Origine :
http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/braudel_civ.html
LES FICHES DE LECTURE de la Chaire D.S.O.
Année 2000/ 2001 Hubert de VAUBLANC
Cycle C d’ingénieur en organisation
Cours d’organisation et systèmes d’informations
Professeur Y. PESQUEUX
Table des matières
I. Biographie :
A. Sa vie
B. Son oeuvre.
II. Postulat de ‘’la grammaire des civilisations’’.
A. L’ hypothèse :
B. Le contexte de sa rédaction.
III. Résumé
A. Définition des concepts.
1. La civilisation est d’abord géographie.
2. La civilisation est sociologie.
3. La civilisation est économie.
4. La civilisation est psychologie.
B. Les grandes civilisations mondiales
1. L’Islam et le mode Musulman.
C. Le continent noir ou les Afrique Noires
1. Isolement.
2. L’esclavage.
3. La colonisation.
D. L’Extrême Orient : l’Asie.
1. La géographie.
2. L’histoire.
E. L’Europe :
1. L’espace géographique modèle l’Europe.
2. La recherche des libertés.
3. Le Christianisme.
4. L’humanisme et les humanistes.
5. L’industrialisation de l’Europe : modèle
pour le monde entier.
6. Les unités de l’Europe.
F. L’autre nouveau monde : l’Amérique Latine.
1. La population :
2. L’économie : les civilisations à l’épreuve.
G. L’Amérique par excellence : les Etats Unis.
1. L’histoire de l’Amérique.
2. La conquête de l’ouest.
3. L’industrialisation.
4. Les difficultés de l’Amérique.
H. L’Autre Europe
1. La constitution de la Russie
2. L’industrialisation.
IV. Commentaire de la ‘’Grammaire des civilisations’’.
A. Critique de la ‘’grammaire’’.
V. ETAT DE LA QUESTION.
A. L’historiographie actuelle.
B. L’état de la question sur les mentalités
collectives en France.
VI. BIBLIOGRAPHIE
I. Biographie :
A. Sa vie
Fernand Braudel est né pratiquement avec le siècle
(1902). Lorrain d’origine, son père a comme ambition
qu’il devienne médecin. L’ambiance familiale
est difficile, son père est violent et autoritaire. Le jeune
Braudel choisit alors des études courtes pour devenir financièrement
autonome et échapper ainsi rapidement à l’influence
paternelle.
Ses premiers postes de professeur en Algérie (Constantine
puis Alger) lui font prendre totalement conscience de l’histoire.
Elle ne peut plus être une science isolée, mais doit
s’intégrer aux autres sciences humaines notamment la
géographie.
La géographie reste au lendemain de la première guerre
mondiale une science ayant une grande autorité. Les théories
de Paul Vidal de la Blache (géographe du début du
siècle) sont encore très en vogue à cette époque
‘’la géographie reste à l’avant
garde des sciences humaines’’. Ces influences le marquent,
il analyse l’histoire avec les yeux d’un géographe.
Il pressent dès le début de sa carrière l’importance
du milieu géographique sur le déroulement de l’histoire.
Dès les années 1927 / 1928 il choisit le thème
de sa thèse ‘’Philippe II et la Méditerranée’’.
Le choix du pays analysé, l’Espagne, est déjà
une rupture. En effet à cette époque l’Allemagne
reste le pays de référence pour toutes études
universitaires. Malgré le choix rapide du sujet, F. Braudel
mettra près de vingt ans à soutenir sa thèse.
Ce temps assez long - caractéristique de la pensée
Braudélienne - est la traduction de l’évolution
de sa pensée. Nommé professeur au Brésil, il
continue à réfléchir au sens de l’histoire.
Par ses travaux de recherche dans l’Europe entière,
Venise, Gènes, Madrid mais aussi Dubrovnik, il prend conscience
que le personnage historique de Philippe II n’est pas essentiel.
Dans l’histoire de la mer intérieure, à cette
époque, le roi d’Es09/09/2001pagne n’est qu’accessoire
par rapport au milieu naturel. Ce milieu joue à part entière
indépendamment des faits politiques mené par les princes.
Mobilisé et fait prisonnier en mai 40, il met à profit
ce temps de captivité à Mayence puis à Lubeck,
grâce à l’amabilité de certains officiers
des camps, pour compléter ses sources. Il rédigera
sa thèse de mémoire d’après les notes
prises au cours de ses voyages passés et de ses dernières
informations.
Revenant de captivité, il soutient sa thèse en 1949.
Son titre définitif devient ‘’ la Méditerranée
au temps de Philippe II’’.
Le changement de titre est bien la traduction d’une conception
révolutionnaire d’envisager l’histoire.
Après la guerre, sous l’influence de F. Braudel, les
‘’Annales’’ créent par Marc Bloch
et Lucien Febvre en 29 se transforment. Elles deviennent une revue
scientifique d’histoire Elles deviennent ‘’Les
Annales Historiques’’ avec comme sous titre ‘’Economie,
Société, Civilisation’’. Le changement
de nom traduit là aussi la nouvelle conception de l’histoire
: Au - delà des événements politiques, l’historien
doit s’attacher à l’évolution des faits
culturels, économiques, sociaux.
Un moment président du jury de l’agrégation,
professeur au collège de France dès 49, Braudel ne
sera jamais professeur à la Sorbonne. Des rivalités
intellectuelles sur la conception de l’histoire l’opposeront
aux universitaires de l’époque tel Seignobos.
Evincé de la Sorbonne, il créé alors, la VI
section des sciences sociales. Elle deviendra un peu plus tard l’école
des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Son principe est le décloisonnement
des sciences sociales. L’histoire n’est qu’un
élément pour comprendre le passé. L’ethnologie,
la sociologie, l’économie sont des sciences sans lesquelles
l’historien se peut rien.
La fin des années 50 est le temps de l’analyse des
civilisations. ‘’La grammaire des civilisations’’
date de cette époque. Une réforme des programmes d’histoire
des lycées s’engage. La rédaction du manuel
à destination des élèves est confiée
à Braudel. Finalement cette réforme est enterrée,
l’ouvrage ne rencontre alors pas son public.
(Nous y reviendrons plus longuement.)
Il crée alors la ‘’Maison des Sciences de l’Homme’’
institution créé selon sa formule ‘’non
pour moi mais contre moi’’. Il ne souhaite pas voir
rattaché son institution à l’Université.
