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L’analyse du phénomène bureaucratique chez Castoriadis
Christophe Prémat


Origine : http://www.ens-lsh.fr/assoc/traces/archives/un/pdf/n1castoriadis.pdf

L’analyse du phénomène bureaucratique chez Castoriadis
Christophe Prémat

« Un siècle après le Manifeste Communiste , trente années après la Révolution russe, après avoir connu des victoires éclatantes et de profondes défaites, le mouvement révolutionnaire semble avoir disparu, tel un cours d’eau qui en s’approchant de la mer se répand en marécages et finalement s’évanouit dans le sable. »1.

Ce constat est celui que fait CASTORIADIS, dans le premier numéro de la revue Socialisme ou Barbarie en 1949, un an après la fondation avec CLAUDE LEFORT du groupe révolutionnaire du même nom. Ce groupe s’est constitué en dissidence de la IVème Internationale trotskyste qui analysait le régime soviétique comme étant un Etat ouvrier dégénéré. Or, Socialisme ou Barbarie, au-delà de la dénonciation de ce totalitarisme, lancera une interprétation audacieuse à l’époque en montrant la tendance profonde des sociétés contemporaines vers une institution bureaucratique, qu’elle soit totale comme dans le cas des régimes de l’Est (qui représentent les cas extrêmes) ou fragmentée comme dans les régimes de l’Ouest. Cette bureaucratisation de la société est un phénomène proprement concentrationnaire, dans le sens où le système d’exploitation institué produit une logique pseudo-rationnelle de développement et contrôle les différentes sphères de l’existence sociale des individus. Cette bureaucratisation assèche toute possibilité de renouvellement des normes sociales.

La bureaucratie ne se présente pas pour autant comme un monstre hybride, dont les tentacules étoufferaient l’énergie créatrice des individus. Il s’agira plutôt, dans la description de ce phénomène, de montrer en quoi elle se constitue comme modèle social rationnel rendant efficace la domination de la société par un petit nombre, qui n’est pas forcément une classe unifiée.

Nous nous proposons d’analyser les caractéristiques de la plupart des bureaucraties qui représentent des systèmes concentrationnaires fonctionnant à partir d’une direction séparée de l’exécution, dont le sens revient à cette couche de dirigeants. La bureaucratie est alors une institution hétéronome de la société reposant sur l’intériorisation d’une hiérarchie. Ce type de socialisation nie toute possibilité d’ingérence de la part des acteurs, puisque l’orientation est l’apanage des dirigeants. Concentration des moyens, détention du sens, la domination s’institue comme emprise de l’imaginaire social.

Dans un premier temps de notre réflexion, nous dégagerons l’origine même du projet d’institution bureaucratique qui naît avec l’apparition de la signification imaginaire sociale d’une maîtrise infinie de l’environnement par les hommes, c’est-à-dire le capitalisme. Ensuite, nous mettrons en évidence le trait fondamental de la bureaucratie qui est la planification , dont l’exemple type est le régime social de l’URSS. La bureaucratie minimise le potentiel créateur des individus et fonctionne comme un corps social clos sur lui-même. En dernier lieu, nous montrerons comment la bureaucratie est une forme de socialisation qui instrumentalise une domination et nie toute liberté publique. L’appropriation de la sphère publique et politique par un petit nombre va de pair avec un mouvement de privatisation de l’existence individuelle. L’éclatement de ces systèmes concentrationnaires passe par la revalorisation d’un sens politique collectif, permettant à tous les hommes de devenir citoyens et d’instituer les critères de la vie sociale.

I

Le mot « bureaucratie » est composé du mot latin bruna (étoffe grossière de laine brune) et du verbe grec kratéein (être fort, puissant, dominer, exercer le pouvoir). Au début du XIVème siècle, il est utilisé pour indiquer le tapis sur lequel on fait des comptes et par extension a fini par désigner la table où l’on fait les comptes et le lieu où l’on fait les comptes. Progressivement , le mot s’est mis à nommer un organisme fournissant des prestations d’intérêt général, soit un établissement, une institution ou un service chargé de concevoir, de préparer, d’administrer ou de contrôler un plan et enfin l’ensemble des professionnels en charge de ces tâches administratives d’organisation et de contrôle. En 1764, le baron FrédéricMelchior de Grimm attribue la paternité du mot au physiocrate Vincent de Gournay (17121759), qui faisait des bureaux une forme de pouvoir. Cette forme de pouvoir, est sous-tendue par le seul désir de gouverner pour gouverner, et de perpétuer l’existence et les privilèges et les stratégies de ce corps. Elle se constitue comme socialisation efficace, dans la mesure où elle est un corps qui fonctionne avec un cerveau, qui envoie les informations et des membres exécutants. Ce corps tend non pas à s’étendre comme corps, puisqu’il est clos sur lui-même, mais tend à étendre infiniment sa domination. CASTORIADIS fait un lien entre capitalisme et bureaucratie, puisque le capitalisme bureaucratique fait circuler un ensemble de significations qui régissent l’imaginaire social dans lequel nous vivons. CASTORIADIS entend le terme social au sens fort.

