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Origine : http://www.cyberie.qc.ca/dixit/991216.html
L'opération cosmétique à laquelle vient de
s'adonner le Comité international olympique (CIO) ne saurait
tromper : sous le supplément de maquillage, la lèpre
qui ronge l'olympisme demeure présente et active. Le CIO,
comme il sait le faire puisqu'il a concocté en cent ans une
bonne douzaine de chartes olympiques différentes, a changé
quelques meubles de place, mais il demeure, après comme avant
l'opération, un club privé allergique à toute
arrivée massive d'oxygène, viscéralement fermé
à la démocratie et toujours déterminé
à empocher les dividendes tout en esquivant les responsabilités.
Raccourcir (à 12 ans!) le mandat présidentiel ? Cela
ne signifie rien. Une charte précédente avait fixé
des limites que M. Samaranch s'est empressé de dépasser,
avec l'aval d'un collège électoral à la nuque
docile. Âge limite des membres ? Même remarque, même
mauvais exemple de M. Samaranch. Expulser les membres dont une enquête
strictement interne a révélé la vénalité?
Cela ne garantit pas que les plus coupables ont été
pris, ni que la justice que le CIO pratique sur lui-même,
rencontre les normes usuelles de minutie, d'aération et d'équité.
Quant à la décision de ne plus laisser l'ensemble
des membres visiter les villes candidates, elle transfère
à une bureaucratie, donc à une structure encore plus
opaque, une responsabilité qui, au contraire, aurait requis
plus de transparence.
Quant aux questions de la drogue et de la « collaboration
» entre le CIO et l'industrie pharmaceutique pour établir
la liste des produits prohibés, on retiendra que le CIO les
traite avec une hypocrisie particulière. D'une part, le CIO
s'engage à sévir contre les fédérations
qui seraient trop complaisantes. Mais chacun sait ou devrait savoir,
sauf sans doute dans la complaisante confrérie des chroniqueurs
sportifs, que M. Samaranch lui-même, dans le passé,
pressait les fédérations de ne pas prononcer des peines
trop lourdes contre les athlètes convaincus de dopage. D'autre
part, le CIO a toujours veillé soigneusement, prince de Mérode
aidant, à retarder d'au moins une génération
scientifique ou deux sur les découvertes pharmaceutiques
et à ne jamais soumettre les athlètes aux prises de
sang qui en diraient passablement plus long que les rituels tests
d'urine. N'allons donc pas penser que le CIO veut en finir avec
le dopage. Le CIO n'a même pas effacé certaines séries
de records olympiques qui, comme en haltérophilie, ont toutes
des odeurs de stéroïdes.
En ce qui touche à ses mœurs de club privé,
aspect particulièrement névralgique, le CIO n'a encore
rien compris. Le club continue à n'assumer aucune responsabilité
à l'égard des éventuels déficits, mais
il accroît constamment sa quote-part dans les droits de diffusion.
Le club est toujours peuplé de gens cooptés : au moins
70 sur 115. Le club admet des présidents de fédérations
internationales? Oui, mais en petit nombre, 15 sur 115, et, en plus,
il se réserve le droit de choisir les disciplines et donc
les fédérations. Le club admet des athlètes?
Oui, mais selon des critères qui, après les choix
d'Anton Giesing ou de Jean-Claude Killy, sont, au mieux, brumeux.
Encore là, les rares chroniqueurs sportifs affligés
d'une moindre amnésie que la moyenne professionnelle, se
souviendront d'un Killy qui, au temps du très officiel amateurisme,
disait lui-même avoir presque constamment été
« en délicatesse » avec la règle. Comptons
sur lui.
En somme, le club demeure le club. Le club n'entrouvre sa porte
qu'à ceux qu'il juge souplement ouverts à une mercantilisation
toujours plus abrupte du spectacle sportif. Le club continuera à
choisir les disciplines olympiques selon des critères qui
réduisent sans cesse l'importance du sport de masse au bénéfice
d'une intrusion accrue de la performance spectaculaire. Le club
continuera de ne pas voir ce qu'on impose aux fillettes de la gymnastique
et du patinage artistique, pourvu que les cotes d'écoute
les accompagnent toujours. Le club maintiendra au programme des
épreuves comme le biathlon, qui doivent tout à l'époque
où les militaires des pays socialistes devaient remporter
leur part de médailles et où les armes s'intégraient
banalement à l'existence.
Le plus déconcertant dans la religion olympique, ce n'est
pas qu'elle pratique la simonie, l'hypocrisie et le lavage des cerveaux.
C'est qu'elle puisse toujours recruter autant de fidèles.
C'est, pire encore, qu'autant d'États se plient aux caprices
d'un club privé. Le club, en effet, n'accorde toujours pas
les jeux olympiques à une ville, quoiqu'on en dise, mais
à une ville dûment nantie de l'endossement financier
du pays dont elle fait partie. L'État devient un endosseur
aveugle, en ce sens qu'il n'a rien à dire face aux exigences
du CIO, ni face à celles du Comité olympique national,
ni face à celles des grandes fédérations. Entre
une caution aveugle et un cocu content, la lucidité est probablement
plus grande chez le cocu.
Il s'en trouvera pourtant, comme l'indique le titre du Figaro (13
décembre), pour croire et dire que nous entrons dans «
une nouvelle ère pour l'olympisme ». Quand la candeur
règne avec autant d'aisance, on comprend pourquoi le CIO
n'a pas besoin de payer des pages publicitaires pour redorer son
blason.
Comité international olympique
Pour en finir avec l'olympisme par Laurent Laplante.
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