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Origine : http://www.moisdon-la-riviere.org/articles.php?lng=fr&pg=124
18 juillet 1936 : pour faire
échec à la République qui a pris le pouvoir en Espagne lors des
élections de février 1936, le Général FRANCO et les troupes du Maroc,
débarquent dans la péninsule ibérique. C'est le début de la Guerre
civile espagnole. Hitler et Mussolini apportent leur aide massive
(armes et soldats) au Général Franco. Le pays se transforme en champ
de bataille du fascisme contre le gouvernement régulier de Front
Populaire. La Guerre Civile Espagnole, 1936-1939, laissera I'Espagne
exsangue avec au moins 600 000 morts et des milliers de gens sur
les routes.
Dès le début des hostilités, en 1936 et 1937, un petit contingent
d'Espagnols, femmes et enfants principalement, souvent originaires
du Pays Basque et des Asturies , transporté par des bateaux anglais,
se réfugie en France : 236 personnes viennent jusqu'à Ancenis.
D'autres réfugiés sont accueillis dans des installations de fortune
à Châteaubriant avant d'être dirigés vers La Forge à Moisdon.
Le Camp de la Forge
A Moisdon-la-Rivière, on prépare
activement le Camp de la Forge, malgré les protestations du Maire
Paul Ginoux-Defermon qui écrit que "la population a une hostilité
extrêmement vive" vis à vis des réfugiés. Monsieur Michau, propriétaire
de la Forge et des longères, accepte de louer le manoir et la charpenterie
pour un loyer de 1000 francs le 25 mai 1939. Le lendemain, les anciennes
ardoisières de la Tangourde à Juigné-les-Moutiers sont également
louées. Dans les jours qui suivent, 700 personnes, en majorité des
femmes et des enfants , venant de tout le département sont acheminées
à la Forge.
L'administration a cherché en hâte du personnel pour les encadrer.
Monsieur Legoff, inspecteur de la police spéciale en retraite, accepte
de diriger le camp de Moisdon. Il est aidé par un sous-chef de poste
et six gardes. A Juigné, Charles Cadot, retraité de la gendarmerie
à Châteaubriant, fait de même.
300 planches et 200 pieds
Le sous-préfet Arnaud pare au
plus pressé. Il commande 300 planches et 200 pieds, ainsi que 620
paillasses et 600 kg de paille pour assurer le couchage. L'installation
est sommaire, I'eau potable manque. La Croix-rouge fait de nombreuses
visites et réconforte les réfugiés.
Madame Arnaud, femme du sous-préfet, s'occupe personnellement de
la petite Amapola (coquelicot en espagnol) Diez Fernandez qui est
un bébé malingre à peine âgé d'un an. Elle est aidée par des castelbriantaises,
Mesdames Roussel, Nivert, Larose, Lebastard, Delanoue, Chailleux,
Bicot, Cassin et beaucoup d'autres.
D'après le livre de comptes du camp de Juigné, il apparaît que la
nourriture était variée et chose plus surprenante adaptée au goût
des espagnols. A côté des légumes habituels on relève I'achat de
pois chiches qui n'étaient pas beaucoup consommés à Châteaubriant.
Le fournisseur attitré est Amador Castañer, qui tenait boutique,
rue Aristide Briand à I'enseigne "Au palmier de Valencia". S'il
y a de la morue en quantité, manque l'huile d'olive.
L'état sanitaire des camps est correct. Des infirmières ont été
réquisitionnées et les médecins sont appelés régulièrement. L'administration
a très peur des épidémies aussi elle ne lésine pas sur les médicaments
et les hospitalisations. Chaque mois le préfet continue à publier
des listes de personnes disparues. Ces listes écrites en espagnol
permettent de connaître l'origine géographique des réfugiés. S'ils
viennent de toute l'Espagne, leur dernier domicile connu se trouve
souvent être la Catalogne (Provinces de Barcelone et de Gérone).
Il y a peu d'indications sur les professions exercées, d'autant
plus qu'il y a une majorité de femmes. Parmi les réfugiés se trouvent
un certain nombre d"'indianos" c'est-à-dire des espagnols nés en
Amérique , comme Emilia Marquez Villazon, née en Floride ou Dolorès
Elias Martin née à Cuba en 1915. Pour des raisons de sécurité, le
préfet interdit le regroupement des familles dans le cas où les
réfugiés ont des parents près de la frontière espagnole.
La population de Châteaubriant
fait son possible
La population de Châteaubriant,
après le choc des premiers jours, a fait son possible pour adoucir
le sort de ces pauvres gens. Une lettre du sous-préfet est très
significative à cet égard. Celui-ci écrit que dans un premier temps
la population "était assez réfractaire" mais "elle a été vivement
impressionnée par la dignité des réfugiés et par leur attitude pleine
de sagesse. Entraînée par des hommes de bonne volonté qui ont constitué
le Comité d'accueil, il semble, si l'on excepte quelques hostilités
irréductibles, que les réfugiés soient acceptés sans difficultés."
Le sous-préfet ajoute: "Toutes les associations et groupements ont
aidé à ce résultat, et je ne saurai passer sous silence, comme majeure
de ce revirement, toute l'aide que j'ai trouvée dans LE COURRIER
DE CHATEAUBRIANT (organe des partis modérés) et dans les autorités
ecclésiastiques qui n'ont pas hésité à organiser, dans les locaux
du Cercle catholique, une représentation au bénéfice des réfugiés".
Des témoins de l'époque affirment que cet afflux de réfugiés a été
pour la première fois la cause d'un rapprochement des deux camps
traditionnellement hostiles (catholiques et laïcs), préfiguration
de ce qui se passera pendant et après la guerre.
A Moisdon, on craint pour
les filles !
31 août 1939, Paul Ginoux Defermon,
maire de Moisdon, demande au sous-préfet l'évacuation de la Forge
car "les femmes (de Moisdon) sont effrayées à la pensée de se défendre
de ces indésirables dont le nombre est d'environ 800". En fait,
les moisdonnaises n'avaient aucune raison d'avoir peur car dans
le camp il n'y avait que des femmes, des enfants et quelques hommes
invalides... Mais avec "les rouges"... on ne sait jamais.
On notera que les mentalités à la campagne sont plus figées qu'à
Châteaubriant qui possède une vieille tradition républicaine. Les
habitants de Moisdon sauf exception ne manifesteront pas de sympathie,
ils venaient voir avec curiosité ces gens qui leur semblaient venir
d'une autre planète.
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