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Origine http://www.lautrinfo.org/juin2002.html
Alors que les premiers contingents de Marines débarquent
en Afghanistan dans le cadre de l'opération " Liberté
Immuable ", avec la bénédiction du monde "
libre ", Georges W Bush s'est bien gardé de détailler
les liens qui unissent sa famille à celle d'Oussama Bin Laden
depuis trente ans. Loin du manichéisme de Georges W Bush,
et de la croisade du bien contre le mal, les montages financiers
du président américain ressemblent plus à un
mauvais scénario à la Dallas... Où il est question
de pétrole, de dollars, d'émirs du Golfe, de services
secrets et de sécurité nationale.
" Je suis impressionné qu'il y ait une telle incompréhension
de ce qu'est notre pays et que des gens puissent nous détester.
Je suis... je suis comme la plupart des Américains, je ne
peux pas le croire, car je sais combien nous sommes bons. "
Georges W Bush, conférence de presse du 11 octobre 2001 à
la Maison Blanche.
La nouvelle est tombée le 26 octobre 2001, dans l'indifférence
quasi générale, par une dépêche laconique
de l'agence Associated Press : la famille Bin Laden retirait ses
2,02 millions de dollars d'investissements de la société
Carlyle Group. L'annonce faisait suite à un article d'une
page, paru le 27 septembre 2001 dans le Wall Street Journal, concernant
une participation financière de la famille Bin Laden dans
ce groupe. Mais aucun autre média ne s'est intéressé
vraiment à cette information.
Qu'est-ce que Carlyle Group ?
The Carlyle Group est une compagnie d'investisseurs privés,
peu connue du grand public, qui gère près de 13 milliards
de dollars d'investissements dans différentes sociétés
d'armement, de télécommunication et de laboratoires
pharmaceutiques. Un complexe financier tentaculaire. Parmi les quatre
sociétés les plus importantes détenues par
ce groupe nébuleux, citons : Empi, Inc (activité principale
: les médicaments et produits médicaux. C.A. pour
l'année 2000 : 73 millions de dollars); Medpointe, Inc (activité
principale : les médicaments et préservatifs. C.A.
estimé pour l'année 2001 : 223 millions de dollars)
; United Defense Industries, Inc (activité principale : la
fabrication de chars et de véhicules blindés pour
l'armée américaine ou l'export. C.A. pour l'année
2000 : 1,18 milliard de dollars) ; United States Marine Repair,
la plus grosse compagnie américaine de navires de guerre
non nucléaires (C.A. pour l'année 2000 : 400 millions
de dollars) [1].
L'ensemble de ces activités liées à l'armement
ou à la Défense fait de Carlyle Group un des plus
importants fournisseurs du Pentagone. Une grande partie de ses commandes
dépend donc du bon vouloir de l'administration en place.
Mais cette société discrète ne s'arrête
pas à sa seule collaboration avec l'armement américain.
En 14 ans d'existence, elle a étendu son pouvoir financier
partout dans le monde, là où les investissements étaient
les plus lucratifs...
Aujourd'hui, le conglomérat Carlyle contrôle plus
de 160 sociétés, dans 55 pays, et possède même
un bureau en France, sis 112 Avenue Kléber, à Paris.
Sa branche française s'est notamment faite remarquer en juin
2000, en prenant des parts dans la holding financière du
Figaro, au nez et à la barbe de Serge Dassault, qui convoitait
lui-même le titre.
De l'autre côté de l'Atlantique, le grand patron de
Carlyle Group n'est autre que Franck Carlucci, l'ancien Secrétaire
d'État à la Défense sous Ronald Reagan, entre
1987 et 1989. Mais cette accointance politique n'est pas la plus
étonnante. La firme emploie également, à temps
plein ou pour des opérations de relations publiques temporaires,
Georges Bush (ancien président des USA, et père de
l'actuel pourfendeur des talibans), John Major (ex-premier ministre
de Grande-Bretagne), Karl Otto Pohl (ex-président de la Bundesbank),
Fidel Ramos (ex-président des Philippines), Arthur Levitt
(ex-président de la Security Exchange Commission = la COB
américaine), et James Baker (ancien secrétaire d'état
de Bush senior) [2]. Bref, le gratin mondial des grands décideurs...
