Depuis le début des années 30, divers courants politico‑théoriques
des sciences sociales ‑ aujourd'hui souvent méconnus ou simplement
censurés par les positions dominantes du champ universitaire ‑ ont
tenté de comprendre les phénomènes de psychologie collective liés à l'avènement
des divers fascismes, États totalitaires et régimes autoritaires. Leurs
thématiques de réflexion et leurs programmes de recherche ont permis de
défricher de vastes champs d'investigation des phénomènes sociaux de masse:
les rapports entre la sexualité (fantasmes) et la politique (domination),
le destin des pulsions (Éros et Thanatos) et les formations idéologiques
(mécanismes de défense), les manifestations de foule et les investissements
de la libido; l'élaboration des mythologies politiques ou des visions
du monde et l'économie désirante, les diverses techniques de manipulation
des émotions de masse par la propagande, mais aussi les formes conscientes
ou inconscientes des identifications collectives à des figures charismatiques
autoritaires (Duce, Führer, Caudillo... ), les préjugés réactionnaires
(racistes) et les mentalités autoritaires ainsi que les processus pervers
d'érotisation du pouvoir.
Ce vaste champ de la psychosociologie psychanalytique a été particulièrement
investi par deux courants majeurs des sciences sociales, tous deux plus
ou moins liés au mouvement ouvrier européen et à la lutte antifasciste
internationale: le freudo‑marxisme (note 1) et l'École de Francfort
(note 2). L'un comme l'autre ont tenté d'articuler, chacun de manière
spécifique et originale, la psychanalyse (freudisme) et le matérialisme
historique (marxisme), et ont eu surtout d'innombrables effets ‑
reconnus ou souterrains ‑ sur les multiples démarches théoriques
qui se sont ensuite partagé ce champ des sciences humaines: psychohistoire
et histoire psychanalytique (note3) , analyse institutionnelle, courants
désirants et schizanalyse (note 4) , ethnopsychanalyse (note 5) et leurs
diverses combinaisons rhizomatiques. Dans les limites d'un article il
n'est évidemment pas possible de traiter de façon exhaustive la masse
considérable de travaux qui ont influencé, souvent de manière décisive,
les recherches contemporaines historiques, politiques, sociologiques et
psychosociologiques notamment ‑ sur la psychologie de masse du fascisme
et les rapports de la psychanalyse et de l'histoire. Trois thématiques
essentielles semblent cependant se dégager ‑ dans le contexte d'une
confrontation complémentariste (note 6) entre l'histoire politique du
fascisme et la psychanalyse.
Idéologie du chef et structure psychologique de masse
Le premier point en débat concerne la concordance psychopolitique entre
les structures caractérielles autoritaires des individus, notamment celles
des meneurs, et les bases psychologiques de masse des régimes fascistes.
Cette question très controversée a été posée par de nombreux auteurs inspirés
par le freudomarxisme, en particulier par Erich Fromm qui a surtout insisté
sur les rapports sado‑masochistes existant sous le nazisme
entre Hitler (et les hitlériens) et la masse de la population allemande,
notamment la petite bourgeoisie humiliée, frustrée, revancharde
et haineuse, en tant que «terreau humain» de la barbarie.
«Ce qui importait, écrit Erich Fromm, c'est que les centaines
de milliers de petits bourgeois, qui en temps normal n'ont que peu d'occasions
de s'enrichir ou de conquérir des situations influentes, disposassent,
comme agents de la bureaucratie nazie, d'une large part de richesses et
de prestiges qu'ils obligeaient les classes possédantes à leur céder.
À ceux qui n'étaient pas les bras de la croix gammée, on distribua les
postes et les affaires enlevées aux Juifs et aux ennemis politiques. Quant
à la population, si elle ne reçut pas plus de pain, César lui offrit
des jeux de cirque (note 7). Les défilés spectaculaires, les manifestations
sadiques et les ressources d'une idéologie qui lui donnait le sentiment
d’être supérieure au reste de l'humanité lui procuraient assez de
satisfactions pour compenser ‑ du moins momentanément‑ le
fait que sa vie était appauvrie matériellement, autant qu'intellectuellement.
L'effet psychologique des bouleversements sociaux et économiques, notamment
du déclin de la classe moyenne, était amplifié ou systématisé par l'idéologie
politique [...]. Les forces psychologiques ainsi éveillées furent orientées
dans un sens opposé à leur intérêt véritable. Moralement, le nazisme insufflait
une nouvelle vie à la petite bourgeoisie tout en ruinant ses vieilles
forteresses [...]. La personnalité d'Adolf Hitler, ses enseignements et
son système, représentaient le symbole d'une forme extrême du caractère
autoritaire [qui] aimantait puissamment les groupes qui lui
ressemblaient mentalement.»
C'est cette présence simultanée d'impulsions sadiques ‑ teintées
de destructivité et de haine de l'autre ‑ et de tendances masochistes
qui permet, selon Erich Fromm, de comprendre en grande partie les rapports
de Hitler aux masses allemandes:
«Mein
Kampf nous offre de multiples exemples d'un désir sadique de puissance.
L'auteur méprise et "aime" les masses allemandes d'une manière significative
et il libère ses impulsions hostiles en les déchaînant contre ses adversaires
politiques. Il observe que les foules éprouvent de la satisfaction dans
la domination.»
