|
Origine : http://www.ens-lsh.fr/assoc/traces/archives/un/pdf/n1castoriadis.pdf
L’analyse du phénomène bureaucratique chez
Castoriadis
« Un siècle après le Manifeste Communiste ,
trente années après la Révolution russe, après
avoir connu des victoires éclatantes et de profondes défaites,
le mouvement révolutionnaire semble avoir disparu, tel un
cours d’eau qui en s’approchant de la mer se répand
en marécages et finalement s’évanouit dans le
sable. »1.
Ce constat est celui que fait CASTORIADIS, dans le premier numéro
de la revue Socialisme ou Barbarie en 1949, un an après la
fondation avec CLAUDE LEFORT du groupe révolutionnaire du
même nom.
Ce groupe s’est constitué en dissidence de la IVème
Internationale trotskyste qui analysait le régime soviétique
comme étant un Etat ouvrier dégénéré.
Or, Socialisme ou Barbarie, au-delà de la dénonciation
de ce totalitarisme, lancera une interprétation audacieuse
à l’époque en montrant la tendance profonde
des sociétés contemporaines vers une institution bureaucratique,
qu’elle soit totale comme dans le cas des régimes de
l’Est (qui représentent les cas extrêmes) ou
fragmentée comme dans les régimes de l’Ouest.
Cette bureaucratisation de la société est un phénomène
proprement concentrationnaire, dans le sens où le système
d’exploitation institué produit une logique pseudo-rationnelle
de développement et contrôle les différentes
sphères de l’existence sociale des individus.
Cette bureaucratisation assèche toute possibilité
de renouvellement des normes sociales.
La bureaucratie ne se présente pas pour autant comme un monstre
hybride, dont les tentacules étoufferaient l’énergie
créatrice des individus.
Il s’agira plutôt, dans la description de ce phénomène,
de montrer en quoi elle se constitue comme modèle social
rationnel rendant efficace la domination de la société
par un petit nombre, qui n’est pas forcément une classe
unifiée.
Nous nous proposons d’analyser les caractéristiques
de la plupart des bureaucraties qui représentent des systèmes
concentrationnaires fonctionnant à partir d’une direction
séparée de l’exécution, dont le sens
revient à cette couche de dirigeants.
La bureaucratie est alors une institution hétéronome
de la société reposant sur l’intériorisation
d’une hiérarchie.
Ce type de socialisation nie toute possibilité d’ingérence
de la part des acteurs, puisque l’orientation est l’apanage
des dirigeants.
Concentration des moyens, détention du sens, la domination
s’institue comme emprise de l’imaginaire social.
Dans un premier temps de notre réflexion, nous dégagerons
l’origine même du projet d’institution bureaucratique
qui naît avec l’apparition de la signification imaginaire
sociale d’une maîtrise infinie de l’environnement
par les hommes, c’est-à-dire le capitalisme.
Ensuite, nous mettrons en évidence le trait fondamental de
la bureaucratie qui est la planification , dont l’exemple
type est le régime social de l’URSS.
La bureaucratie minimise le potentiel créateur des individus
et fonctionne comme un corps social clos sur lui-même.
En dernier lieu, nous montrerons comment la bureaucratie est une
forme de socialisation qui instrumentalise une domination et nie
toute liberté publique.
L’appropriation de la sphère publique et politique
par un petit nombre va de pair avec un mouvement de privatisation
de l’existence individuelle.
L’éclatement de ces systèmes concentrationnaires
passe par la revalorisation d’un sens politique collectif,
permettant à tous les hommes de devenir citoyens et d’instituer
les critères de la vie sociale.
I Le mot « bureaucratie » est composé du mot
latin bruna (étoffe grossière de laine brune) et du
verbe grec kratéein (être fort, puissant, dominer,
exercer le pouvoir).
Au début du XIVème siècle, il est utilisé
pour indiquer le tapis sur lequel on fait des comptes et par extension
a fini par désigner la table où l’on fait les
comptes et le lieu où l’on fait les comptes.
Progressivement , le mot s’est mis à nommer un organisme
fournissant des prestations d’intérêt général,
soit un établissement, une institution ou un service chargé
de concevoir, de préparer, d’administrer ou de contrôler
un plan et enfin l’ensemble des professionnels en charge de
ces tâches administratives d’organisation et de contrôle.
En 1764, le baron Frédéric-Melchior de Grimm attribue
la paternité du mot au physiocrate Vincent de Gournay (1712-1759),
qui faisait des bureaux une forme de pouvoir.
Cette forme de pouvoir, est sous-tendue par le seul désir
de gouverner pour gouverner, et de perpétuer l’existence
et les privilèges et les stratégies de ce corps.
Elle se constitue comme socialisation efficace, dans la mesure où
elle est un corps qui fonctionne avec un cerveau, qui envoie les
informations et des membres exécutants.
Ce corps tend non pas à s’étendre comme corps,
puisqu’il est clos sur lui-même, mais tend à
étendre infiniment sa domination.
