Oreigine <Qui veut vraiment du Carlyle Group ? >
Par Pascal Dallecoste
Chercheur au LAREGE
dallecoste at ege.eslsca.fr
Laboratoire de Recherche de l'École de Guerre Économique
(LAREGE)
LAREGE - Laboratoire de Recherche de l'Ecole de Guerre Economique
1, rue Bougainvillez 75 007 Paris
Tél. / Fax : 01 45 51 00 02
e-mail : larege at ege.eslsca.fr
Site http://www.ege.eslsca.fr
« Maîtriser l'information en environnement hostile
»
SOMMAIRE
I - Le Carlyle Group
II - Investissements stratégiques
III - Réseaux
IV - L'honorable Franck Carlucci
V - Pentagone Inc.
VI - Dérapages
VII - Opérations privées
Site source : http://www.infoguerre.com/fichiers/carlyle_group.pdf
C'est le fonds d'investissement privé le plus puissant au
monde. Le plus discret, aussi. Non coté en bourse, il n'est
pas tenu de communiquer le nom de ses partenaires. Dans son comité
de direction, d'ex-ministres côtoient d'anciens représentants
des principales agences de régulation américaines
et deux anciens directeurs de la CIA. Etroitement connecté
au secteur de la défense, il est capable de répondre
à n'importe quel appel d'offres, de l'aéronautique
aux télécoms, de l'électronique de défense
à la décontamination nucléaire, bactériologique
et chimique, en passant par la production de chars, de canons, de
missiles... Ses participations dans les nanotechnologies, les biotechnologies
et les semi-conducteurs en font l'un des principaux centres de recherche
et développement sur les infrastructures de l'information,
le nucléaire et les programmes génétiques.
Jusqu'en 1998, le Carlyle Group était inconnu en France.
Il y contrôle pourtant une grande partie de la presse professionnelle
et quelques fleurons industriels. Enquête sur un ogre aux
visées très stratégiques.
I - Le Carlyle Group
Treize milliards de dollars d'actifs en gestion, des participations
dans 164 sociétés employant plus de 70 000 personnes
à travers le monde, et 16 milliards de revenus par an : le
Carlyle Group est, de son propre aveu, le premier groupe d'investissement
privé de la planète. De fait, 450 institutions lui
font confiance, et non des moindres : banques d'affaires internationales,
compagnies d'assurance, fortunes privées des émirats
pétroliers, fonds de pension publics et privés tels
CalPERS, le fonds des retraités californiens qui, en février
2001, a déboursé 175 millions de dollars pour prendre
5% du capital de Carlyle, avec une option lui permettant d'investir
675 millions supplémentaires1.
Il est vrai qu'en revendiquant 34% de retour sur investissement
annuels, le groupe a de quoi faire rêver. Son secret ? Repérer
des sociétés porteuses boudées par le marché
ou connaissant des difficultés financières momentanées,
les acquérir, les réformer et les revendre à
la faveur d'un retournement de conjoncture - entières ou
en pièces détachées ; avec ou sans le management
; avec ou sans les salariés... Le Carlyle Group poursuit
des objectifs de rentabilité à court terme et ne s'en
cache pas. Mais sa réussite doit surtout à une stratégie
peu habituelle.
« Nous investissons dans des créneaux de niches au
sein d'industries affectées par les changements de politiques
gouvernementales » assure la direction du groupe. Pour qui
ne serait pas rodé au langage de la communication institutionnelle,
il convient d'être plus clair : symbole du mouvement de privatisation
qui affecte des pans entiers des économies nationales, Carlyle
se concentre sur les secteurs relevant habituellement de la gestion
publique - l'industrie de défense, l'aérospatial et
les télécoms. Sa spécialité : acheter
à moindre coût les anciennes entreprises nationalisées,
souvent peu compétitives, et les remettre sur le marché
une fois leur rentabilité développée.
A ces trois secteurs éminemment stratégiques sont
venues se greffer les nouvelles technologies de l'information, les
biotechnologies et l'industrie pharmaceutique. Une diversification
réelle, mais trompeuse : contrairement à sa politique
d'investissements par leverage buy out (achat avec effet de levier)
qui impose une rotation rapide des portefeuilles, Carlyle garde
des participations à long-terme dans l'industrie de défense.
Ainsi, bien que l'armement et l'aérospatial ne représentent
respectivement que 7 % et 15 % de ses investissements en volume
en 2001, le groupe demeure le onzième fournisseur d'armes
du Pentagone et l'un des premiers détaillants de l'aéronautique
américaine grâce à ses trois filiales, United
Defense, Vought Aircraft et Aerostructures Corporation 2.
Et c'est bien ce qui inquiète certains observateurs européens.
Car en rachetant le groupe suédois Bofors Defense en septembre
2000, Carlyle pourrait devenir un acteur incontournable d'une future
Europe unie de la défense. Doté d'un sens aigu des
opportunités : fin 2001, alors que les alertes à l'anthrax
font craindre de nouvelles attaques terroristes aux Etats-Unis,
le fonds d'investissement s'est pré-positionné pour
acquérir une partie des actifs privatisables de la Defense
Evaluation Research Agency (DERA).
Ce centre de recherche et développement militaire, alors
filiale à 100% du ministère de la défense britannique,
est à la pointe de l'innovation dans les appareils de détection
et de sécurité (bio-capteurs, scanners, caméras
à infrarouge etc...). Il est également sous contrat
avec la société américaine Bioport, fournisseur
exclusif du ministère américain de la défense
en vaccins contre l'anthrax.
Plus gênant : Qinetiq, la filiale privée de DERA dont
Carlyle détient désormais 33,8 % du capital, joue
le rôle de conseiller du gouvernement britannique. Et demeure
l'un des principaux centres de recherche militaires européens
ainsi qu'un partenaire de premier plan de l'aéronautique
communautaire3. Autant de conflits d'intérêts potentiels
qui ne devraient pas arranger l'état des relations transatlantiques.
