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A PROPOS DU CAMP DE CONCENTRATION
DE MOISDON-LA-RIVIÈRE
(1939-1942)
Patrick Drevet

Origine : échanges avec l'auteur


De 1939 à 1942, les forges de Moisdon-la-Rivière servirent de décor au traitement atroce des populations indésirables d’alors. En ce lieu comme en tant d’autres, se préparait et s’exécutait leur effacement programmé. Pendant que l’Espagne de Franco massacrait les Républicains, la France républicaine internait les rescapés dans des « camps de concentration » (à Moisdon-la-Rivière dès le mois de mai 1939).

Tandis que l’Allemagne d’Hitler préparait le génocide des Tsiganes, la France démocratique interdisait les nomades de tout déplacement par un décret de Paul Reynaud daté du 6 avril 1940, et créait, début mai, les premiers camps de concentration à leur intention ; ces camps furent généralisés par les occupants nazis en octobre 1940 ; le 7 novembre, le préfet de Loire-Inférieure s’appuyait sur le décret du 6 avril pour ordonner l’internement de tous les nomades du département aux forges de Moisdon-la-Rivière.

Enfin, pendant qu’en Allemagne, les nazis s’efforçaient d’éliminer les asociaux, mendiants et malades mentaux, l’administration et les gendarmes français raflaient les clochards (comme à Nantes à la fin du printemps ou au début de l’été 1942) et les déportaient dans les mêmes camps. Ces derniers ne furent toutefois pas envoyés à Moisdon-la-Rivière (qui ferma ses portes le 13 mai 1942) mais à Mulsanne, puis à Montreuil-Bellay. Par contre, « 75 indésirables de droit commun » ont été internés à Moisdon-la-Rivière le 7 juillet 1941, avec les gens du voyage.

On parle peu des Espagnols et des Tsiganes ; on n’évoque jamais le sort des autres « indésirables », comme ces clochards nantais, dont la plupart sont morts de faim et de froid (nettoyés au jet d’eau glacée en plein hiver : peut-on dire kärchérisés ?) dans le camp de Montreuil-Bellay, au cours de l’hiver 1942-1943.

L’immigré, le gitan, le sans-logis : on voit que la politique de la Troisième République, poursuivie par Vichy, est plus que jamais à l’ordre du jour ; l’occultation d’un tel passé sert à cela : légitimer le mépris dans lequel la société policée tient ces hommes, mépris qui constitue le creuset des lois d’exception et des rafles dont nous voyons croître les ravages.

Les déportés de Moisdon-la-Rivière : comment leur rendre témoignage, en leur lieu ? La terre de leur supplice crie vers les vivants d’aujourd’hui, pour qu’ils entendent, du fond d’eux-mêmes, la voix des hommes qui ne comptent pour rien au regard des puissances d’alors et de ce jour, pour qui l’occasion est toujours bonne d’éliminer puis d’effacer les indésirables.

Moisdon-la-Rivière, le 26 janvier 2008 (corrigé le 13 mars)

Patrick Drevet