CASTORIADIS fait un lien entre capitalisme et bureaucratie, puisque
le capitalisme bureaucratique fait circuler un ensemble de significations
qui régissent l’imaginaire social dans lequel nous
vivons.
CASTORIADIS entend le terme social au sens fort.
« Social : le terme ne renvoie pas à la Sécurité
sociale, ni à la « question sociale », l’existence
de riches et de pauvres »2.
Social renvoie au processus de socialisation de l’être
humain, ce par quoi il appartient à telle société.
CASTORIADIS forge d’ailleurs le terme de « social-historique
»3, car la société est histoire tout comme l’histoire
est social.
Nos sociétés ne se définissent pas par rapport
à un sens historique qui leur est extérieur, car elles
déterminent elles-mêmes un horizon.
La première signification imaginaire est celle d’un
développement de nos sociétés qui s’appuie
sur une efficacité bureaucratique.
Les critiques de la bureaucratie ne visent d’ailleurs pas
un effacement de celle-ci, mais une simplification de ses procédures
vue comme facteur d’efficacité.
« Ainsi, personne ou presque pour se demander : qu’est-ce
que le « développement », pourquoi le «
développement », « développement »
de quoi et vers quoi ? Comme déjà indiqué,
le terme « développement » a commencé
à être utilisé lorsqu’il devint évident
que le « progrès », l’« expansion
», la « croissance » n’étaient pas
des virtualités intrinsèques, inhérentes à
toute société humaine, dont on aurait pu considérer
la réalisation (actualisation) comme inévitable, mais
des propriétés spécifiques- et possédant
une « valeur positive »- des sociétés
occidentales. »4.
Les sociétés occidentales se présentent comme
des modèles de développement sans pour autant définir
la fin de ce développement.
Elles croissent et produisent toujours plus pour exister, sans penser
que cette croissance n’est peut-être pas infinie.
Le corps bureaucratique orchestre cette croissance économique,
ses directives ont valeur de décrets.
Or, ce développement n’en est pas un vrai, il faut
se référer à la définition biologique
du développement, qui implique l’acquisition par un
organisme d’un maturité, cette maturité représentant
la fin de cet organisme.
Dans le cas de nos sociétés, le développement
ne représente pas l’évolution d’un corps,
puisque ce corps dégénère dans un impératif
de production qui devient son seul sens.
La société capitaliste se bureaucratise, son mode
d’institution est réduit à un mode de production.
Le développement n’est plus la réalisation d’une
norme naturelle, mais la concentration d’une domination qui
devient de plus en plus monstrueuse, car de plus en plus pénible
à étendre.
La société bureaucratique développe un système
concentrationnaire, avec la présence en son sein d’un
corps qui dérégulé.
L’hyperrégulation de la croissance économique,
la visée de tel ou tel taux de croissance deviennent les
objectifs d’un tel corps qui tente d’occulter le sens
de cette domination en alimentant la fiction d’un progrès
pour tous.
Essayons de dégager le sens de cette domination qui s’enracine
dans une volonté infinie de maîtrise.
Le changement survient quand l’idée d’infini
s’immisce dans nos cadres de pensée.
L’infini n’est plus la propriété d’un
Dieu vivant hors du monde, il est propriété essentielle
du monde d’ici-bas.
CASTORIADIS ne souhaite pas définir une séquence causale
en montrant quel phénomène a engendré tel mode
de pensée, il préfère parler de « signification
imaginaire sociale »5.
«A cette signification imaginaire sociale « correspondent
de nouvelles attitudes, valeurs et normes, une nouvelle définition
sociale de la réalité et de l’être, de
ce qui compte et de ce qui ne compte pas. »6.
L’esprit de computabilité est le signe d’une
nouvelle compréhension ontologique, où l’être
représente ce qui peut être compté.
Le propre de ces significations imaginaires est qu’elles se
donnent ensemble, il est donc difficile de les délimiter
pour repérer un enchaînement causal particulier.
« Ce qui importe ici est la « coïncidence »
et la convergence, que l’on constate à partir, disons,
du XIVème siècle, entre la naissance et l’expansion
de la bourgeoisie, l’intérêt obsédant
et croissant porté aux inventions et aux découvertes,
l’effondrement progressif de la représentation médiévale
du monde et de la société, la Réforme, le passage
« du monde clos à l’Univers infini », la
mathématisation des sciences, la perspective d’un «
progrès indéfini de la connaissance » et l’idée
que l’usage propre de la Raison est la condition nécessaire
et suffisante pour que nous devenions « maîtres et possesseurs
de la Nature » (Descartes). »7.
Ces significations imaginaires sociales transforment considérablement
la représentation que nous avons de notre propre réalité,
il serait cependant absurde d’expliquer l’émergence
d’une nouvelle forme de rationalité à partir
de l’affirmation de la bourgeoisie.
Ces significations n’ont pas existé dans toutes les
sociétés, elles ont été instituées
par certaines d’entre elles.
