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Sociologie critique et critique de la sociologie
JEAN-MARIE BROHM Université de Montpellier III-Paul Valéry

origine : http://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2004-1-p-71.htm

http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/education-societes/RE013-5.pdf


La crise mondiale de 1968 --avec ses effets d'après-coup à l'Ouest comme à l'Est-- a secoué la sociologie bien plus que ne veulent le concéder les ténors de la discipline. Structures et fonctions, acteurs et systèmes, mouvements sociaux et représentations collectives, champs et habitus, organisations et appareils ont été bouleversés, contestés, subvertis par l'ébranlement des principales institutions sociales --de l'entreprise à l'école en passant par l'armée, la famille, les Églises, la médecine, la psychiatrie, la télévision, la culture, le sport, etc. Cette question complexe mériterait à elle seule une vaste enquête sociologique qui dépasserait largement le cadre d'un article. Aussi, pour être plus précis dans l'argumentation, m'en tiendrai-je essentiellement à la sociologie française qui est sans doute celle qui a connu ces dernières années l'une des crises d'orientation les plus profondes en tant que discipline. Raymond Boudon écrivait immédiatement après le séisme intellectuel provoqué par les événements de mai 1968 en France : "La crise universitaire et plus largement sociale qui, depuis quelques années, affecte les pays de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord a été corrélative d'une remise en question de la sociologie. En public et en privé, beaucoup de sociologues ont parlé et parlent toujours, à notre sens avec raison, de la crise de la sociologie" (Boudon 1971, 9). Ce constat reste parfaitement valable. Il semble même que la sociologie soit sur le "déclin" comme le constataient Boudon et Bourricaud dans l'avant-propos de la première édition (1982) de leur Dictionnaire critique de la sociologie : "Au cours des années 1970, au fur et à mesure que se dissipaient les illusions, la sociologie, qui pouvait passer pour les avoir entretenues, perdait naturellement de son crédit. On en est venu aujourd'hui au point où, sous l'effet d'une série de crises internes et du scepticisme croissant qu'elle suscite, le statut de la sociologie s'est profondément dégradé" (Boudon & Bourricaud 2002, VI). Boudon et Bourricaud estimaient aussi que pour éviter de devenir une sophistique qui entretient illusions dogmatiques et mystifications holistiques, la sociologie devait être critique, en particulier en tant que critique rationnelle des théories sociologiques. Mais, ajoutaient-ils, "il n'y a aucune fatalité à ce que la critique sociologique se limite à la contestation et à la dénonciation" (Boudon & Bourricaud 2002, VII). Cette précision était aussi un singulier aveu de la neutralisation axiologique et de la dépolitisation de la critique sociologique : "La critique se donne pour objet la théorie ou plutôt les théories elles-mêmes : elle en scrute et analyse les imperfections, incertitudes et failles, mais aussi les réussites" (Boudon & Bourricaud 2002, VIII). La critique sociologique était donc priée de s'abstenir soigneusement de toute contestation et dénonciation de la société actuelle --le tout sans doute au nom de la "neutralité axiologique"--, de se contenter d'une critique épistémologique et de s'abstenir de recourir au "réalisme totalitaire" des structures, rapports, systèmes, champs et autres "synthèses holistes" qui fâchent les partisans de l'individualisme méthodologique libéral ou néo-libéral : capitalisme, exploitation, marché mondial, luttes de classes, etc. Cette position est exemplaire en ceci qu'elle a le mérite de la franchise --qualité que l'on rencontre souvent dans la tradition conservatrice libérale-- et surtout en ceci qu'elle contraint tous les autres courants sociologiques à se situer vis-à-vis de la posture critique, à la réfuter, à la défendre ou à l'adapter selon différentes perspectives. Or, il est aujourd'hui de bon ton de critiquer la sociologie critique au nom d'une sociologie de la critique qui se veut un "abandon de la posture critique" (Heinich 1998, 23), si bien que l'on constate aujourd'hui un double mouvement contraire. Les anciens théoriciens des mouvements et acteurs sociaux engagés dans des luttes contestataires (mouvements étudiants, féministes, régionalistes, antinucléaires, antimilitaristes, antiracistes, etc.) se sont progressivement dilués dans un vague consensus social-libéral ou social-démocrate en se transformant en experts autorisés du prince ou en conseils scientifiques des organisations réformistes (le Parti socialiste et la CFDT particulièrement), aussi bien sur des questions générales (réformes des retraites et de la sécurité sociale, privatisations et redéfinition du "périmètre de l'État") que sur des questions plus spécifiques (malaise des banlieues, crise de l'école, de l'intégration et de la citoyenneté, toxicomanie, etc.) que les travaux de François Dubet --devenu pompier de la galère sociale-- ont illustrées à satiété.