D'autant que la firme qui développe des systèmes de
guidage et d'imagerie par infrarouge pourrait rapidement devenir
un élément clé de l'industrie européenne
de missiles tactiques4.
II - Investissements stratégiques
La diversification du Carlyle Group ?
« Un leurre », affirment les plus sceptiques. Le fonds,
font-ils remarquer, investit prioritairement dans les technologies
duales, à finalité civile et militaire. Son entrée
sur le marché des nanotechnologies, des biotechnologies -
à commencer par les antiviraux génétiques -
et la capitalisation de sociétés comme Indigo System
ou Conexant, spécialisées dans le guidage laser et
les caméras à infra-rouge, lui permettrait d'acquérir
les procédés les plus pointus composant les systèmes
d'armes de demain5. Et de signer de juteux contrats avec le ministère
américain de la défense. Même constat pour l'informatique,
l'Internet et les télécoms, les trois plus gros domaines
d'investissements du fonds depuis le milieu des années 90.
Côté hardware, Carlyle contrôle Matrics Inc
- une société d'identification par radiofréquence
fondée par d'anciens ingénieurs de la NSA -, ainsi
que CPU Tech et ISR Solutions, deux firmes spécialisées
dans le développement d'applications électroniques
de sécurité sous contrat avec le Pentagone6. Côté
réseaux, le fonds a fait son entrée dans le développement
du backbone, des routeurs, de la fibre optique, des câbles,
de la boucle radio et même de l'Internet par satellite. Il
capitalise des sociétés aussi connues que Nextel,
Global Crossing ou Nortel Networks ; possède des parts significatives
dans Solsoft, Infraworks et BNX System - trois acteurs majeurs de
la sécurité informatique7 - et s'intéresse
de près aux puces et aux semi-conducteurs qui composeront
les nouvelles générations d'ordinateurs.
Ajoutons que Qinetiq et Sippican, une autre filiale du groupe,
planchent sur l'infodominance et la guerre électronique (C4ISR)
et l'on obtient « un ensemble intégré d'assemblage,
d'offres, de mise en oeuvre et de contrôle des infrastructures
informationnelles déployé à l'échelle
mondiale, dont la finalité pourrait être commerciale
ou stratégique » estime Loup Francart, fondateur d'Eurodécision-
ais. Et de souligner que la biodéfense et la sécurité
informatique sont « parmi les postes budgétaires qui
ont le plus bénéficié de l'administration Bush
».
Carlyle plus fort qu'Echelon ?
Le groupe récuse l'accusation. « Opaque et secret
sont deux mots que je déteste » martèle David
Rubenstein, l'un de ses fondateurs. Signe des temps : en janvier
dernier Louis Gerstner, ancien patron d'IBM, a remplacé Franck
Carlucci, ancien directeur de la CIA, à la tête du
fonds. « Carlyle embrouille les théories conspirationnistes
», se réjouit le magazine Businessweek.
Reste que ses acquisitions doivent autant aux opportunités
de marché qu'à une conception très stratégique
des flux d'informations. En décembre 2001, le fonds s'est
allié à Intel Capital pour entrer au tour de table
d'Ebis Company Ltd. Cette société informatique orientée
sécurité compte les principales entreprises publiques
et agences gouvernementales chinoises parmi sa clientèle.
l'Asie compte pour Carlyle.
Depuis 1998, le fonds y a déjà investi plusieurs
centaines de millions de dollars dans le développement des
infrastructures de communication, tous supports et tous réseaux
confondus. De la fibre optique aux télécommunications
sans fil en passant par l'ADSL ou la téléphonie mobile,
l'investisseur est présent en Chine, au Japon, en Corée,
à Hong Kong, en Malaisie, en Indonésie, aux Philippines,
à Singapour, à Taiwan comme en Thaïlande. Autant
de zones
En Europe, Carlyle sécurise ses investissements. Dans l'immobilier
tout d'abord, par l'achat d'hôtels, de buildings commerciaux
ou de centres d'affaires à connexions haut-débit.
Dans l'industrie ensuite : fidèle à son habitude,
le groupe surfe sur les besoins de liquidités des entreprises.
C'est particulièrement vrai en France où il s'est
emparé du groupe Genoyer avant d'entrer au capital du papetier
Otor, grevé par le redémarrage de la Chapelle Darblay.
Mais ses plus grosses opérations se font ailleurs. Depuis
l'achat du Figaro en 1999, puis sa revente au groupe Dassault trois
ans plus tard, le fonds montre une attention particulière
pour les leaders d'opinion. Pas n'importe lesquels : avec 28% des
actifs du pôle « presse professionnelle et santé
» de Vivendi Universal Publishing, Carlyle gère un
empire de plus de 70 titres et 1,5 million d'abonnés comprenant
le groupe Tests leader de l'information sur l'informatique professionnelle
le groupe Moniteur leader de l'information sur les BTP et les marchés
publics et le groupe Gisi, numéro un de l'information technologique
industrielle grâce à son titre phare, l'Usine nouvelle.
Des postes d'observation essentiels : GT Labs, le laboratoire d'expérimentation
du groupe Tests figure parmi les premiers centres européens
de tests informatiques. Quant aux rédactions de l'Usine nouvelle,
elles rendent compte chaque semaine des avancées de la recherche
dans les domaines les plus pointus et publient « l'annuaire
France R&D », le « premier annuaire des laboratoires
et centres de recherche français ».
III - Réseaux
C'est que Carlyle a compris très tôt l'enjeu des
réseaux d'information. Humains compris : pour repérer
les technologies émergentes ou profiter des prochains plans
de privatisation, le groupe recrute au plus haut sommet de l'Etat.