« Social : le terme ne renvoie pas à la Sécurité sociale, ni à la « question sociale », l’existence de riches et de pauvres »2.

Social renvoie au processus de socialisation de l’être humain, ce par quoi il appartient à telle société. CASTORIADIS forge d’ailleurs le terme de « social-historique »3, car la société est histoire tout comme l’histoire est social. Nos sociétés ne se définissent pas par rapport à un sens historique qui leur est extérieur, car elles déterminent elles-mêmes un horizon.

La première signification imaginaire est celle d’un développement de nos sociétés qui s’appuie sur une efficacité bureaucratique. Les critiques de la bureaucratie ne visent d’ailleurs pas un effacement de celle-ci, mais une simplification de ses procédures vue comme facteur d’efficacité.

« Ainsi, personne ou presque pour se demander : qu’est-ce que le « développement », pourquoi le « développement », « développement » de quoi et vers quoi ? Comme déjà indiqué, le terme « développement » a commencé à être utilisé lorsqu’il devint évident que le « progrès », l’« expansion », la « croissance » n’étaient pas des virtualités intrinsèques, inhérentes à toute société humaine, dont on aurait pu considérer la réalisation (actualisation) comme inévitable, mais des propriétés spécifiques- et possédant une « valeur positive »- des sociétés occidentales. »4.

Les sociétés occidentales se présentent comme des modèles de développement sans pour autant définir la fin de ce développement. Elles croissent et produisent toujours plus pour exister, sans penser que cette croissance n’est peut-être pas infinie. Le corps bureaucratique orchestre cette croissance économique, ses directives ont valeur de décrets. Or, ce développement n’en est pas un vrai, il faut se référer à la définition biologique du développement, qui implique l’acquisition par un organisme d’un maturité, cette maturité représentant la fin de cet organisme. Dans le cas de nos sociétés, le développement ne représente pas l’évolution d’un corps, puisque ce corps dégénère dans un impératif de production qui devient son seul sens. La société capitaliste se bureaucratise, son mode d’institution est réduit à un mode de production. Le développement n’est plus la réalisation d’une norme naturelle, mais la concentration d’une domination qui devient de plus en plus monstrueuse, car de plus en plus pénible à étendre. La société bureaucratique développe un système concentrationnaire, avec la présence en son sein d’un corps qui dérégulé. L’hyperrégulation de la croissance économique, la visée de tel ou tel taux de croissance deviennent les objectifs d’un tel corps qui tente d’occulter le sens de cette domination en alimentant la fiction d’un progrès pour tous. Essayons de dégager le sens de cette domination qui s’enracine dans une volonté infinie de maîtrise. Le changement survient quand l’idée d’infini s’immisce dans nos cadres de pensée. L’infini n’est plus la propriété d’un Dieu vivant hors du monde, il est propriété essentielle du monde d’ici-bas. CASTORIADIS ne souhaite pas définir une séquence causale en montrant quel phénomène a engendré tel mode de pensée, il préfère parler de « signification imaginaire sociale »5.

«A cette signification imaginaire sociale « correspondent de nouvelles attitudes, valeurs et normes, une nouvelle définition sociale de la réalité et de l’être, de ce qui compte et de ce qui ne compte pas. »6.

L’esprit de computabilité est le signe d’une nouvelle compréhension ontologique, où l’être représente ce qui peut être compté. Le propre de ces significations imaginaires est qu’elles se donnent ensemble, il est donc difficile de les délimiter pour repérer un enchaînement causal particulier.

« Ce qui importe ici est la « coïncidence » et la convergence, que l’on constate à partir, disons, du XIVème siècle, entre la naissance et l’expansion de la bourgeoisie, l’intérêt obsédant et croissant porté aux inventions et aux découvertes, l’effondrement progressif de la représentation médiévale du monde et de la société, la Réforme, le passage « du monde clos à l’Univers infini », la mathématisation des sciences, la perspective d’un « progrès indéfini de la connaissance » et l’idée que l’usage propre de la Raison est la condition nécessaire et suffisante pour que nous devenions « maîtres et possesseurs de la Nature » (Descartes). »7.