Le retour de l'acteur et du sujet (Touraine 1984) a donc plutôt été le retour de la sociologie prestataire de bons et loyaux services, la sociologie politiquement correcte, parfaitement ajustée aux intérêts, demandes et commandes des puissances économiques et politiques dominantes. Dans un mouvement inverse, de nombreux puristes du métier de sociologue et rigoristes de l'objectivation/distanciation qui, au nom de "la" science sociologique, toisaient de très haut les sociologies militantes, indigènes, engagée, "spontanées", supposées ne distiller que doxa, illusions et méconnaissances (Bourdieu, Chamborédon & Passeron 1983), en sont venus sur le tard à réhabiliter une sociologie au service des dominés et même un nouvel nationalisme militant (Bourdieu 1998). D'autres, plus ludiques ou carrément postmodernes, se sont mis à étudier les seins nus, les célibataires et la trame conjugale, l'ère du vide, le culte de la performance, les jeux et les modes, les bancs publics, le culte de narcisse, les passions sportives, les nouveaux comportements sexuels, etc., sans jamais se poser la moindre question critique sur la genèse de leurs thématiques, le cadre social global dans lequel elles ont un sens et encore moins sur leurs propres valeurs et implications. Cette sociologie a-critique, passablement impressionniste et très en vogue aujourd'hui, considère elle aussi que les "grands récits" n'ont plus aucun sens et que la sociologie n'a ni à prendre parti, ni à dénoncer, ni à moraliser, mais simplement à rendre compte de l'être-là. D'autres enfin, qui tentent de systématiser leur posture sociologique à partir d'une sociologie de l'action, cherchent à rendre compte de "l'expérience" des acteurs, c'est-à-dire de leur subjectivité (Dubet 1994), ou à analyser la pluralité des régimes d'action de l'individu (Boltanski 1990, Boltanski & Thévenot 1991). Et si la plupart des sociologues qui s'intéressent à l'acteur préfèrent encore se pencher sur les dominés et les exclus, bien peu reprennent aujourd'hui à leur compte les problématiques des inégalités de classe, de l'exploitation et de l'oppression de classe, de l'aliénation sociale, de la logique mutilante de la valorisation du capital qui traverse absolument toutes les institutions, y compris d'ailleurs l'institution sociologique. L'acteur ou l'agent n'est pas en effet un individu abstrait, sans appartenance de classe, asexué et sans âge, mais bel et bien un être en chair et en os inséré dans la hiérarchie sociale et la dynamique des rapports de classes et des conflits sociaux : un tel est ouvrier agricole, un tel chauffeur de bus, un autre chef d'entreprise, un autre encore employé de banque et le dernier sociologue fonctionnaire de l'enseignement supérieur. L'acteur "sans qualités" --l'homo sociologicus-- est donc une abstraction déréalisante qui permet de gommer les divisions, fractures et affrontements de classe. La sociologie dite clinique dont se réclament certains a ici bon dos lorsqu'elle oublie de rappeler la nature inégalitaire, de classe, capitaliste, aussi bien de l'entreprise que de l'école, de la prison ou de l'assistance publique. De manière plus générale d'ailleurs, la sociologie qui se veut constructiviste et qui entend montrer comment les acteurs co-construisent leurs mondes dans de multiples interdépendances et interactions --ce qui est parfaitement exact-- a cependant tendance à oublier que les constructeurs sont eux-mêmes construits et que les principes de construction leur échappent généralement parce que, comme Marx l'a souvent souligné, l'accumulation du capital est devenue une puissance étrangère (Marx 1980). La crise de la "vocation actuelle de la sociologie", pour paraphraser Georges Gurvitch (1968), s'articule aujourd'hui autour de plusieurs difficultés ou obstacles qui ne sont pas tous épistémologiques, mais essentiellement politiques et institutionnels. Le premier --extérieur à la discipline, bien que fondamental-- concerne la crise profonde des perspectives politiques, sociales et économiques au sein des sociétés contemporaines. La chute du Mur de Berlin et l'effondrement du socialisme réellement (in)existant, puis le triomphe de la mondialisation capitaliste et de l'idéologie libérale --avec le développement du chômage de masse, de la précarité et de l'exclusion sociale, les dérégulations et privatisations, la marchandisation croissante de tous les secteurs de l'existence et l'hégémonie totalitaire du capital financier sur toutes les activités économiques-- ont progressivement installé un sentiment de résignation, de passivité et même de désespérance dans les milieux populaires sur lesquels se penchent parfois avec sollicitude les sociologues (Bourdieu 1993, Paugam 1996, Castel 1999).