A elle seule, la direction américaine est un condensé
du gotha politique des Etats-Unis. Le nom de James Baker - ancien
secrétaire d'Etat de George Bush père - côtoie
ceux de Robert Grady et de Richard Darman, respectivement ancien
directeur du Budget et ex-assistant à la Maison Blanche du
même George Bush. Frederic Malek, ex-assistant de Richard
Nixon et Franck Carlucci, ex-secrétaire d'Etat à la
défense de Ronald Reagan en font également partie.
Brian Bailey l'ancien bras droit du président Clinton, a
été vice-président du Carlyle Group. Avant
de rejoindre le Vaccine Fund, Alice Albright, fille de Madeleine
Albright, y a travaillé pendant deux ans.
A ces « ouvreurs de portes » s'ajoute un portefeuille
de conseillers internationaux engagés pour leur image de
marque et leur connaissance intime des rouages ministériels.
Depuis 1998, les fonds asiatiques de Carlyle ont été
conseillés par Fidel Ramos, ancien président des Philippines
; Anand Panyarachun, ex-premier ministre de la Thaïlande, et
George Bush père, ex-directeur de la CIA devenu président
des Etats-Unis. Park Tae Joon, ancien premier ministre de la Corée
du Sud, et deux ex-ambassadeurs des Etats-Unis ont également
fait partie de l' « advisory board » de Carlyle.
En Europe, le fonds s'offre les conseils de plusieurs personnalités.
Parmi elles : Etienne Davignon, ex- ministre belge des affaires
étrangères ; John Major, ancien premier ministre britannique
; Michael Rogowski, figure du patronat allemand ou Henri Martre,
président d'honneur de l'Aérospatiale. Et tant pis
si Boeing figure parmi les principaux investisseurs du fonds : l'heure
n'est-elle pas au développement de « synergies globales
» ?
Deuxième réseau :
les acteurs financiers.
Le groupe russe Menatep, les autorités financières
d'Abu Dhabi et du Koweït, les fonds de pension publics de l'Ohio,
du Texas, de la Floride et de New York ont investi des centaines
de millions de dollars dans les différents fonds Carlyle.
Les banques Goldman Sachs, Salomon Smith Barney, Citibank, JP Morgan
Chase ou le Crédit Suisse First Boston sont des partenaires
d'affaires réguliers. De même que la Deutsche Bank,
la Royal Bank of Scotland, ABN amro, le Crédit Agricole,
la financière Edmond de Rothschild ou le Crédit Lyonnais.
A la fois capteurs d'opportunités et sources de profits,
ces alliés constituent d'excellents porteurs d'affaires,
en Europe, mais également à l'Est et en Asie où
le système bancaire connaît un vaste mouvement de privatisation.
Dont le Carlyle Group entend bien profiter : en 2000, le fonds a
investi 300 millions de dollars pour prendre le contrôle de
KorAm Bank, l'une des plus grandes banques privées de Corée.
Acheter, vendre, réinvestir.
Le jeu requiert une grande maîtrise des processus juridiques
et financiers internationaux. Là encore, Carlyle recrute
les meilleurs, au meilleur prix. Une retraite en or pour les anciens
responsables des autorités de régulation financières.
Tel Arthur Levitt, ancien patron de la Securities and Exchange Commission
devenu « senior advisor » du groupe en mai 20018 ; mais
également Karl Otto Pöhl, ancien président de
la Bundesbank ; Afsaneh Masheyekhi Beschloss, ancien responsable
des investissements de la Banque mondiale ; Liu Hong Ru, jadis président
de la Commission chinoise de régulation du marché
ou Arifin Siregar, ex-président de la Banque centrale d'Indonésie,
tous consultants ou associés.
La liste est longue. Couplée aux bataillons de fiscalistes
et de juristes qui accompagnent le fonds, elle permet à Carlyle
de réaliser des opérations complexes sur tous les
marchés du monde. Toujours dans la légalité.
Toujours dans les failles de la loi.
Il aura fallu les attentats du 11 septembre 2001 et leur cortège
d'enquêtes officielles pour que l'opinion publique américaine
apprenne l'impensable : en 1994, la famille Ben Laden a investi
deux millions de dollars dans Carlyle Partners II, un fonds largement
abondé par l'entourage des Bush focalisé sur l'industrie
de défense et l'aérospatial.
Simple « mise de départ » comme le déclare
un analyste financier cité par le Wall Street Journal ? 9
Selon certaines sources, le clan Ben Laden qui officiellement n'entretient
plus aucune relation avec Carlyle depuis le 26 octobre 2001 serait
l'un des principaux partenaires du fonds d'investissement.
Comment savoir ?
Le Carlyle Group affectionne les paradis fiscaux. L'étude
des différents investissements LBO réalisés
sur le territoire français met à jour des cascades
de holdings et de filiales domiciliées au Luxembourg, à
Guernesey et aux Iles Cayman. « Dans ce genre de montage,
il est très difficile d'établir qui détient
vraiment les titres », assure un analyste financier. «
Les sociétés Carlyle peuvent servir d'opérateur
pour un actionnaire final dont l'identité demeurera dissimulée
».
En clair : une société recapitalisée par des
obligations convertibles en actions pourrait appartenir, sans le
savoir, à l'un de ses concurrents - brevets et capital technologique
inclus. Seule certitude, les mises de fonds initiales proviennent
toujours des fondateurs basés au siège, 1001 Pennsylvania
Avenue, Washington D.C. Preuve que le plus haut sommet de la hiérarchie
n'ignore rien des opérations réalisées par
le groupe un peu partout dans le monde.
Mais la grande affaire du Carlyle Group reste à venir. Depuis
la fin des années quatre-vingt-dix, l'investisseur place
des millions de dollars dans des sociétés développant
des solutions pour le commerce électronique et les places
de marché virtuelles. En mars 2000, il est entré au
capital de Bex.com, un fournisseur global de solutions e-commerce
dont l'objectif est d'établir « la plus grande communauté
mondiale de trading business-to-business dans le cyberespace ».