Et jusqu'au 26 octobre 2001, la famille de l'homme le plus recherché
de la planète, faisait également partie de ce joyeux
tour de table !
Il va de soi que l'on ne saurait accuser tous les membres de financer
le terrorisme islamique. Il est par contre certain que tous les
membres n'ont pas coupé les ponts avec Oussama. Il y a fort
à parier que si Carlyle Group emploie toutes ces pointures
de la géopolitique mondiale (dont les salaires sont bien
évidemment tenus secrets), c'est pour profiter de leur carnet
d'adresses bien garni, et assurer l'entregent international nécessaire
à ses domaines d'activité, en vue d'un coquet chiffre
d'affaires. S'appuyant sur cette époque tourmentée,
l'armée américaine vient, par exemple, de demander
au Congrès quelques 500 millions de dollars pour commander
son nouveau jouet : le char Crusader, dont elle a besoin pour de
futures opérations terrestres.
Et qui fabrique les chars Crusader ?
On l'aura deviné : l'entreprise United Defense Industries,
Inc, et donc Carlyle Group ! Le Congrès américain
est en train de débattre de l'opportunité de cet investissement
lourd (payé par les contribuables), et des pourparlers sont
en cours... Bref, grâce à des investissements diversifiés
et très juteux, les actionnaires de Carlyle bénéficient
d'un retour sur investissement de 34 % par an. Du jamais vu dans
ce type d'activité. Avec une telle rentabilité, maintenue
depuis la création du groupe, on s'attendrait à voir
tous les analystes financiers de la planète conseiller l'achat
de titres Carlyle. Or il n'en est rien, et pour une raison simple
: Carlyle Group n'est pas coté en bourse. Un parti pris stupéfiant
pour une entité de cette taille...
Mais seulement à première vue. Pas question, en effet,
pour les grosses pointures de Carlyle, de laisser l'actionnaire
moyen profiter d'une telle aubaine. Autre avantage, et non des moindres
: en se plaçant hors du circuit boursier, le groupe n'est
pas tenue de divulguer à la Security Exchange Commission
(la commission américaine chargée de vérifier
la régularité des opérations boursières)
le nom de ses associés (et notamment les actionnaires gênants,
tel le clan Bin Laden), pas plus que leurs parts respectives. Cette
attitude est également le meilleur moyen de dissimuler le
détail des activités, qui pourraient en offusquer
plus d'un. En effet, chaque fois que Bush Junior passe commande
d'un char ou d'un bateau à une société du groupe
Carlyle, au nom de la défense américaine, c'est Bush
Senior qui passe à la caisse, avec une autre poignée
de happy few, dont les Bin Laden, qui ont fidèlement empoché
leurs 34% de dividendes annuels jusqu'à cette année.
Carlyle Group prospérait tranquillement dans l'ombre, jusqu'à
ce que deux organismes non gouvernementaux, Judicial Watch et Center
for Public Integrity, s'insurgent de la situation. Ces deux associations,
qui épluchent les milliers de pages délivrées
par le Congrès chaque année, ainsi que les documents
déclassifiés de la CIA ou du FBI, ont dénoncé
cet état de fait [3], relayées par le Wall Street
Journal et la BBC. Une telle nouvelle a bien sûr fait sortir
Carlyle de son mutisme. La famille Bin Laden (à part le méchant
Oussama, bien sûr), sont des gens respectables, ont fait savoir,
la main sur le coeur, les dirigeants de Carlyle Group et Arabella
Burton, secrétaire particulière de John Major, sitôt
la nouvelle connue.