Ces significations imaginaires sociales transforment considérablement la représentation que nous avons de notre propre réalité, il serait cependant absurde d’expliquer l’émergence d’une nouvelle forme de rationalité à partir de l’affirmation de la bourgeoisie. Ces significations n’ont pas existé dans toutes les sociétés, elles ont été instituées par certaines d’entre elles. L’idée d’une mathématisation des sciences fut associée à l’idée d’un pouvoir non limité de la raison et cette conjonction a produit les catégories du monde moderne. Le développement se fait sans limites, l’objectif reste de produire plus, de vivre plus, « plus » étant une positivité sans sens.

« Mais sous cette positivité extérieure se révèle de plus en plus la mystification qui s’y trouve en germe. »8.

Sous cette pseudo-positivité, il y a occultation du mode d’institution de la société. L’aliénation ne se situe pas au niveau réel, mais au niveau imaginaire avec mobilisation de significations qui cachent l’origine de la société en lui proposant une fiction rationnelle. La croissance des quantités nie ainsi la finitude humaine pour incarner cette volonté infinie et la bureaucratie est alors, d’après CASTORIADIS, un mode d’institution global de cette mystification qui repose sur l’accroissement d’une efficacité collective. La bureaucratie n’est pas un simple pouvoir de bureaux, c’est un système de réduction globale du sens, l’absorption de la qualité d’une chose au profit de la quantité.

Cette institution mystificatrice se traduit réellement par une aliénation et une concentration des forces productives, elle se présente comme une médiation réalisant un certain sens de l’histoire,

« dans la mesure où elle localise et concentre le pour soi, la conscience et la direction de la classe, où en définitive elle se pose comme un pour soi, comme une fin de soi même dans l’histoire. »9.

Un petit nombre d’individus contrôle l’orientation du projet social et l’asservit à ses désirs tout en faisant passer ses intérêts pour l’intérêt général. La coïncidence de ces significations imaginaires a permis l’appropriation du destin collectif par ce petit nombre d’individus, l’institution du droit, de la religion, de l’économie sont alors centrées autour de cette idée d’une maîtrise infinie du monde. La direction bureaucratique a forgé la fiction d’une économie rationnelle qui régit le développement des forces productives. L’organisation bureaucratique de la société vise une concentration toujours plus grande de ces forces productives qui devienne petit à petit unification abstraite.

« En effet, le processus de concentration des forces productives ne pourrait s’achever que par l’unification du capital et de la classe dominante à l’échelle mondiale »10.

Le fait fondamental de la société capitaliste réside dans l’idée d’un travail salarié asservi au capital. L’économie repose sur l’exploitation de ce travail salarié, qui se traduit par l’appropriation par la classe dominante d’une partie du produit social qu’elle utilise à sa guise. Cette utilisation prend la forme de l’accumulation qui transforme une partie de la plus-value en moyens de production supplémentaires, moyens qui mettent en évidence la nécessité d’un progrès technique. Cette analyse marxiste du capitalisme est jugée bonne par CASTORIADIS, le problème étant que MARX va être prisonnier d’une conception productiviste de l’histoire, dans la mesure où l’être humain est réduit à un homo œconomicus, c’est-à-dire à un être capable de produire. MARX a posé le problème du capitalisme en déterminant le taux d’exploitation qui repose sur le rapport entre de la plus-value totale ou masse des profits à la masse des salaires. Ce qui ne va pas, c’est de montrer que ce taux d’exploitation repose exclusivement sur des critères économiques objectifs, CASTORIADIS dénonçant la dérive scientiste de MARX. Le salaire réel ne détermine pas objectivement une valeur de travail, cette valeur est fixée par la société, elle est ce que la société croit être. Temps de travail, coûts de production, productivité, taux de croissance sont des notions qui devraient pouvoir être discutées, et c’est là que la dimension politique d’une société doit être prise en compte. La bureaucratie se concentre autour d’un pôle directeur, elle est à la fois économique et politique, elle est contrôle, réglementation d’une exploitation généralisée. Le capitalisme bureaucratique a une tendance monopolistique, les monopoles désignant explicitement des systèmes concentrationnaires, rationalisant la domination. Les Etats-Unis mettent en place un capitalisme de monopoles industriels qui dépasse le capitalisme concurrentiel, « pour arriver au monopole universel s’identifiant à l’Etat. »11

Le contrôle croissant des marchés, des sources de matière première et les réglementations administratives affirment cette tendance d’unification.

Cette bureaucratie a besoin pour cela de la séparation d’un Etat et de la société, elle a besoin d’une direction séparée qui soit le plus efficace possible. La division du travail se polarise autour de la direction et de l’exécution des tâches. L’économie est la forme universelle abstraite du fonctionnement bureaucratique, le réel étant ce qui peut être calculé en termes de rendement et de productivité. L’Etat est ainsi confié à des professionnels de la politique qui définissent des codes communs (juridiques, économiques…) favorables à l’hyperconcentration des moyens de production.

