|
Origine : http://www.moisdon-la-riviere.org/articles.php?lng=fr&pg=453
La loi de 1912
Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne
nazie le 3 septembre 1939, les populations ambulantes sont toujours
soumises à la loi du 16 juillet 1912. Cette loi définie
trois catégories de populations ambulantes : les marchands
ambulants (art.1), étrangers ou Français, possédant
une résidence fixe en France ; les forains (art.2), Français
ne possédant pas de résidence fixe mais exerçant
une profession foraine ; et les nomades (art.3). Mais qui sont ces
nomades ? La loi du 16 juillet 1912 les définie au négatif.
Le nomade est celui qui ne possède pas : non possession du
statut de marchand ambulant ou de forain, non possession d’une
nationalité particulière, non possession d’une
résidence fixe, et surtout non possession d’un emploi
reconnu comme tel. Bref, le nomade est l’étranger,
le vagabond. Il est le Romanichel, le Gitan, ou encore le Bohémien.
La loi de 1912 permet au gouvernement français de surveiller
les populations itinérantes, chacun des trois groupes possédant
un document permettant de l’identifier qui lui est spécifique
: un récépissé pour les marchands ambulants
(art.1), un carnet de forain pour les forains (art.2) et un carnet
anthropométrique pour les nomades (art.3). Ces pièces
doivent être présentées lors de tout contrôle
des forces de l’ordre. Cependant, les nomades sont bien plus
surveillés encore, puisqu’ils doivent faire viser leur
carnet anthropométrique et leur carnet collectif à
chaque arrivée et à chaque départ d’une
commune. Ils peuvent donc être suivis "à la trace".
Le carnet anthropométrique est individuel ; tout nomade de
plus de 13 ans doit en posséder un. Le carnet collectif est
une sorte de livret de famille que doit posséder chaque chef
de famille, et sur lequel sont mentionnés les nom et prénoms
du père, de la mère et de chacun des enfants.
Cependant, cette loi, qui permet le contrôle des populations
itinérantes, donne surtout un aspect légal, de par
les mesures de contrôle utilisées, à la marginalisation
de ces populations. Souvent marginalisées de fait par la
population française, elles le sont maintenant d’un
point de vue législatif, puisqu’elles possèdent
des papiers d’identité qui leur sont propres et qu’elles
sont continuellement surveillées.
Les nomades, danger pour la Sûreté nationale
Lorsque la guerre est déclarée en septembre 1939,
un fort climat "d’espionnite" règne au sein
de la population française et de son gouvernement. Les étrangers
et les nomades sont alors perçus comme d’éventuels
espions, voir même comme d’éventuels saboteurs.
Dès octobre, le gouvernement français les éloigne
des grands pôles politiques, économiques et militaires
en les envoyant dans les campagnes françaises, dont celles
de la préfecture de la Loire-Inférieure. En novembre,
le préfet restreint la liberté des nomades présents
dans la zone de protection spéciale créée autour
de la base navale de Quiberon, car ceux-ci pourraient espionner
ou saboter. Il décide donc de regrouper les nomades vivant
au Croisic et à Saint-Nazaire dans l’ancien camp de
réfugiés espagnols de Juigné-les-Moutiers.
En avril 1940, quatre-vingt dix-neuf personnes sont cantonnées
dans ce camp ; dix-huit se trouvent à Derval, quatorze à
Soudan et quarante-sept à Saint-Nicolas-de-Redon.
Rapidement, des mesures nationales font suite aux mesures de cantonnements
des populations étrangères et nomades prises sur le
plan départemental. Le 6 avril 1940, le gouvernement français
devient responsable de ce cantonnement suite à la promulgation
d’un décret-loi « interdisant la circulation
des nomades sur l’ensemble du territoire métropolitain
». Seuls les nomades, tels que définis par l’article
3 de la loi du 16 juillet 1912, sont visés par ce décret.