Pourquoi ont-ils retiré leurs investissements dans Carlyle,
dans ce cas ? Georges Bush père s'est pourtant rendu à
deux reprises, en octobre 1998 et 2000, au moins, à Jeddah,
le siège familial des Bin Laden, en Arabie Saoudite. Leur
a-t-il demandé des nouvelles d'Oussama, ou simplement un
chèque ? Après les révélations du Wall
Street Journal, Jean Becker, porte parole de Bush Senior, a d'abord
déclaré que Bush Sr avait rencontré la famille
Bin Laden une fois, puis, le lendemain : " Après avoir
lu les notes de l'ex-président "... " L'ex-président
Bush n'a pas de relation avec la famille Bin Laden. Il les a rencontrés
deux fois ". Seulement deux ? Selon le Figaro du 31 octobre
2001, Ossama Bin Laden a été hospitalisé à
l'hôpital américain de Dubai le 14 juillet 2001 pour
une opération du rein et a reçu la visite d'un officiel
de la CIA et de plusieurs membres de sa famille (dont il est, rappelons-le,
le mouton noir et avec laquelle il est censé avoir coupé
les ponts).
Ces membres étaient-ils au nombre de ceux qui possédaient
des parts dans Carlyle Group? Mystère, tant est complexe
la famille Bin Laden. Enfin, le 7 novembre 2001, The Guardian révélait
que certains officiels du FBI se plaignaient que " pour des
raisons politiques, toutes leurs investigations sur la famille Bin
Laden avaient été stoppées, surtout depuis
que Georges W Bush était devenu président. ".
Ces investigations portaient sur deux frères de Ossama Bin
Laden, Omar et Abdullah, pour leur relation avec la World Assembly
of Muslim Youth, qui fait partie des associations suspectées
de financer le terrorisme. Étaient-ils parmi les 24 membres
de la famille Bin Laden résidant aux États-Unis, qui
se sont envolés (sous la supervision du FBI !) de l'aéroport
de Washington le 14 septembre 2001, trois jours après les
attentats [4] ? Mystère, la liste complète des passagers
n'a pas été publiée.
Il faut dire que les liens entre la famille Bush et le Moyen-Orient
sont anciens, profonds et lucratifs. N'est-ce pas la société
de Georges Bush Jr, Harken, qui avait obtenu l'exploitation exclusive
du gaz et du pétrole de l'émirat du Bahrein pour 35
ans, alors qu'elle n'avait aucune expérience des forages
off-shore ? Certains grands pétroliers (dont Amoco, qui était
sur les rangs) avaient alors fait savoir que Bush Senior, alors
président, n'y était pas pour rien. Le 22 juin 90,
quelques semaines avant que papa ne déclenche Desert Storm,
Bush Jr liquidait sa participation dans Harken, 850 000 $. Une semaine
après, Harken annonçait des pertes records de 23 millions
de dollars. Dès l'invasion, le titre plongeait... "
Coup de chance ", a commenté Junior [5], oubliant au
passage de déclarer à la SEC cette cession. Interrogé
par la même SEC huit mois plus tard sur cet oubli, il précisa
que la SEC avait sûrement perdu la feuille de déclaration
[6].
Parmi les associés de Georges Bush Junior figurait un personnage
sulfureux nommé Khalid Bin Mafhouz. Son nom reste associé
au scandale de la BCCI (banqueroute, 12 milliards de dollars disparus
en fumée), dont il possédait 20 % du capital. Il a
été reconnu coupable de dissimulation fiscale et a
dû acquitter une amende de 225 millions de dollars, en plus
d'une interdiction à vie d'exercer un métier bancaire
aux États Unis. Lors de l'enquête menée à
l'occasion de ce procès, il est apparu que la CIA avait utilisé
cette banque pour financer certaines opérations obscures,
mêlant drogue et trafic d'armes, bien évidemment couvertes
par le secret d'État. En 1987, Khalid Bin Mahfouz acquérait
11,5 % de Harken, la société que présidait
Georges Bush Jr, via son homme d'affaires aux États-Unis,
Abdullah Taha Bakksh [7].