L’idée d’une mathématisation des sciences
fut associée à l’idée d’un pouvoir
non limité de la raison et cette conjonction a produit les
catégories du monde moderne.
Le développement se fait sans limites, l’objectif reste
de produire plus, de vivre plus, « plus » étant
une positivité sans sens.
« Mais sous cette positivité extérieure se révèle
de plus en plus la mystification qui s’y trouve en germe.
»8.
Sous cette pseudo-positivité, il y a occultation du mode
d’institution de la société.
L’aliénation ne se situe pas au niveau réel,
mais au niveau imaginaire avec mobilisation de significations qui
cachent l’origine de la société en lui proposant
une fiction rationnelle.
La croissance des quantités nie ainsi la finitude humaine
pour incarner cette volonté infinie et la bureaucratie est
alors, d’après CASTORIADIS, un mode d’institution
global de cette mystification qui repose sur l’accroissement
d’une efficacité collective.
La bureaucratie n’est pas un simple pouvoir de bureaux, c’est
un système de réduction globale du sens, l’absorption
de la qualité d’une chose au profit de la quantité.
Cette institution mystificatrice se traduit réellement par
une aliénation et une concentration des forces productives,
elle se présente comme une médiation réalisant
un certain sens de l’histoire, « dans la mesure où
elle localise et concentre le pour soi, la conscience et la direction
de la classe, où en définitive elle se pose comme
un pour soi, comme une fin de soi même dans l’histoire.
»9.
Un petit nombre d’individus contrôle l’orientation
du projet social et l’asservit à ses désirs
tout en faisant passer ses intérêts pour l’intérêt
général.
La coïncidence de ces significations imaginaires a permis l’appropriation
du destin collectif par ce petit nombre d’individus, l’institution
du droit, de la religion, de l’économie sont alors
centrées autour de cette idée d’une maîtrise
infinie du monde.
La direction bureaucratique a forgé la fiction d’une
économie rationnelle qui régit le développement
des forces productives.
L’organisation bureaucratique de la société
vise une concentration toujours plus grande de ces forces productives
qui devienne petit à petit unification abstraite.
« En effet, le processus de concentration des forces productives
ne pourrait s’achever que par l’unification du capital
et de la classe dominante à l’échelle mondiale
»10.
Le fait fondamental de la société capitaliste réside
dans l’idée d’un travail salarié asservi
au capital.
L’économie repose sur l’exploitation de ce travail
salarié, qui se traduit par l’appropriation par la
classe dominante d’une partie du produit social qu’elle
utilise à sa guise.
Cette utilisation prend la forme de l’accumulation qui transforme
une partie de la plus-value en moyens de production supplémentaires,
moyens qui mettent en évidence la nécessité
d’un progrès technique.
Cette analyse marxiste du capitalisme est jugée bonne par
CASTORIADIS, le problème étant que MARX va être
prisonnier d’une conception productiviste de l’histoire,
dans la mesure où l’être humain est réduit
à un homo oeconomicus, c’est-à-dire à
un être capable de produire.
MARX a posé le problème du capitalisme en déterminant
le taux d’exploitation qui repose sur le rapport entre de
la plus-value totale ou masse des profits à la masse des
salaires.
Ce qui ne va pas, c’est de montrer que ce taux d’exploitation
repose exclusivement sur des critères économiques
objectifs, CASTORIADIS dénonçant la dérive
scientiste de MARX.
Le salaire réel ne détermine pas objectivement une
valeur de travail, cette valeur est fixée par la société,
elle est ce que la société croit être.
Temps de travail, coûts de production, productivité,
taux de croissance sont des notions qui devraient pouvoir être
discutées, et c’est là que la dimension politique
d’une société doit être prise en compte.
La bureaucratie se concentre autour d’un pôle directeur,
elle est à la fois économique et politique, elle est
contrôle, réglementation d’une exploitation généralisée.
Le capitalisme bureaucratique a une tendance monopolistique, les
monopoles désignant explicitement des systèmes concentrationnaires,
rationalisant la domination.
Les Etats-Unis mettent en place un capitalisme de monopoles industriels
qui dépasse le capitalisme concurrentiel, « pour arriver
au monopole universel s’identifiant à l’Etat.
»11 Le contrôle croissant des marchés, des sources
de matière première et les réglementations
administratives affirment cette tendance d’unification.
Cette bureaucratie a besoin pour cela de la séparation d’un
Etat et de la société, elle a besoin d’une direction
séparée qui soit le plus efficace possible.
La division du travail se polarise autour de la direction et de
l’exécution des tâches.
L’économie est la forme universelle abstraite du fonctionnement
bureaucratique, le réel étant ce qui peut être
calculé en termes de rendement et de productivité.
L’Etat est ainsi confié à des professionnels
de la politique qui définissent des codes communs (juridiques,
économiques…) favorables à l’hyperconcentration
des moyens de production.