Le Carlyle Group pèse déjà lourd dans le commerce
international. Un accès aux flux d'informations les plus
critiques de la planète le rendrait immensément riche
et quasiment intouchable. Ce fait élémentaire, un
homme l'a parfaitement compris : le véritable bâtisseur
de Carlyle, Franck Carlucci.
IV - L'honorable Franck Carlucci
Etrange carrière que celle de ce fonctionnaire du ministère
des affaires étrangères. De la fin des années
cinquante au milieu des années soixante-dix son parcours
se confond avec les zones d'ombres de la politique étrangère
américaine. Congo, Tanzanie, Brésil, Portugal : autant
de théâtres d'opérations où la CIA joue
un rôle politique souterrain de premier plan. Avec plus ou
moins de discrétion : dans son film documentaire sur Patrice
Lumumba sorti en 2000, le réalisateur Raoul Peck révèlera
l'implication des services secrets américains et de Carlucci
lui-même dans les événements ayant conduit à
l'assassinat du premier ministre congolais en 1961.
L'intéressé démentira. Sans convaincre. Peu
importe. Pour l'heure, Franck Carlucci est un fonctionnaire efficace.
Et cela se sait : en 1977, le président Jimmy Carter le nomme
directeur de la CIA. Pendant quatre ans, l'homme de l'ombre apprend
à y tutoyer le pouvoir. Sa vision des enjeux s'enrichit.
Ses réseaux aussi.
En janvier 1983, il quitte momentanément le ministère
de la défense pour prendre la présidence de Sears
World Trade (SWT), la filiale de trading international du groupe
Sears, Roebuck and Co. A la même époque, il devient
directeur de Wackenhut, une société de sécurité
privée fondée par un ancien agent du FBI.
Mauvaise pioche :
Wackenhut qui recrute essentiellement dans le milieu des retraités
du renseignement souffre d'une image détestable. Communément
décrite comme un paravent de la CIA, proche de l'extrême
droite, elle défraie régulièrement la chronique
pour ses méthodes musclées10 et ne va pas tarder à
faire la une de la presse internationale pour son implication dans
l'un des plus grands scandales d'espionnage international : la captation
et la corruption du logiciel Promis11.
Pire : en 1986, SWT fait faillite. Avant de partir, Franck Carlucci,
son PDG depuis trois ans, empoche néanmoins 735 722 dollars
d'indemnités12. Les journalistes enquêtent. Et le scandale
éclate : selon le magazine Fortune, la société
servait de couverture à certaines opérations des services
secrets américains. « Sous la direction de Carlucci,
SWT opérait comme conseiller en vente d'armes pour des firmes
américaines et étrangères » accuse à
son tour le Washington Post13. L'administration dément. Mais
rien n'y fait : l'homme de la rue a bien du mal à comprendre
comment Franck Carlucci est devenu millionnaire en moins de quatre
ans.
Car le businessman est de retour au bercail. En novembre 1987,
il devient secrétaire à la défense et conseiller
pour la sécurité nationale du président Ronald
Reagan. Un poste qu'il met à profit pour réformer
le budget et les procédures d'appels d'offres du ministère
de la défense... avant de quitter définitivement l'administration,
quatorze mois plus tard.
Visionnaire, Franck Carlucci a compris que l'apologie du marché
total et la déréglementation financière martelées
par les « Chicago boys » offrent d'incroyables opportunités
d'enrichissement à qui saura les saisir. Le grand mouvement
de privatisation de la sécurité nationale est en marche.
Lorsqu'il rejoint le Carlyle Group, en 1989, l'ex-bras droit de
Ronald Reagan sait que son expérience et son carnet d'adresses
valent leur pesant d'or.
Selon la légende, le groupe serait né deux ans plus
tôt dans les salons du prestigieux Carlyle Hôtel de
New York, de l'association de David Rubenstein - un ancien assistant
de Jimmy Carter - de William E. Conway Jr - alors directeur financier
de MCI Communications - et de Stephen Norris et Daniel D'Aniello,
deux cadres supérieurs de chez Marriot Corp. Les fonds, eux,
viennent de plus loin : T Rowe Price Associates, Alex Brown (devenue
aujourd'hui la Deutsche Bank Alex Brown), First Interstate et la
famille Mellon de Pittsburgh sont les premiers soutiens financiers
du Carlyle Group.
A la différence de ses concurrents, le fonds d'investissement
n'a pas établi son siège à New York, mais à
Washington DC, à quinze minutes de marche de la Maison Blanche
et du Congrès. Mais il peine à trouver sa voie. Quelques
bonnes opérations en Alaska et des placements réussis
dans plusieurs chaînes de restauration n'ont pas suffi à
faire sa renommée. Il lui manque un « profil ».
Franck Carlucci va lui apporter la recette miracle : un savant cocktail
de business, de connivence et de politique.
V - Pentagone Inc.
Le 4 janvier 1989, George Bush père devient le 41ème
président des Etats-Unis. La même année, en
décembre, le Carlyle Group rachète à Marriot
Corporation la société Caterair International, une
firme texane spécialisée dans la restauration aérienne.
Moins d'un an plus tard, George W. Bush Jr entre au conseil d'administration
de Caterair. C'est le premier gros coup du Carlyle Group, il est
signé Fred Malek.
Avant de conseiller le fonds d'investissement, cet ancien assistant
de Richard Nixon dirigeait l'une des filiales de Marriot Corp. Il
a surtout été l'un des piliers de la campagne présidentielle
républicaine avant de démissionner de son poste après
que le Washington Post eut révélé son implication
dans le scandale de la « liste juive » établie
sous l'administration Nixon14. En 1992, Fred Malek dirigera la seconde
campagne présidentielle de George Bush père. Dès
cet instant, les liens entre la famille Bush et le fonds d'investissement
Carlyle ne se relâcheront plus.
