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Origine : http://www.espritcritique.org/0405/crc01.html
Esprit Critique Vol.04 No.05 - Mai 2002 Compte rendu critique
"Cornélius Castoriadis, Le projet d'autonomie"
Par George Bertin
Ouvrage:
David Gérard, Cornélius Castoriadis, Le projet d'autonomie.
Paris, Editions Michalon. 2000. 201p.
Dans ce petit livre à la fois complet
et précis, Gérard David nous offre une synthèse tout à fait convaincante
du parcours intellectuel, traduit par son oeuvre, de Cornélius Castoriadis,
décédé le 26 décembre 1997, à l'âge de 75 ans.
Qualifié par Edgar Morin au lendemain
de sa mort de "titan de l'esprit", Castoriadis est présenté ici,
et c'est un des grands mérites de cet ouvrage, dans une perspective
qui sait croiser les deux aspects auxquels il est souvent alternativement
réduit, celui du militant de Socialisme ou barbarie ou encore
celui du philosophe et sociologue de l'imaginaire dont l'oeuvre
maîtresse demeure L'Institution imaginaire de la société
(Le Seuil, 1975).
Ici la réalité symbolique de la production Castoradienne n'est pas
découpée arbitrairement, disjonctée, elle demeure dans sa totalité
insécable, ce qu'elle n'a jamais cessé d'être, y compris dans les
derniers ouvrages de la série des Carrefours du labyrinthe,
une autoproduction du social parce que pensée sur et dans le social.
De ce fait, elle éclaire puissamment
la sociologie contemporaine, comme en abîme de l'autre pensée sociologique
puissante du siècle, et dans un tout autre ordre, celle de Gilbert
Durand, avec laquelle elle entre curieusement souvent en relation
dialectique, si on veut bien les considérer attentivement du seul
point de vue des catégories de l'Imaginaire.
C'est sans doute ce qui vaut à l'une et à l'autre de ces pensées d'être
si souvent déniées par les scolastiques du siècle. Nous même, enseignant
de 1992 à 2000, la sociologie aux étudiants du DESS et de la maîtrise
de sociologie à l'Université Catholique de l'Ouest d'Angers, avions
été frappé de constater à quel point les prêts-à-penser mécaniques
et institués pouvaient, dans les cursus suivis par nos jeunes auditoires,
avoir pris le pas sur leur capacité à "s'autoriser à se faire eux-mêmes
leur propres auteurs" pour reprendre l'expression de Jacques Ardoino.
Les ayant tenus écartés systématiquement depuis des lustres de l'oeuvre
de Cornélius Castoriadis, on les sommait alors, et cela ne s'arrange
pas vraiment, de sacrifier aux poncifs organisationnels décrétés de
droit divin. Bien peu eurent alors l'audace de s'en remettre à eux-mêmes,
de s'autonomiser en produisant une pensée libre. La barbarie règne
encore, aussi, à l'Université quand les organisateurs, les urbanistes
aménageurs et autres administrateurs plus ou moins civils se prennent
pour des savants! C'est tout le mérite de Gérard David que de nous
proposer cette propédeutique à une oeuvre qui demande à être sans
cesse revisitée.
Il nous la présente sans jamais les disjoindre dans ses trois dimensions:
- la réflexion critique sur le sujet, alimentée aux sources de
la psychanalyse et du marxisme,
- la prospective sociale, lorsqu'il développe le projet d'autonomie
de Castoriadis sur les plans ontologiques et politiques,
- sa réflexion proprement anthropologique, quand évoquant le sujet
et sa socialisation, Castoriadis entrevoyait de manière quasi
prophétique le processus de mutation anthropologique auquel, on
en conviendra, nous sommes chaque jour de plus en plus acculés,
et en appelait à l'instauration d'une païdeia, à l'interface de
l'individu et de la société dans ses dimensions individuelles
(on retrouve là l'ancrage de l'imaginaire radical dans la psyché
sôma) et collectives (avec la praxis entée dans l'imaginaire social
créateur et ses significations autoproduites).
Comme l'écrivait dans un forum internet, quelques jours après son
décès, Paulo Henrique Martin: "L'expérience de la lecture de Castoriadis
n'est pas seulement un fait théorique. Il s'agit plutôt d'une ouverture
de conscience, d'une nouvelle possibilité de sentir et de penser le
monde".
C'est ce que l'ouvrage de Gérard David nous restitue, et l'on aura
compris qu'il nous ouvre ici les arcanes d'une pensée véritablement
sociologique.
- Notice:
- Bertin, George. "Cornélius Castoriadis, Le projet d'autonomie",
Esprit critique, vol.04 no.05, Mai 2002, consulté sur Internet:
http://www.espritcritique.org
Revue électronique de sociologie Esprit
critique http://www.espritcritique.org/-
Origine : http://www.espritcritique.org/0405/crc01.html
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