« L’universalité abstraite apparaît en
même temps dans la politique, puisque l’Etat ou le «
peuple » apparaît comme sujet du pouvoir, qui est en
réalité le pouvoir de la bureaucratie. »12.
Le pouvoir bureaucratique occulte ce qu’il est réellement,
son renforcement passe par un contrôle de plus en plus fort
et génère ainsi une souffrance sociale devenue plus
accentuée.
« L’accélération de la concentration verticale
et horizontale imposée par le besoin d’un contrôle
et d’une réglementation de plus en plus complets des
sources de matières premières et des marchés,
aussi bien intérieurs qu’extérieurs ; l’extension
de l’appareil militaire, l’échéance de
la guerre totale et la transformation graduelle de l’économie
en économie de guerre permanente »13.
Ces réflexions sont à replacer dans un contexte de
guerre froide, immédiatement au sortir de la Seconde guerre
mondiale, elles n’en perdent pas moins leur pertinence, la
bureaucratie active des mécanismes guerriers qui sont fondamentalement
des mécanismes de répression assurant un contrôle
rapide et efficace.
La bureaucratie vise bien à instaurer un système concentrationnaire
mondial, qui activerait un ensemble de dispositifs de contrôle.
L’originalité de CASTORIADIS, en 1949, fut de montrer
que le régime soviétique différait des économies
occidentales uniquement du point de vue de l’intensité
du système bureaucratique.
L’opposition entre le régime soviétique et l’Ouest
n’est pas une opposition de nature, mais une de forme, puisque
l’URSS est une tentative d’institution bureaucratique
totale alors que les régimes occidentaux ne représentent
que des bureaucraties fragmentées, des systèmes concentrationnaires
inachevés.
II
Etudier le régime social russe permet de dégager ce
qui menace les pays de l’Ouest, dans leur course effrénée
à la concentration du pouvoir économique et politique.
« C’est ainsi que la société moderne,
qu’elle vive sous un régime « démocratique
» ou « dictatorial », est en fait toujours totalitaire.
Car la domination des exploiteurs doit, pour se maintenir envahir
tous les domaines d’activité et tenter de se les soumettre.
»14.
La terreur est bien un moyen d’assurer la domination et de
l’étendre, mais la manipulation pacifique des masses
et l’assimilation graduelle des oppositions organisées
est un moyen tout aussi efficace d’accroître cette domination.
« Convenons d’appeler régime social un type donné
d’institution de la société en tant qu’il
dépasse une société singulière.
La notion et le terme de « mode de production » ont
une validité s’il s’agit de caractériser
la production comme telle ; non pas une société ou
une classe de sociétés »15.
Le mode de production est toujours à référer
à un régime social qui le définit, ici en l’occurrence
le système bureaucratique.
Le régime social de l’URSS, des pays de l’Est
à l’époque, et celui de la Chine décrit
un « capitalisme bureaucratique total » alors que les
pays industrialisés d’Occident illustrent un «
capitalisme bureaucratique fragmenté. »16.
La bureaucratie est interprétable comme le produit organique
de la concentration du capital, qui présuppose un arsenal
de contrôle des tâches.
A l’Est, l’Etat fixe les normes de la production, la
société bureaucratique fait un partage net entre une
nouvelle couche d’exploitants qui concentre le pouvoir économique
et politique et les exécutants devant réaliser la
production définie.
Les acteurs n’ont plus de marge de manoeuvre, leur action
ne crée rien, puisque les dirigeants prévoient le
résultat de cette action et misent dessus.
Le système concentrationnaire est séparation complète
entre direction et exécution, il est désarticulation
assumée du corps social, puisque la tête commande en
dehors du corps qu’elle dirige.
Les analyses de MARX sont viables en ce qu’elles montrent
la personnification du Capital et la déshumanisation du travail
humain, sa décapitation.
« La séparation de la direction et de la production
immédiate, le transfert de la direction de l’activité
de travail à une instance extérieure au travail et
au travailleur ; la pseudo-« rationalisation » ; le
« calcul » et la « planification » étendue
à des segments de plus en plus grands de la production et
de l’économie, etc.
-toutes ces fonctions, il est exclu qu’elles soient accomplies
par des « personnes » »17.
La domination devient non nommable, proprement inhumaine, elle s’accomplit
sous la forme d’un cynisme et d’une barbarie circulant
dans toutes les sphères de ce système concentrationnaire.
Cette domination est l’imposition d’un point de vue
unique érigé en but de la société.
« Le point de vue « universel » de la direction
est en fait un point de vue particulier ; c’est le point de
vue à la fois partial et partiel d’une couche particulière,
qui n’accède qu’à une partie de la réalité,
qui vit une vie à part de la production effective, qui a
des intérêts propres à faire valoir. »18.
Cette coupure entre direction et exécution est totalement
consommée dans le régime social de la Russie, où
la nouvelle couche sociale créée concentre tous les
pouvoirs.