Petit à petit --surtout depuis que s'est généralisée la politique de "gestion loyale" du capitalisme par les diverses coalitions social-libérales, social-démocrates, travaillistes ou plurielles européennes-- l'idée que le capitalisme avait "définitivement gagné" selon l'expression de l'ex-premier ministre socialiste Michel Rocard et que le marché était désormais l'horizon indépassable de notre temps a été érigée en dogme. Le capitalisme a ainsi été hypostasié et éternisé en un véritable cosmos et les "lois du marché" sont devenues des entités métaphysiques aussi transcendantes et contraignantes que la loi de la gravitation universelle. Cette ontologisation de la "main invisible", à laquelle on ne peut donc que se soumettre comme à une puissance tyrannique et à ses séides, est aujourd'hui la matrice idéologique de la quasi totalité des discours : réification des personnes et personnification des choses, comme l'a souligné Marx. À l'image de l'activité sismique et volcanique qui rappelle de temps à autre les humains à l'ordre, le marché de l'emploi dégraisse, le marché de l'immobilier grimpe, le marché des investissements décide, les marchés boursiers réagissent favorablement, le marché de la formation est en croissance soutenue, etc. Dès lors, la pensée unique du marché (Douérin 2002) est devenue l'alpha et l'oméga de toute politique possible et les rares variantes de l'offre politique ne se distinguent que par d'infimes nuances, aussi bien entre la droite et la gauche qu'entre les diverses sensibilités de la droite et de la gauche. Les uns, gestionnaires sans gestion, théorisent leur impuissance et expliquent qu'on ne peut aujourd'hui changer les choses qu'"à la marge", y compris bien sûr dans le système éducatif. Les autres, réformistes sans réformes, soutiennent audacieusement que s'il est encore possible de changer la société, il est illusoire de vouloir changer de société, et plus encore d'école ou d'université. Les derniers enfin, théoriciens sans théorie, expliquent subtilement --et de manière passablement schizophrénique-- qu'il faut accepter l'économie de marché, tout en combattant la société de marché et la culture marchande, comme s'il était possible de séparer --en théorie et en pratique-- l'économie politique de la société civile, illusion maintes fois dénoncée par Marx qui a montré bien plus radicalement que Simmel (1987) la puissance constituante de l'argent, du capital, de la rente et du profit dans le fonctionnement social, aussi bien dans les rapports sociaux fondamentaux (production, reproduction, consommation, échange) que dans les relations de la sphère privée. Les plus audacieux, toutefois, osent encore parler de capitalisme (Boltanski 1999). C'est donc bien cette situation de blocage idéologique, de consensus "réaliste", de pensée unique qui constitue le contexte social de tous les textes sociologiques. Tous les sociologues, quels que soient leurs paradigmes théoriques et leurs positions politiques, sont aujourd'hui confrontés à cette situation-là. Les uns s'en accomodent aisément, les autres la déplorent, mais tous sont obligés d'intégrer dans leurs analyses cette unidimensionnalité marchande (Marcuse, 1968), ces "croyances obligatoires" (Mauss 1950, 78), ce cadre unique et totalisant sinon totalitaire de l'expérience. C'est en effet ce "Lebenswelt", cette expérience d'un système mondialisé unique et supposé immuable qui impose en dernière instance ses normes, ses valeurs, ses cadres d'intelligibilité. En se souvenant avec Marx que l'idéologie allemande était l'arôme spirituel de la réalité allemande, on peut penser plus généralement que toute genèse théorique se fonde sur une genèse sociale et que les développements de la sociologie ne se comprennent qu'à partir des développements de la société globale. Cette proposition qui semble de sens commun implique pourtant des conséquences épistémologiques décisives. La difficulté majeure à laquelle est aujourd'hui confrontée toute sociologie critique --qu'elle soit globale ou sectorielle-- est bien cette absence de perspective, de projet, d'horizon, de projection. Or, comme Sartre (1960) et Bloch (1976, 1982, 