indubitablement son style - par fort contraste avec le style alambiqué
d’un grand nombre d’écrivains philosophiques francophones de ces
dernières décennies.
Et c’était surtout au contact avec
la matière elle-même, qu’il me semblait, que je devais me situer
en tant que traducteur de Castoriadis.
Il se trouvait, pourtant, qu’une tradition américaine, bien
significative quoique obscure, existe déjà, reliée directement à
son groupe révolutionnaire. Dans les huit premiers numéros de sa
revue, S. ou B. a publié une traduction, justement, de The American Worker, un texte
à deux voix, d’un ouvrier accompagné d’un intellectuel - membres
de la Johnson-Forest Tendency
[9]
- qui parlait
à la première personne au singulier de l’expérience d’un prolétaire
américain (Paul Romano, encore un pseudonyme), selon le principe
que celui qui exécute le travail effectif devrait avoir une voix
au chapitre ainsi que son mot à dire sur son boulot (to
have a voice and to have a say), et qui n’en fournissait une analyse postérieure (en l’occurrence,
celle de “Ria Stone”: la philosophe sino-américaine Grace Lee Boggs)
qu’à partir de ce discours effectif et expérimenté.
[10]
Tout le monde y reconnaîtra facilement
les principales préoccupations ultérieures du groupe et de la revue
S. ou B.: la distinction fondamentale, et la lutte acharnée, entre
dirigeants et exécutants; la primauté de l’expérience prolétarienne;
l’idée que “ce qui est important” (traduction française d’ailleurs,
faite par Castoriadis lui-même, de l’expression américaine “what really matters”), c’est la voix ainsi que les soucis de celui qui exécute
le travail; les narrations de la vie en usine rédigées par l’OS
“Daniel Mothé” (Jacques Gautrat) et publiées dans la revue S. ou
B.; la tentative de créer un journal ouvrier où figurait l’expression
ouvrière; la subordination de la théorie à l’expérience pratique
vécue; la poursuite du projet d’autonomie dans toutes ses formes
potentielles.
En
signant mon premier contrat de traducteur, je me suis rendu compte,
en plus, qu’aux États-Unis le traducteur n’est que “work made for hire (du travail à louer)”, selon une formule empruntée à l’Internal Revenue Service. Du point de vue donc du travailleur lui-même,
la question du statut du traducteur s’est posé d’emblée - un statut,
certes, du plus modeste, de celui qui exécute un travail à partir
d’un texte fait par un autre, qui n’est d’habitude pas autorisé
de dire grand-chose sur ses conditions de travail et qui n’a même
pas, le plus souvent, le droit de communiquer le propre de son expérience,
que l’on présentera la plupart du temps comme dérivée ou sans importance.
Par ailleurs, au moment où
j’entamais mon travail de traduction de Castoriadis au milieu des
années quatre-vingts, l’auteur lui-même commençait déjà à constater
que, dans nos sociétés capitalistes contemporaines, le project séculaire
de l’autonomie semblait être sur le déclin, voire s’effriter - sans,
pourtant, de sa part, y renoncer le moins du monde.
Et, dans le deuxième texte de Castoriadis que j’ai traduit,
j’ai lu ces lignes:
Une transformation radicale de la société . . . ne pourra
être que l'œuvre d'individus qui veulent leur autonomie, à l'échelle
sociale comme au niveau individuel.
Par conséquent, travailler à préserver et à élargir les possibilités d'autonomie et d'action autonome et en
accroître le nombre,
c'est déjà faire une œuvre politique, et une œuvre aux effets plus
importants et plus durables que certaines sortes d'agitation superficielle
et stérile.
[11]
L’importance de la réflexion et de la délibération, souligné par Castoriadis
dès le début de son œuvre, ne cessait de s’accroître, surtout lorsqu’il
entama sa propre réflexion sur l’héritage grec.
N’y avait-il pas un moyen d’agir d’une façon exemplaire,
réfléchie et délibérée, d’une façon autonome donc et sous ma propre
responsabilité, à partir de ma propre condition, de mon expérience
à moi en tant que traducteur, celles de quelqu’un non loin du plus
bas de l’échelle des exécutants littéraires? Effectivement, peu après, Castoriadis lui-même
faisait valoir que, alors même qu’“un grand mouvement politique
collectif ne peut pas naître par l'acte de volonté de quelques-uns”,
il faut reconnaître également, étant donné le décours du projet
de l’autonomie, qu’:
aussi longtemps que cette hypnose collective dure,
il y a, pour ceux parmi nous qui ont le lourd privilège de pouvoir
parler, une éthique et une politique provisoires: dévoiler, critiquer,
dénoncer l'état de chose existant.
Et pour nous: tenter de se comporter et d'agir exemplairement
là où ils se trouvent. Nous sommes responsables de ce qui dépend de
nous.
[12]
Non
pas précisément “Look
to your own oppression (regarder sa propre oppression)”, une formule des années
soixante, mais plus amplement “Regarder, réfléchir, et communiquer
sa propre expérience” est donc devenue la devise et le mot d’ordre
d’une volonté d’autonomie venue d’en bas.
Ici, le philosophique (connaissance de soi par expérience
et par expérimentation pratiques communiquées à tous) commence à
se mêler à l’artistique et au littéraire, pour ne pas mentionner
les enjeux politiques en arrière-plan. Et ici aussi, l’on peut se référer encore une
fois à une tradition littéraire et philosophique américaine, le
Transcendentalism, une tradition
à laquelle, par prédilection et pour la chose même, j’ai immédiatement
fait appel, du moins d’une façon implicite.
Le Transcendentalism est une tradition
où prime l’expérience vécue, voire une vie d’expérimentations, qui
comporte, d’ailleurs, une universalité potentielle non pas théorique
mais pratique dans chaque, et n’importe quelle, action entreprise. Comme a écrit Thoreau dans Walden:
None can be an impartial or wise
observer of human life but from the vantage ground of what we
should call voluntary poverty. Of a life of luxury the fruit is
luxury, whether in agriculture, or commerce, or literature, or
art. There are nowadays
professors of philosophy, but not philosophers. Yet it is admirable
to profess because it was once admirable to live. To be a philosopher
is not merely to have subtle thoughts, nor even to found a school,
but so to love wisdom as to live according to its dictates, a
life of simplicity, independence, magnanimity, and trust. It is
to solve some of the problems of life, not only theoretically,
but practically.