Ils ne peuvent plus circuler sur la totalité du territoire
métropolitain pendant toute la durée de la guerre
(art.1), et il leur est imposé de stationner dans une commune
bien précise, qui leur sera notifiée par la gendarmerie
ou par la police (art.2). Là encore, ce décret-loi
est promulgué dans un climat "d’espionnite"
: la circulaire ministérielle du 29 avril nous apprend que
ce décret a été promulgué dans le but
de surveiller, de contrôler et de protéger contre l’espion.
Cependant, si le ministère de l’Intérieur souhaite
astreindre les nomades à résider dans des lieux choisis
par l’Administration préfectorale, il ne souhaite pas
que tous les nomades d’un département soient concentrés
dans un même lieu, car cela renforcerait leur cohésion
et les rendrait plus dangereux. Le préfet de la Loire-Inférieure
choisit alors, le 18 mai, quatre communes afin de cantonner les
populations nomades : Carquefou, Sucé, La Chapelle-sur-Erdre
et Sautron. Cependant, au 23 mai, ces populations restent cantonnées
dans quatre autres communes : Derval, Soudan, Saint-Nicolas-de-Redon
et Juigné-les-Moutiers.
Cette situation perdure de mai à juin 1940. Suite à
la cessation des hostilités, les nomades présents
en Loire-Inférieure semblent ne plus être soumis, tout
du moins "concrètement", aux mesures de cantonnement
puisque les quelques rapports de gendarmerie signalant leur présence
les situent un peu partout sur le territoire du département,
et non plus dans les seules communes de Carquefou, Sucé,
La Chapelle-sur-Erdre et Sautron, ou bien dans celles de Soudan,
Derval, Saint-Nicolas-de-Redon et Juigné-les-Moutiers.
La mesure allemande prise contre les nomades et sa mise
en œuvre
Cette liberté relative des nomades cesse dès la fin
de l’année 1940. Le 17 octobre, les autorités
occupantes ordonnent le rassemblement et la concentration de tous
les nomades présents en Loire-Inférieure : «
Nous informons la Préfecture d’avoir à rassembler
tous les bohémiens se trouvant en Loire-Inférieure,
de les mettre dans un camp où ils serons surveillés
par la police française ».
L’installation du camp et les décisions prises pour
en assurer la surveillance sont placés sous la responsabilité
du préfet de la Loire-Inférieure. Le 26 octobre, il
promulgue un premier arrêté dans le but d’astreindre
les nomades à résider dans les communes où
ils se trouvent (art.1). En parallèle, il cherche à
organiser du mieux que possible la garde du camp en vue de son ouverture
imminente. Il obtient ainsi du ministre de l’Intérieur
que soient mis à sa disposition vingt-et-un gardes mobiles,
et ce dès le 10 novembre, afin de surveiller les quelques
cent cinquante nomades décomptés dans le département.
Le 7 novembre, il promulgue un second arrêté qui crée
cette fois-ci le camp de La Forge à Moisdon-la-Rivière.
Cet arrêté ordonne aux nomades présents en Loire-Inférieure,
et tels que définis par l’article 3 de la loi du 16
juillet 1912, de se rendre au lieu dit « Les Forges »
dès le 11 novembre 1940 (art.1).
Le sous-préfet de Châteaubriant joue lui aussi un
rôle important dans l’organisation et la gestion du
camp. Dès octobre, il est chargé par le préfet
d’organiser le futur camp. Le sous-préfet, qui n’apprécie
guère les nomades, s’empresse d’aider à
la réalisation de ce projet. C’est lui qui choisit
d’aménager ce camp au lieu dit « Les Forges »
à Moisdon-la-Rivière. En guise d’aménagements,
il se contente de faire installer une clôture tout autour
des bâtiments. En parallèle, il s’occupe aussi,
avec le capitaine PERSUY (Capitaine commandant provisoirement la
compagnie de gendarmerie de la Loire-Inférieure. Il est donc
responsable des 21 gardes mobiles mis à la disposition du
préfet par le ministère de l’Intérieur),
de réglementer la garde du camp. Si bien que le 11 novembre,
lorsque le camp ouvre ses portes, l’organisation de la surveillance
est "assurée".
Date de création : 23/03/2008
|
|