Cette couche sociale décapite proprement le mouvement ouvrier
en séparant sa tête de son corps, c’est-à-dire
en séparant le prolétariat du parti révolutionnaire
qui assume la direction.
Le principe de la division du travail, propre au capitalisme bureaucratique
est reconduit de manière totale.
Le mouvement ouvrier n’a ainsi aucune prise sur le pouvoir
politique et économique.
Cette division est « entre la « conscience du prolétariat
», localisée désormais dans le « parti
révolutionnaire », et le corps du prolétariat,
privé de conscience et […] cette « conscience
» qui est le parti se hâte de priver de plus en plus
de conscience pour s’affirmer elle-même en tant que
conscience irremplaçable.
La distinction devient division, la division devient opposition,
et l’opposition devient en définitive contradiction
entre le prolétariat et son propre « parti révolutionnaire
». »19.
Le système concentrationnaire fonctionne selon un principe
de cloisonnement du corps des exécutants, la vie est assumée
uniquement par la tête qui prétend la diriger.
C’est dans ce cloisonnement qu’il y a barbarie, c’est-à-dire
négation de la vie qui est mouvement d’institution
global, où tête et corps sont liées.
Le monopole bureaucratique est en fait un monopole de conscience,
une appropriation négative de cette conscience qui, du même
coup, dilapide ses possibilités créatives du fait
de cette division.
Dans tous les pays de l’Est, la propriété privée
a été nationalisée et la bourgeoisie, en tant
que couche sociale, a été exterminée et remplacée
par cette nouvelle couche bureaucratique, à savoir le parti
révolutionnaire.
D’un point de vue plus profond, les rapports de production
sont restés des rapports d’exploitation.
« Exprimée comme subordination totale des ouvriers
au cours de la production aux intérêts d’une
couche sociale dominante et comme accaparement de la plus-value
par la bureaucratie, cette exploitation n’est qu’une
forme plus développée de la domination du capital
sur le travail. »20.
La bureaucratie concentre cette domination de manière plus
forte et plus efficace que la bourgeoisie nationale traditionnelle.
La guerre froide est ainsi interprétée en termes de
concurrence à la concentration du capital et du pouvoir réel.
La vision de CASTORIADIS et des membres du groupe Socialisme ou
Barbarie fut très claire en ce qui concerne l’évolution
des rapports entre les bureaucraties fragmentées et les bureaucraties
totales.
« La lutte qui dans certains de ces pays [de l’Est]
(Tchécoslovaquie, Hongrie) opposa la bureaucratie montante,
soutenue par le prolétariat ou tout au moins par ses fractions
les plus actives, à la bourgeoisie traditionnelle ne fut
que l’expression locale du conflit qui commençait à
se manifester sur le plan mondial entre les deux pôles de
la concentration du capital, les Etats-Unis et la Russie, pôles
qui ne sont eux-mêmes que la concrétisation géographique
des deux couches d’exploiteurs actuellement en lutte pour
la domination mondiale. »21.
La guerre froide désigne une guerre permanente qui traduit
un mouvement de concentration de cette direction en vue d’une
gouvernance mondiale.
La bureaucratie est une forme de socialisation qui tend vers ce
type de gouvernance, elle est rationalisation de la domination,
le groupe Socialisme ou Barbarie se situant dans la mouvance des
analyses wébériennes.
CASTORIADIS prend également l’exemple du recrutement
de la nouvelle classe bureaucratique parmi les membres du parti
communiste.
Le recrutement permet une répartition des têtes dirigeantes
parmi toutes les structures sociales existantes, les Assemblées
souveraines, les organisations des masses, les postes politiques
et économiques.
En 1950, CASTORIADIS remarque que « dans les seules années
1947 et 1949, on a réparti aux postes dirigeants de l’appareil
administratif fédéral 1023 membres du Parti et dans
l’armée yougoslave.
Pour l’appareil des administrations républicaines (c’est-à-dire
des républiques fédérées), on a réparti
aux postes dirigeants 925 membres du Parti… Le Parti a également
accordé une attention particulière aux cadres de la
direction de la Sûreté d’Etat…Néanmoins,
malgré la formation de l’appareil administratif et
économique de l’Etat, le Parti n’aurait pas pu
assurer la mobilisation des masses populaires… sans le vaste
réseau des organisations du Front Populaire (qui compte 6608423
membres), des syndicats (qui comptent 1300000 ouvriers et employés
organisés et qui sont inclus dans le nombre précité
des membres du Front Populaire), des organisations de la jeunesse
(où sont organisés 1414763 jeunes gens et jeunes filles),
du Front antifasciste des femmes, des coopératives, etc.
»22.
Cet exemple est révélateur du maillage systématique
qui est effectué par la direction qui encercle toutes les
structures publiques.
L’espace public est totalement contrôlé de façon
à ce que l’appareil bureaucratique soit partout et
que rien ne lui échappe.