1991) l'ont parfaitement montré, l'homme est d'abord un être qui se projette dans le futur. La première condition de possibilité d'une sociologie critique est ainsi l'existence de mouvements sociaux militants, d'alternatives politiques crédibles, d'interventions contestataires effectives sur le terrain, comme on l'a constaté pour l'écologie politique, les mouvements sociaux de 1995 en France ou la mobilisation altermondialiste. Si le marxisme officiel a longtemps été l'inspirateur ou le compagnon de route de la sociologie, sa fossilisation dogmatique et son discrédit lié à la faillite du stalinisme, du maoïsme et du castrisme ont rendu suspects tous les "grands récits" émancipateurs, toutes les utopies des lendemains qui chantent puis déchantent. Or, et c'est une thèse qui mériterait d'être amplement développée, la sociologie a toujours accompagné, directement ou indirectement, le socialisme ou le libéralisme, les mouvements politiques progressistes ou conservateurs, les philosophies sociales gestionnaires ou utopiques, les réformes ou les révolutions. Pour ne prendre que deux exemples, la Révolution russe de 1917 a produit le Manuel populaire de sociologie marxiste de Nicolas Boukharine (1969), éminent théoricien au sein du parti bolchévik, et les mouvements de lutte contre la mondialisation et le néo-libéralisme ont produit les derniers textes de Pierre Bourdieu (Bourdieu 2001a). Il serait ainsi très intéressant, dans le cadre d'une sociologie de la sociologie, d'étudier les rapports explicites ou implicites des productions sociologiques avec leurs prétextes, leurs contextes, leurs commandes, leurs offres d'appel, leurs subventions, leurs incitations qui participent en dernière analyse d'une situation politique. La première condition de possibilité d'une sociologie critique est donc tout simplement la possibilité d'une politique critique car, qu'on le veuille ou non, "tous les sociologues prennent des options morales et politiques, ou s'y réfèrent implicitement" (Wright Mills 1977, 79), même dans leurs protestations d'apolitisme.

Si l'on voulait, dans le cadre d'une sociologie de la sociologie (Morin 1984, Bourdieu 2001), dresser une sorte de cartographie des positions politiques globales des différents sociologues, selon leurs spécialités, leurs générations (Mannheim 1990), leurs appartenances institutionnelles (Bourdieu 1984, 1989), leurs traditions (Nisbet 1993) ou leurs références épistémologiques (Berthelot 1990), on pourrait sans aucun doute établir quelques typologies intéressantes. On pourrait d'abord distinguer des sociologues universitaires (fonctionnaires titulaires ou vacataires non titulaires), et des sociologues non universitaires (d'entreprises, d'institutions privées ou publiques, freelance). Les uns et les autres n'ont pas la même sécurité d'emploi, les mêmes obligations de résultats, les mêmes procédures de rémunération et d'évaluation, les mêmes thématiques et méthodes de recherche, le même ethos, ni surtout le même intérêt de connaissance (Habermas 1976). On pourrait ensuite distinguer des sociologues de la sociologie et des sociologues de la société. Tandis que les sociologues de la société sont surtout attentifs aux singularités du moment : crises, violences, modes, évolutions des moeurs, phénomènes de masse, nouvelles technologies, etc., les sociologues de la sociologie --assez souvent des sociologues universitaires-- étudient l'histoire de la sociologie, ses théoriciens, ses conditions de possibilité scientifique, ses thématiques canoniques, ses frontières disciplinaires, ses méthodologies, etc. Cela nous vaut des traités et dictionnaires de sociologie plus ou moins fermés ou plus ou moins oecuméniques, mais surtout une ribambelle d'abrégés, de manuels de vulgarisation et d'ouvrages d'initiation. Or, ces synthèses de premier cycle et vade-mecum minimalistes simplifient outrageusement la complexité des problématiques, thématiques et raisonnements sociologiques. Ils véhiculent surtout quelques doxa et préjugés qui ne sont jamais interrogés dans leur supposée évidence ou prétendue conformité canonique, laquelle disqualifie, souvent explicitement, la posture