Ainsi il est plus libre et choisit seul les personnes avec qui travailler.
La révolte de Mai 68 le rend suspect. Pour les étudiants
il est devenu ‘’bourgeois’’. Pour le pouvoir
politique - et G. Pompidou en particulier - il est suspecté
d’avoir formante les événements.
S’il quitte le devant de la scène intellectuelle de
notre pays, il travaille sur son oeuvre majeure qu’est la
‘’civilisation matérielle, économie et
capitalisme du XV ème au XVIII ème siècle’’.
Dans cet ouvrage monumental, Braudel ne part plus des contraintes
du milieu sur la société, mais des règles propres
aux activités humaines qui préludent à l’organisation
de l’espace.
Il puise à des sources inédites notamment du marchand
vénitien Dantini qui nous a laissé des milliers de
lettres sur le commerce à cette époque et la naissance
du capitalisme.
Les années 70 marquent pour Braudel une reconnaissance internationale,
il voyage dans tous les pays du monde et donne des conférences
à travers toutes les universités. Dans les dix dernières
années de sa vie il devient médiatique et permet à
l’histoire d’apparaître au grand jour. Enfin par
son élection à l’Académie Française
quelques mois avant sa mort, il est ‘’réhabilité’’
par le milieu politique. Il décède en 1985.
B. Son oeuvre.
L’apport de Braudel à l’histoire est révolutionnaire
par ses deux ouvrages majeurs ‘’la Méditerranée’’
1949 et ‘’la civilisation matérielle’’
1969, il réinvente la manière d’écrire
l’histoire.
* Quant aux temps historiques.
Sa tripartition du temps historique est devenue un classique. Elle
correspond à des évolutions différentes.
L’ histoire géographique : est l’histoire permanente
de l’homme avec son milieu, lente à évoluer,
à se transformer. Elle est dictée par le milieu naturel,
le climat, la géographie physique...Son évolution
n’est pas perceptible à l’échelle humaine.
L’histoire sociale est celle des individus et des groupements
de personnes : histoire de l’évolution des idées,
des pensées. Sa duré est moins longue que la précédente.
Elle est observable dans les sources documentaires.
L’histoire politique ou événementielle. C’est
l’histoire traditionnelle. Sa durée est celle des hommes
simples et des princes qui gouvernent.
De toutes ces notions c’est bien la longue durée qui
conduit l’essentiel de l’histoire.
* Quant à l’espace historique :
Il remodèle également l’espace des historiens
par l’apport de la géographie et des autres sciences
humaines. Ce ne sont plus les contraintes du milieu sur la société
mais des règles propres aux activités humaines qui
préludent à l’organisation de l’espace.
C’est la notion d’économie - monde.
L’économie - monde ‘’est un morceau de
planète économiquement autonome auquel ses liaisons
et ses échanges intérieures confèrent une certaine
unité organique. Le passage à la modernité
est alors une succession des économies - monde prépondérant
j’usqu ’à l’unification d’un système
d’un monde hiérarchisé. Il montre pour l’économie
Vénitienne au XIV ème et XV ème siècle,
l’économie d’Amsterdam au XVII ème et
le développement de l’Angleterre au XVIII ème
siècle comment ces développements se traduisent dans
l’espace.
Ces centres polarisent les fonctions d’échange à
longues distance et commandent les impulsions économiques.
Puis par couronne successive une véritable division du travail
se met en place au service de l’économie principale.
Par exemple les productions céréalières polonaises
sont tributaires des fluctuations du commerce londonien au XVIII
ème siècle.
Cette notion est développée dans la ‘’civilisation
matérielle’’.
Héritier de la pensée de Marc Bloc (déporté
en 43) et de Lucien Febvre (d.c.d. en 1957) l’histoire vue
comme une interscience ne pouvait soulever que des résistances.
Trop en avance sur son temps, trop complet dans ses connaissances,
selon son biographe, ‘’il n’a pu faire véritablement
école’’.
II. Postulat de ‘’la grammaire des civilisations’’.
Le postulat reprend pour l’essentiel les idées de
Braudel. C’est la conception de la longue durée et
de la globalité à travers l’ensemble des disciplines
des sciences sociales.
A. L’ hypothèse :
Elle est de définir des civilisations à travers des
espaces, (le territoire), des sociétés (l’existence
de villes) des économies (la nécessité d’avoir
un système d’échange), des mentalités
collectives (une religion).
Mais si ces éléments sont nécessaires pour
la constitution de civilisations ils ne sont pas suffisants. Les
civilisations doivent en plus être des continuités.
Pour comprendre et définir une civilisation il faut définir
et comprendre l’histoire de ces continuités.
B. Le contexte de sa rédaction.
Pour comprendre l’ouvrage dans sa globalité, il est
utile d’avoir une vision de l’historiographie jusqu’à
cette époque.
* Jusqu’au XVIII xsiècle, il n’y a pas d’histoire
au sens ou nous l’entendons actuellement. La matière
(les documents), les faits, le sens sont ‘’écartelés’’
selon le mot de F. Furet entre les philosophes et les antiquaires.
Les premiers interpellent le passé pour expliquer les transformations
à venir, les seconds étudient méthodiquement
tous documents anciens pour les authentifier. Une fois ce travail
effectué ils classent et inventorient ces documents.
Mise à part l’histoire religieuse, l’enseignement
de l’histoire n’éxiste pas.
* Au XIX ème siècle les sociétés savantes
prolifèrent et se développent.
A partir de 1830, l’enseignement de l’histoire prend
de l’importance pour des raisons politiques. Le régime
de Louis Philippe puise sa légitimité aux sources
de l’Ancien Régime pour la royauté et à
celle de la Nation pour le côté parlementaire. L’histoire
constitue une des bases de sa légitimité. Elle ne
peut donc être oubliée.
La III république également besoin de l’histoire
pour asseoir ses débuts. Nous n’oublions pas que la
constitution de la III république est votée par les
monarchistes. La république devient alors le lieu de la réconciliation
nationale. Les grands chefs de la France qu’ils soient rois,
ecclésiastiques, républicains ou révolutionnaires
sont alors mis à l’honneur.
Parallèlement durant le dernier tiers du XIX ème
siècle la méthode scientiste ou méthodique
est en vogue. L’histoire met en avant une méthode,
une posture intellectuelle originale. Son objet devient la recherche
des lois qui président au développement des sociétés
humaines. C’est la science du développement de la raison.