Obtenir l'écoute du chef de l'exécutif n'est qu'une
première étape. En octobre 1990, Franck Carlucci convainc
ses partenaires de racheter BDM International, l'un des principaux
centres de recherche et développement de l'industrie de défense
américaine. Ses arguments sont imparables : depuis le milieu
des années 80, les experts de BDM International ont enlevé
plusieurs contrats gouvernementaux hautement confidentiels. Parmi
eux, des études portant sur la mise en oeuvre d'un vaste
bouclier anti- missiles, plus connu sous le nom d'Initiative de
Défense Stratégique (IDS). Ce projet, l'administration
Reagan l'a porté à bout de bras, Carlucci en tête.
Personne mieux que lui ne connaît l'état d'avancée
du système ni les rouages décisionnels du ministère
de la défense.
Or l'IDS figure toujours sur l'agenda du président Bush
senior et le nouveau secrétaire d'Etat à la défense
n'est autre que James Baker, le vieux camarade de Franck Carlucci15.
Dans ces conditions, n'est-il pas raisonnable de penser que BDM
sera bientôt grandement profitable ? Carlucci emporte la mise.
En 1997, le Carlyle Group revendra BDM à la firme TRW, empochant
plus de 400 millions de dollars. Quelques années plus tard,
George Bush fils remettra la défense anti-missiles au goût
du jour. Mais c'est une autre histoire...
Franck Carlucci avait d'autres raisons d'acquérir BDM :
la société figure à la pointe de la recherche
et développement (R & D) de l'industrie de défense
américaine. Les meilleurs ingénieurs et experts en
technologie militaire du pays rêvent d'y travailler. Des années
durant Carlyle va utiliser leurs compétences pour identifier
les technologies émergentes et repérer ses futures
cibles. Entre 1990 et 1993 le fonds rachète GDE et Magnavox
Eletronic Systems, deux firmes « sensibles » spécialisées
dans le traitement du signal et l'imagerie radar. Suivront LTV Aircraft
Division, Elgar Electronics et Dynamic Corp. Puis Magnetek Inc,
IT Group et EG&G Technical Services, trois spécialistes
de la décontamination nucléaire, biologique et chimique.
Très vite le rachat d'entreprises en difficultés
momentanées devient bien plus qu'un créneau de niches
: au milieu des années quatre-vingt dix, le Carlyle Group
est un acteur majeur du mouvement de concentration du secteur militaro-industriel
nord-américain. Il en a les moyens : non seulement la première
guerre du Golfe a dopé ses dividendes, mais le fonds poursuit
son recrutement des plus hauts dignitaires de l'administration Bush
: en 1993, James Baker III, ex-secrétaire d'Etat et Richard
Darman, ancien directeur du Budget à la Maison Blanche, rejoignent
sa direction. Cette année-là, le
En 1997, Carlyle rachète United Defense. Cette acquisition
achève sa stratégie : en moins de dix ans, le fonds
est devenu le onzième fournisseur d'armes du Pentagone. Etroitement
connectés à l'administration, ses experts sont capables
d'anticiper et de répondre à n'importe quel appel
d'offre, des véhicules de combat aux canons de destroyers
en passant par les missiles ou l'électronique de défense.
Cette réussite, Carlyle la doit à une stratégie
de réseau sans failles... et sans états d'âme
: le moment venu, la société proposera une retraite
confortable aux anciens responsables démocrates de l'administration
Clinton. A l'instar de Brian Bailey, conseiller spécial du
président devenu vice- président du fonds d'investissement
en 1996.
Une oreille à Washington, l'autre au Pentagone ; une main
tendue aux Républicains, l'autre aux Démocrates ;
un bâillon sur la bouche et les deux yeux rivés sur
les cours de la Bourse, la méthode Carlucci fait des miracles.
Mais elle a sa part d'ombre...
VI - Dérapages
Novembre 2000 : George W. Bush est élu 43ème président
des Etats-Unis. A des milliers de kilomètres, le FBI poursuit
son enquête sur les malversations financières de l'Etat
du Connecticut. Des centaines de millions de dollars issus principalement
des caisses de retraites de l'Etat ont été investis
dans des fonds privés moyennant d'importants pots de vins.
Or certains de ces fonds sont gérés par de généreux
mécènes du parti républicain. C'est ce que
vient de révéler le principal suspect de l'affaire,
l'ancien trésorier du Connecticut Paul Silvester qui plaide
coupable devant les tribunaux.
Voilà pourquoi les agents fédéraux s'intéressent
de très près au cabinet de lobbying Park Strategies.
Wayne Berman, son président, est un vieil ami des Bush. En
1991, George, le père, l'avait nommé conseiller du
secrétaire au commerce. Depuis Berman est devenu l'un des
principaux collecteurs de fonds de l'association des gouverneurs
républicains et de la campagne de George Bush fils, avant
de démissionner précipitamment de ses fonctions, comme
Fred Malek quelques années avant lui16. Inutile d'ébruiter
en effet ce que le FBI sait déjà : Park Strategies,
la société de Berman, a employé Paul Silvester.
Elle a surtout touché 900 000 dollars de commission du Carlyle
Group pour avoir placé une partie des caisses de retraites
du Connecticut 50 millions de dollars dans l'un des fonds de Carlyle
; celui que gère James Baker III et dont le conseiller n'est
autre que Bush père... Wayne Berman ne sera pas inquiété
par la justice. Mais la propension du Carlyle Group à se
nourrir d'intérêts publics jette une nouvelle fois
le trouble dans les esprits.
Car il y a eu des précédents : en 1995, George Bush
junior tout juste élu gouverneur du Texas fit voter une loi
autorisant la privatisation d'une partie des actifs financiers de
l'Université publique du Texas. Treize milliards de dollars
seraient désormais gérés par un organisme non
lucratif habilité à investir dans des sociétés
privées : l'University of Texas Investment Management Co
(UTIMCO). Tom Hicks, le milliardaire texan, en prend aussitôt
la direction. Il a l'aval de George Bush : non seulement Hicks connaît
très bien la partie n'est-il pas fondateur de Hicks, Muse,
Tate & Furst, l'une des plus grandes sociétés
financières du pays ? - mais ce projet, assure-t-il, devrait
accroître et dynamiser le budget de l'université. Autre
avantage : il soustrait la plupart des placements à la curiosité
du public.