« L’universalité abstraite apparaît en même temps dans la politique, puisque l’Etat ou le « peuple » apparaît comme sujet du pouvoir, qui est en réalité le pouvoir de la bureaucratie . »12.

Le pouvoir bureaucratique occulte ce qu’il est réellement, son renforcement passe par un contrôle de plus en plus fort et génère ainsi une souffrance sociale devenue plus accentuée.

« L’accélération de la concentration verticale et horizontale imposée par le besoin d’un contrôle et d’une réglementation de plus en plus complets des sources de matières premières et des marchés, aussi bien intérieurs qu’extérieurs ; l’extension de l’appareil militaire, l’échéance de la guerre totale et la transformation graduelle de l’économie en économie de guerre permanente »13.

Ces réflexions sont à replacer dans un contexte de guerre froide, immédiatement au sortir de la Seconde guerre mondiale, elles n’en perdent pas moins leur pertinence, la bureaucratie active des mécanismes guerriers qui sont fondamentalement des mécanismes de répression assurant un contrôle rapide et efficace. La bureaucratie vise bien à instaurer un système concentrationnaire mondial, qui activerait un ensemble de dispositifs de contrôle. L’originalité de CASTORIADIS, en 1949, fut de montrer que le régime soviétique différait des économies occidentales uniquement du point de vue de l’intensité du système bureaucratique. L’opposition entre le régime soviétique et l’Ouest n’est pas une opposition de nature, mais une de forme, puisque l’URSS est une tentative d’institution bureaucratique totale alors que les régimes occidentaux ne représentent que des bureaucraties fragmentées, des systèmes concentrationnaires inachevés.

II

Etudier le régime social russe permet de dégager ce qui menace les pays de l’Ouest, dans leur course effrénée à la concentration du pouvoir économique et politique.

« C’est ainsi que la société moderne, qu’elle vive sous un régime « démocratique » ou « dictatorial », est en fait toujours totalitaire. Car la domination des exploiteurs doit, pour se maintenir envahir tous les domaines d’activité et tenter de se les soumettre. »14.

La terreur est bien un moyen d’assurer la domination et de l’étendre, mais la manipulation pacifique des masses et l’assimilation graduelle des oppositions organisées est un moyen tout aussi efficace d’accroître cette domination.

« Convenons d’appeler régime social un type donné d’institution de la société en tant qu’il dépasse une société singulière. La notion et le terme de « mode de production »

ont une validité s’il s’agit de caractériser la production comme telle ; non pas une société ou une classe de sociétés »15.

Le mode de production est toujours à référer à un régime social qui le définit, ici en l’occurrence le système bureaucratique. Le régime social de l’URSS, des pays de l’Est à l’époque, et celui de la Chine décrit un « capitalisme bureaucratique total » alors que les pays industrialisés d’Occident illustrent un « capitalisme bureaucratique fragmenté. »16. La bureaucratie est interprétable comme le produit organique de la concentration du capital, qui présuppose un arsenal de contrôle des tâches. A l’Est, l’Etat fixe les normes de la production, la société bureaucratique fait un partage net entre une nouvelle couche d’exploitants qui concentre le pouvoir économique et politique et les exécutants devant réaliser la production définie. Les acteurs n’ont plus de marge de manœuvre, leur action ne crée rien, puisque les dirigeants prévoient le résultat de cette action et misent dessus. Le système concentrationnaire est séparation complète entre direction et exécution, il est désarticulation assumée du corps social, puisque la tête commande en dehors du corps qu’elle dirige. Les analyses de MARX sont viables en ce qu’elles montrent la personnification du Capital et la déshumanisation du travail humain, sa décapitation.

« La séparation de la direction et de la production immédiate, le transfert de la direction de l’activité de travail à une instance extérieure au travail et au travailleur ; la pseudo« rationalisation » ; le « calcul » et la « planification » étendue à des segments de plus en plus grands de la production et de l’économie, etc.-toutes ces fonctions, il est exclu qu’elles soient accomplies par des « personnes » »17.

La domination devient non nommable, proprement inhumaine, elle s’accomplit sous la forme d’un cynisme et d’une barbarie circulant dans toutes les sphères de ce système concentrationnaire. Cette domination est l’imposition d’un point de vue unique érigé en but de la société.

« Le point de vue « universel » de la direction est en fait un point de vue particulier ; c’est le point de vue à la fois partial et partiel d’une couche particulière, qui n’accède qu’à une partie de la réalité, qui vit une vie à part de la production effective, qui a des intérêts propres à faire valoir. »18.