Eugène Lavisse directeur de l’école normale
supérieure est le représentant le plus éminent.
L’historien s’efface devant les documents. Il n’est
que le miroir de l’actualité.
Cette conception historique se traduit dans les programmes scolaires
par des postulats. La mère patrie y est exaltée. La
France est considéré comme éternelle. La colonisation
est justifiée. L’Europe croit en son triomphe comme
civilisation.
* Cette conception de la discipline se rompt dans les années
1929 / 1933. La rupture est une des conséquence de la première
guerre mondiale. L’émergence d’autres cultures
régionales (Etats Unis, Japon) amène à considérer
une approche plus globale pour comprendre l’histoire. Les
concepts essentiels deviennent système, modèle, interaction,
interdisciplinarité... C’est l’époque
d’une remise en cause totale. L’époque de la
création des annales par M. Bloch et L. Febvre. Elles illustrent
ces transformations.
Le courant des Annales voit se succéder trois époques
d’historiens.
* Celles des fondateurs d’abord jusqu’au décès
de L. Febvre (1956). L’histoire n’est pas seulement
un enregistrement d’une suite d’événements
à partir de seuls documents écrits. Il est nécessaire
d’établir des passerelles avec les autres sciences.
* Les années Braudel ensuite : C’est l’histoire
totale complexe puisqu’il faut tout analyser avant de définir
l’histoire. Il refuse l’idée d’une conception
de l’histoire qui serait des événements qui
n’arrivent qu’une fois en opposition à la sociologie
qui serait la science des événements qui se répètent.
Le temps de l’histoire est bien à différentes
durées. C’est le temps de la nouvelle histoire.
* Enfin, à l’heure actuelle les héritiers de
Braudel : Le Roy Ladurie, Le Goff, Duby, Ferro, ont besoin de se
positionner dans le champ éclaté de l’histoire.
L’heure est au recentrage de l’histoire. C’est
le temps de ‘’l’histoire nouvelle’’.
C’est dans ces temps ou la nouvelle histoire émerge
que la réforme des programmes d’histoire est envisagée.
Braudel l’a vivement souhaitée et il y contribue. Il
préconise de garder l’histoire événementielle
pour les petites classes et la sixième. L’imaginaire
des enfants à cet âge suffit pour leur donner des repères.
En seconde les jeunes doivent connaître les révolutions
: Politiques et Industrielles (1789 / 1871).
La classe de première sera consacrée aux nationalisme
et à leurs conséquences. (1871 / 1945).
Celle de terminale sera réservée à l’étude
du monde contemporain et à l’analyse des civilisations.
Il espère voir appliquer ses conceptions pour l’enseignement
des enfants et des jeunes. Progressivement, au cours de toute la
scolarité, les professeurs doivent transmettre des éléments
aux élèves pour leur donner à réfléchir.
La leçon d’histoire - avec un résumé
- apprise par coeur n’a plus de sens. Le but est que les jeunes
abordent à l’âge adulte les sciences humaines
de façon concrète à partir des civilisations
actuelles.
Donner à comprendre le monde dans lequel vivent les jeunes.
Telle est la conception de Braudel pour l’enseignement scolaire.
Cette ‘’Grammaire des Civilisations’’ est
un livre de combat engagé.
Braudel tente, de réformer le système d’enseignement.
Après lui beaucoup se sont essayés, avec des succès
plus ou moins mitigés !
Les partisans de la conception traditionnelle affrontent Braudel
et triomphent. Un enseignement plus classique remplace la réforme
de l’enseignement. Elle est donc annulée. Dès
lors l’ouvrage ne rencontre pas son public. Il est définitivement
retiré de la vente en 70. S’il n’est pas reconnu
en France, il est traduit en espagnol et en Italien dès 1965.
En France, il est redécouvert au moment de la mort de son
auteur.
Outre les conceptions modernistes de la réforme, une des
causes de l’échec éditoriale provient de la
difficulté de l’ouvrage pour une classe de terminale.
Ce livre fait appel, en effet, à des notions de sociologie
de géographie, d’ethnologie, de religion, et de faits
politiques à travers le monde entier. Ces connaissances sont
trop étendues. La plupart des élèves de terminale
ne les ont pas assimilées.
III. Résumé
L’ouvrage se présente en deux grandes parties de quantité
inégale.
La première donne les définitions nécessaires
à la compréhension des concepts.
La seconde est l’explication du monde contemporain [1963]
à partir de l’histoire des civilisations.
A. Définition des concepts.
1. La civilisation est d’abord géographie.
Elle est localisable sur une carte. Le contour de la civilisation
est dicté par la géographie. Par exemple on définit
l’Egypte par le Nil, L’Islam par le désert, La
crête par l’insularité... Sur son territoire
la civilisation se déplace au contact d’autres peuples.
Chaque civilisation est liée à un espace particulier
dont les limites sont à peu près stables. Mais à
l’intérieur de cet espace peuvent exister des aires
culturelles différentes. Ce sont des espaces à chaque
fois décomposables en une série de district particulier.
Nous aurons alors dans la civilisation occidentale des aires européenne,
américaines à l’intérieur de celles -
ci d’autres contours plus petits et ainsi de suite.
Ce qui caractérise la civilisation ce n’est pas la
surface géographique ou le temps mais la permanence des éléments.
2. La civilisation est sociologie.
Il ne peut y avoir une civilisation s’il n’y a pas
une société.
Les deux termes voisins se répondent en permanence. Elles
observent le même objet vu sous des angles différents.
La société est le reflet de la civilisation. Si l’un
bouge, l’autre bougera, mais dans une durée différente.
La civilisation serait la machine à enregistrer les mouvements
de la société. L’élément caractéristique
de la civilisation d’un point de vue sociologique est l’existence
de villes. En son absence on parlera de cultures.
3. La civilisation est économie.
L’économie s’entend au sens large. Des notions
de démographie, de biologie, de technologie sont à
prendre en compte pour définir et caractériser les
civilisations. Ils la modèlent.
4. La civilisation est psychologie.
Des éléments d’ordre psychologiques sont nécessaires
à la civilisation. Ils déterminent la conscience d’appartenir
à une même unité par la mentalité collective.
La religion est l’exemple déterminant parmi ces facteurs.