Pendant quatre ans, l'UTIMCO va investir légalement mais
très discrètement près de 1,7 milliard de dollars
d'argent public dans des firmes détenues en majorité
par des amis de Hicks, de George Bush et différents argentiers
du parti républicain17. Entre temps, Thomas Hicks est devenu
l'un des principaux collecteurs de fonds pour le gouverneur, candidat
à sa propre succession18.
Parmi les bénéficiaires des mannes de l'UTIMCO se
trouve Carlyle Partners II, un fonds d'investissement du Carlyle
Group - conseillé par James Baker III - récipiendaire
d'un placement de 10 millions de dollars le 1er mars 199519. Quelques
mois plus tôt, le fonds de pension des enseignants du Texas
investissait 100 millions dans la société de Franck
Carlucci. La plupart des membres du conseil d'administration venaient
d'être nommés par George Bush.
Dépenses publiques, gains privés.
La logique atteint son paroxysme après les attentats du
11 septembre. L'augmentation des budgets militaires qui passent
de 300 milliards en 2000 à 393 milliards en 2002 est une
aubaine dont le Carlyle Group entend bien profiter. Le 26 septembre
2001 Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense,
déterre le programme « Crusader », un contrat
d'armement de 11 milliards de dollars porté par United Defense,
la filiale du Carlyle Group que préside son vieil ami de
faculté, Franck Carlucci.
« Scandale ! » s'insurgent les militants du Center
for Public Integrity, une association de défense des intérêts
publics. Le Crusader, font-ils remarquer, est loin de faire l'unanimité
dans l'armée. Cet obusier de 42 tonnes bourré d'électronique
est capable de tirer dix obus de 155 mm à la minute à
40 kilomètres de distance, mais c'est un monstre lourd et
lent conçu pour combattre une invasion soviétique
en Europe. Pas pour effectuer des missions de maintien de la paix
ou des projections rapides sur des théâtres d'opération
extérieurs. Le candidat George Bush l'a lui-même reconnu
durant la campagne présidentielle.
Au gaspillage probable des deniers publics s'ajoute le conflit
d'intérêts. Car George Bush père pourrait profiter
de l'accroissement des ventes de United Defense20. C'est ce que
soupçonne Judicial Watch, un autre groupe de vigilance citoyenne,
proche des conservateurs. « L'ancien président Bush
devrait immédiatement démissionner du Carlyle Group
» assène Larry Klayman, son président. A ses
yeux la nouvelle politique arabe de Washington recoupe si bien les
intérêts du fonds d'investissement que la question
d'une entente illicite ne pourra être longtemps évitée.
Le programme Crusader sera finalement abandonné en mai 2002.
Mais Carlyle n'a pas tout perdu. Quelques semaines après
le début de l'offensive antiterroriste en Afghanistan, United
Defense entrait en bourse, générant 225 millions de
dollars de plus-value. Donald Rumsfeld venait de confirmer une commande
de 389 véhicules Bradley, l'autre fleuron produit par la
firme d'armement. Celui qu'utilisent actuellement les troupes américaines
engagée en Irak 21.
VII - Opérations privées
Les soupçons ont donc de beaux jours devant eux. Car United
Defense qui dispose de deux filiales en joint-venture en Arabie
saoudite et en Turquie réalise une partie conséquente
de son chiffre d'affaires avec Israël et les pays arabes fidèles
à Washington. Or cette guerre contre le régime irakien,
Franck Carlucci la promeut depuis longtemps. Au point d'avoir cosigné
le 19 février 1998 une lettre ouverte au président
Clinton, l'exhortant à mettre en oeuvre « une stratégie
politique et militaire globale pour renverser Saddam et son régime
», et à reconnaître « un gouvernement provisoire
de l'Irak guidé par les principes et les dirigeants du Conseil
National Irakien, représentant de tous les peuples irakiens
»22.
A l'origine de ce texte qui devait poser les bases de l'Iraqi Liberation
Act de 1998 : le banquier chiite Ahmed Chalabi, chef du Conseil
national irakien, une organisation financée et soutenue par
la CIA23. Au nombre de ses signataires : Donald Rumsfeld, Dick Cheney
et Richard Perle, mais également Paul Wolfowitz, Douglas
Feith et Richard Armitage - tous membres de l'actuelle administration
Bush.
Désormais pressenti pour gérer le budget du futur
gouvernement provisoire de l'Irak, Ahmed Chalabi va-t-il favoriser
les firmes américaines ? Les militants anti-guerre qui défilaient
devant le siège du Carlyle Group le 25 mars en sont persuadés.
« Nous tenons les multinationales The Carlyle Group, General
Electric ou Citibank pour responsables non seulement des profits
qu'elles tirent de cette guerre mais pour l'avoir rendue possible
» écrivent les membres de la coalition M27.
Une publicité dont David Rubenstein se serait bien passé.
« Le Carlyle Group a remplacé la Commission trilatérale
dans les théories conspirationnistes » constatait,
amer, son fondateur, interviewé par le Washington Post le
16 mars dernier. A qui la faute ? Le fonds d'investissement n'est
pas la banque de la CIA, mais il en présente bien des stigmates.
Les synergies industrielles qu'il développe, les circuits
financiers qu'il utilise posent question. Sans même parler
des transferts technologiques que ces circuits pourraient dissimuler.
Et puis il y a ces prises de participations, nombreuses, dans les
agences privées de renseignement et de sécurité.