[13]
.
~
Il
n’est pas de “bon ton”, diraient certains avec volubilité, de parler
de soi-même. C’est le cas,
au moins, si sa conception de l’individu se trouve séparée de sa conception du social - ce qui n’est pourtant pas
le cas de Castoriadis, pour qui l’individu est, pour le pire (dans
une société hétéronome traditionnelle ou conformiste) et peut-être
parfois aussi pour le mieux, précisément le fragment parlant et
ambulant (et, en l’occurrence, écrivant) du social, non pas séparé
du dernier mais son incarnation et institution concrètes, où se
joue la plupart de la créativité d’une société, du moins dans une
société capable de faire naître des individus individualisés. Et ce n’était pas le cas, non plus, dans la
mouvance Transcendentalist, qui célébrait
non pas le “rugged
individualist” mythique et idéologique du capitalisme américain mais
le non-conformisme individuel. Il
ne faut pas chercher plus loin que Song of Myself, qui commence: “Je me célèbre moi-même/Et ce que j’assume
vous assumerez/Car chaque atome m’appartenant vous appartient aussi”
et qui nous rassure que ce moi-même qui est “Walt Whitman, un américain,
une des brutes, un kosmos, Désordonné, charnu, sensuel, mangeant,
buvant, reproducteur, pas de sentimentalisme - ne se plaçant pas
au-dessus des hommes et des femmes, ni à l’écart d’eux”, n’est pas
non plus “plus modeste qu’immodeste”.
Cette démarche est certes
individuelle, personnalisée. Thoreau
est allé en forêt en quête d’une connaissance de soi:
I went to the woods because I wished to live deliberately,
to front only the essential facts of life, and see if I could not
learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover
that I had not lived. I did not wish to live what was not life,
living is so dear; nor did I wish to practise resignation, unless
it was quite necessary. I wanted to live deep and suck out all the
marrow of life, to live so sturdily and Spartan-like as to put to
rout all that was not life, to cut a broad swath and shave close,
to drive life into a corner, and reduce it to its lowest terms,
and, if it proved to be mean, why then to get the whole and genuine
meanness of it, and publish its meanness to the world; or
if it were sublime, to know it by experience.
[14]
Ne
serait-il pas possible d’aller également dans la jungle qu’est le
monde capitaliste de l’édition contemporaine, de vivre d’en bas
en tant que traducteur, de découvrir ce monde par l’expérience et
le sonder par une expérimentation constante non-conformiste communiquée
au monde entier, tout en restant toujours en contact délibéré et
réfléchi avec les propos ainsi que les formes et styles littéraires
créés par des auteurs que l’on a choisis de traduire? Cette démarche vit donc dans la contingence
des rencontres, dans la création des réponses inédites, au sein
du travail de traduction aussi bien qu’au sein de sa réflexion sur
cette expérience du traducteur, en ne négligeant rien de tout ce
qui entoure cette expérience ni de tout ce qu’elle entraîne. (Il
ne s’agit pas, donc, d’une description phénoménologique.)
Cette démarche individuelle, ouverte au monde et critique
envers lui, n’est pas égoïste non plus, dans la mesure où toute
expérience auto-individualisée n’est pas la contradiction ou l’opposé
du social mais plutôt son expression possible dans une universalité
potentielle toujours
à renouveler et toujours à approfondir. - De par d’autres contributions. C’est Ralph
Waldo Emerson, dans son essai-phare qui s’intitule justement “Self-Reliance”,
qui exprime peut-être le mieux cette conviction de vivre une autonomie
où se mêlent le social et l’individu sous le signe de la création
non-conformiste et universalisante:
I read the other day some verses
written by an eminent painter which were original and not conventional.
The soul always hears an admonition in such lines, let the subject
be what it may. The sentiment they instil is of more value than
any thought they may contain. To believe your own thought, to believe
that what is true for you in your private heart is true for all
men, — that is genius. Speak your latent conviction, and it shall
be the universal sense; for the inmost in due time becomes the outmost,
. . . . A man should learn to detect and watch that gleam of light
which flashes across his mind from within, more than the lustre
of the firmament of bards and sages. Yet he dismisses without notice
his thought, because it is his. In every work of genius we recognize
our own rejected thoughts: they come back to us with a certain alienated
majesty. Great works of art have no more affecting lesson for us
than this. They teach us to abide by our spontaneous impression
with good-humored inflexibility then most when the whole cry of
voices is on the other side. Else, to-morrow a stranger will say
with masterly good sense precisely what we have thought and felt
all the time, and we shall be forced to take with shame our own
opinion from another.
[15]
L’exposition
de son expérience individuelle sous le signe de l’expérimentation
vécue devient une obligation personnelle dans la quête d’une connaissance
de soi, faute de voir revenir aliénées ses propres pensées, aussi
bien que le devoir civique d’en livrer au monde les résultats.
[16]
Ou comme disait, plus simplement,
Thoreau - Transcendentalist kantien qui, à la différence de Kant, ne “reculait” point
devant la redécouverte de l’imagination:
“When one man has reduced a fact of the imagination to be
a fact to his understanding, I foresee that all men will at length
establish their lives on that basis”.
[17]
~
Et
c’est justement dans l’imaginaire que se noue ce lien-clé entre
le travail de traduction et la réflexion du traducteur sur sa propre
expérience. En traduisant un texte, comme je l’ai expliqué
dans mon Translator’s
Foreword (avant-propos)
au livre de Lefort:
Tous les mots choisis dans cette traduction ont
été choisis par moi-même - une constatation d’une banalité écrasante,
sauf si nous réfléchissons à la situation étrange du traducteur,
qui, en accomplissant son travail difficile et presque absurde,
s’imagine, pour une durée prolongée et épuisante, être quelqu’un
qui, non seulement n’est pas lui-même, mais qui n’existe point -
en l’occurrence un “Claude Lefort” de langue maternelle anglaise
- tout en faisant tout son possible pour garder, d’une certaine
manière à la fois créative et indéfinissable, une présence suffisamment
étrangère de sorte que la traduction puisse honnêtement réaliser
sa visée civique, éminente quoique implicite - c’est à dire, l’introduction
des idées étrangères dans ce dont nous pensons est comme une communauté
littéraire, ou un “corps politique”, déterminé et pourtant évoluant,
afin d’ouvrir ce “corps” à la possibilité d’une assimilation réfléchie
de quelque chose qui n’est pas (n’est pas encore) lui-même.