Mais si les civilisations se définissent par rapport aux
sciences humaines elles se définissent également par
une continuité. C’est le rôle donné à
l’histoire que de déterminer laquelle.
Si les sciences humaines sont importantes pour comprendre les civilisations
actuelles, seule l’histoire leur donne sens. Parler de l’histoire
des civilisations, c’est définir parmi les caractéristiques
anciennes celles qui demeurent valables à ce jour.
Leurs évolutions ne sont pas visibles à l’oeil
: les héros, les images, les modes peuvent être le
signe d’une évolution des civilisations. Les caractères
des civilisations sont celles qui sont quasi permanentes : l’attitude
devant la mort, les plaisirs, le travail, les échanges...
Ces éléments varient, eux aussi, avec le temps, mais
d’une manière lente.
A chaque instant une civilisation entre en contact avec d’autres
de manière pacifique ou non. Le refus ‘’d’emprunter’’
les caractéristiques de ces civilisations qui remettent en
cause leurs propres structures conduisent au coeur des civilisations.
Ils permettent à l’historien leur compréhension.
Par contre les ‘’emprunts’’ à d’autres
civilisations permettent aux premières d’évoluer,
de se transformer.
Parmi ces éléments la longue durée est la
caractéristique de l’histoire des civilisations. Elle
est la ‘’plus longue des longues histoires’’.
‘’Une civilisation n’est donc pas une société
ou une économie donnée, mais elle est bien ce qui
à travers une société ou une économie
persiste à vivre qu’en ne se laissant lentement infléchir’’.
Dans une seconde partie Braudel montre les caractéristiques
de ces civilisations.
B. Les grandes civilisations mondiales
1. L’Islam et le mode Musulman.
Les explications stratégiques ne suffisent pas à
expliquer les victoires de l’Islam, des causes tenant à
la géographie sont essentielles. Le proche orient est un
carrefour de civilisation ; il est en contact avec l’ensemble
du bassin méditerranéen.
Il est un continent intermédiaire entre deux océans
(Méditerranée et Océan Indien) et trois continents
(Afrique, Asie, Europe). Sa vocation naturelle est le commerce.
Ainsi dès le départ ses caravanes traverseront ses
contrées et relieront toutes les extrémités
de la terre.
Mais si l’Islam couvre un vaste territoire de Dakar à
Djakerta, il manque cruellement d’hommes pour se maintenir
et s’enrichir. L’Islam est donc obligé de recourir
massivement à l’esclavage pour développer et
mettre en valeur ses territoires.
La conquête Islamique est d’abord d’origine religieuse
et part de l’Arabie ou est né et a vécu le prophète.
Puis rapidement en l’espace de 100 ans le pouvoir de la civilisation
naissante se déplace vers Bagdad. Elle épouse alors
les richesses des pays et se lance dans des conquêtes militaires
dont le but est de plus en plus éloigné du religieux.
La civilisation islamique existe alors à partir du VIII
ème ou du IX ème siècle (soit 150 à
200 ans après la mort du Prophète.
Entre le VIII ème et le XII ème c’est l’âge
d’or de la civilisation Islamique. Au - delà de l’histoire
politique, la puissance de la civilisation s’explique par
l’avènement de l’économie monétaire,
le développement des rendements agricoles grâce à
l’invention des moulins, et le développement du commerce.
Cette civilisation est sous le regard de la religion, mais elle
est diverse par rapport à des particularismes régionaux
: l’Espagne est chrétienne et musulmane, l’Inde
bouddhiste et musulmane, la Perse restera avec ses particularités.
Outre la puissance militaire et économique la civilisation
Islamique comporte un développement des sciences tout à
fait original.
A partir du XII ème et jusqu’au XVIII ème siècle
il y a arrêt de l’essor, voire même, une décadence
de cette civilisation.
Quelles en sont les causes ? Comme toujours il y a plusieurs séries
de causes dont l’une est la reconquête de la mer intérieure
par l’occident. Avec le XI siècle finissant l’Europe
commence sa reconquête de la mer intérieure.
Avec le XII ème l’Islam va connaître des heures
sombres : les croisades, puis l’invasion des peuples venus
d’Asie viendront détruire et assombrir son développement.
Avec la reprise du monde au XVI ème siècle l’Islam
recouvre une partie de ses attributs avec la force des turcs. Cette
puissance coïncide avec une prospérité matérielle
et économique assise sur un accroissement de la démographie.
Mais faute d’accès à la mer, ce développement
ne dure pas.
Pouvons - nous parler aujourd‘hui de civilisation musulmane
?
Si incontestablement le fait religieux est là à travers
tout le territoire traditionnel de l’Islam, on ne peut parler
de civilisation Islamique. En Afrique le lien n’est que religieux,
le panislamique est social, politique, mais il n’est pas constitutif
d’une civilisation. Il en va de même à l’autre
bout de la terre au Pakistan. Ce pays est sous la civilisation Indo-musulmane.
Et pourtant malgré ses différences - qui laissent
supposer que la civilisation islamique est inexistante - l’arabe
reste la langue commune écrite entre les différents
pays de culture musulmane.
L’Islam en tant que civilisation disparaîtra - t -
elle à fur et à mesure que la révolution Industrielle
touchera ces pays ?
Répondre par l’affirmatif revient à affirmer
que la révolution industrielle est en soit créateur
de civilisation. L’histoire de l’Europe est là
pour démontrer le contraire.
Il en irait sans doute différemment si le développement
des techniques s’alliait avec un développement du marxisme.
C. Le continent noir ou les Afrique Noires
Le continent noir possède trois caractéristiques
singulières
1. Isolement.
La première caractéristique de l’Afrique est
son isolement.
L’originalité de l’Afrique réside dans
cette diversité de peuples de cultures et de langues. Avec
une multitude de peuples qui s’attirent et se repoussent.
Ce continent souffre d’une pénurie : le manque de contacts
avec les autres civilisations mondiales. Enfermé entre deux
océans et deux déserts, le continent noir s’ouvre
tardivement à l’extérieur. Mais dans cette immensité
il existe des différences : l’Afrique orientale est
en contact avec le moyen orient. Des villes se développent
et connaissent un essor bien avant l’ère chrétienne,
Mogadiscio, Sofala, Mombassa.
De plus le passé du continent noir est délicat à
retranscrire car l’écriture est absente de cette civilisation.