D'autre part,
la psychologie hitlérienne est un bon exemple du mécanisme de projection
qui justifie le sadisme en tant que défense contre les supposées agressions
et conspirations antigermaniques:
«Le
peuple allemand et lui [Hitler] sont toujours innocent set leurs
ennemis des brutes hypocrites. Cette partie de sa propagande relève
du mensonge conscient et délibéré. Elle revêt pourtant, dans une certaine
mesure, la même "sincérité" émotive qu'on décèle dans les accusations
paranoïaques. Chez le névrosé, celles‑ci servent toujours à se défendre
contre des êtres inventés de toutes pièces pour servir d'exutoire à son
propre sadisme et à sa soif de destruction [...]. Chez Hitler, ce mécanisme
défensif se passe de tout raisonnement. Ses ennemis sont imputés à crime
d'entretenir des intentions dont lui‑même se fait gloire. Ainsi
il dénonce le judaïsme, les communistes et les Français de nourrir des
ambitions, dont il proclame franchement qu'elles sont ses buts légitimes.»
Pour Erich Fromm les deux pôles du caractère sadomasochiste expliquent
donc dans une large mesure la politique hitlérienne. Le pôle sadique est
suffisamment connu par ses conséquences exterminatrices sur les juifs,
les Tsiganes, les «peuples dégénérés», les «communistes»
et les populations civiles de l'Europe dévastée par les hordes hitlériennes
(note 8) . Le pôle masochiste, lui, se manifeste clairement dans les rapports
de Hitler avec les masses:
«On enseigne à celles‑ci, on leur répète, on les persuade
que l'individu n'est rien et ne compte pas. Il doit accepter son inactivité
et s'incorporer à un mouvement puissant qui lui donnera assurance et prestige.»
Dans ce système
totalitaire, il y a donc une aimantation réciproque du sadisme et du masochisme,
du leader et de la masse:
Du haut en
bas du système nazi, une hiérarchie conçue d'après le principe du chef
permettait à tout un chacun d'obéir à un supérieur et de commander un
subalterne. Au sommet de la pyramide, le Führer s'inclinait devant le
Destin, l’Histoire et la Nature. Ainsi l'hitlérisme contenait les
désirs des classes moyennes et donnait une satisfaction et une orientation
à toute une humanité perdue dans un monde inhumain et déboussolé.»
(note 9)
Cette question de l'adhésion psychopolitique consciente ou
inconsciente des masses allemandes à l'hitlérisme a aujourd'hui des
conséquences considérables du point de vue des sciences politiques et
historiques. Le débat a été, là aussi, bien posé par Erich Fromm qui rappelle
que dès le départ «une partie de la population allemande s'inclinait
devant le régime nazi sans aucune résistance sérieuse, mais non plus
sans admirer sa doctrine et ses pratiques. Une autre partie de l'Allemagne
était véritablement aimantée par ces nouvelles idées et fanatiquement
attachée à leurs hérauts» (note 10) .
Tout le problème, qui a rebondi récemment avec la publication du livre
de Daniel Jonah Goldhagen, est l'évaluation correcte d'une double dialectique:
d'une part le rapport entre l'idéologie du Führer et celle de la masse
des Allemands, en particulier en ce qui concerne l'antisémitisme
obsessionnel, agressif et meurtrier du national‑socialisme
(note11) , d'autre part le rapport entre l'activisme militant des partisans
fanatiques du Reich et la passivité plus ou moins complice des Allemands
ordinaires, leur participation plus ou moins volontaire, enthousiaste,
consciente, à la mobilisation totalitaire du nazisme, qui a d'ailleurs
pu varier selon les étapes de la politique hitlérienne. Cette question
qui pose dans toute son acuité celle de la responsabilité de l'Allemagne
dans les crimes hitlériens ‑ et donc de la culpabilité allemande
‑ a trouvé chez Wilhelm Reich une formulation qui fit scandale chez
les «marxistes orthodoxes» parce qu'elle refusait d'exonérer
les masses populaires de leur responsabilité dans l'avènement, la consolidation
et l'exacerbation du fascisme. «Le fascisme, écrivait Wilhelm
Reich en 1942, en tant que mouvement politique se distingue de tous
les autres partis réactionnaires par le fait qu'il est accepté et préconisé
par les masses» (note 12) . Wilhelm Reich, comme la plupart
des freudo‑marxistes, soutenait que le nazisme était en accord avec
la structure caractérielle des masses allemandes, notamment petites bourgeoises
et prolétariennes paupérisées. En posant la question de la mystification
politique des masses enragées et fanatisées, Wilhelm Reich affirmait
que pour expliquer pourquoi «des millions de gens applaudissaient
à leur propre asservissement», il fallait comprendre que l'efficacité
psychologique de Hitler, son idéologie, son programme «étaient
en harmonie avec la structure moyenne d'une large couche d'individus nivelés
par la masse»:
«Un
"Führer" ne peut faire l'histoire que si les structures de sa personnalité
coïncident avec les structures ‑ vues sous l'angle de la psychologie
de masse ‑ de larges couches de la population [...]. C'est
pourquoi on a tort d'attribuer le succès d'Hitler exclusivement à la démagogie
des national‑socialistes, à l'"égarement des masses", à la
"psychose nazie", ce qui ne veut rien dire du tout, bien que des politiciens
communistes se soient servis par la suite de ces explications très vagues.
Il s'agit précisément de comprendre pourquoi les masses ont pu être
trompées, égarées, soumises à des influences psychotiques. C'est
là un problème qu'on ne peut résoudre si on ne sait pas ce qui se passe
au sein des masses.»