critique. On apprend d'abord que la sociologie se doit d'être "rigoureuse" et "scientifique", ce qui exclut bien évidemment "l'essayisme de type journalistique" comme l'écrit, à la suite de son maître Bourdieu, Philippe Corcuff (2002, 7), lui qui ne fait même pas du journalisme d'investigation, mais tient une sorte de bistrot philosophique dans l'hebdomadaire satirique français Charlie-Hebdo ! Le postulat de scientificité, fréquemment associé à celui de spécificité disciplinaire --la sociologie comme science-- est ainsi brandi comme préalable dogmatique alors qu'il s'agit précisément de le fonder dans le débat épistémologique. L'argument d'autorité scientifique n'a pourtant jamais été l'autorité de l'argument scientifique. Cela n'empêche pas les experts et évaluateurs des diverses commissions universitaires et administratives de disqualifier ouvertement ou insidieusement des paradigmes, des courants, des travaux, des auteurs, et surtout des démarches méthodologiques étiquetées "non sociologiques", "non scientifiques", "non rigoureuses", "essayistes", etc. On pourrait sans doute montrer que l'histoire récente de la sociologie française est surtout l'histoire des anathèmes, exclusions, stigmatisations, ostracisations, voire bannissements que subissent certains types de sociologie, en particulier la sociologie dite de l'imaginaire. Mais comme l'avait déjà souligné avec ironie Raymond Aron "tous les sociologues s'apparentent aux marxistes par leur penchant à régler les comptes de tous, sauf les leurs" (Aron 1971, 51). Combien de travaux novateurs ont été ainsi discrédités au nom de leur supposée non scientificité ? Le freudo-marxisme, l'École de Francfort, la sociologie phénoménologique, la sociologie herméneutique, l'ethnopsychanalyse, l'analyse institutionnelle et pour finir, bien sûr, le marxisme, ont été maintes fois déclarés hors champs par les gardiens de l'orthodoxie. On apprend ensuite que la sociologie se doit d'affirmer sa "spécificité" disciplinaire et ne pas se laisser diluer dans le magma de la philosophie sociale, de la philosophie de l'histoire et de la philosophie politique. L'être et le devoir-être, les faits et les valeurs, la constatation et la prescription, la science et l'idéologie, seraient séparés par une sorte de muraille de Chine ontologique qui interdirait à tout jamais de les confondre. Alors que de très nombreux sociologues ont une formation philosophique --Bourdieu le premier-- on apprend aussi que la sociologie doit se déprendre de la philosophie, s'en méfier, voire la combattre, aussi bien dans ses thématiques que dans ses modes de raisonnements (Bourdieu 1997). On assiste alors à l'incroyable déni de la tradition philosophique véhiculée --des origines à nos jours-- par la sociologie. Pire même, toute forme de sociologie théorique, celle qui porte sur la conceptualisation métasociologique (Uhl 2000), ses conditions de possibilité, ses fondements métaphysiques (Simmel 1999, 61), ses régions ontologiques (Husserl 1993) est immédiatement disqualifiée lorsqu'elle est pratiquée par de jeunes chercheurs sous le prétexte qu'il ne s'agit que de "spéculations". À ce compte-là des pans entiers des oeuvres fondatrices de Marx, Durkheim, Mauss, Weber, Simmel, Pareto, Elias, Schütz, Mead, Goffman, Giddens, Habermas, Douglas, Morin, Balandier, L. V. Thomas, pour ne prendre que ceux-là, sont de pures "spéculations". Et pourtant leur fécondité heuristique et leur pertinence épistémologique sont indéniables. Pour légitimer l'orthodoxie de l'ainsi dite "sociologie scientifique" qui unit dans une véritable croisade normalisatrice les adeptes de la "quantonphrénie" (Sorokin 1959), les stakhanovistes du "recueil des données" et les acharnés de "l'enquête empirique", les tenants d'une sociologie positiviste qui rêvent d'une sociologie pure et dure, encadrée par un Ordre des sociologues et aussi "objective" que les sciences exactes ou expérimentales, ont fini par idolâtrer le "terrain", véritable lieu métaphysique de la vérité et fétichisation de la méthode dite précisément de terrain. Ils oublient cependant que le terrain est lui-même une double construction (Goldmann 1970, 1978).