2. L’esclavage.
Le pillage de sa ressource humaine est la seconde caractéristique
de l’Afrique. Elle sert de réservoir humain pour le
développement du monde tant occidental par le commerce triangulaire
qu’oriental à travers l’esclavage vers les pays
de l’est du monde.
Le commerce triangulaire voit ponctionner les forces vives de l’Afrique.
De 1000 à 2000 personnes par an au XVI ème, le chiffre
atteindra au XIX ème 50 000 par an. En tout l’Afrique
perdra vers l’ouest (vers les Amériques) près
de 15 millions d’individus en l’espace de 450 ans.
Mais l’esclavage n’est pas le seul fait des européens.
L’hémorragie humaine continue par le nord et l’est.
Les pays arabes du fait de leur pauvreté démographique
ont besoin pour se développer de main d’oeuvre. Ils
vont la chercher au plus près. Au XVIII ème et au
XIX ème siècle des caravanes de près de 18
000 esclaves se rendent dans les pays arabes. En 1830 le sultan
de Zanzibar perçoit des droits sur la traite de 37 000 esclaves.
Au - delà de l’aspect humain dramatique, ces terribles
chiffres marquent le début d’un retard économique.
La traite des hommes n’existe que parce que la population
est nombreuse et en augmentation. Les chiffres des hommes déportés
le montrent, ils sont en constante augmentation. Cela laisse supposer
qu’à cette époque (du XVII ème au XIX
ème ) l’Afrique connaît comme l’Europe
une expansion démographique. La faiblesse de la démographie
n’a pu amener à la fin de la période esclavagiste
un décollage économique de cette région.
La traite des noirs s’arrête au moment ou l’Amérique
n’en a plus besoin et ou l’émigrant européen
prend le relais.
Sans affirmer que la traite en direction de l’Amérique
a été plus humaine que celle dirigée vers le
Moyen Orient. On ne peut nier qu’en Amérique la population
noire constitue un noyau vivant de la civilisation américaine
alors qu’elle a totalement disparu du monde Islamique. Pire
encore elle n’y a laissé aucune trace visible dans
la civilisation orientale.
3. La colonisation.
La colonisation est la troisième caractéristique
de l’Afrique :
Cette colonisation, si elle n’est pas unique dans l’histoire,
est particulière quant au moment ou elle se déroule.
L’Europe est en pleine expansion technologique, démographique,
économique. La différence de culture amènera
un choc très douloureux pour l’Afrique. La colonisation
n’est pas totalement négative pour ses peuples. Elle
laisse en revanche des régions entières complètement
balkanisées. Le traité de Berlin en 1863 partage l’Afrique
en territoires qui ne correspondent pas aux nations traditionnelles
africaines d'où le risque de conflits futurs.
L’Afrique et son avenir.
L’Afrique saura intégrer les meilleurs éléments
de la colonisation à sa propre culture. Il faut faire confiance
aux Africains à leur patience et à leur adaptabilité
pour poursuivre la route qui les sépare d’une économie
traditionnelle à une économie moderne. Mais si elle
détient des atouts dus au caractère de l’homme
noir, elle a également des difficultés qui tiennent
aux poids des cultures et des religions primitives.
D. L’Extrême Orient : l’Asie.
1. La géographie.
La civilisation asiatique est basée sur le végétal.
Cette prédominance du végétal marque tous les
observateurs étrangers dès les premiers contacts entre
asiatiques et européens. On ne peut comprendre l’extrême
orient sans comprendre l’influence de la culture du riz.
En occident ou le blé prédomine, il est nécessaire
de laisser les terres en jachère se reposer. L’élevage
devient un élément nécessaire pour entretenir
les prairies. Son influence sur l’alimentation s’en
ressent. De plus la culture du blé nécessite un travail
de force important. Le recours à la force animal est alors
également recherché.
Au contraire en Asie, le riz occupe tous les ans le même
espace. La terre n’a pas besoin de se reposer. Le travail
se fait à la main et est physiquement moins difficile que
le blé. Les labours sont simplifiés à l’extrême.
Les animaux de traits sont inutiles. La population serait obligée
de les nourrir source de gaspillage considérable.
Cette culture du riz a une conséquence pour la démographie
: un hectare suffit à nourrir 6 à 8 personnes d’ou
un incroyable développement de la population.
Selon la thèse de Wittfogel, cette omniprésence de
la culture du riz a une autre conséquence. A la différence
du blé, la riziculture nécessite un important entretien
de canaux d’irrigation, de bassins de rétention, de
barrages, de pompes. Une forte discipline collective est nécessaire
à sa sauvegarde. Elle serait alors constitutive d’un
déterminisme civique, politique et social.
Si ces éléments jouent dans le développement
des civilisations asiatiques elles ne sont pas suffisantes à
expliquer l’Asie.
2. L’histoire.
Les grandes civilisations asiatiques, Chine et Inde, auraient vécu
paisiblement. Mais aux confins des plaines du nord et de l’ouest
apparaissent une myriade de peuples nomades. Ils déferlent
périodiquement sur la Chine et l’Inde : Turcs, Mongols,
Khirgiz... Ces invasions perpétuelles retardent le développement
de l’Inde et de la Chine. Les combats engagent plusieurs milliers
de personnes. Ces guerres dramatiques sont une des explication de
la distanciation entre Europe et Asie à l’heure actuelle.
Malgré les conquêtes les civilisations demeurent.
A l’opposé de ce qui se passe en occident qui a vu
se succéder la civilisation romaine à la Grèce
puis la Chrétienté à Rome, il n’y a pas
en orient, naissance d’une nouvelle civilisation à
chaque conquête militaire.
Cette fidélité à elle même ou le ‘’refus
d’emprunter’’ à des éléments
de civilisations étrangères est une des causes du
retard actuel de l’extrême orient.
Cette fidélité, l’extrême orient le doit
à des causes internes.
Les civilisations d’extrême orient arrivent très
tôt à une maturité, à un développement
culturel, religieux, économique. Ce développement
se situe dans un cadre très rigide. Il rend quasi immuable
certaines de ses structures essentielles. Les conséquences
sont pour les civilisations asiatiques, une très grande unité
mais aussi des difficultés à se transformer.
En Inde l’hindouisme se perpétue depuis 2000 ans.
En Chine le culte des ancêtres et les dieux de la nature
datent du premier siècle avant J.C. se perpétuent
à travers le Taoïsme, le Confucianisme, et bouddhisme.