C’est en émergeant de cette expérience de parler (écrire
de par la traduction) d’une voix imaginaire qui n’est pas la mienne
- c’est à dire, qui n’appartient, à proprement parler, à personne
et qui survivra, d’une manière ou d’une autre, à elle seule, associée
étroitement à Lefort et, dans une moindre mesure, à moi-même - que
moi, transformé pour toujours de par cette expérience déconcertante
et déstabilisante, je tâche de retrouver ma propre voix afin de
vous faire savoir par écrit quelques repères provisoires pour lire
ce que j’ai écrit, et pourtant n’ai pas écrit, dans cette traduction.
[18]
Je poursuis cette réflexion
née de mon expérience de la création d’un être imaginaire venu de
moi, qui n’est pas moi et qui n’est pas à moi, en décrivant les
interrogations qui s’ensuivent lors de la rédaction de mes avant-propos:
Depuis que je me suis trouvé face à la tâche d'écrire un
avant-propos à un livre dont j'ai fait la traduction, je me suis
trouvé placé devant une série de dilemmes embarrassants (quandaries). Si j'avais bien
travaillé en tant que traducteur, il me semblait superflu de dire
au lecteur, dans une introduction à part, ce qu'il allait lire ou
avait déjà lu dans le corps du texte.
Et puisque les principaux auteurs que j'ai choisis de traduire
- Castoriadis, l'historien Pierre Vidal-Naquet, le co-fondateur
de S. ou B. Claude Lefort—s'expriment bien et à part entière eux-mêmes
et font partie, historiquement parlant, de la mouvance socialiste
libertaire, il me semblait également présomptueux ainsi que prématuré
de ma part de dire à l'avance au lecteur ce qu'il devrait penser
d'une œuvre ne devenant disponible pour la première fois aux lecteurs
qu’à partir de maintenant dans la langue anglaise.
Néanmoins, il me semblait, aussi, que le traducteur a un
devoir civique, dans la République Transnationale
des Lettres, de présenter un auteur à son public étranger - et de
faire une auto-présentation, une explication des raisons pour lesquelles
il a fait ce choix d'auteur ainsi qu'une exposition des problèmes
rencontrés et les solutions découvertes au cours de la traduction. Et ce processus comportait le défi d’une auto-réflexion
de ma part dans le travail de traducteur et, plus amplement, en
tant qu’intermédiaire qui introduit un auteur à ses nouveaux lecteurs.
Ce qui
me semblait le plus approprié était de fournir des informations
contextuelles dont le lecteur n'aurait peut-être pas eu connaissance
par ailleurs. Je l'ai fait chaque fois en sachant que cela
nécessiterait des choix d'accentuation et sur le contenu pour lesquels
moi seul pouvais prendre la responsabilité et que d'autres les manieraient
différemment. Pourtant, ce
que je souhaitais le moins, c'était de simplement répéter le même format chaque fois, sinon j'aurais esquivé ainsi
le défi de l’œuvre spécifique que j’ai traduite et serais passé
donc à côté de l’inspiration à penser autrement que contient cette
œuvre. ... Alors, le problème de la forme littéraire
de l’avant-propos de traducteur s’est posé à moi d’une façon radicale
dès le début de ma carrière de traducteur et continue de l’être
pour chaque nouvel avant-propos que je rédige.
Puisque les auteurs que j’ai consciemment choisis de traduire
sont parmi ceux qui n’essaient pas d’imposer une quelconque doctrine
mais qui cherchent, plutôt, à soulever des questions philosophiques,
politiques ou historiographiques, il m’a été clair que mes avant-propos
devaient revêtir l’aspect d’improvisation et d’expérimentation ou
inclure d’autres traits pas forcément associés avec une introduction
écrite par un traducteur. Si
moi, en tant que premier lecteur en anglais des écrits d’un auteur
étranger, je n’avais pas été ému par l’œuvre en question - que vaudrait
ma traduction si je ne l’avais pas été? - je devrais également être
capable d’exprimer, dans mes remarques d’introduction, un peu de
cette expérience émouvante, de faire face à cette épreuve du risque,
comme dirait Lefort. Je me
demande constamment dans quelle mesure je réussis à transmettre
cette entreprise, qui est à la fois émulatrice et, j’espère, au
moins un peu créative de ma part.
Et je m’inquiète continuellement, soit que ce que je dis
et comment je le dis resteraient trop répétitifs, et dérivés des
façons dont l’auteur, traduit par mes soins, s’est déjà exprimé
(maintenant à travers moi, en traduction), soit que, bien au contraire,
j’ai pu errer trop loin, en perdant, par cela même, le fil qui me
relie à l’auteur que je suis censé présenter.
Je me trouve, donc, placé devant de nouveaux dilemmes embarrassants
de nature philosophiques et littéraires (ceux-ci rappelant, pourtant,
mes initiales rencontres de traducteur avec chaque auteur), et jamais
bien installé sur un fond solide et stable.
Et cela n’est peut-être pas, en l’occurrence, une mauvaise
chose.
[19]
En
vous racontant un parcours qui commença en 1984, je m’inquiète
que ma narration vous livre une version trop harmonisante de cette
démarche. Car, comme toute démarche - et, a fortiori une démarche
entreprise dès
le début sous
le signe de l’expérimentation - elle se fait dans la durée. Et avec, certes, la possibilité constante d’échecs
et de heurts.
Un premier problème, majeur, pourrait
venir d’une crainte - je ne dirais pas forcément la haine - de l’autre,
[20]
en l’occurrence,
une peur de ceux qui parlent la langue étrangère dans laquelle une
œuvre est traduite. Une collègue
traductrice m’a raconté l’histoire d’un auteur français féministe
qui confondait son être et son œuvre, et qui contestait toute violation
du dernier, au point que l’éditeur américain s’est vu obligé par
l’auteur de publier dans le livre un démenti (a disclaimer) expliquant que la traduction de son livre n’est pas (mais
évidemment!) le décalque parfait de l’original - et, parmi d’autres
choses, parce que la version américaine, comme dans tout livre anglo-saxon,
mettait la table des matières au début et non pas à la fin! La visée d’une universalité potentielle se heurte
souvent au narcissisme et à une
relative clôture caractéristiques de toute institution d’une
société, ainsi qu’à une méfiance ressentie à l’égard d’autres institutions. La traduction est dérangeante.