Construction disciplinaire : un sociologue n'abordera sûrement pas de la même manière la même ville qu'un historien ou un géographe ; construction épistémologique : le même terrain est conçu différemment suivant les références théoriques utilisées. Ainsi un match de football peut être lu comme une joyeuse "fête populaire" qui met en jeu des "passions partisanes" ou comme une guerre en crampons entre des intérêts économiques et politiques qui s'affrontent pour l'hégémonie sur le marché du ballon rond. La violence sur les stades n'est alors pas interprétée de la même manière (Brohm 1992, 1993). En récusant naïvement la constitution du terrain --quel qu'il soit-- par le sujet constituant (épistémique), les néo-positivistes en viennent tout naturellement à privilégier une sorte de modèle standard éminemment réducteur : échantillons dits représentatifs, questionnaires et items, traitements statistiques des données, expertises des "résultats". C'est ainsi que Bernard Lahire, au nom de ce qu'il appelle la "sociologie expérimentale" --probablement en écho à la médecine du même nom...--, se permet de réduire la sociologie "scientifique" à un certain nombre de critères --enquêtes empiriques, terrain, procédures argumentatives, contrôles professionnels des carrières-- qui sont précisément en discussion et ne font sûrement pas l'unanimité, comme il semble le postuler en tentant de "marginaliser les productions à faible degré de sévérité empirique et d'exigence méthodologique qui lorgnent vers le journalisme le moins documenté ou l'essayisme le plus relâché", visant ainsi explicitement notre collègue Michel Maffesoli (Lahire 2002, 46). Cette attitude intégriste a tendance à invalider dogmatiquement les autres démarches qui sont tout aussi adaptées à leurs objets et tout aussi heuristiques : herméneutique des récits, observation clinique et ethnographique, comparaison ethnopsychanalytique (Devereux 1985), observation participante, témoignages et récits de vie, phénoménologie. Des réalités anthropologiques aussi complexes que la mort, la sexualité, le rêve (Bastide 1995), le pouvoir, le travail, la religion, la mythologie, etc., et au-delà les réalités sociologiques ordinaires --la publicité, la mode, la presse, le racisme, la pornographie (Baudry 1997), la vie quotidienne (Javeau 2003a et 2003b)-- ne se laissent enfermer dans aucun carcan disciplinaire, dans aucune démarche méthodologique, fût-elle canonisée. On pourrait même soutenir que toutes les avancées significatives dans la sociologie se sont faites dans le dépassement critique des méthodes, thématiques et problématiques canoniques. C'est l'imagination sociologique qui a incité Marcel Mauss à intégrer les techniques du corps dans un champ de recherches inépuisables. Ce sont les imaginaires thanatiques qui ont permis à Louis-Vincent Thomas d'ouvrir le champ de la thanatologie et de comprendre, bien mieux que les enquêtes de l'INSEE, que toute culture est un mécanisme de défense contre l'angoisse de mort, angoisse qu'aucun questionnaire, fût-il sophistiqué, ne permettra jamais de saisir (Thomas 1975). Si l'on voulait même pointer les limites de toute sociologie de la mort (Brohm 1997), on pourrait dire que la métaphysique de la mort (Jankélévitch 1977) est incomparablement plus précise et documentée que toutes les enquêtes sur les représentations de la mort, rites de mort et pratiques funéraires (Brohm 1999). De même enfin, certaines confessions sexuelles sulfureuses renseignent bien mieux sur l'état des moeurs de la petite bourgeoisie urbaine que les insipides enquêtes sur la vie sexuelle des Françaises et Français qui ne révèlent rien que l'on ne sache déjà (Uhl & Brohm 2003). S'il fallait résumer la posture critique en sociologie, je soutiendrais quelques thèses qu'il faudrait évidemment étayer de manière approfondie. La sociologie critique considère que seule la "totalité concrète" (Kosik 1988) donne sens et réalité aux terrains, enquêtes, investigations, faits, données, résultats. C'est l'institution religieuse (le tout) qui permet d'abord de comprendre les pratiques religieuses (les parties), même si, bien entendu, il y a interaction dialectique. C'est la forme politique de l'État qui donne sens aux pratiques électorales ou aux sondages, et pas l'inverse. De même, c'est le mode de production global --capitaliste-- qui permet de comprendre les modes de production subordonnés : productions scolaire, intellectuelle, scientifique, artistique, sportive, etc. Seul le tout est la vérité. Cette proposition de Hegel reste d'actualité dans une sociologie qui ne voit plus que la multiplicité éclatée des fragments, des isolats, des individus, des acteurs, des tribus, des pratiques, des valeurs, des croyances, etc., en scotomisant de plus en plus le tout qui les englobe, les produit, les détermine. Pour ne prendre que l'exemple de la sociologie critique du sport à laquelle j'ai attaché mon nom, la posture critique a consisté à rappeler que l'histoire des pratiques sportives était totalement déterminée par l'évolution du mode de production capitaliste et de ses appareils idéologiques d'État, par la logique du principe de rendement (détection précoce, dopage, entraînement intensif, etc.), et par l'affrontement inter-étatique sur le marché mondial de la performance. Ce sont ces totalités-là qui sont déterminantes, bien avant les supposés "plaisirs du sport" et autres niaiseries postmodernes qui ne s'intéressent qu'au fun, à la glisse, à la grimpe et à leurs griseries, en oubliant le rôle politique totalitaire du sport en Allemagne nazie, en URSS, en Argentine sous la botte des militaires, en Chine, à Cuba ou en Irak (Oudai, fils de Saddam et tortionnaire notoire, était président du comité olympique irakien, transformé en centre de torture !).