Il demeure vivant à ce jour.
Or à ces formes religieuses s’attachent également
des formes sociales très importantes : pour l’Inde,
le système des castes, en Chine la hiérarchie familiale
et le culte des ancêtres.
La cause essentielle de ces imbrications entre social et religieux
provient du fait qu’à la différence de l’occident
l’extrême orient ne distingue pas entre humain et divin.
Le religieux se confond avec la vie elle même. L’état,
la philosophie, la morale, les relations sociales sont religions.
Elles en tirent une tendance à l’immutabilité
et à la perpétuité.
Cette caractéristique semble être une faiblesse pour
le développement actuel.
E. L’Europe :
Les caractéristiques de la civilisation européenne
sont façonnées par l’espace géographique,
le besoin de libertés et l’influence du christianisme
et des humanismes.
1. L’espace géographique modèle l’Europe.
Cap de l’Asie qui se prolonge, l’Europe ouvre ses portes
‘’sur les sept mers du Monde’’.
L’espace européen est délimité au cours
d’une série de guerres et d’invasions.
Dès l’empire romain la cassure existe entre est et
ouest. Elle est officialisée par le partage de Théodose
(395). Depuis toujours en effet il existe une Europe de l’est
riche et prospère en contact avec les civilisations orientales.
A l’opposé il existe une Europe occidentale ‘’un
far ouest’’ pauvre repliée sur elle même
ou Rome tente de mettre en place sa civilisation.
Le partage effectué, l’Europe occidentale va connaître
une série de catastrophe qui sera préjudiciable à
son évolution.
Sur les frontières de l’est : l’invasion des
barbares. Face à l’ennemi qui vient de l’Asie,
la Germanie est le seul rempart, dès lors elle en tire une
légitimité et se substituera à l’empire
carolingien. Ce sera l’Empire Romain Germanique. L’histoire
de l’Europe est en grande partie l’histoire de cette
légitimité.
Vers le sud : la frontière méditerranéenne
se précise dès les premiers succès de l’Islam.
Elle devient le lac musulman. La victoire de Charles Martel en 732
est insuffisante et l’ouest doit inventer le concept de croisades
(1095 / 1270) pour lutter contre l’hégémonie
islamique. Cette reconquête s’achève dans le
drame par la reprise de Saint Jean d’Acre par les arabes (1291)
dès lors les frontières européennes sont stabilisées
au sud.
Enfin, à l’ouest et au nord ouest, l’Europe
sera surprise par les invasions normandes. Sur le moment tout est
ruine et désolation. Mais à terme ce pillage de l’Europe
et principalement des églises sera un avantage par la remise
en circulation de monnaie d’or et d’argent.
Toutes ces catastrophes fragilisent l’Europe. Elle ne supporte
pas le poids d’un état. Elle se fractionne et se replie
sur les seigneuries. Le système féodal se met en place.
Cette féodalité construit l’Europe à
travers les XI et XII siècle sur les bases de l’empire
carolingien. Malgré ce replis le système est unifié
à travers toute l’Europe. L’église dicte
sa toute puissance : intellectuel par le développement des
monastères, politique par le mouvement des croisades.
2. La recherche des libertés.
Du XI au XVIII ème l’Europe doit faire face à
la question de la liberté ou des libertés.
Le terme liberté n’a pas son sens actuel, il est utilisé
comme celui de privilèges, de franchises accordées
à un groupe d’homme particulier.
Parmi ces libertés il existe celle du paysan. Au cours de
l’histoire et ce dès le XI siècle en fonction
de l’évolution démographique et de la renaissance
des villes, le paysan acquiert une certaine liberté. La terre
est abondante et l’homme rare. Mais cet avantage n’est
pas définitif le seigneur continue d’être propriétaire
en droit de ses terres.
Le XVI ème et le XVII ème siècle voit apparaître
une poussée économique et capitaliste. Le monde moderne
se met en place. Les propriétés autour des villes
deviennent capitalistes. Tous les contrats se font au détriment
des paysans. Cette réaction dramatique dans l’ouest
est tragique pour l’est et le centre de l’Europe car
son mouvement est beaucoup plus fort.
C’est le second servage. Il sera une des causes du retard
de l’évolution de l’économie orientale
par rapport à l’occident.
Les libertés urbaines :
La régression de l’Europe, par les invasions, aboutit
à la quasi - disparition des villes jusqu’au X siècle.
A partir du XI et du XII siècle une renaissance apparaît.
Les villes prospèrent plus vite que les Etats territoriaux.
Ces derniers n’émergeront qu’au cours du XV siècle.
Les villes disposent de privilèges pour assurer la défense
des habitants, la construction des remparts, le développement
des métiers et du commerce. C’est l’époque
du règne des marchands et du commerce au loin, des foires,
des colporteurs.
Ces villes sont ‘’fermées’’ c’est
à dire que les habitants aux alentours n’ont aucun
droit. Les paysans ne sont jamais citoyens. Ils sont tenus de vendre
leurs produits aux halles de la ville et d’utiliser l’ensemble
des services de la cité. Cette conception est à court
terme favorable aux villes, mais cet enfermement se fera au détriment
de la puissance des Etats.
Les Etats modernes naissent des guerres : le développement
des techniques militaires, l’accroissement de la démographie
rendent les conquêtes possibles. Les Etats se constituent,
ils ne reconnaissent la primauté ni du Saint Empire ni de
la Papauté. Toute l’histoire de l’Europe est
la traduction de ce besoin de liberté par rapport à
ces deux puissances.
Si ce mouvement d’émancipation par rapport aux tutelles
est rapide sa prise de conscience intellectuelle est lente. Ce n’est
qu’en 1557 que ce courant est théorisé par Jean
Bodin. L’ état est souverain. Il n’est soumis
qu’aux seules lois naturelles et divines. L’expression
politique ‘’tel est notre bon plaisir’’
apparaît à cette époque.
Elle n’est pas la traduction d’un caprice d’un
Prince, mais bien l’affirmation d’une indépendance
de l’Etat.
Que deviennent les libertés individuelles ?
La liberté individuelle s’entend, non par rapport
à nos critères, mais par opposition à la liberté
du groupe.
La réponse est contradictoire et pessimiste.
