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Origine http://www.linternaute.com/imprimer/femmes/psychologie/0504idees-recues/interview.shtml
http://www.linternaute.com/
Catherine Vidal, neurobiologiste, a étudié la question
des différences du cerveau selon les sexes. Elle nous explique
pourquoi ces différences sont acquises et non innées...
14/04/2005
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Catherine Vidal Un jour, on m'a demandé de faire une conférence
sur le cerveau des hommes et des femmes. A cette occasion, je me
suis plongée dans la littérature scientifique et je
me suis rendue compte que même dans les articles scientifiques,
il y avait beaucoup de partis pris, de préjugés, et
que souvent les interprétations des résultats étaient
trop imaginatives par rapport aux données réelles.
Quelles sont les données réelles, alors ?
Sachez que toutes les idées, très répandues,
du genre : "femme et homme se servent différemment des
hémisphères de leur cerveau", "les deux
hémisphères sont mieux reliés chez la femme,
c'est pour ça qu'elle peut gérer plusieurs choses
à la fois" ne sont pas avérées du tout.
Ce sont de vieilles idées, qui datent d'il y a plus de 30
ans, et qui depuis ont été démenties grâce
à nos nouveaux moyens de recherche comme l'imagerie cérébrale.
Il faut donc réactualiser nos connaissances sur le fonctionnement
du cerveau. La vérité, c'est que nous avons tous des
cerveaux différents, qu'il existe des différences
très importantes entre les cerveaux des personnes d'un même
sexe… c'est-à-dire qu'on peut voir des différences
anatomiques entre hommes et femmes, mais au même titre qu'on
va voir des différences entre le cerveau d'un violoniste
et celui d'un footballeur !
Il y a donc quand même des différences ?
Voir des différences, anatomiques ou de fonctionnement,
ne signifie pas que ces différences sont inscrites dans le
cerveau depuis la naissance. On sait aujourd'hui que la construction
du cerveau est extrêmement influencée par le milieu
extérieur, par toutes les simulations qui viennent de l'environnement,
de la culture, la famille, la société…
Par exemple ?
Prenons un exemple typique : dans les tests psychologiques, les
femmes sont meilleures dans des tâches de langage alors que
les hommes sont meilleurs dans des tâches d'orientation dans
l'espace. D'une part, on constate que ces différences ne
sont perceptibles qu'à partir de l'adolescence, et qu'elles
sont beaucoup moins marquées dans d'autres cultures, comme
chez les Africains ou les Asiatiques. L'environnement a donc bien
quelque chose à voir avec ça. D'autre part, quand
on prend des sujets et qu'on les entraîne à passer
les tests, les femmes vont rattraper les hommes dans les tests d'espace,
et les hommes les femmes dans les tests de langage. Le cerveau est
donc flexible.
Pourquoi alors ces idées rencontrent-elles un tel
succès ?
Ces idées-là plaisent parce qu'elles sont présentées
avec une sorte de caution scientifique. Par exemple, on va s'appuyer
sur l'évolution pour dire que c'est normal que les hommes
soient bons dans l'espace, parce que du temps de l'homme des cavernes,
ils chassaient le mammouth, alors que les femmes restaient dans
la caverne à s'occuper des enfants. Ce genre de déclarations
est évidemment complètement spéculatif (personne
n'était là pour savoir si cela se passait vraiment
ainsi !). Mais cela donne une réponse simple à nos
questions, et l'aspect "scientifique" nous convainc aisément.
On utilise le cerveau, les hormones, la génétique…
pour trouver aux différences une raison biologique qu'on
met en avant, alors qu'on ignore de plus en plus les raisons sociologiques
et culturelles.
La biologie n'explique donc pas tout…
Bien sûr que non, et il faut désintoxiquer les gens
de ce genre de préjugés ! La question n'est pas de
nier les différences entre hommes et femmes, mais simplement
de réfléchir à l'origine de ces différences.
Elle peut se trouver dans la biologie, l'histoire, la culture, la
société… cela permet de ne pas avoir une vision
trop simpliste qui voudrait que la biologie explique tout. Les différences
biologiques ne sont pas fondamentales pour expliquer qu'hommes et
femmes se répartissent différemment dans la société.
On a bien des femmes pilotes de ligne, des femmes chefs d'entreprise,
et des hommes… sage-femmes !
Propos recueilli par Ada Mercier
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