Il y avait, bien sûr, de
tentatives d’expérimentation ratées, aussi.
Un philosophe américain pour qui j’ai fait une traduction
a eu l’idée géniale, et généreuse, que j’écrivisse un avant-propos
de traducteur - “aussi critique que possible”, a-t-il suggéré -
de son livre, écrit en français, sur la rédaction de la
Constitution américaine, et qu’il y rédigerait
une réponse. Ce que j’ai
fait pour ma part, en composant une lettre de style pamphlétaire
(en hommage aux penseurs politiques de l’époque).
Au lieu d’écrire sa réponse à cet avant-propos très critique,
pourtant, il a tout laissé tomber et ne m’a point soutenu lorsque
l’éditeur - qui m’a expliqué que de telles critiques n’aident pas
aux ventes du livre - a refusé d’y imprimer mon texte.
[21]
À ma propre initiative, lors de la traduction
d’un auteur français, j’ai essayé encore une fois de créer un tel
dialogue entre l’écrivain et celui qui transforme ses mots pour
un autre public, espérant ainsi prolonger le dialogue implicite
qui se fait au sein du travail de traduction (avec l’aide, parfois,
de l’auteur, s’il parle aussi anglais) et - en exposant des exemples
concrets et en examinant en profondeur des problèmes de traduction
survenus - éclairer le processus par lequel un texte se transforme
pour un public habitant un autre monde imaginaire. La re-mise en sens, qu’est la traduction, et
la mise en scène, du traducteur et de son auteur - dans l’avant-propos
et tout au long de la traduction - auraient donc pu être accompagnées,
de façon explicite, par une mise en abîme de ce processus de traduction,
permettant ainsi au lecteur de faire l’expérience des vacillements
de sens et de choix inhérents au travail de traduction. Cette fois-ci,
mon avant-propos a été publié sans difficulté, mais le jeune homme
en question ne s’est pas trouvé capable de formuler une réponse
finie à temps.
[22]
Ça reste donc un projet à réaliser ultérieurement
dans l’intérêt de promouvoir, expérimentalement, la compréhension
transculturelle, sous le signe du chaos sous-tendant toute transformation
d’un monde imaginaire en un autre.
Un œuvre de traducteur, même si poursuivi d’une façon aussi
consciente et voulue que le mien, est né de telles contingences
et est le fruit, en grande partie, de rencontres effectives dont
l’issue reste souvent imprévisible.
Ce n’est pas du tout étonnant que, tôt ou tard, cette insistance sur le rôle
du traducteur et sur le respect ainsi que la reconnaissance dus
à son statut culturel, se heurtent aux nettes tendances au sein
de notre société, de la part des dirigeants et des personnages
en haut (éditeurs, universitaires, ayant droits, intellectuels
célèbres et distingués), à résister à, et à contrecarrer, l’idée
qu’une personne venue d’en bas de l’échelle de la production littéraire,
qui exécute le travail de traduction, pourrait (aussi) s’exprimer.
Ce qui m’a étonné, plutôt, c’était que j’aie pu, dans ces
circonstances, en accomplir autant.
De son vivant, la collaboration avec Castoriadis
marchait très bien.
[23]
À sa mort, il n’a malheureusement laissé aucun
testament pour sa famille. La
seule chose qu’il a prévue, c’était d’être enterré de l’autre côté
de la rue de chez nous - Clara Gibson Maxwell, ici présente, et
moi-même - dans le cimetière de Montparnasse - ce qui nous a valu
la haine inexpiable de ses héritières.
L’effort de se débarrasser de moi en tant que traducteur
du mari et père défunt a commencé, on m’a informé par la suite,
dès le jour des obsèques. Une
semaine après, sa fille aînée m’a ordonné de cesser immédiatement
“tout travail” autour de son père, comme si cela était en son pouvoir. Rien de très surprenant là non plus. La crainte de l’autre, celle de voir des écrits
transformés dans une autre langue - j’en ai déjà parlé.
[24]
Et surtout, toute voix indépendante posait un
défi insupportable pour leur position déjà très fragile et peu stable. Ainsi, la rédaction des avant-propos de traducteur
les gênait plus que tout.
[25]
Pierre Vidal-Naquet lui-même, sélectionné Président
d’une “Association Cornelius Castoriadis” créée par la famille,
ne supportait pas de voir son “traducteur parfait” participer pourtant à pied d’égalité.
[26]
Et certains anciens de S. ou B. ont préféré
se comporter comme des “jaunes” non avoués dans ce conflit de travail
plutôt que d’accepter que d’autres personnes, plus jeunes et donc
jamais membres de leur groupe, puissent aussi s’y inspirer à leur
gré.
[27]
Où en est-on maintenant? Six ans après la mort de mon cher ami Cornelius,
le site web anarcho-situationniste www.notbored.org a publié, le 6 décembre 2003,
une édition électro-Samizdat, The Rising Tide of Insignificancy (The Big
Sleep), “translated from the French
and edited anonymously as a public service”.
[28]
Pour des raisons évidentes, je ne nie ni ne
confirme ma participation. Qu’il suffise de dire que, dans l’effectivité
d’un travail de traduction réfléchissant qui réclame le droit ainsi
que le devoir de communiquer au public son expérience non-conformiste
et ses choix autonomes, je me trouve forcé de me comporter dorénavant
comme un traducteur underground, prolongeant
et approfondissant ainsi une expérience déjà à contre-courant.
[29]
—David Ames Curtis <curtis (at) msh-paris.fr>, Paris, mai 2004
Notes
1. Pierre
Vidal-Naquet, “Présentation
d’un document: Le Journal de Me Lucien Vidal-Naquet”, Annales: Ëconomies, Sociétés, Civilisations, 3 (mai-juin 1993): 501-12; voir: 502.
2. À Yale University, où, en tant que Directeur
de la Recherche
du Black Periodical Fiction Project (1982-1984), j’ai collaboré
avec Henry Louis Gates, Jr., j’ai déjà tenté une première expérience
d’autogestion parmi les étudiants-chercheurs à ma charge.