La renaissance et la réforme affirment le respect de l’homme
et sa grandeur en tant qu’individu. Mais comment concilier
l’humanisme avec la puissance des Etats, la primauté
de l’intérêt général sur les intérêts
particuliers ?
Au nom de l’intérêt général, au
XVIII ème siècle, l’Europe entreprend une mise
en condition des pauvres et des marginaux.
L’état ne peut se satisfaire de l’individu a
fortiori s’il est différent. Ce vaste mouvement d’abolition
de l’individu prend des proportions fortes au XVII ème
et XVIII ème siècle.
La révolution fera naître un espoir mais qui sera
vite déçu. La loi le chapelier est l’exemple
le plus connu. Il faut attendre la loi sur les syndicats (1884)
pour voir renaître l’individu.
La notion de liberté abstraite à l’époque
de la renaissance a acquis à la révolution une nouvelle
puissance en formulant la déclaration des droits de l’homme
et du citoyen. Elle devient même une doctrine avec le libéralisme.
Toutes les idéologies au XIX ème et au XX ème
siècle s’en réclament.
3. Le Christianisme.
Le Christianisme a modelé et modèle encore l’Europe.
Le christianisme a eu le temps avant l’effondrement de l’empire
et les grandes invasions de s’adapter au monde romain. L’église
calque ses structures sur celle de l’empire.
A travers les siècles le Christianisme se répand
sur deux niveaux : sur la vie intellectuelle et sur les masses que
leurs vies difficiles éloignent trop facilement du sentiment
religieux.
A travers les siècles ce mouvement connaît de larges
fluctuations. Du X au XIII l’église affirme sa puissance.
Le XIVème siècle voit la grande peste (1350) et la
guerre de cent ans dominer l’Europe, à ce moment son
influence diminue.
Ces deux événements se solderont à terme par
la renaissance et la réforme.
Le XVI ème et le XVII ème sont les siècles
de passion religieuse. Le XVIII ème est le siècle
d’un déclin. L’élan matériel ne
sert pas la cause de l’église, il s’accompagne
d’un mouvement scientifique contre l’église au
nom du progrès et de la raison.
4. L’humanisme et les humanistes.
L’humanisme est un élément fondamental pour
comprendre la pensée européenne. Il ne se conçoit
que dans le cadre d’un dialogue avec le christianisme.
L’humanisme de la renaissance c’est le dialogue de
la Rome antique avec la Rome chrétienne, de la civilisation
antique avec la civilisation chrétienne.
La renaissance ne s’oppose pourtant pas au christianisme.
Elle s’écarte du christianisme moyen âgeux beaucoup
moins sur le terrain des idées que sur celui de la vie.
La renaissance est un mouvement de joie de vivre. Il suit les calamités
du XIV siècle : guerre de cent ans et grande peste.
L’humanisme protestant. Il prend sa source entre le XV ème
et le XVI ème siècle au moment de la réforme
sous l’impulsion de Luther, le paysan et Calvin, l’intellectuel.
De 1546 à 1648 l’Europe sera à feu et à
sang. La frontière entre Europe catholique et Europe protestante
est - elle le seul fait du hasard ?
La frontière épouse celle de l’empire romain.
Le protestantisme au départ n’est pas plus tolérant
que le catholicisme. Il crée une religion où l’absence
de liberté se fait sentir. Il s’oriente plus tard vers
le droit au libre examen, à la critique historique des textes,
à un rationalisme déiste. Ce moment coïncide
avec l’affaissement de la contre réforme, et l’adéquation
entre protestantisme et philosophie des Lumières. Les sectes
explosent et s’ intègrent dans le mouvement.
L’humanisme d’inspiration révolutionnaire.
L’Europe est et reste révolutionnaire. La grande révolution
française précède d’autres mouvements.
Notre Révolution a marqué le monde entier par son
ampleur et sa force. Ses symboles sont repris par la gauche en 1870.
L’humanisme révolutionnaire légitime la violence
au service du droit. Elle est bien la justification de la violence
au service d’un idéal.
La révolution bourgeoise de 1789 sert de base à l’ensemble
des justifications révolutionnaire du XIX dans l’Europe
entière et aux revendications des mouvements ouvriers à
partir de 1850.
La révolution de 1793 est humaniste par la mise en valeur
de notions qui seront effectives un siècle plus tard : redistribution
des terres, séparation de l’église et de l’état,
égalité...
Cette conception de l’humanisme survit jusqu’ à
nous et construit notre époque.
5. L’industrialisation de l’Europe : modèle
pour le monde entier.
Elle est le lieu d’un pays : l’Angleterre. Elle est
fondée sur une industrie : le textile. La stabilité
politique, l’accroissement de la démographie, l’évolution
des techniques et les réformes agraires (système des
enclosures) favorisent cette évolution.
Dès lors la révolution industrielle se transmet à
des rythmes différents dans l’Europe puis le monde
entier.
Face à cette révolution et au développement
du capitalisme, l’Europe créé un humanisme social.
Il s’échelonne tout au long du XIX ème et au
cours du XX ème siècle en différentes phases.
La phase révolutionnaire. Elle est le déplacement
de l’idéal politique de 1793 à celui du domaine
social.
La lutte ouvrière organisée 1870 / 1914 est l’époque
des constitutions du socle du droit ouvrier.
La phase étatique (1914 à nos jours) harmonise le
modèle grâce à l’intervention de la puissance
publique.
6. Les unités de l’Europe.
L’Europe est à la fois unité et division. Elle
est ensemble et détail. Ces deux vérités ne
s’excluent pas l’une de l’autre. Elles sont les
caractéristiques de notre continent.
Parmi les unités notre auteur considère certaines
comme brillantes l’art et l’esprit.
D’autres sont solides - l’économie, enfin certaines
sont aléatoires comme le domaine politique.
Toute l’histoire de l’Europe montre à quel point
la recherche de l’équilibre entre tous les pays est
le moteur de l’action politique.
Tout l’enjeu de l’Europe des Six est de stabiliser
cette unité politique.
Y parviendra - t - elle ?
F. L’autre nouveau monde : l’Amérique Latine.
L’espace de l’Amérique latine s’est construit
au pas des hommes. L’espace est si grand que l’Amérique
dans son ensemble a produit une culture du self made man aussi bien
au nord qu’au sud.
1. La population :
La particularité de l’Amérique Latine est la
résolution du problème racial.
L’histoire a mis en présence les trois ‘’races’’.