En conséquence la relation est ici dialectique: le Führer a certes manipulé
des masses manipulables, mais celles‑ci ont également produit Hitler
en tant que leur représentant psychologique:
«C'est la structure autoritaire, antilibérale et anxieuse des hommes
qui a permis à sa propagande d'accrocher les masses. C'est la raison
pour laquelle l'importance sociologique de Hitler ne réside pas dans sa
personnalité, mais dans ce que les masses ont fait de lui. » (note13)
Complicité et consentement des masses
Aussi la question posée par le livre de Daniel Jonah Goldhagen ‑
qui a fait figure d'analyseur de la culpabilité allemande, question
presque toujours refoulée ‑ peut‑elle se comprendre dans la
perspective reichienne. Les Allemands n'eurent ‑ dans leur très
grande majorité ‑ aucune difficulté à obéir aux ordres du Führer
dans la mesure où ils étaient psychologiquement et idéologiquement préparés
à accepter le pire, compte-tenu de la culture allemande qui les avait
formés et d'une «conception du monde partagée par la grande majorité
du peuple allemand», conception essentiellement gouvernée par l'orgueil
nationaliste et surtout l'antisémitisme.
«Aucun aspect important de la société allemande n'est resté à l'abri
de la politique antisémite, que ce soit l'économie, la vie sociale, la
culture, les éleveurs de bétail, les commerçants, les petites municipalités,
les avocats, les médecins, les physiciens, les professeurs [...]. La première
partie du programme, c'est‑à‑dire l'exclusion systématique
des Juifs de la vie économique et sociale de l'Allemagne, a été réalisée
au grand jour, sous des yeux approbateurs, et avec la complicité de presque
tous les secteurs de la société allemande [...]. Les convictions antisémites
des Allemands ont été la cause centrale de l'Holocauste, l'origine non
seulement de la décision de Hitler d'exterminer les Juifs d’Europe
(acceptée par beaucoup), mais aussi de la bonne volonté mise par les exécutants
à faire violence aux juifs et à les assassiner [...]. Ce ne sont pas les
difficultés économiques, ni les moyens de coercition d'un État totalitaire,
ni la pression sociopsychologique, ni une inclination irrépressible de
la nature humaine, mais des idées sur les Juifs répandues dans toute l'Allemagne,
depuis des décennies, qui ont amené des Allemands ordinaires à tuer des
Juifs sans armes, sans défense, hommes, femmes et enfants, par centaines
de milliers, systématiquement, et sans la moindre pitié [...]. Le génocide
a été connu de presque tout le monde, sinon approuvé. Aucune autre politique
(ou toute autre de même ambition) n'a été conduite avec autant de persévérance
et de zèle, et avec moins de difficultés que le génocide, sauf peut‑être
la guerre elle‑même. L’Holocauste définit non seulement l'histoire
des Juifs au milieu du 20e siècle, mais aussi celle des Allemands.»
(note 14)
En développant cette thèse qui fit scandale, surtout chez les admirateurs
de l'Allemagne éternelle, Daniel Jonah Goldhagen se référait implicitement
à une théorie de la psychologie de masse des agents de l'Holocauste, cherchant
à comprendre leurs «motivations», l'intentionnalité de
leurs actes de tueurs, leur mentalité, leur vision du monde, leurs croyances,
leur «Lebenswelt», écrira‑t‑il même.
Or, et c'est ce qui nous intéresse ici, la «révolution» national‑socialiste
visait d'abord à transformer les consciences, les sensibilités et les
comportements des Allemands ordinaires en leur inculquant une culture
« porteuse de mort», sadique et brutale, une culture de la
cruauté méthodique, une culture pure de la pulsion de mort pourrait‑on
dire en ternies marcusiens. Et cette culture a trouvé son apothéose mortifère
dans le système des camps de la mort.
«L'essence
de cette révolution, la façon dont elle transformait la substance psychique
et morale du peuple allemand et dont elle détruisait, pour reprendre les
termes mêmes de Himmler, la "substance humaine" des non‑Allemands,
se lit dans l'institution emblématique de l'Allemagne nazie, le camp.»
Le camp, «lieu des pulsions et des cruautés déchaînées»,
révèle que
«la
Kultur de Himmler était, dans une large mesure, déjà devenue la Kultur
de l'Allemagne [...]. Le massacre collectif, la réintroduction de l'esclavage
sur le continent européen, la liberté officielle de traiter les "sous‑hommes"
comme on le voulait et sans aucune contrainte, tout cela montre que le
camp était l'institution emblématique de l'Allemagne nazie et le paradigme
du "Reich de mille ans" promis par Hitler. Le monde des camps révèle l'essence
de l'Allemagne qui s'est donnée au nazisme, de même que les agents de
l'Holocauste révèlent la barbarie meurtrière par laquelle, de leur plein
gré, les Allemands entendaient protéger l'Allemagne et son peuple de leur
plus grand ennemi, der Jude.» (note 15)
Cette interprétation
a été sensiblement nuancée par un livre récent de Saul Friedländer qui
conteste la radicalité de la thèse intentionnaliste de Daniel Jonah Goldhagen
sur l'antisémitisme éliminationniste allemand. À propos de l'évaluation
de l'adhésion de la population aux obsessions idéologiques de Hitler,
il souligne:
«À l'intérieur du parti et […]
parfois à l'extérieur de celui‑ci, il existait des noyaux d'antisémitisme
irréductibles, suffisamment puissants pour relayer et amplifier les pulsions
de Hitler. Pourtant, parmi les élites traditionnelles et dans de vastes
pans de la population, le comportement anti‑juif releva davantage
du consentement tacite ou de la passivité à des degrés divers. Si la plus
grande partie de la société allemande a été pleinement consciente, longtemps
avant la guerre, de la férocité toujours croissante des mesures prises
à l'encontre des Juifs, elle n'a opposé que des désaccords mineurs (et
encore étaient‑ils presque dus à des motifs économiques ou religieux).