Et lorsque je militais en tant que community organizer (1979-1982) chez Carolina Action/Association of Community
Organizations for Reform Now (ACORN), je faisais partie des meneurs
d’une rébellion d’organisateurs de base de cette organisation, en
réclamant l’autogestion interne de nos affaires.
3. Je félicite Laurent Van Eynde d’avoir choisi
de souligner l’“interdisciplinarité” de l’œuvre de Castoriadis,
bien que je parle plutôt d’un projet de transdisciplinarité qui met activement en cause le morcellement grandissant
des connaissances actuelles. C’était
le propos de ma conférence, “Castoriadis, la science et le thème
du monde morcelé”, aux Rencontres Castoriadis organisées en juin
1999 à Paris par des anciens étudiants de Castoriadis à l’École
des Hautes Études en Sciences Sociales:
Pour résumer ce qui précède : en débutant avec une enquête
née du contexte spécifique d'une société qui est habitée par l'incertitude
quant à ses façons de vivre et d'être, ses buts, ses valeurs et
son savoir, et qui n'a pas pu, jusqu’à maintenant, ni comprendre
d'une façon adéquate la crise qu'elle subit ni révolutionner les
conditions de l'émergence et de la persistance de cette crise, Castoriadis
vise à clarifier — pour les gens et pour l'épanouissement de leur
activité autonome — et cette crise et les conditions de cette crise.
Il se met à examiner la crise dans les disciplines de savoir
diverses — et, pour la plupart, non communicantes — poursuivant
ainsi le travail déjà entamé dans les années soixante qui essayait
d'intégrer les implications révolutionnaires de ces disciplines
dans les tentatives des gens de transformer la société. Cette crise se lit dans, mais ne se résout pas
par, une diversité de réponses désignées par les études interdisciplinaires ou la multiversité (ou, par
ailleurs, l'archéologie). Dans l'intervalle, la discipline hybride de
l'histoire de la science sert à démontrer que la démarche féconde
ne consiste pas simplement à juxtaposer ou à combiner deux ou plusieurs
disciplines, ni à en trouver leur intersection, mais à réfléchir
cette crise elle-même dans toutes les disciplines et à en clarifier
le sens en dépassant les enjeux épistémologiques généraux afin de
soulever des questions ontologiques pertinentes à la transformation
de la société et de l'institution scientifique.
Malheureusement, les organisateurs, qui ont refusé la participation d’autres
personnes à l’organisation de ce colloque, n’en ont jamais réunis
les interventions afin de les publier.
[Donc, ce texte reste toujours inédit.]
4. Ce qui pourrait gêner certains qui
verraient dans ces choix du “fanatisme”, etc., comme si l’exercice
du choix fait partie d’une fermeture d’esprit au lieu d’une auto-limitation,
voulue, qui est aussi une ouverture effective, et bien réfléchie,
au monde.
5. Cette expérience effective de l’embarras de la part
du traducteur fait partie des thèmes développés dans mon Translator’s Foreword pour le livre
de Claude Lefort, Writing:
The Political Test (Durham, North Carolina: Duke University Press, 2000),
maintenant
disponible à http://perso.wanadoo.fr/www.kaloskaisophos.org/rt/rtdac/rtdactf/rtdactfwriting.html.
6. Scott McLemee. "The Strange
Afterlife of Cornelius Castoriadis: The Story of a Revered European
Thinker, a Literary Legacy, Family Squabbles, and Internet Bootlegging,"
The Chronicle of Higher Education,
50:29 (March 26, 2004): A14-16, disponible à :
http://www.notbored.org/strange-afterlife.html.
7.
Dans sa thèse de maîtrise en histoire de 1971 à l’University of
Wisconsin, "Socialisme ou Barbarie: Examination of a Revolutionary
Project", Allen Binstock a conclu que “Paul Cardan” (pseudonyme
de Castoriadis) a dû déménager en Angleterre après mai 68. . . .
8. Un article récent de Christopher Houston sur
"Islamism, Castoriadis and Autonomy", publié dans la revue
australienne de théorie sociale, Thesis
Eleven (76 [February 2004]: 49-69), a conclu, tout à fait à tort
et bizarrement, que la philosophie d’autonomie de Castoriadis, comme
la visée des islamistes (!), est en quête d’une certaine pureté. C’est d’oublier que, là où Castoriadis expose
pour la première fois sa conception de l’autonomie d’une façon systématique
(“Marxisme et théorie révolutionnaire,” 1964-1965), il ne s’agit
pas d’une quelconque élimination du discours de l’autre (par une
soi-disant purification) mais d’établir “un autre rapport” à ce
discours.
9. Le révolutionnaire Trinidadien C.L.R.
James (Johnson) et Raya Dunayevskaya (Forest), secrétaire de Trotksy.
10.
Sur la question des workers’
narratives (récits ouvriers), il faut se reporter à l’excellente étude
de Stephen William Hastings-King. Fordism and the Marxist Revolutionary Project: A History
of Socialisme ou Barbarie, Part I (thèse d’histoire
PhD, Cornell University 1999), qui examine à cet égard les efforts
de la
Johnson-Forest Tendency et ceux de S. ou B, ainsi
que les problèmes et les ambiguïtés de ces efforts.
11.
“Institution première de la société et institutions secondes” (1985),
Figures du pensable. Les Carrefours
du labyrinthe VI (Paris: Éditions du Seuil, 1999), p. 126 (souligné par
moi).
12. “Quelle démocratie?” (1990), in ibid, p. 179.
13. Henry David Thoreau,
Walden; Or, Life in the Woods
(1854), in Walden and Other Writings, ed. Joseph Wood Krutch (New York:
Bantam, 1981), p. 115-16.
14. Ibid., pp. 172-73 (souligné par moi).
15.
C’est la célèbre introduction de “Self-Reliance” de Ralph Waldo
Emerson (Essays: Second Series [Philadelphia,
Henry Altemus, 1894], pp. 43-44). Le deuxième paragraphe nous conseille de nous
délivrer de “l’envie” et de “l’imitation”.