La sociologie critique, si elle constate évidemment le polythéisme des valeurs, n'hésite pas pourtant à dénoncer la fiction de l'indifférence éthique ou de la neutralité axiologique. Que le sociologue doive respecter avec le maximum de scrupules l'authenticité des sources, la véracité des témoignages, l'honnêteté dans la restitution des résultats --sans les habituels ajustements et arrondissements ou, pire, maquillages--, l'indépendance vis-à-vis des commanditaires, la transparence des démarches et des financements, la distance critique à l'égard de ses propres convictions, est une chose absolument indéniable. Autre chose est l'illusion que le sociologue pourrait rester apolitique, neutre, désengagé, impartial, désimpliqué. La moindre enquête sur les crimes de guerre, le chômage, les violences urbaines, la pauvreté, la prostitution, la violence conjugale, etc., le renvoie à ses propres positions politiques ou éthiques. Un sociologue qui travaille par ailleurs sur l'aménagement urbain, les idéologies de l'opéra, le roman érotique, le jazz ou la mode vestimentaire est bien obligé de confronter ses propres goûts esthétiques à la pluralité des autres goûts. En sociologie, le beau n'est pas forcément "ce qui plaît universellement sans concept", comme le supposait Kant. Et que dire d'enquêtes plus difficiles --et donc plus rares -- sur les suicides, les morgues, la pédophilie, l'euthanasie, les hospices de vieillards, les génocides, etc., qui mobilisent immédiatement dégoûts, révoltes, condamnations et indignations ? Y a-t-il une neutralité axiologique possible face à la xénophobie ? Peut-on avoir le point de vue de Sirius face à la Shoah ? Ces interrogations soulèvent évidemment la question de la sociologie militante, de la sociologie engagée, de la sociologie au service d'une cause, qui sont souvent les figures typiques de la sociologie critique. Or, la sociologie critique ne peut pas ne pas être auto-réflexive, auto-critique. C'est pourquoi l'un de ses principes épistémologiques essentiels est l'analyse de son contre-transfert (Devereux 1980), de sa vision du monde et de ses implications, avec ses scotomisations, ses illusions de lucidité et de toute-puissance, ses partis pris idéologiques, ses intérêts politiques, ses appartenances institutionnelles. La sociologie critique est également critique en ceci qu'elle a recours à toutes les ressources critiques des autres sciences humaines : linguistique, philosophie, histoire, économie politique, psychanalyse, anthropologie, sciences juridiques, etc. Refusant les cloisonnements disciplinaires au nom même de la transversalité de tous les objets sociaux, elle refuse aussi l'hégémonisme de grande puissance en acceptant le dialogue inter- ou transdisciplinaire comme Gurvitch en avait donné l'exemple. C'est la notion même de frontière et de pureté disciplinaires qui est alors remise en cause par la généralisation de la démarche multiréférentielle (Ardoino 2002) et complémentariste qui articule par exemple l'histoire (diachronie) et la sociologie (synchronie), la psychanalyse (l'inconscient) et l'anthropologie (la culture), la linguistique et la sociologie, etc.