Il semble cependant que les Allemands dans leur majorité, bien qu'indiscutablement
dominés par maintes formes d'antisémitisme traditionnel et acceptant sans
problème la ségrégation des juifs, aient été réticents aux déchaînements
de violence à leur égard et n'aient pas appelé à leur expulsion du Reich
ou leur anéantissement physique.» (note 16)
La difficulté
d'interprétation consiste là à apprécier exactement le degré de passivité
et de consentement tacite, thèse vers laquelle penche plutôt Saul Friedländer,
ou le degré de complicité subjective, d'intentionnalité consciente et
d'adhésion délibérée, thèse de Daniel Jonah Goldhagen pour qui
«sans
une bonne volonté largement répandue chez les Allemands ordinaires à accepter,
tolérer (et même pour certains épauler) la persécution déjà radicale des
Juifs allemands dans les années trente, puis, au moins pour ceux à qui
on l'a demandé, à participer à l'extermination des juifs d’Europe,
le régime n'aurait jamais réussi à en tuer six millions. L'accession des
nazis au pouvoir et l'adhésion des Allemands à leur politique antisémite
étaient les deux conditions nécessaires de l'Holocauste. Ni l'une ni l'autre
n'était à elle seule suffisante. Et ce n'est qu'en Allemagne qu'elles
ont joué ensemble» (note17) .
Il reste que ces deux ouvrages historiques considérables ont reposé dans
toute leur ampleur la question naguère formulée par Wilhelm Reich, Erich
Fromm et les freudo‑marxistes: pourquoi les masses s'identifient‑elles
à des démagogues fascistes, pourquoi succombent‑elles à la mystification
politique, pourquoi agissent‑elles contre leurs propres intérêts
objectifs ? Pourquoi se transforment‑elles en exécuteurs des basses
oeuvres exterminatrices et autodestructrices ? Erich Fromm a donné une
réponse qui devrait permettre de comprendre la dialectique psychologique
de masse de l'activisme et de la passivité, de la liberté individuelle
et de la pression collective, de la résistance et de la collaboration
au sein des régimes totalitaires:
«Quand Hitler arriva au pouvoir la majorité de la population se rallia
à lui, car son gouvernement s'identifiait à "l'Allemagne" ‑ le combattre,
c'était s'exclure de la communauté. Quand les autres partis furent abolis,
le national‑socialisme bénéficia à son tour du loyalisme de
la population. S’opposer à lui c'était aussi s'opposer à la patrie.
Il semble que rien ne soit plus malaisé à l'homme de la rue que de ne
pas s'identifier à quelque mouvement important. Si peu de sympathie qu'un
citoyen allemand ressentît pour les principes du nazisme, s'il devait
choisir entre la solitude et la communauté nationale, dans la plupart
des cas il n'hésitait pas un instant. Il est notoire que des Allemands
qui n'étaient nullement hitlériens défendirent le régime contre les
étrangers par pure solidarité nationale. La peur de l'esseulement et la
faiblesse relative des principes moraux viennent au secours du vainqueur,
quel qu'il soit, et lui apportent la fidélité traditionnelle d'un large
secteur de la population.» (note 18)
Fausse conscience et antisémitisme
Une des grandes contributions de l'École de Francfort à l'étude de la
fausse conscience (note19) a été l'investigation systématique des
idéologies racistes et tout particulièrement de l'antisémitisme.
Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, dès la fin de la guerre, en 1947,
posaient à leur tour la question centrale de Wilhelm Reich sur la psychologie
de masse et tentaient d'apporter une réponse théorique à «la mystérieuse
disposition qu'ont les masses à se laisser fasciner par n'importe quel
despotisme, leur affinité autodestructrice avec la paranoïa raciste»
(note20) . La critique de l'assujetissement par la propagande
industrielle d'un système tout entier centré sur la rationalité de
la domination, la «mystification des masses» et l'administration
totalitaire des choses (note21) , la critique de la culture de masse ‑
des « masses démoralisées par une vie soumise sans cesse
aux pressions du système, [et] dont le seul signe de civilisation
est un comportement d'automate susceptible de rares sursauts de colère
et de rébellion», exposées aux injonctions idéologiques (publicitaires
mercantiles) d'un système d'aliénation ‑ débouchaient chez Theodor
W. Adorno et Max Horkheimer sur la critique impitoyable d'une «société
de désespérés [...] proie facile pour le gangstérisme» (note22)
. C'est surtout le gangstérisme de masse fasciste, en tant que dissolution
totale et totalitaire des Lumières, qui méritait d'être soumis à l'analyse
critique, et notamment son fondement idéologique, l'antisémitisme:
«Les
fascistes ne considèrent pas les Juifs comme une minorité, mais comme
l'autre race, l'incarnation du principe négatif absolu: le bonheur du
monde dépend de leur extermination.» (note 23)
L'intérêt théorique de l'oeuvre fondatrice de Theodor W. Adorno et Max
Horkheimer était aussi de pointer le rôle des stéréotypes et des étiquettes
dans les préjugés antisémites (racistes):
«L'antisémitisme
n'est pas une caractéristique de l'étiquette antisémite, c'est un trait
propre à toute mentalité acceptant des étiquettes. La haine féroce pour
tout ce qui est différent est téléologiquement inhérente à cette mentalité.»