Cette coupure entre direction et exécution est totalement consommée dans le régime social de la Russie, où la nouvelle couche sociale créée concentre tous les pouvoirs. Cette couche sociale décapite proprement le mouvement ouvrier en séparant sa tête de son corps, c’est-à

dire en séparant le prolétariat du parti révolutionnaire qui assume la direction. Le principe de la division du travail, propre au capitalisme bureaucratique est reconduit de manière totale. Le mouvement ouvrier n’a ainsi aucune prise sur le pouvoir politique et économique. Cette division est

« entre la « conscience du prolétariat », localisée désormais dans le « parti révolutionnaire », et le corps du prolétariat, privé de conscience et […] cette « conscience » qui est le parti se hâte de priver de plus en plus de conscience pour s’affirmer elle-même en tant que conscience irremplaçable. La distinction devient division, la division devient opposition, et l’opposition devient en définitive contradiction entre le prolétariat et son propre « parti révolutionnaire ». »19.

Le système concentrationnaire fonctionne selon un principe de cloisonnement du corps des exécutants, la vie est assumée uniquement par la tête qui prétend la diriger. C’est dans ce cloisonnement qu’il y a barbarie, c’est-à-dire négation de la vie qui est mouvement d’institution global, où tête et corps sont liées. Le monopole bureaucratique est en fait un monopole de conscience, une appropriation négative de cette conscience qui, du même coup, dilapide ses possibilités créatives du fait de cette division.

Dans tous les pays de l’Est, la propriété privée a été nationalisée et la bourgeoisie, en tant que couche sociale, a été exterminée et remplacée par cette nouvelle couche bureaucratique, à savoir le parti révolutionnaire. D’un point de vue plus profond, les rapports de production sont restés des rapports d’exploitation.

« Exprimée comme subordination totale des ouvriers au cours de la production aux intérêts d’une couche sociale dominante et comme accaparement de la plus-value par la bureaucratie, cette exploitation n’est qu’une forme plus développée de la domination du capital sur le travail. »20.

La bureaucratie concentre cette domination de manière plus forte et plus efficace que la bourgeoisie nationale traditionnelle. La guerre froide est ainsi interprétée en termes de concurrence à la concentration du capital et du pouvoir réel. La vision de CASTORIADIS et des membres du groupe Socialisme ou Barbarie fut très claire en ce qui concerne l’évolution des rapports entre les bureaucraties fragmentées et les bureaucraties totales.

« La lutte qui dans certains de ces pays [de l’Est] (Tchécoslovaquie, Hongrie) opposa la bureaucratie montante, soutenue par le prolétariat ou tout au moins par ses fractions les plus actives, à la bourgeoisie traditionnelle ne fut que l’expression locale du conflit qui

commençait à se manifester sur le plan mondial entre les deux pôles de la concentration du capital, les Etats-Unis et la Russie, pôles qui ne sont eux-mêmes que la concrétisation géographique des deux couches d’exploiteurs actuellement en lutte pour la domination mondiale. »21.

La guerre froide désigne une guerre permanente qui traduit un mouvement de concentration de cette direction en vue d’une gouvernance mondiale. La bureaucratie est une forme de socialisation qui tend vers ce type de gouvernance, elle est rationalisation de la domination, le groupe Socialisme ou Barbarie se situant dans la mouvance des analyses wébériennes. CASTORIADIS prend également l’exemple du recrutement de la nouvelle classe bureaucratique parmi les membres du parti communiste. Le recrutement permet une répartition des têtes dirigeantes parmi toutes les structures sociales existantes, les Assemblées souveraines, les organisations des masses, les postes politiques et économiques. En 1950,

CASTORIADIS remarque que

« dans les seules années 1947 et 1949, on a réparti aux postes dirigeants de l’appareil administratif fédéral 1023 membres du Parti et dans l’armée yougoslave. Pour l’appareil des administrations républicaines (c’est-à-dire des républiques fédérées), on a réparti aux postes dirigeants 925 membres du Parti… Le Parti a également accordé une attention particulière aux cadres de la direction de la Sûreté d’Etat…Néanmoins, malgré la formation de l’appareil administratif et économique de l’Etat, le Parti n’aurait pas pu assurer la mobilisation des masses populaires… sans le vaste réseau des organisations du Front Populaire (qui compte 6608423 membres), des syndicats (qui comptent 1300000 ouvriers et employés organisés et qui sont inclus dans le nombre précité des membres du Front Populaire), des organisations de la jeunesse (où sont organisés 1414763 jeunes gens et jeunes filles), du Front antifasciste des femmes, des coopératives, etc. »22.