Elles émaillent l'histoire du groupe. Celle de son président
émérite surtout. Quand Franck Carlucci siégeait
au conseil d'administration de Wackenhut, en 1983, l'agence s'était
distinguée dans la réalisation des « coups tordus
» sous couverture, à l'étranger, pour le compte
de la CIA. Wackenhut avait deux autres spécialités
: la mise au point de centres de recherche quasi clandestins sur
les armes biologiques et chimiques ; les ventes d'armes discrètes
à des alliés « voyants » comme le prince
Fahd d'Arabie saoudite 24.
En 1992, le Carlyle Group, présidé par Franck Carlucci,
acquiert Vinnell Corporation, une société de conseillers
militaires privés spécialisée dans l'entraînement
des troupes situées hors du territoire américain.
Connue pour ses « opérations noires » durant
la guerre du Vietnam, Vinnell a conduit des missions d'intelligence
dans les pays arabes pendant plusieurs décennies. Depuis
février 1975, elle entraîne et modernise la Garde nationale
d'Arabie saoudite, force d'élite de 60 000 personnels placée
sous l'autorité directe du Roi Fahd. La surveillance des
champs de pétrole du pays fait également partie de
ses attributions.
En 1998, le Carlyle Group revendra Vinnell au groupe TRW, sans
quitter l'Arabie saoudite : le fonds d'investissement est le conseiller
officiel du Royaume pour la mise en oeuvre du « Saudi Economic
Offset Program », un plan élaboré dès
1984 dans le but d'attirer les investisseurs étrangers. A
ce titre, Carlyle conseille et supervise la constitution de joint-ventures
entre les firmes saoudiennes et leurs
homologues étrangères. Une quarantaine d'opérations
ont été réalisées. Parmi les principaux
partenaires du programme : AT&T, Boeing, British Aerospace,
General Dynamics, General Electric, McDonnell Douglas ou Thomson
CSF.
Cette connexion intime avec la « politique invisible »
de Washington se vérifie à un autre niveau. En 1999,
Carlyle est entré au capital de US Investigations Services
(USIS), l'une des premières sociétés privées
de renseignement de sécurité des Etats-Unis. Essaimage
de la division d'investigation de l'Office of Personnel Management
- l'agence de ressources humaines du gouvernement fédéral
- la firme gère les enquêtes de personnalité
et de sécurité préalables aux recrutements
les plus « sensibles ».
La Maison Blanche, le Pentagone, le département d'Etat,
le ministère de la justice ainsi qu'une « centaine
d'agences gouvernementales » figurent au nombre de ses clients.
Pour des missions pouvant se dérouler en dehors du territoire
national : lorsque le département d'Etat doit former et entraîner
les gardes du corps du président afghan Hamid Karzaï,
l'un des chefs d'Etat les plus menacés de la planète,
c'est chez USIS qu'il vient chercher ses spécialistes.
Mais à trop mélanger les genres, le Carlyle group
s'est construit une réputation préjudiciable de «
CIA des affaires ». L'apparition de Leslie Armitage, partenaire
et directeur général du fonds d'investissement, au
conseil d'administration d'Alion Science and Technology le 04 juin
2002 ne va rien arranger.
Essaimage de l'Illinois Institute of Technology, ce centre de recherche
et développement récemment privatisé compte
1700 employés travaillant sur des programmes gouvernementaux
ultrasensibles tels que les explosifs, les communications sans fil,
les technologies bactériologiques et chimiques... ou l'expertise
technique de Carnivore, le logiciel d'espionnage électronique
du FBI.
Hasard du calendrier ?
Un mois après l'arrivée de Leslie Armitage, ce «
Qinetiq américain » décrochait un contrat de
690 millions de dollars auprès de la Defense Threat Reduction
Agency. Son objet ? La mise au point de « solutions technologiques
permettant de détecter et de détruire les armes de
destruction massive »...
Pascal Dallecoste Chercheur au LAREGE
Notes
1 Le 1er février 2001, CalPERS annonçait un investissement
de 425 millions de dollars dans le Carlyle Group, décomposé
en deux tranches soit 250 millions de dollars d'investissements
placés dans les différents fonds gérés
par le groupe et 175 millions de dollars pour une prise de participation
minoritaire dans le capital de la société. En juin
1999, CalPERS avait investi 75 millions de dollars dans Carlyle
Asia Partners LP, l'un des fonds asiatiques du Carlyle Group, spécialisé
notamment dans « l'aérospatial, la défense,
le management de l'information, les télécommunications
et les secteurs financiers ».
2 Détaillant de l'industrie aérienne civile et militaire,
Vought Aircraft est l'un des principaux partenaires de Boeing. Le
Carlyle Group est si bien impliqué dans le développement
de l'aérospatiale américaine que Robert Brady, membre
du fonds d'investissement, fait partie de l'équipe d'évaluation
du budget de la future station spatiale internationale.
3 Voir - entre autres - son implication dans le programme de recherche
Enhance (Enhanced Aeronautical Concurrent Engineering) lancé
en 1999 par la communauté européenne
4 Via les partenariats noués avec l'Onera, BAE Systems et
Aerospatiale Matra Missiles
5 Le Carlyle Group, dont les filiales participent aux travaux de
recherche contre les armes bactériologiques lancés
aux Etats-Unis par The Office of Homeland Security, est associé
à l'entreprise russe Krasnaya Zvezda et au Scientific Research
Institute of Physical Chemical Medicine de Moscou dans le financement
d'un programme de recherche sur les antiviraux génétiques
(hépatite C). Les applications militaires des virus génétiques
visent à éradiquer des groupes de population porteurs
de gènes spécifiques.