Au conseil d'administration de Carlyle se trouvait jusqu'à
l'an dernier Sami Baarma, directeur de la Prime Commercial Bank
du Pakistan, dont Bin Mahfouz est le patron. Mieux encore, James
Bath, copain de régiment de Georges W. Bush Junior et fils
d'une grande famille pétrolière texane, a été
l'un des premiers investisseurs dans le business pétrolier
de Bush Junior, puisqu'il détenait 5 % de ses deux premières
sociétés, Arbusto 79 et Arbusto 80. Or depuis 1976,
James Bath était le représentant aux États-Unis
de Salem Bin Laden, le frère aîné d'Oussama,
qui décédera dans un accident d'avion comme son père,
fondateur de la dynastie ! Poursuivi par un ancien associé,
il a témoigné sous serment en 1992 et confirmé
ces faits. Le Fincen (Financial Crime Enforcement Network) enquêtait
alors sur la société de Bath, Ventures Corp, Inc et
la soupçonnait fortement de faciliter des prises de contrôle
de compagnies afin d'influencer la politique étrangère
américaine [8]. Après avoir nié le connaître,
Georges W Bush a finalement reconnu qu'ils avaient " fait "
de vagues affaires ensemble lorsque l'information est sortie pendant
les primaires républicaines pour l'élection présidentielle
que Bush a remporté en Floride dans les conditions que l'on
sait [9]. Quant à Khalid Bin Mafhouz, il a été
arrêté le 3 août 2000, à la demande de
l'administration Clinton et placé sous mandat d'arrêt
à l'hôpital militaire de Taef, en Arabie Saoudite.
Depuis, personne ne sait ce qu'il est devenu. Bin Mahfouz, il faut
le savoir, fait partie des personnes activement recherchées
pour soutien à l'organisation Al Quaeda, via des organisations
humanitaires islamiques.
Que ressort-il de tout cela ? Dans l'opération liberté
immuable, qui sont les bons et qui sont les méchants ? Les
marines américains qui viennent de débarquer en Afghanistan
savent-ils pour quels intérêts ils risquent leur peau
? Les gouvernements européens, dont le nôtre, ont-ils
connaissance de ces informations ? Pourquoi Bush Jr, comme le demandent
avec insistance Judicial Watch et Center for Public Integrity, ne
demande-t-il pas à son père de cesser tout contact
avec Carlyle ? Khalid Bin Mahfouz est-il déjà au fond
de la mer Rouge ? Pourquoi George W Bush a-t-il attendu quinze jours
pour dresser la liste des organisations suspectes dont les avoirs
devaient être gelés aux États-Unis et ailleurs
? A l'heure des transactions bancaires et anonymes, ces quinze jours
sont une éternité.
Grosso modo pour une seule et unique raison : à ce niveau
d'imbrication d'intérêts privés et personnels,
Bush ne peut rien faire ni dire. Il ne peut que prêcher une
croisade du monde libre contre les infâmes intégristes
barbus, qui empêchent les groupes pétroliers de construire
le pipe line vital qui acheminerait le pétrole des immenses
réserves pétrolières de la Caspienne vers la
mer Rouge. Il suffit de regarder une carte de la région pour
s'en convaincre. Et, pour le cas hautement improbable où
l'on capturerait Bin Laden vivant, George W Bush vient d'inventer
un tribunal militaire d'exception, à l'abri de la presse
et des curieux, pour des raisons évidentes de sécurité
nationale. Oussama pourrait sortir des photos du méchoui
familial, avec Bush Senior autour du tapis. Que faire ? Que faire
pour que le plus influent pays au monde cesse d'être dirigé
par des personnes dont le portefeuille d'actions grossit chaque
fois qu'une guerre éclate sur la planète ?
Jusqu'au 11 septembre, tout était parfait, la guerre se
déroulait chez les autres qu'il suffisait d'armer, directement
ou indirectement, en empochant au passage les commissions de ventes
d'armes. Depuis le 11 septembre, à cause d'une vingtaine
de fanatiques armés de cutters, la donne a changé,
car pour la première fois depuis 1865 (fin de la guerre de
Sécession), le conflit se déroule sur le sol des États-Unis.
Le peuple américain, et particulièrement les familles
des quelques 7000 victimes des attentats, est en droit de demander
à son président pourquoi.
Source : www.transnationale.org Portail d'information sur les entreprises
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