Cet exemple est révélateur du maillage systématique qui est effectué par la direction qui encercle toutes les structures publiques. L’espace public est totalement contrôlé de façon à ce que l’appareil bureaucratique soit partout et que rien ne lui échappe. Les régimes de l’Est constituent des systèmes de concentration nationale à vocation impériale, puisque l’objectif du socialisme dans un seul pays vise l’extension totale de l’institution bureaucratique de la société. Cette direction suppose la passivité des exécutants qui n’ont plus qu’un ensemble de tâches à réaliser. L’action humaine est niée dans son essence, puisque l’action suppose une spontanéité créatrice de la part des acteurs qui produit des résultats nouveaux et imprévisibles.

Or, la bureaucratie veut contrôler et prévoir les résultats de production des exécutants, elle suppose une certaine homogénéité de la valeur de travail et de la productivité individuelle. Elle tente de calculer ce qui n’est pas entièrement calculable et sombre dans des incohérences et des absurdités économiques. Les gaspillages, les erreurs de contrôle révèlent qu’elle n’est pas capable d’assumer entièrement ce contrôle, parce qu’elle ne peut pas éliminer la composante humaine.

« Tout d’abord, la bureaucratie dirigeante ne sait pas ce qu’elle doit diriger : la réalité de la production lui échappe, car cette réalité n’est rien d’autre que l’activité des producteurs et les producteurs n’informent pas les dirigeants, capitalistes privés ou bureaucrates, sur ce qui a lieu réellement »23.

La société bureaucratique n’est pas viable, elle est même absurde, puisque le manque d’information conduit à des décisions irrationnelles. Si on sépare les dirigeants des exécutants, on se coupe de l’information et on s’éloigne de la réalité productive tout en la planifiant de l’extérieur. CASTORIADIS situe à ce niveau la contradiction du capitalisme bureaucratique.

« Pour MARX, la « contradiction » inhérente au capitalisme était que le développement des forces productives devenait, au-delà d’un point, incompatible avec les formes capitalistes de propriété et d’appropriation privée du produit social et devait les faire éclater. Pour nous, la contradiction inhérente au capitalisme se trouve dans le type de scission entre direction et exécution que celui-ci réalise, et dans la nécessité qui en découle pour lui de chercher simultanément l’exclusion et la participation des individus par rapport à leurs activités. »24.

L’exécution est une tâche qui suppose un minimum de participation des acteurs et dans le même temps, la direction souhaite annihiler cette participation, si minimale soit-elle, elle devient incapable de gérer cette contradiction. La bureaucratie est une forme de socialisation incohérente et vouée à l’échec car la séparation de la tête et du corps devient une monstruosité aberrante et impossible à maintenir, et c’est pourquoi des brèches au sein de cet appareil se font de plus en plus visibles.

III

Les exécutants ne participent pas à l’organisation globale de la société, le mouvement ouvrier se saisit d’abord au sein d’une expérience de la lutte sociale qui doit en un premier temps détruire cette tendance à un système d’isolement des têtes dirigeantes. Le mouvement ouvrier ne peut pas détruire la bureaucratie à partir des organes pseudo-révolutionnaires qui renforcent ce pouvoir bureaucratique de manière radicale.

« Les organisations que la classe ouvrière avait créées pour se libérer sont devenues des rouages du système d’exploitation. »25.

Ces organisations sont encore plus aliénantes, elles noyautent complètement toute tendance à l’autonomie du mouvement ouvrier. Le pouvoir bureaucratique, quand il se réalise, ne peut mystifier son essence, qui est l’extermination des exécutants, devenus trop gênants. Cependant, la direction a besoin d’une exécution, elle a besoin d’exploiter et elle ne peut détruire totalement cette couche sociale d’exécutants qu’elle a instituée. Plus son pouvoir s’accroît, plus le système se concentre, et plus son sens se révèle dans un cynisme pur. L’expérience du mouvement ouvrier devient possibilité d’un mouvement abolissant dans un premier temps cette séparation entre tête et corps, pour enfin assurer une collaboration permanente entre la direction et l’exécution. Les acteurs doivent être à la fois directeurs et exécuter ce qu’ils ont choisi, il faut évoluer vers une déconcentration du système et éviter l’autonomisation de la direction. Le mouvement ouvrier doit préparer sa possibilité créatrice en instituant globalement un autre type de société. Cette rupture est radicale, puisqu’elle présuppose l’effacement d’un certain nombre de significations imaginaires instituées depuis des siècles, elle prend un sens politique fort.

« Il s’agit de l’auto-institution permanente de la société, d’un arrachement radical à des formes plusieurs fois millénaires de la vie sociale, mettant en cause la relation de l’homme à ses outils autant qu’à ses enfants, son rapport à la collectivité autant qu’aux idées, et finalement toutes les dimensions de son avoir, de son savoir, de son pouvoir. »26.