16. Cette communication de l’expérience de la part de ceux qui ont rencontrés
l’œuvre de Castoriadis ne se limite pas à ceux qui l’ont fait de
par sa traduction. Agora
International a crée une rubrique de pages électroniques, “Enseigner
Castoriadis”
ttp://www.agorainternational.org/paideiatext.html,
où “nous invitons tous les étudiants, tous les
professeurs, tous les enseignants et tous les militants qui ont
reçu un enseignement sur Castoriadis ou ont enseigné la pensée de
Castoriadis à créer une page web pour notre site web Cornelius Castoriadis/Agora
International. Ces pages serviront de points de départ pour partager
ces expériences avec d'autres personnes . . .
Nous ne cherchons pas exclusivement des témoignages positifs:
des aveux honnêtes d'échecs ainsi que de succès, des critiques comme
des questions, ainsi que des évaluations affirmatives sont également
les bienvenus. Seule l'hagiographie serait mal vue”.
Ceux et celles intéressé(e)s à participer à une telle démarche
sont prié(e)s de contacter la coordinatrice de cette rubrique, Andrea
Gabler <agabler (at)
gwdg.de>.
17.
C’est ce que Castoriadis appellerait l’élucidation. N’ayant pas le
même accès culturel aux Transcendentalists
américains,
Castoriadis citait plutôt William Blake: “What is now proved was
once only imagin’d”. Au début de Walden, l’Abolitionist Thoreau demande: “Self-emancipation
even in the West Indian provinces of the fancy and imagination,
– what Wilberforce is there to bring that about?” Sur Thoreau et
Marx[, contemporains], voir Staughton Lynd, Intellectual Origins of American Radicalism.
18. David Ames Curtis, Translator's
Foreword, in Claude Lefort, Writing: The Political Test (Durham
et London:
Duke University Press, 2000), pp. IX-X, disponible
à: http://perso.wanadoo.fr/www.kaloskaisophos.org/rt/rtdac/rtdactf/rtdactfwriting.html.
19. Ibid., pp. XXIV-XXV.
20.
Voir Castoriadis, "Les racines psychiques et sociales de la
haine" (in Figures du pensable).
21. Dick Howard, The Birth of American Political
Thought, trad. David Ames
Curtis (London: Macmillan and Minneapolis: University of Minnesota
Press, 1990).
22. David Ames Curtis, Translator's
Forward, in Jean-Marc Coicaud, Legitimacy and Politics: A Contribution to the Study
of Political Right and Political Responsibility (Cambridge University Press, 2002),
pp. ix-xxvii. Voir la version
électronique, disponible
à: http://perso.wanadoo.fr/www.kaloskaisophos.org/rt/rtdac/rtdactf/rtdactfl&p.html.
23.
“David [Ames Curtis] est un traducteur comme on en rencontre rarement,
consciencieux à l'extrême, vérifiant inlassablement tout ce qu'il
fait, n'hésitant jamais à demander l'avis des auteurs sur ce qui
peut poser problème dans les textes sur lesquels il travaille. Il
a maintenant traduit six volumes de mes écrits, qui ont été publiés
par la University Press
of Minnesota, par la
Oxford University Press, par la Stanford University
Press et par Blackwell's. Pierre Vidal-Naquet, dont il a également
traduit et publié plusieurs ouvrages et qui, philologue de métier,
est d'une exigence scolastique sur l'exactitude et la précision
des expressions, ne tarit pas d'éloges sur son compte” (courrier
de Cornelius Castoriadis, 19 juillet 1997). Nous discutions souvent
des choix pour bien rendre ses écrits en traduction (Castoriadis
parlait très bien l’anglais), ainsi que de ceux de textes à publier:
il appréciait bien mes suggestions et comptait sur mon appréciation
du monde de l’édition anglo-saxon.
Parfois, homme entêté qu’il était, il résistait un certain
temps à un choix de traduction qui s’imposait quand même, et une
fois j’ai même dû, après de longues discussions, faire appel à son
traducteur italien Fabio Ciaramelli, ici présent [Ciaramelli n'a,
en fin de compte, pas pu assister à ce colloque, pour des raisons
personnelles], pour confirmer l’ajout d’un simple trait d’union. Mes efforts ont souvent dépassé aussi le rôle
de traducteur; et j’ai agi parfois comme son agent littéraire, ce
qui m’a mis dans une position très sensible vis-à-vis des éditeurs
lorsqu’il y avait des différends, et ce que j’ai accepté volontiers
pour le soulager, au risque d’être perçu soit comme son gorille,
soit comme une grosse brute incontrôlable. (Voir
“Preface to the Electronic Reprint of the 1989 Editor's Foreword”
pour Philosophy, Politics, Autonomy,
disponible à
http://perso.wanadoo.fr/www.kaloskaisophos.org/rt/rtdac/rtdactf/rtdactfppa.html.)
Les
différends entre nous se discutaient entre nous, et s’il y avait
un désaccord concernant, par exemple, un point dans un des mes avant-propos,
j’ai toujours pu publier, après discussion et sans la moindre objection
de sa part, ma propre exposition sous mon propre nom - telle était
sa conception du respect de l’autonomie de l’autre.
Et il a eu la gentillesse de me dire que mon avant-propos
pour la traduction du Monde morcelé a été un
des meilleurs textes qu’il a jamais lus sur son œuvre (voir Translator’s
Foreword, World
in Fragments: Writings on Politics, Society, Psychoanalysis, and
the Imagination, ed. et trad. David Ames Curtis [Stanford, CA:
Stanford University Press, 1997], pp. xi-xxx).
24. La famille Castoriadis n’a pas pu supporter voir une édition américaine
qui soit - par l’inclusion des appendices bibliographiques, d’un
index, des notes explicatives, etc. (ce que j’ai toujours fait avec
le concours et l’approbation de Castoriadis) - plus complète et
plus utile que l’édition originale, entrant par là même en concurrence
avec celle-ci. Intéressées, les héritières voulaient aussi
vendre le maximum de textes, peu importe la cohérence des volumes
qui en résulteraient dans la langue étrangère.