Les régimes de l’Est constituent des systèmes
de concentration nationale à vocation impériale, puisque
l’objectif du socialisme dans un seul pays vise l’extension
totale de l’institution bureaucratique de la société.
Cette direction suppose la passivité des exécutants
qui n’ont plus qu’un ensemble de tâches à
réaliser.
L’action humaine est niée dans son essence, puisque
l’action suppose une spontanéité créatrice
de la part des acteurs qui produit des résultats nouveaux
et imprévisibles.
Or, la bureaucratie veut contrôler et prévoir les
résultats de production des exécutants, elle suppose
une certaine homogénéité de la valeur de travail
et de la productivité individuelle.
Elle tente de calculer ce qui n’est pas entièrement
calculable et sombre dans des incohérences et des absurdités
économiques.
Les gaspillages, les erreurs de contrôle révèlent
qu’elle n’est pas capable d’assumer entièrement
ce contrôle, parce qu’elle ne peut pas éliminer
la composante humaine.
« Tout d’abord, la bureaucratie dirigeante ne sait pas
ce qu’elle doit diriger : la réalité de la production
lui échappe, car cette réalité n’est
rien d’autre que l’activité des producteurs et
les producteurs n’informent pas les dirigeants, capitalistes
privés ou bureaucrates, sur ce qui a lieu réellement
»23.
La société bureaucratique n’est pas viable,
elle est même absurde, puisque le manque d’information
conduit à des décisions irrationnelles.
Si on sépare les dirigeants des exécutants, on se
coupe de l’information et on s’éloigne de la
réalité productive tout en la planifiant de l’extérieur.
CASTORIADIS situe à ce niveau la contradiction du capitalisme
bureaucratique.
« Pour MARX, la « contradiction » inhérente
au capitalisme était que le développement des forces
productives devenait, au-delà d’un point, incompatible
avec les formes capitalistes de propriété et d’appropriation
privée du produit social et devait les faire éclater.
Pour nous, la contradiction inhérente au capitalisme se trouve
dans le type de scission entre direction et exécution que
celui-ci réalise, et dans la nécessité qui
en découle pour lui de chercher simultanément l’exclusion
et la participation des individus par rapport à leurs activités.
»24.
L’exécution est une tâche qui suppose un minimum
de participation des acteurs et dans le même temps, la direction
souhaite annihiler cette participation, si minimale soit-elle, elle
devient incapable de gérer cette contradiction.
La bureaucratie est une forme de socialisation incohérente
et vouée à l’échec car la séparation
de la tête et du corps devient une monstruosité aberrante
et impossible à maintenir, et c’est pourquoi des brèches
au sein de cet appareil se font de plus en plus visibles.
III
Les exécutants ne participent pas à l’organisation
globale de la société, le mouvement ouvrier se saisit
d’abord au sein d’une expérience de la lutte
sociale qui doit en un premier temps détruire cette tendance
à un système d’isolement des têtes dirigeantes.
Le mouvement ouvrier ne peut pas détruire la bureaucratie
à partir des organes pseudo-révolutionnaires qui renforcent
ce pouvoir bureaucratique de manière radicale.
« Les organisations que la classe ouvrière avait créées
pour se libérer sont devenues des rouages du système
d’exploitation. »25.
Ces organisations sont encore plus aliénantes, elles noyautent
complètement toute tendance à l’autonomie du
mouvement ouvrier.
Le pouvoir bureaucratique, quand il se réalise, ne peut mystifier
son essence, qui est l’extermination des exécutants,
devenus trop gênants.
Cependant, la direction a besoin d’une exécution, elle
a besoin d’exploiter et elle ne peut détruire totalement
cette couche sociale d’exécutants qu’elle a instituée.
Plus son pouvoir s’accroît, plus le système se
concentre, et plus son sens se révèle dans un cynisme
pur.
L’expérience du mouvement ouvrier devient possibilité
d’un mouvement abolissant dans un premier temps cette séparation
entre tête et corps, pour enfin assurer une collaboration
permanente entre la direction et l’exécution.
Les acteurs doivent être à la fois directeurs et exécuter
ce qu’ils ont choisi, il faut évoluer vers une déconcentration
du système et éviter l’autonomisation de la
direction.
Le mouvement ouvrier doit préparer sa possibilité
créatrice en instituant globalement un autre type de société.
Cette rupture est radicale, puisqu’elle présuppose
l’effacement d’un certain nombre de significations imaginaires
instituées depuis des siècles, elle prend un sens
politique fort.
« Il s’agit de l’auto-institution permanente de
la société, d’un arrachement radical à
des formes plusieurs fois millénaires de la vie sociale,
mettant en cause la relation de l’homme à ses outils
autant qu’à ses enfants, son rapport à la collectivité
autant qu’aux idées, et finalement toutes les dimensions
de son avoir, de son savoir, de son pouvoir. »26.
Les hommes doivent se réapproprier le sens collectif et mettre
en oeuvre leur liberté publique.