(note24)
Theodor W. Adorno et Max Horkheimer allaient ainsi favoriser les recherches
empiriques sur les préjugés antisémites, les discriminations racistes,
l'ethnocentrisme, les tendances antidémocratiques, les personnalités autoritaires
en tant que supports d'intelligibilité des adhésions de masse aux politiques
fascistes ou totalitaires. Dans la lignée d'un ouvrage célèbre de l'École
de Francfort, Autorité et Famille (note25) , ils publiaient toute
une série d'articles ou d'ouvrages visant à disséquer l'antisémitisme
d'un point de vue psychanalytique, sociologique et historique. L'apport
de ces recherches à la sociologie du racisme et de l'antisémitisme fut
décisif et mériterait à lui seul une étude approfondie. Leur importance
vient surtout du croisement complémentariste des réflexions philosophiques
et des méthodes d'enquête empiriques ainsi que de la mise en oeuvre systématique
de la transdisciplinarité, selon l'expression qui prévaut aujourd'hui:
psychologie, psychologie sociale, anthropologie, linguistique, marxisme,
psychanalyse, etc., toutes ces démarches théoriques furent sollicitées
pour étudier le fascisme et l'antisémitisme
note (26) .
Mais c'est surtout la grave carence du «marxisme‑léninisme» orthodoxe,
notamment stalinien, incapable ‑ du fait de son économicisme et
de son dogmatisme politique ‑ de comprendre les bases psychologiques
de masse du fascisme et de l'idéologie raciste (antisémite) qui incita
les freudo‑marxistes et les théoriciens de l'École de Francfort
‑ dans un jeu d'influences réciproques complexes ‑ à utiliser
les ressources critiques de la psychanalyse pour étudier le rôle de la
famille autoritaire, de l'éducation sexuelle répressive et du mysticisme
religieux dans la formation des personnalités autoritaires, antidémocratiques
et racistes et dans la consolidation idéologique d'une structure caractérielle
de masse asservie. Quelles qu'aient été les différentes réponses des uns
et des autres ‑ parfois contradictoires entre elles ‑, le
mérite de ces deux grands courants historiques aura été de redonner un
élan considérable à la recherche théorique sur l'antisémitisme. Et surtout
de susciter d'innombrables recherches psychanalytiques ou psychopathologiques
sur l'antisémitisme comme paradigme de la fausse conscience meurtrière
(note27) .
Une éthique du témoignage
On n'a d'ailleurs pas manqué ‑ indépendamment des critiques positivistes
qui lui ont été adressées ‑ de mettre en avant les «origines juives»
de la psychanalyse (note28) pour disqualifier ses investigations et conclusions.
Mais comme Freud l'avait remarqué de manière prémonitoire, dans un texte
publié dans La Revue juive en 1925,
«ce
n'est peut‑être pas par un simple hasard que le promoteur de la
psychanalyse se soit trouvé être juif Pour prôner la psychanalyse, il
fallait être amplement préparé à accepter l'isolement auquel condamne
l'opposition, destinée qui, plus qu'à tout autre, est familière au Juif»
(note 29)
Du point de vue épistémologique ‑ quant à l'implication de l'historien,
du sociologue ou du psychanalyste dans l'étude du racisme, du fascisme
et de l'antisémitisme ‑, la situation de rejet, d'exclusion, d'ostracisation,
de bannissement, prédispose évidemment à mieux comprendre les mesures
de discrimination, de persécution, puis d'extermination dont furent victimes
des millions de juifs en Europe.
C'est ce que souligne justement Saul Friedländer:
«La
plupart des historiens de ma génération, né à la veille d el'ère nazie,
savent que le pénible défrichage des événements de ces années ne les contraint
pas seulement à exhumer et à interpréter un passé collectif, mais aussi
à affronter leur propre vie. Au sein de cette génération, les analyses
ne concordent évidemment pas, qu'il s'agisse de définir le régime nazi,
d'en décrypter la dynamique interne, d'en restituer correctement la criminalité
absolue ou la banalité tout aussi absolue, ou encore de le replacer
dans un contexte historique plus vaste. En dépit de nos polémiques, nous
sommes nombreux cependant à partager un sentiment d'urgence suscité à
la fois par notre vécu et par la fuite du temps. Passé cette génération
‑ pour les historiens, comme pour la plus grande partie de l'humanité
‑, le Reich de Hitler, la Seconde Guerre mondiale et le sort des
juifs d’Europe n'appartiennent déjà plus à une mémoire commune.
» (note 30)30
Il reste donc l'urgence vitale du témoignage, en tant que tâche théorique
prioritaire: recueillir et entendre ce que disent les victimes de l'antisémitisme
génocidaire, les survivants des camps de la mort:
«Il
est essentiel d'entendre leurs voix pour parvenir à comprendre ce passé.
Elles révèlent en effet ce qu'on sut à l'époque et ce qu'on aurait pu
savoir; elles seules transmirent à la fois la perception claire et la
cécité totale d'êtres humains face à une réalité inédite et terrifiante.»