25. Elles ont réclamé le droit d’y opposer un veto absolu, en même temps qu’elles
contestaient le principe même de textes introductifs - tout en autorisant,
par ailleurs, de tels textes, pleins de commentaires, dans des tomes
posthumes publiés en français. Qui
plus est, toute personne perçue comme incontrôlable par leur entourage
devait être mise à l’index ou rayée de la liste des intervenants
aux colloques organisés avec le concours de la famille - une liste
noire respectée, d’ailleurs, par des organisateurs de colloques
qui prétendaient par ailleurs prendre fait et cause pour l’œuvre
de Castoriadis. Tout cela pourrait se rapporter, pourtant, à
la situation d’une veuve et des orphelines incapables de faire le
deuil et si peu préparées à la responsabilité de gérer l’héritage
d’une figure aussi immense et conséquente, ainsi qu’à celle des
personnes avec peu de scrupules, plus intéressées par leurs carrières
que par la cohérence de leur démarche.
26.
Les héritières ont créé en juin 1999 une “Association Cornelius
Castoriadis” et y ont nommé Pierre Vidal-Naquet Président.
Certains, comme moi, ont été désignés “membres fondateurs”,
alors qu’ils ont été exclus de la réunion où ont été rédigés les
statuts de l’Association, sans protestation de sa part.
Dans les cinq années de son existence, “toutes les réunions de son Conseil se sont tenues en secret. L’ordre du jour n’est pas annoncé à l’avance.
Pas de comptes-rendus de ce qui a été discuté ont été communiqués
aux membres de l’organisation. Et pas d’annonces en temps voulu des décisions
prises” (voir: le Foreword à l'édition
électro-Samizdat de Cornelius
Castoriadis, The
Rising Tide of Insignificancy (The Big Sleep), p. xvi,
disponible à http://www.notbored.org/RTI.pdf.). Ce Conseil a même créé un site web auquel les
membres de base n’avaient pas accès.
Afin de rectifier cette situation fâcheuse
qui va tout à fait à l’encontre des principes de démocratie directe
de celui qui portait le nom emprunté par cette Association, j’ai
proposé fin septembre 2001 la création “d’un ‘anti-Conseil’ tiré
au sort parmi les membres de base, selon un plan proposé à diverses
reprises par Vidal-Naquet lui-même, le tirage au sort étant une
pratique démocratique dont Castoriadis s’est fait également champion”
(ibid., p. xv). Nous attendons
toujours, presque trois ans plus tard, la moindre nouvelle de la
part de ce Conseil qui, sous la direction de Vidal-Naquet, s’est
arrogé le droit exclusif d’étudier et de statuer sur cette proposition. Vidal-Naquet a aussi, à plusieurs reprises,
manqué à sa promesse que je puisse rester traducteur de Castoriadis,
mais cela n’est qu’un défaut personnel de quelqu’un qui se trouve
incapable de tenir ses promesses.
En tant que Président de l’“Association Cornelius Castoriadis”
et figure publique ayant souvent déclaré auparavant que le tirage
au sort est le moyen préféré pour promouvoir la démocratie (voir,
par ex., Pierre Vidal-Naquet, “Democracy: A Greek Invention”, in
Pierre Lévêque and Pierre Vidal-Naquet, Cleisthenes
the Athenian: An Essay on the Representation of Space and of Time
in Greek Political Thought from the End of the Sixth Century to
the Death of Plato, trad. David Ames Curtis (Atlantic Highlands,
New Jersey: Humanities Press, 1996), p. 109), il nous place devant
l’exemple même du choix à ne pas faire
en ce qui concerne notre rapport à l’œuvre de Castoriadis.
27. Ce n’était que la cerise empoisonnée sur ce gâteau indigeste que les héritières
ont engagé une traductrice pour me remplacer, alors que moi, j’ai
toujours un contrat de traduction valable et ma maison d’édition
me doit encore 5.000$ pour du travail déjà commandé et terminé. Il se trouve que cet individu n’est personne
d’autre que Helen Arnold, l’un des rares individus d’origine américaine
qui faisaient partie du group prolétaire révolutionnaire de Castoriadis
- et maintenant jaune, au beau milieu d’un conflit de travail, non
résolu, au sein d’une “Association Cornelius Castoriadis” présidée
par un intellectuel engagé de renommée internationale qui se fait
passer pour le garant de l’intégrité de ladite Association.
Lorsque j’ai amorcé cette démarche inédite et peu conventionnelle
qui s’inspirait des principes de base du groupe Socialisme ou Barbarie,
je ne pouvais pas imaginer, même dans mes rêves les plus fous, que
j’eusse eu des repoussoirs aussi éclatants et instructifs pour en
illustrer le sens.
28.
Les seuls individus à déposer, jusque maintenant, une protestation
auprès de ce site anarcho-situationniste - qui a déjà reçu 5.000
visites concernant cette traduction pirate - ne sont personne d’autre
que Arnold et son mari Daniel Blanchard (“Canjuers” dans le groupe,
qui se présente comme la personne qui a introduit le situationniste
Guy Debord au sein de S. ou B.: voir Daniel Blanchard, Debord,
dans le bruit de la cataracte du temps suivi de Préliminaires pour une définition de
l'unité du programme révolutionnaire [le 20 juillet
1960] par G.-E. Debord & P. Canjuers [Paris: Sens et Tonka,
2000]). Ils se sont soigneusement
tus, pourtant, sur l’évident conflit d’intérêt que représentait
leur protestation, à la consternation cuisante de l’éditeur du site,
Bill Brown. Suite à sa propre inaction, Vidal-Naquet se
tait complètement. Plus de
témoignages. Plus de présentation
de témoins. De même pour
la famille Castoriadis et tous ceux qui l’ont aidée dans cette affaire. Seule Arnold (traductrice professionnelle qui
n’a pourtant pas fait la moindre traduction des écrits de Castoriadis
pendant ces derniers trente-sept ans depuis la fin de S. ou B.)
parle aux journalistes, tout en empochant l’argent qui m’est dû,
alors que moi, j’ai du mal à joindre les deux bouts.
Suite à ce qui me semblait un suicide professionnel total,
pourtant, d’autres anciens membres et sympathisants de S. ou B.
m’ont généreusement offert du travail et des collaborations. À noter, The Rising Tide of Insignificancy (The Big Sleep) est disponible
également à http://www.costis.org/x/castoriadis/Castoriadis-rising_tide.pdf, site web de l’artiste grec Costis,
qui faisait partie d’un groupe politique grecophone avec Castoriadis
pendant les années soixante-dix.