Les dirigeants des bureaucraties fragmentées accentuent la
privatisation de l’existence, la liberté étant
ramenée à un exercice privé de consommation.
Ce repli permet leur emprise sur l’espace public et la concentration
de leurs pouvoirs.
Les systèmes concentrationnaires de l’Est ne pouvaient
pas maintenir cet étouffement de l’action humaine,
les bureaucraties occidentales contrôlent de manière
plus radicale l’existence individuelle en déterminant
un espace pseudo-privé de consommation.
Faire éclater ces bureaucraties présuppose l’établissement
d’une forme de démocratie directe où les hommes
décident de tout, du rôle de l’économie
qui ne doit plus être le centre des préoccupations,
d’un marché d’échanges non capté
par des monopoles, et d’une gouvernance qui permette l’association
de tous les citoyens à l’exercice du pouvoir, de façon
à ce que tête et corps soient constamment solidaires.
C’est une manière d’éviter l’aliénation
de la société instituante à la société
instituée et de permettre une possibilité permanente
de remettre en cause la valeur des normes sociales.
L’action des citoyens ne peut pas faire disparaître
ce pouvoir instituant, qui tente constamment d’éviter
la formation de systèmes de cloisonnement.
Ce pouvoir instituant ouvre un espace qui est celui d’une
possibilité sociale nouvelle.
Plus on se rapproche de ce pouvoir instituant, plus on préserve
la vie elle-même qui est création incessante de nouvelles
formes d’organisation.
L’auto-institution permanente de la société
doit être explicite, car les citoyens sont eux-mêmes
responsables des décisions qu’ils prennent.
Il n’y a pas de fondement extra-social de la société,
que ce soit un Dieu, la Raison érigée en accoucheuse
de l’Histoire, ou la loi des ancêtres.
Ceux qui tentent de mettre en évidence un fondement extra-social
de la société, veulent instituer un pouvoir bureaucratique,
car la domination, aussi masquée soit-elle, n’est jamais
anonyme.
Cette domination est emprise de l’imaginaire social, elle
s’impose comme unique moyen de faire coexister les citoyens,
et elle occulte la véritable source de créativité
sociale.
Si nous examinons l’héritage du monde occidental, nous
ne trouvons pas seulement les significations profondes du capitalisme
bureaucratique, mais les éléments d’un projet
d’autonomie sociale et individuelle, qui passe par la remise
en cause des lois et des normes sociales, notamment en Grèce
ancienne.
« La visée, volonté, désir de vérité,
telle que nous l’avons connue depuis vingt-cinq siècles,
est une plante historique à la fois vivace et fragile.
[…] Je ne parle pas de la vérité du philosophe,
mais de cette étrange déchirure qui s’institue
dans une société, depuis la Grèce, et la rend
capable de mettre en question son propre imaginaire. »27.
Dans la Grèce archaïque, nous décelons les germes
d’un projet qui réapparaît à plusieurs
fois dans notre histoire et qui consiste en la remise en question
de la société instituée et des catégories
existantes.
Le projet d’auto-institution globale de la société
n’est pas utopique, il a existé, mais il est en train
d’être recouvert par le projet d’institution bureaucratique
de la société qui se développe en systèmes
concentrationnaires déséquilibrés où
le pouvoir instituant n’est jamais partagé.
La justice sociale doit alors permettre un équilibre dans
la répartition de ce pouvoir.
Chaque citoyen prend part au débat public où l’interrogation
est préalable à la décision.
Les questions peuvent aussi bien porter sur l’âge de
voter, le mode d’élection des représentants
que sur l’organisation d’une économie avec la
définition d’un taux de croissance et une réglementation
des échanges… Ces décisions ne sont pas parfaites
(et d’ailleurs, que signifie parfait ?), elles sont susceptibles
d’être remises en question.
L’espace public n’est pas un espace quadrillé,
il est possibilité d’institutions nouvelles et doit
toujours tendre à une déconcentration du pouvoir.
IV Les systèmes concentrationnaires sont l’aboutissement
d’une logique de rationalisation excessive, avec la création
de deux couches sociales, celle des dirigeants et celle des exécutants.
Ils simplifient les divisions sociales en accentuant la séparation
complète entre dirigeants et exécutants.
Cette organisation n’est pas viable en ce que l’action
propre des exécutants est toujours niée.
Les systèmes concentrationnaires deviennent alors des guillotines
institutionnalisées où la tête dirigeante est
séparée du corps social : l’absence d’information
entre exécutants et dirigeants due à cette séparation
explique le fait que les décisions des dirigeants sont irrationnelles
et décalées par rapport aux actions des exécutants.
Ces systèmes deviennent de plus en plus répressifs,
le maintien de la domination est problématique, car les couches
dirigeantes ne peuvent contrôler la marge d’action des
exécutants.
Elles ont besoin d’une main d’oeuvre, et en même
temps veulent éviter une autonomie minimale de ces acteurs,
et c’est pourquoi elles tentent d’instituer des normes
de productivité irréelles.