(note 31)31
Bien évidemment, tout chercheur ‑ qu'il soit Juif ou non-Juif ‑
est obligé dans l'étude de ces questions de prendre en compte ses propres
réactions émotionnelles et politiques face à «ce qui est sans
précédent», pour reprendre l'expression de Hannah Arendt, c'est‑à‑dire
une «guerre mondiale d'une férocité sans équivalent» et
«un crime de génocide sans précédent accompli au sein même de
la civilisation occidentale» (note 32) . Dès lors, expliquer
et comprendre ce qui s'est passé ne signifie nullement ‑ comme le
soutiennent les nouveaux révisionnistes ‑ l'accepter, le banaliser,
l'occulter ou, pire, le justifier au nom d'une supposée « neutralité
axiologique», et sûrement pas «nier ce qui est révoltant»
ou «déduire à partir de précédents ce qui est sans précédent:
ce n'est pas expliquer des phénomènes par des analogies et des généralités
telles que le choc de la réalité s'en trouve supprimé. Cela veut plutôt
dire examiner et porter en toute conscience le fardeau que les événements
nous ont imposé, sans nier leur existence ni accepter passivement leur
poids comme si ce qui est arrivé en fait devait fatalement arriver»
(note 33) .
Cette attitude
épistémologique implique, de toute évidence, une position éthique
qui suppose une identification, au moins partielle, avec les victimes,
leurs angoisses, leurs souffrances, mais aussi leurs luttes et leur
volonté de vivre. On ne peut, insiste Georges Devereux à propos de la
torture par exemple, «réduire artificiellement nos angoisses
en considérant la torture des prisonniers simplement comme une "coutume",
en niant donc implicitement que ces pratiques aient quelque rapport avec
des êtres de chair et de sang, avec lesquels nous aurions à nous identifier.
On a recours ainsi dans la vie quotidienne à de telles dénégations implicites
de toute similarité entre soi et les autres: quand on cherche, par exemple,
à justifier l'esclavage qui n'affecte, "après tout", que des "quasi‑animaux"»
(note34) .
Que dire alors du massacre de masse ?
Pitoyables et
grotesques sont donc les arguties scientistes sur la «prise de distance
du chercheur (historien, sociologue, etc.) vis‑à‑vis de son
objet, sur «l'objectivation nécessaire» et autres fadaises
positivistes destinées à calmer l'angoisse de la proximité avec l'insoutenable.
Non seulement les victimes de l'extermination ne peuvent être «objectivées»,
mais le chercheur lui‑même ne peut pas ne pas affirmer sa solidarité
de sujet vivant avec d'autres sujets anéantis par la barbarie hitlérienne
(ou pétainiste). C'est ce que soulignait Max Horkheimer dans un texte
magnifique:
«Nous, intellectuels juifs, rescapés de la mort dans les supplices
hitlériens, n'avons qu'un seul devoir: agir pour que l’effroyable
ne se reproduise pas ni ne tombe dans l'oubli, assurer l'union avec ceux
qui sont morts dans des tourments indicibles. Notre pensée, notre travail
leur appartiennent: le hasard par lequel nous y avons échappé ne doit
pas mettre en question l'union avec eux, mais la rendre plus certaine;
toutes nos expériences doivent se placer sous le signe de l'horreur
qui nous était destinée comme à eux. Leur mort est la vérité de notre
vie, nous sommes ici pour exprimer leur désespoir et leur nostalgie.
» (note 35)
Même si l'on
n'est pas Juif, ce qui est mon cas, cette exigence de solidarité avec
les survivants et les résistants est sans doute la seule éthique qui permette
encore de tenir des positions politiques et théoriques respectables: du
côté des victimes et non des bourreaux, avec les antifascistes et non
les collaborateurs.
Jean Marie Brohm
Note 1:
Le freudo-marxisme, qui a fait couler beaucoup d'encre perfide chez les
lacaniens et les stalino‑althusseriens français a surtout été étudié
en Allemagne. De nombreux textes essentiels restent encore à traduire
‑ de Wilhelm Reich à Otto Fenichel, en passant par Erich Fromm,
Siegfried Bernfeld et tant d'autres.
On pourra consulter :
Reich (Wilhelm),
La révolution sexuelle, Paris, Bourgois, 1968;
L'analyse
caractérielle, Paris, Payot, 1973;
Fromm (Erich), La crise de la psychanalyse, Essais sur Freud, Marx
et la psychologie sociale, Paris, Denoël, 1971;
Le dogme du christ, Bruxelles, Complexe, 1975 ;
Société aliénée et société saine. Du capitalisme au socialisme humaniste,Psychanalyse
de la société contemporaine, Paris, Le Courrier du Livre, 1971 ;
Marcuse (Herbert), Éros et civilisation, Paris, Minuit, 1963;
Culture et société, Paris, Minuit, 1970;
Reiche (Reimut), Sexualité et lutte des classes, Paris, Maspero,
1971 ;
Schmidt (Véra) et Reich (Annie), Pulsions sexuelles et éducation du
corps (introduction et traduction de Jean‑Marie Brohm), Paris,
UGE, 1979; revue Partisans n° 66‑67 («Sexualité et
répression»), Paris, Maspero, 1972;
Freudo‑marxisme et sociologie de l'aliénation (choix de textes),
Paris, UGE, 1974;
Brohm (Jean‑Marie), «Psychanalyse et révolution» dans Garde
fous, arrêtez de vous serrer les coudes, Paris, Maspero, 1975;
Brohm (Jean‑Marie), Dahmer (Helmut), Frappier (Paul), Reich devant
Marx et Freud, Paris, La Brèche, 1975;
Brohm (Jean‑Marie), «Wilhelm Reich», dans Dictionnaire
des philosophes, Paris, PUF, 1984;
Marchi (Luigi de), Wilhelm Reich, biographie d'une idée, Paris,
Fayard, 1973;
Jacoby (Russel), Fenichel (Otto), Destin de la gauche freudienne, Paris,
PUF, 1986.