Les hommes doivent se réapproprier le sens collectif et mettre en œuvre leur liberté publique. Les dirigeants des bureaucraties fragmentées accentuent la privatisation de l’existence, la liberté étant ramenée à un exercice privé de consommation. Ce repli permet leur emprise sur l’espace public et la concentration de leurs pouvoirs. Les systèmes concentrationnaires de l’Est ne pouvaient pas maintenir cet étouffement de l’action humaine, les bureaucraties occidentales contrôlent de manière plus radicale l’existence individuelle en

déterminant un espace pseudo-privé de consommation. Faire éclater ces bureaucraties présuppose l’établissement d’une forme de démocratie directe où les hommes décident de tout, du rôle de l’économie qui ne doit plus être le centre des préoccupations, d’un marché d’échanges non capté par des monopoles, et d’une gouvernance qui permette l’association de tous les citoyens à l’exercice du pouvoir, de façon à ce que tête et corps soient constamment solidaires. C’est une manière d’éviter l’aliénation de la société instituante à la société instituée et de permettre une possibilité permanente de remettre en cause la valeur des normes sociales. L’action des citoyens ne peut pas faire disparaître ce pouvoir instituant, qui tente constamment d’éviter la formation de systèmes de cloisonnement. Ce pouvoir instituant ouvre un espace qui est celui d’une possibilité sociale nouvelle. Plus on se rapproche de ce pouvoir instituant, plus on préserve la vie elle-même qui est création incessante de nouvelles formes d’organisation. L’auto-institution permanente de la société doit être explicite, car les citoyens sont eux-mêmes responsables des décisions qu’ils prennent. Il n’y a pas de fondement extrasocial de la société, que ce soit un Dieu, la Raison érigée en accoucheuse de l’Histoire, ou la loi des ancêtres. Ceux qui tentent de mettre en évidence un fondement extra-social de la société, veulent instituer un pouvoir bureaucratique, car la domination, aussi masquée soitelle, n’est jamais anonyme. Cette domination est emprise de l’imaginaire social, elle s’impose comme unique moyen de faire coexister les citoyens, et elle occulte la véritable source de créativité sociale.

Si nous examinons l’héritage du monde occidental, nous ne trouvons pas seulement les significations profondes du capitalisme bureaucratique, mais les éléments d’un projet d’autonomie sociale et individuelle, qui passe par la remise en cause des lois et des normes sociales, notamment en Grèce ancienne.

« La visée, volonté, désir de vérité, telle que nous l’avons connue depuis vingt-cinq siècles, est une plante historique à la fois vivace et fragile. […] Je ne parle pas de la vérité du philosophe, mais de cette étrange déchirure qui s’institue dans une société, depuis la Grèce, et la rend capable de mettre en question son propre imaginaire. »27.

Dans la Grèce archaïque, nous décelons les germes d’un projet qui réapparaît à plusieurs fois dans notre histoire et qui consiste en la remise en question de la société instituée et des catégories existantes. Le projet d’auto-institution globale de la société n’est pas utopique, il a existé, mais il est en train d’être recouvert par le projet d’institution bureaucratique de la société qui se développe en systèmes concentrationnaires déséquilibrés où le pouvoir instituant n’est jamais partagé. La justice sociale doit alors permettre un équilibre dans la

répartition de ce pouvoir. Chaque citoyen prend part au débat public où l’interrogation est préalable à la décision. Les questions peuvent aussi bien porter sur l’âge de voter, le mode d’élection des représentants que sur l’organisation d’une économie avec la définition d’un taux de croissance et une réglementation des échanges… Ces décisions ne sont pas parfaites (et d’ailleurs, que signifie parfait ?), elles sont susceptibles d’être remises en question. L’espace public n’est pas un espace quadrillé, il est possibilité d’institutions nouvelles et doit toujours tendre à une déconcentration du pouvoir.

IV

Les systèmes concentrationnaires sont l’aboutissement d’une logique de rationalisation excessive, avec la création de deux couches sociales, celle des dirigeants et celle des exécutants. Ils simplifient les divisions sociales en accentuant la séparation complète entre dirigeants et exécutants. Cette organisation n’est pas viable en ce que l’action propre des exécutants est toujours niée. Les systèmes concentrationnaires deviennent alors des guillotines institutionnalisées où la tête dirigeante est séparée du corps social : l’absence d’information entre exécutants et dirigeants due à cette séparation explique le fait que les décisions des dirigeants sont irrationnelles et décalées par rapport aux actions des exécutants. Ces systèmes deviennent de plus en plus répressifs, le maintien de la domination est problématique, car les couches dirigeantes ne peuvent contrôler la marge d’action des exécutants. Elles ont besoin d’une main d’œuvre, et en même temps veulent éviter une autonomie minimale de ces acteurs, et c’est pourquoi elles tentent d’instituer des normes de productivité irréelles.