La réflexion du groupe Socialisme ou Barbarie nous paraît
toujours éclairante aujourd’hui, malgré les
bouleversements sociologiques de nos sociétés.
Le mouvement ouvrier n’est plus aussi fort, mais l’exploitation
elle-même a changé de cadre, les exploités étant
de plus en plus nombreux et subissant l’oppression de ces
oligarchies cooptées se reproduisant suivant des mécanismes.
Le pouvoir bureaucratique est lui aussi capable d’imaginer
une nouvelle manière d’asseoir cette domination, en
mystifiant son fait même.
Ces systèmes concentrationnaires ne sont pas figés,
ils se muent et évoluent selon des paramètres variables.
La généralisation d’un capitalisme fragmenté
est aujourd’hui très nette, la gouvernance mondiale
est acquise aux mains d’une oligarchie qui s’approprie
totalement l’espace public, tout en instituant, par la consommation,
un faux espace de liberté.
Les systèmes concentrationnaires ne signifient pas forcément
l’institution de régimes dictatoriaux brutaux, ils
peuvent très bien s’instituer de manière insidieuse
et molle, en jouant sur un état fallacieux de paix sociale.
Les mouvements d’autonomie, susceptibles de faire éclater
les significations imaginaires de tels systèmes, sont aujourd’hui
de plus en plus étouffés.
Le projet d’autonomie lui-même est menacé, il
peut très bien être résorbé au sein de
l’organisation bureaucratique de la société
s’imposant comme étant, à tort, la seule qui
soit valable.
BIBLIOGRAPHIE
-Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
1, Union générale d’éditions, Paris,
1973.
-Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
2, Union générale d’éditions, Paris,
1973.
-Cornelius CASTORIADIS, L’expérience du mouvement ouvrier
1, Union générale d’éditions, Paris,
1974.
-Cornelius CASTORIADIS, L’expérience du mouvement ouvrier
2, Union générale d’éditions, Paris,
1974.
-Cornelius CASTORIADIS, L’institution imaginaire de la société,
éditions du Seuil, Paris, 1975.
-Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution
1, Union générale d’éditions, Paris,
1979.
-Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution
2, Union générale d’éditions, Paris,
1979.
-Cornelius CASTORIADIS, Domaines de l’homme, Les carrefours
du labyrinthe II, éditions du Seuil, Paris, 1986.
N. B : Tous les livres mentionnés (à part la deuxième
partie de L’institution imaginaire de la société
et un certain nombre d’articles des Carrefours du labyrinthe
II) sont des articles de la revue Socialisme ou Barbarie écrits
entre 1949 et 1965.
1 Cornelius CASTORIADIS, « Socialisme ou Barbarie »
in La société bureaucratique I, Union générale
d’éditions, Paris, 1973, p.139.
2 Cornelius CASTORIADIS, « Portée ontologique de l’histoire
de la science » in Domaines de l’Homme, éditions
du Seuil, Paris, 1986, p.420.
3 Cornelius CASTORIADIS, L’institution imaginaire de la société,
éditions du Seuil, Paris, 1975, p. 251.
4 Cornelius CASTORIADIS, « Développement et «
rationalité » » in Domaines de l’Homme,
éditions du Seuil, Paris, 1986, p. 136.
5 Ibid. , p. 140.
6 Ibid. , p. 140.
7 Ibid. , p. 140.
8 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
I, Les rapports de production en Russie, Union générale
d’éditions, Paris, 1973, p. 120.
9 Ibid. , p. 121.
10 Ibid. , p. 154.
11 Ibid. , p. 105.
12 Ibid. , p. 125.
13 Ibid. , p. 153.
14 Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution,
Union générale d’éditions, Paris, 1979,
p. 119.
15 Cornelius CASTORIADIS, « Le régime social de la
Russie » in Domaines de l’Homme, éditions du
Seuil, Paris, 1986, p.186.
16 Ibid. , p. 186.
17 Ibid., p. 190.
18 Cornelius CASTORIADIS, « Sur le contenu du socialisme,
III » in L’expérience du mouvement ouvrier 2,
Union générale d’éditions, Paris, 1974,
p.71.
19 Cornelius CASTORIADIS, « La concentration des forces productives
» in La société bureaucratique 1, Union générale
d’éditions, Paris, 1973, p.123.
20 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
2, Union générale d’éditions, Paris,
1973, p.48.
21 Ibid., p.51.
22 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
2, Union générale d’éditions, Paris,
1973, p.74.
23 Ibid., p.279.
24 Cornelius CASTORIADIS, « Recommencer la Révolution
» in L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union
générale d’éditions, Paris, 1974, p.318.
25 Cornelius CASTORIADIS, « Prolétariat et organisation,
I » in L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union
générale d’éditions, Paris, 1973, p.123.
26 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
1, Union générale d’éditions, Paris,
1973, p.56.
27 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique
1, Union générale d’éditions, Paris,
1973, p.59.
|