Note 2:
Voir Jay (Martin), L'imagination dialectique, L'École de Francfort,
1923‑1950, Paris, Payot, 1977;
Wiggershaus (Rolf), L'École de Francfort, histoire, développement,
signification, Paris, PUF, 1993.
Note 3 Voir Moscovici (Serge), L'Âge des foules. Un traité historique
de psychologie des masses, Bruxelles, Complexe, 1985; Dadoun
(Roger), La psychanalyse politique, Paris, PUF, 1995;
Enriquez (Eugène), De la horde à l'État. Essai de psychanalyse du lien
social, Paris, Gallimard, 1983, en particulier le chapitre 4 sur «L'antisémitisme
nazi» et de manière plus générale sur les rapports de la culture
(de l'histoire) et de la psychanalyse;
Bastide (Roger), Sociologie et psychanalyse, Paris, 1950; Rank
(Otto) et Sachs (Hans), Psychanalyse et sciences humaines, Paris,
PUF 1981 ; Roheim (Geza), Psychanalyse et anthropologie, Paris,
Gallimard, 1967;
sous la direction d'Alain Besançon: L'histoire psychanalytique. Une
anthologie, Paris‑La Haye, Mouton, 1974;
Friedländer (Saul), Histoire et psychanalyse, Paris, Seuil, 1975.
Note 4 Voir, par exemple, Deleuze (Gilles) et Guattari (Félix), L'Anti‑Oedipe,
Paris, Minuit, 1972.
Note 5 Voir, par exemple, Nathan (Tobie), Sexualité idéologique et
névrose (préface de Georges Devereux), Grenoble, La Pensée Sauvage,
1977;
On lira aussi, bien que dans une perspective ethnopsychanalytique plus
classique et politiquement conservatrice, Besançon (Alain), Histoire
et expérience du moi, Paris, Flammarion, 1971.
Note 6 Voir Devereux (Georges), Ethnopsychanalyse complémentariste,
Paris, Flammarion, 1985.
Note 7 Voir Brohm (Jean‑Marie), Jeux olympiques à Berlin, 1936,
Bruxelles, Complexe, 1983.
Note 8 Voir notamment Hilberg (Raul), La Destruction des Juifs
d'Europe, 2 tomes, Paris, Gallimard, 1993;
Kogon (Eugen), Langbein (Hermann), Rückerl (Adalbert), Les Chambres
à gaz, secret d'État, Paris, Seuil, 1987;
L'Allemagne nazie et le génocide juif (Colloque de l'École des hautes
études en sciences sociales réunissant de nombreux auteurs de premier
plan, dont Saul Friedländer, Raul Hilberg, Michaël R. Marrus, Robert O.
Paxton, Léon Poliakov, Zeev Sternhell, Pierre Vidal‑Naquet), Paris,
Seuil, 1995;
sous la direction de Bédarida (François), La politique nazie d'extermination
(ouvrage collectif comprenant notamment les contributions de Philippe
Burrin, Saul Friedländer, Michaël R. Marrus, Léon Poliakov, Pierre Vidal‑Naquet),
Paris, Albin Michel, 1989.
Note 9 On trouvera cette citation et les précédentes dans Erich Fromm.
La Peur de la liberté, chapitre 6: «La psychologie du nazisme»,
Paris, Buchet/Chastel, 1962, p. 175 à 188.
Note 10 Ibid., p. 166.
Note 11 Dans
l'abondante littérature sur cette question, voir notamment:
Poliakov (Léon) Bréviaire de la haine. Le 3e Reich et les Juifs, Bruxelles,
Complexe, 1986;
Eberhard (Jäckel) Hitler idéologue, Paris, Gallimard, 1995;
Stern (J.‑P.), Hitler Le Führer et le peuple, Paris, Flammarion,
1995;
Burrin (Philippe), Hitler et les Juifs. Genèse d'un génocide, Paris,
Seuil, 1985;
L'Allemagne de Hitler 1933‑1945 (ouvrage collectif avec une
introduction de François Bédarida), Paris, Seuil, 1991.
Note 12 Reich (Wilhelm), La psychologie de masse du fascisme, Paris,
Payot, 1972, «Préface», p. 11.
Note 13 Ibid p. 54 et 57.
Note 14 Goldhagen (Daniel Jonah), Les Bourreaux volontaires de Hitler
Les Allemands ordinaires et l'Holocauste, Paris, Seuil, 1997, p. 16
et 17.
Note 15 Ibid., p. 447 à 452.
voir aussi Le Débat, n° 93, janvier‑février 1997, la partie
consacrée à la discussion sur «Les Allemands, l'antisémitisme et
l'extermination», notamment l'article de Daniel Jonah Goldhagen,
«Réponse à mes critiques», ainsi que l'entretien avec Daniel
Jonah Goldhagen, «L'importance de la cruauté est essentielle pour
la compréhension de l'Holocauste» dans Le Monde, 6 mai 1997.
Note 16 Friedländer (Saul), L’Allemagne nazie et les Juifs, tome
1: Les Années de persécution (1933‑1939), Paris, Seuil, 1997,
p 16.
Note 17 Goldhagen
(Daniel Jonah), Les bourreaux volontaires de Hitler. Les allemands
ordinaires et l'holocauste, op. cit. ; «Préface à l'édition
allemande», p 567 et 568.
Note 18 Fromm (Erich), La peur de la liberté, op. cit., p. 167.