29. Qu’en penseront des
jeunes gens - notre avenir - s’éveillant pour la première fois à
la vie politique et à la philosophie, qui assistent à une telle
controverse? Quels choix
feront-ils dans la vie après avoir été témoins d’une exclusion assortie
d’un licenciement non avoué contre un traducteur non-conformiste
remplacé sournoisement par un ex-membre du groupe le plus révolutionnaire
de l’après-guerre sans la moindre protestation publique de la part
du pétitionnaire le plus reconnu de France?
Et une autre question se pose, celle-ci concernant justement
le travail de traduction et l’expérience du traducteur: Est-il possible
de faire une traduction, formellement correcte, en ne comprenant
de toute évidence rien de son contenu?
Que vaut un tel effort? Helen
Arnold et la famille Castoriadis proposent de tester cette expérience
prochainement, alors que le traducteur anonyme projette de publier
le même tome à nouveau dans une édition électro-Samizdat chez Not Bored!
Encore des expériences effectives, faite à l’attention du
public anglophone. À chaque
personne d’en juger les résultats.
Je remercie Max Blechman, Fabien Doyennel
et Clara Gibson Maxwell de leurs suggestions
concernant la rédaction de cette conférence.
* Conférence prononcée le 28 mai 2004 au Séminaire Interdisciplinaire de Recherches
Littéraires (SIRL) des Facultés Universitaires Saint-Louis (Bruxelles),
lors du colloque "L'Imaginaire au carrefour de l'interdisciplinarité.
Autour de Cornelius Castoriadis" (27-28 mai 2004). Je tiens
tout d'abord à remercier Laurent Van Eynde, qui a eu l'idée géniale
d'organiser un colloque autour de Cornelius Castoriadis, parmi d'autres
choses, "nous nous efforcerons . . . de montrer la fécondité
possible de cette pensée de l'imaginaire dans le champ de la philosophie
de l'art et de la littérature, en montrant comment l'oeuvre littéraire
participe de la dynamique d'auto-altération des magmas de significations
imaginaires et ainsi contribue à l'invention de l'histoire",
ainsi qu'à témoigner de ma reconnaissance pour sa gentillesse de
m'avoir invité à participer à cette entreprise créative. [Des ajouts
ultérieurs se trouvent entre crochets. J'ai pourtant déjà fait,
sans les signaler, certaines corrections d'expressions en français
(très mineures), qui n'est pas ma langue mère. Mes remerciements
? José Ferreira pour les corrections de français qu'il m'a suggérées.]
Une suite en Mai 2009
Les Cahiers Castoriadis et la censure (Lettre ouverte)
Cher Laurent Van Eynde :
Vous avez eu la gentillesse de m’inviter au Séminaire
Interdisciplinaire de Recherches Littéraires (SIRL) à
faire, lors du colloque “L’Imaginaire au carrefour de
l'interdisciplinarité. Autour de Cornelius Castoriadis”
la toute première conférence des “Journées
Castoriadis” le 27 mai 2004 - la première année
des “Journées Castoriadis”, qui se tiennent maintenant
chaque année aux Facultés Universitaires Saint-Louis.
Même si controversée, cette conférence, “Effectivité
et réflexivité dans l'expérience d’un
traducteur de Cornelius Castoriadis” a été assez
bien reçu par le public, et Sophie Klimis a eu la gentillesse,
peu après ma présentation, de me dédicacer
son livre ainsi : “Pour David Curtis. En hommage à
son project de traduction autonome, et en espérant avoir
l’occasion de poursuivre un travail commun sur Castoriadis”.
Vous m’avez pourtant violemment pris à partie à
la fin de ce colloque en m’expliquant que je ne devais pas
parler des sujets “controversés”. Il fallait
protéger “les jeunes” des “controverses”,
vous m’avez dit, au sujet d’un colloque organisé
autour de l’oeuvre de Cornelius Castoriadis! Vous craigniez
également que des personnes critiquées lors mon intervention
ne puissent intenter un procès en diffamation si FUSL le
publie. Et pourtant, vous avez refusé de préciser
une seule phrase qui poserait problème - et ceci non pas
une fois, au moment où vous étiez très en colère
et incapable de parler de façon cohérente, mais chaque
fois, depuis 5 ans, que je formule poliment et gentiment cette demande
raisonnable de me dire explicitement quelle phrase ou phrases précisément
vous gênent. Vous avez même écrit à un
tiers en disant que je refuse de modifier mon texte, alors que j’attends
toujours la moindre précision de votre part concernant ce
qui pourrait poser problème.
En attendant la possibilité de voir la version écrite
de mon texte publiée dans les Cahiers Castoriadis - comme
tous les autres textes présentés lors des “Journées
Castoriadis” - cette intervention est disponible pour l’instant
sur un site libertaire francophone, qui l’a accueilli sans
le moindre état d’âme : http://1libertaire.free.fr/Castoriadis45.html
. Personne, à ma connaissance, n’a intenté un
procès en diffamation contre ce site. Et cette année,
une traduction - “Konkrete Wirklichkeit und Reflexion in der
Erfahrung eines Übersetzers von Cornelius Castoriadis”
- a paru dans une revue allemande, Archiv für die Geschichte
des Widerstandes und der Arbeit, 18 : 563-92 - toujours, à
ma connaissance sans que personne ne commence d’intenter un
procès. L’Archiv a eu la gentillesse de me demander
de faire le point sur cette censure et sur le déroulement
des “Journées Castoriadis”, ce que j’ai
fait et ce qui paraît maintenant en postface dans la deuxième
partie de cette publication allemande de mon texte (l’original,
en anglais, est disponible en me contactant à :
davidamescurtis (at) hotmail.com pour ceux/celles qui ne lisent
pas l’allemand).
À mon humble avis, il faut cesser de censurer un texte qui,
conforme à l’esprit de Castoriadis, n’évite
pas la controverse et qui cherche la vérité par une
réflexion sur l’expérience effective. Je vous
demande, toujours poliment et gentiment - mais maintenant en lettre
ouverte après cinq ans d’efforts polis et gentils en
privée - de lever cette censure et de publier mon texte tel
quel dans les Cahiers Castoriadis ou de me préciser quelle
phrase ou phrases posent vraiment problème - surtout maintenant,
à la lumière de sa publication en traduction allemande
sans que personne n’intente un procès.
Je vous prie, Monsieur, d’agréer mes salutations les
meilleures.
David Ames Curtis
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