La réflexion du groupe Socialisme ou Barbarie nous paraît toujours éclairante aujourd’hui, malgré les bouleversements sociologiques de nos sociétés. Le mouvement ouvrier n’est plus aussi fort, mais l’exploitation elle-même a changé de cadre, les exploités étant de plus en plus nombreux et subissant l’oppression de ces oligarchies cooptées se reproduisant suivant des mécanismes. Le pouvoir bureaucratique est lui aussi capable d’imaginer une nouvelle manière d’asseoir cette domination, en mystifiant son fait même. Ces systèmes concentrationnaires ne sont pas figés, ils se muent et évoluent selon des paramètres variables. La généralisation d’un capitalisme fragmenté est aujourd’hui très nette, la gouvernance mondiale est acquise aux mains d’une oligarchie qui s’approprie totalement l’espace public, tout en instituant, par la consommation, un faux espace de liberté. Les systèmes concentrationnaires ne signifient pas

forcément l’institution de régimes dictatoriaux brutaux, ils peuvent très bien s’instituer de manière insidieuse et molle, en jouant sur un état fallacieux de paix sociale. Les mouvements d’autonomie, susceptibles de faire éclater les significations imaginaires de tels systèmes, sont aujourd’hui de plus en plus étouffés. Le projet d’autonomie lui-même est menacé, il peut très bien être résorbé au sein de l’organisation bureaucratique de la société s’imposant comme étant, à tort, la seule qui soit valable.

Christophe Prémat


BIBLIOGRAPHIE

-Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 1, Union générale d’éditions, Paris, 1973.

-Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 2, Union générale d’éditions, Paris, 1973.

-Cornelius CASTORIADIS, L’expérience du mouvement ouvrier 1, Union générale d’éditions, Paris, 1974.

-Cornelius CASTORIADIS, L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union générale d’éditions, Paris, 1974.

-Cornelius CASTORIADIS, L’institution imaginaire de la société, éditions du Seuil, Paris, 1975.

-Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution 1, Union générale d’éditions, Paris, 1979.

-Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution 2, Union générale d’éditions, Paris, 1979.

-Cornelius CASTORIADIS, Domaines de l’homme, Les carrefours du labyrinthe II, éditions du Seuil, Paris, 1986.

N.B : Tous les livres mentionnés (à part la deuxième partie de L’institution imaginaire de la société et un certain nombre d’articles des Carrefours du labyrinthe II) sont des articles de la revue Socialisme ou Barbarie écrits entre 1949 et 1965.


1 Cornelius CASTORIADIS, « Socialisme ou Barbarie » in La société bureaucratique I, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.139.

2 Cornelius CASTORIADIS, « Portée ontologique de l’histoire de la science » in Domaines de l’Homme, éditions du Seuil, Paris, 1986, p.420.

3 Cornelius CASTORIADIS, L’institution imaginaire de la société, éditions du Seuil, Paris, 1975, p.251.

4 Cornelius CASTORIADIS, « Développement et « rationalité » » in Domaines de l’Homme, éditions du Seuil, Paris, 1986, p.136.

5 Ibid., p.140. 6 Ibid., p.140. 7 Ibid., p.140.

8 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique I, Les rapports de production en Russie, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.120.

9 Ibid., p.121. 10 Ibid., p.154. 11 Ibid., p.105. 12 Ibid., p.125. 13 Ibid., p.153.

14 Cornelius CASTORIADIS, Capitalisme moderne et révolution, Union générale d’éditions, Paris, 1979, p.119.

15 Cornelius CASTORIADIS, « Le régime social de la Russie » in Domaines de l’Homme, éditions du Seuil, Paris, 1986, p.186.

16 Ibid., p.186.

17 Ibid., p.190.

18 Cornelius CASTORIADIS, « Sur le contenu du socialisme, III » in L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union générale d’éditions, Paris, 1974, p.71.

19 Cornelius CASTORIADIS, « La concentration des forces productives » in La société bureaucratique 1, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.123.

20 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 2, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.48. 21 Ibid., p.51.

22 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 2, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.74. 23 Ibid., p.279.

24 Cornelius CASTORIADIS, « Recommencer la Révolution » in L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union générale d’éditions, Paris, 1974, p.318.

25 Cornelius CASTORIADIS, « Prolétariat et organisation, I » in L’expérience du mouvement ouvrier 2, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.123.

26 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 1, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.56. 27 Cornelius CASTORIADIS, La société bureaucratique 1, Union générale d’éditions, Paris, 1973, p.59.