Voir aussi le beau livre de Sperber (Manès), Psychologie du pouvoir
(Paris, Odile Jacob, 1995) qui analyse finement la dialectique du
chef et de la tyrannie, de l'adaptation et de la résistance,
Voir aussi, pour les situations concentrationnaires extrêmes, Bettelheim,
(Bruno), Le Coeur conscient, Paris, Laffont, 1972.
Note 19 voir le livre fondamental de Gabel (Joseph), La fausse conscience,
Paris, Minuit, 1962, notamment le chapitre 5: «L’idéologie
raciste».
Note 20 Horkheimer (Max) et Adorno (Theodor W.), La Dialectique de
la raison, Paris, Gallimard, 1974, p. 16,
Note 21 Thème qui sera repris par Marcuse (Herbert), L'Homme unidimentionnel,
Paris, Minuit, 1968;
voir aussi Adorno (Theodor W.), Prismes: critique de la culture
et société, Paris, Payot, 1986; Horkheimer (Max), Théorie traditionnelle
et théorie critique, Paris, Gallimard, 1974.
Note 22 Horkheimer (Max) et Adorno (Theodor W.), La Dialectique de
la raison, op. cit. p. 161.
Note 23 Ibid., p. 177.
Note 24 Ibid., p. 215.
Note 25 Studien uiber Autorität und Familie (ouvrage collectif
publié par l’Institut de recherches sociales, avec en particulier
des contributions de Max Horkheimer, Erich Fromm et Herbert Marcuse),
Paris, Félix Alcan, 1936.
Note 26 voir l'ouvrage classique de Adorno (Theodor W.), Frenkel‑Brunswik
(Else), Levinson (Daniel J.), Sanford (R. Nevitt), The Authoritarian
Personality (1950), New York et Londres, W. W. Norton and Company,
1982, édité dans le cadre des Studies in Prejudice.
Voir aussi Adorno (Theodor W.), «Anti‑Semitism and Facist Propaganda»
et «Freudian Theory and the Pattern of Fascist Propaganda»
dans Adorno (Theodor W.), Soziologische Schriften 1, Francfort,
Suhrkamp, 1979;
Horkheimer (Max), «Die Psychologie des Nazitums» et «Antisemitismus:
der soziologische Hintengrund des psychoanalytischen Forschungsansatzse»
dans Gesammelte Schriften, t. 5, Francfort, Fischer Verlag, 1987.
Voir également l'ouvrage classique édité sous la direction de Simmel (Ernst),
Anti‑semitism. A Social Disease, New York, International
Universities Press, 1946;
Arendt (Hannah), Les Origines du totalitarisme, Sur l'antisémitisme,
Paris, Seuil 1984.
Note 27 Parmi cette très importante littérature, on retiendra ici les
ouvrages en langue français:
Loewenstein (Rodolphe), Psychanalyse de l'antisémitisme, Paris,
PUF, 1952 (importante bibliographie);
Hermann (Imre), Psychologie de l'antisémitisme, Paris, L'Éclat,
1986;
Friedländler (Saul), L'Antisémitisme nazi. Histoire d'une psychose
collective, Paris, Seuil, 1971; Langer (Walter C.), Psychanalyse
d'Adolf Hitler, Paris, Denoël, 1973;
Gabel (Joseph), Réflexions sur l'avenir des Juifs (Racisme et aliénation),
Paris, Méridiens Klincksieck, 1987.
Note 28 L'accusation a été également formulée contre de nombreux théoriciens
marxistes et freudo‑marxistes ‑ suspects de «judéo‑bolchevisme»
‑ ou contre certains théoriciens de l'École de Francfort, coupables
d'illustrer théoriquement le «judaïsme» ou la «pensée juive»...
Note 29 Freud (Sigmund), «Résistances à la psychanalyse» dans
Nouvelle Revue de psychanalyse, n° 20, automne 1979, p. 181.
Note 30 Friedländer (Saul), L'Allemagne nazie et les Juifs, t.
1 : Les années de persécution (1933‑1939), op. cit., p. 13
(souligné par moi).
Note 31 Ibid., p. 14.
Note 32 Arendt (Hannah), Les origines du totalitarisme. Sur l'antisémitisme,
Paris, Seuil, 1984, p. 16.
Note 33 Ibid., p. 16 et 17.
Note 34 Devereux (Georges), De l'angoisse à la méthode dans les sciences
du comportement, Paris, Flammarion, 1980, p. 134.
Note 35 Horkheimer (Max), «Après Auschwitz» in Note s critiques
(1949‑1969). Sur le temps présent, Paris, Payot, 1993, p. 259.
Jean-Marie Brohm est professeur de sociologie à l’université Paul
Valéry, Montpellier 3.
Il est le fondateur de la revue Quel corps?. Il a publié
Critique de la modernité sportive, La Passion, 1995, et a participé
à Contre Althusser, réédité en 1999 par les éditions de
La Passion.
Ce texte a été publié dans la Revue Mauvais temps,
n° 6/7, mars 2000 éditée par Les Éditions Syllepses.
Cet article
est initialement paru dans la revue Prétentaine, n° 9/10, avril
1998, Étranger: Fascisme – Antisémitisme –
Racisme, Université Paul Valéry, Montpellier 3.
Le lien d'originede ce document de Jean Marie Bhrom sur Reich et Marcuse,
sur le freudo-marxisme et la psychologie de masse du fascisme :
http://www.anti-rev.org/textes/Brohm00a/index.html
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