6 CPU Tech précise : « The Office of Homeland Security
a identifié quatre zones de priorité critique : 1)
soutenir les premiers répondants 2) se protéger du
bioterrorisme 3) sécuriser les frontières américaines
4) utiliser les technologies du 21ème siècle. CPU
Tech a évalué les besoins pour ces zones de priorité
et fournit des moyens significatifs pour chacune »
7 Infraworks est sous contrat avec plusieurs agences gouvernementales
américaines. Son créateur, George Friedman, est également
fondateur de Stratfor Incorporation, une agence d'intelligence économique
basée à Austin (Texas), qui emploie d'anciens agents
des services de renseignements américains. géographiques
où la demande en capital est forte. Et dont la stabilité
et le développement économique sont essentiels aux
objectifs géopolitiques de Washington.
8 La Securities and Exchange Commission est l'équivalent
aux Etats-Unis de la Commission des opérations de Bourse.
Car derrière cette parade de respectabilité se cache
une machine financière centralisée aussi puissante
et discrète que ténébreuse. Chantre de la privatisation
et du rôle des marchés financiers, le Carlyle Group
n'est pas coté en bourse et n'est donc pas obligé
de dévoiler l'identité de ses nombreux associés
et actionnaires.
9 "Bin Laden family could profit from a jump in defense spending
due to ties US bank", Wall Street Journal, 27 septembre 2001
10 "Detective Firm Says It Uses Right-Wing Group's Data",
Washington Post, 27 juin 1977. La société qui gère
la sécurité de plusieurs ambassades américaines
et des principaux sites nucléaires américains a reconnu
détenir des données confidentielles sur 16 millions
de citoyens américains. Jusqu'à son rachat par le
groupe 4 Falck en 2002, les centres de détention privés
de Wackenhut feront régulièrement les titres de la
presse, en raison des viols et mauvais traitements subis par les
prisonniers.
11 Cette application permettant de relier différentes banques
de données a été volée à la société
Inslaw pour le compte du Pentagone. Elle sera revendue un peu partout
dans le monde sous une forme corrompue, le logiciel contenant un
cheval de Troie.
12 « Corporate Post Made Carlucci Rich », Washington
Post, 21 décembre 1987
13 « Carlucci and a Japanese Connection », Washington
Post, 18 novembre 1987 ; "FBI reviews Carlucci Firm's dealings",
Washington Post, 17 novembre 1987 ; "Carlucci supervised arms
advisers at sears", Washington Post, 11 décembre 1986
14 En juillet 1971 Fred Malek, alors responsable du comité
pour la réélection du Président Richard Nixon,
établit une liste d'employés juifs travaillant au
Bureau of Labor Statistics, l'agence fédérale chargée
d'établir les chiffres officiels du chômage. Richard
Nixon était persuadé qu'une « cabale juive »
y était ourdie contre lui. La démission de Fred Malek
sera suivie de celles de plusieurs conseillers de George Bush connus
pour leurs sympathies pro-nazies. En 1992, Fred Malek sera nommé
directeur de la campagne présidentielle de George Bush. A
cette époque, George W Bush Jr était toujours membre
du conseil d'administration de Caterair. Washington Post : 12 septembre
1988 ; 25 septembre 1988 ; 3 novembre 1988. Boston Herald, 27 septembre
1988. Usa Today, 2 février 1990.
15 James Baker et Franck Carlucci ont fait partie de la promotion
1952 de l'université de Princeton. Franck Carlucci y fera
la connaissance de financier George Soros - l'homme dont la biographie
est parvenue le même jour dans toutes les agences de presse
du monde - place 100 millions de dollars dans Carlyle Partners II,
le tout nouveau fonds d'investissement du groupe.
16 "Ex-Conn. Treasurer Placed Funds With Firms Tied to Bush
Fund-Raiser", Washington Post, 3 septembre 1999. La campagne
présidentielle de George Bush reste à ce jour la plus
coûteuse de l'histoire des Etats-Unis. L'organisme indépendant
Texas for Public Justice a recensé les principaux donateurs
républicains qui ont directement bénéficié
des mandats de George Bush. Parmi eux se trouvent notamment : James
Baker III, manager du Carlyle Group ; Richard Wackenhut, fondateur
de la controversée société Wackenhut - dont
Carlucci fut l'un des directeurs - ou encore Peter O'Donnell, un
banquier à la retraite ayant reconnu que la fondation O'Donnell
servait de passeur de fonds pour la CIA.
17 Joe Conason, « Notes on a Native Son, The George W. Bush
Story", Harpers Magazine, février 2000.
18 Selon l'association Texans for Public Justice, Thomas Hicks
a personnellement déboursé 146 000 dollars pour les
deux campagnes de George Bush et 90 000 dollars pour différents
comités républicains ; sa société Hicks
Muse Tate & Furst a versé 153 000 dollars pour la réélection
de George Bush. En 1998, Hicks fera George Bush un multimillionnaire
en lui rachetant 250 millions l'équipe des Texas Rangers.
19 Fonds dans lequel la famille Ben Laden venait d'investir deux
millions de dollars. En 2000, l'UTIMCO effectuera un nouveau placement
de 7,3 millions au sein du Carlyle Group. Source :
http ://www.utimco.org
20 Selon les propos d'un cadre du Carlyle Group rapportés
par le New York Times, George Bush père n'aurait pas d'investissements
personnels dans les fonds Carlyle. Mais il peut y placer l'argent
que lui rapportent les conférences effectuées au bénéfice
du fonds, soit 80 000 à 100 000 dollars la prestation.
21 A elle seule, la 4ème division d'infanterie compte plus
de 200 véhicules Bradley
22 Pour une reproduction de cette lettre :
http://www.iraqwatch.org/perspectives/rumsfeld-openletter.htm
23 "The CIA's Men in Iraq", New York Times, 13 mai 1997
; "Iraqi Leader's Enemies: Far From a United Front", New
York Times, 26 juin 1997 ; "Ex-C.I.A. Chief Offers Aid to Iraqis
Facing Ouster", New York Times, 21 mars 1998.
24 L'oeil de Washington, Fabrizio Calvi et Thierry Pfister, Albin
Michel, 1997
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