La sociologie critique, fidèle au pluralisme épistémologique, considère enfin qu'il existe trois grands types de sociologie dont les intérêts de connaissance et les intérêts institutionnels sont souvent opposés. La sociologie institutionnelle, consacrée par les pouvoirs publics et les instances académiques, prétend être la seule sociologie scientifique. Souvent commanditée par des appels d'offre institutionnels, généralement intégrée dans les grands organismes de recherche, dotée de revues officielles et de laboratoires gérés comme des entreprises, la sociologie institutionnelle est à la fois prestataire de services symboliques et prestataire de prescriptions scientifiques (Poupeau 2003). Sociologie d'expertises-conseils (audits), elle est souvent convoquée par les administrations ou les entreprises à des fins d'aide à la décision (politique de la ville, par exemple) ou de légitimation des discours légitimes (sur la citoyenneté, par exemple). Les plus modernistes de cette sociologie dominante n'hésitent même plus à collaborer directement avec le patronat ou à disserter à longueur de colloques et de symposiums sur la culture de gouvernement, la dimension humaine de l'entreprise, l'éthique de responsabilité, le développement durable, etc. La sociologie contre-institutionnelle, généralement en dehors des grandes institutions ou à leur marge, à l'exception peut-être de l'Université, est une sociologies nomade ou vagabonde en ceci qu'elle erre librement, poétiquement (Brown 1989), dans des contrées peu fréquentées et des champs non balisés. Ses objets de recherche, souvent insolites, et ses démarches peu orthodoxes sortent des cadres standards, mais elle possède un grand pouvoir de renouvellement sur la discipline et elle constitue sans doute le hors texte de nombreux textes sociologiques. Des légendes urbaines à la sociologie du chien en passant par les croyances en la vie après la vie, la voyance, les superstitions, l'astrologie, les ovnis, etc., nombreux sont les objets peu pris au sérieux par l'establishment sociologique qui ont pourtant beaucoup de sens pour les acteurs qui, ici aussi, ne doivent pas être considérés comme des idiots culturels. La sociologie anti-institutionnelle enfin est une sociologie qui analyse de manière critique, en les contestant, les institutions dominantes de la domination et les logiques visibles ou invisibles de l'aliénation sociale : reproductions scolaires, institutions totalitaires, inégalités devant la mort, exclusions, accaparements des ressources, productivisme, etc. Elle généralise ainsi la critique en intégrant les critiques partielles dans une critique d'ensemble du système social global (Luxemburg 1969). L'une des dimensions les plus critiques de la sociologie critique est l'analyse non euphémisée des moeurs et pratiques professionnelles des sociologues. On juge quelqu'un, disait Marx, non pas sur ce qu'il dit ou écrit, mais sur ce qu'il fait. Or, les diverses "équipes", coteries, corporations, écuries, réseaux affinitaires, sociétés secrètes qui font et défont la sociologie sont pris dans d'impitoyables logiques de pouvoir et de concurrence où les jeux ne sont pas tous de langage et les enjeux jamais ludiques. Les gestions de carrière (les promotions...), les nominations (les mutations...), les ambitions de carrière (les habilitations individuelles et collectives, les responsabilités administratives), les publications dans les revues, les colloques, les jurys de thèse, les voyages à l'étranger donnent lieu à de peu reluisantes violences symboliques (rumeurs calomnieuses, insinuations, excommunications, amagalmes, etc.) ou, pire, administratives (blocages de carrière, marginalisation, harcèlement) dont sont d'abord victimes les jeunes sociologues. Ce n'est que rarement ou alors par discrète allusion que sont évoquées les pratiques de lynchage des "meutes" sociologiques pour paraphraser Elias Canetti (Canetti 1966). La sociologie de la sociologie et des sociologues refoule ainsi soigneusement les luttes de places, les stratégies de classement, déclassement et reclassement, les alliances douteuses, les connivences sans principes, les refus d'argumentation, les exclusives disqualifiantes, la mauvaise foi et l'opacité bureaucratique qui sont l'apanage de toute nomenklatura et que l'on peut régulièrement observer dans les commissions locales de recrutement, les comités de lecture des revues et des éditions, les comités d'expertise et d'évaluation et par dessus tout au CNU (Conseil national des universités) qui décide du sort des jeunes entrants et du prestige des vieux sortants (la fameuse classe exceptionnelle...). On le voit, la sociologie critique dispose de peu d'espace pour exister...

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