‘’Les jaunes’’ (faussement appelé
peaux rouges) population originaire de ces contrées. Si les
indiens sont sauvagement éliminés et combattus par
les conquérants dès le départ de la colonisation.
Certaines caractéristiques de leurs civilisations se maintiennent
aujourd’hui, le Mexique s’en revendique.
‘’La race noire’’ en Amérique Latine
est issu du commerce triangulaire du XVII ème et XVIII ème.
Ils sont là ou le hasard des plantations, du commerce, ou
du besoin de main d’oeuvre industriel s’est fait sentir
(principalement nord du Brésil et côtes).
‘’La race blanche’’ : sa prise de possession
du territoire s’est fait en deux grandes étapes. La
première conquête, c’est le temps des conquistadores,
des soldats et des prisonniers. C’est la colonisation espagnole
et portugaise. L’homme blanc s’installe partout sur
les bases des anciennes civilisations et tente de se maintenir malgré
les difficultés.
Puis dans un second temps à partir du moment ou la navigation
à vapeur apparaît sur l’atlantique sud (1880)
le continent sud américain accueillera une population européenne
d’origine plus large : artisan, cultivateur, industriels,
capitalistes, Italiens Français, Slaves... Ils font la gloire
du continent et la culture spécifique de l’Amérique
latine.
Aucune des trois races n’a été assez forte
pour éliminer complètement les deux autres. D’ou
une obligation de vivre ensemble. Elles ont collaboré ensemble
à l’essor de ce continent.
2. L’économie : les civilisations à l’épreuve.
Les colonialistes autrefois, les capitalistes aujourd’hui
mènent l’économie de l’Amérique
latine vers une économie de dépendance. Ils dirigent
les structures agricoles, puis minières vers la production
unique. Ils obligent les régions mono -culture ou mono industrie
à investir énormément dans l’exploitation
de ces richesses au détriment des autres productions. Ces
lieux une fois épuisées laissent des populations appauvries
et désolées. Ils empêchent l’établissements
de structures économiques durables.
Le paradoxe est que dans ces immenses territoires, il n’existe
pas une véritable population paysanne en quantité
et en qualité suffisantes. La monoculture, les immenses propriétés
génèrent une masse d’ouvrier agricole qui se
déplacent au gré des besoins selon les saisons et
les cultures. Dans des régions ou la population est à
70 % agricole, les cultures vivrières sont insuffisantes.
L’industrie reste localisée là ou les colonisateurs
en avaient besoin près des côtes. Elle crée
une bourgeoisie peu nombreuse mais prospère. Mais elle ne
favorise pas l’expansion des pays.
Enfin, les voies de communication ne sont pas étudiées
en fonction du développement du pays, mais uniquement dans
l’intérêt de l’exploitation. Ces voies
sont construites des lieux de production vers les ports.
L’absence de véritable classe agricole, et de classes
moyennes sont les faiblesses de continent. Le risque d’une
explosion sociale est alors grand.
Si le sentiment d’insécurité que connaissent
les sud américains est justifié, le pessimisme n’est
peut être pas de rigueur. Ce sentiment d’inquiétude
traduit une civilisation qui se cherche. L’exemple du Mexique
est peut être celui qui doit servir de modèle pour
la civilisation sud américaine.
G. L’Amérique par excellence : les Etats Unis.
Toute la civilisation américaine est basée sur un
axiome : la nouveauté. Cet axiome engendre une spécificité
: l’optimisme. Il est de rigueur. Le mot de Jefferson traduit
bien cet état d’esprit ‘’la terre appartient
aux vivants’’.
Les hommes doivent saisir les opportunités qui passent et
aller jusqu’à l’extrême limite de ce qu’elles
leurs permettent.
1. L’histoire de l’Amérique.
Elle se compose d’une série de chances. Elle a su
les saisir. Mais elle connaît des difficultés qu’elle
doit résoudre.
Les chances de l’Amérique.
La première chance est l’occupation tardive du territoire
par les Anglais.
Les espagnols et les portugais sont au sud (en Floride) et au Mexique.
Les Français occupent le nord (Canada). Les Anglais occupent
tardivement (1680) un territoire plus petit.
Leur chance se situe là. Au XVII ème, alors que les
Français ont un immense territoire qu’ils ne peuvent
ni développer ni garder, les Anglais ont un territoire, toutes
proportions gardées beaucoup plus petit. Il autorise un développement
qui permettra la naissance des villes. Elles accumulent des forces
en nombre très important sur une surface beaucoup plus petite
par rapport aux Français. Dès lors au moment de la
lutte pour la maîtrise de l’empire colonial au XVIII
ème, l’avantage sera clairement pour les Anglais.
La seconde chance est une chance économique. Son premier
développement est maritime. Elle détient la première
flotte du monde, eu égard au nombre de ses habitants. Le
fondement du développement ne sera pas donc pas agricole
mais commercial. Vers 1880, elle abandonne l’océan
et se tourne vers l’intérieur pour développer
la terre.
2. La conquête de l’ouest.
La conquête d’un territoire reste la première
forme de toute croissance. Cet axiome concerne aussi bien une économie,
une nation, un état, ou une civilisation. Il permet à
la civilisation américaine de se définir comme pionnière.
Elle se construit par différentes manières tantôt
pacifiques par le rachat de terres, tantôt belliqueuses par
les guerres contre les indiens.
La conquête du territoire se base sur un principe capitaliste.
Une première terre est donnée aux fermiers. Ils la
revendront avec une plus value aux nouveaux venus et les premiers
s’installeront toujours plus à l’ouest.
L’Amérique conquérante de l’ouest est
essentiellement protestante. Cette religion s’est adaptée
en se passant de pasteur du fait de la dispersion des habitants.
Ainsi elle s’est apurée de certaines règles
et a contribué à l’american way of live.
3. L’industrialisation.
Elle se combine avec l’urbanisation. L’industrialisation
se développe que parce qu’il y a un accroissement des
villes. Lente à se mettre en place, comme en Europe, l’essor
se base sur le textile et s’accroît considérablement
lors de l’arrivée du chemin de fer.
La croissance s’effectue grace à l’arrivée
massive d’émigrants.
Mais contrairement à l’idée répandue
ce n’est pas l’ouest agricole qui absorbe la dernière
population arrivée dans le pays. Les derniers arrivants restent
dans l’est industriel et urbain. Cette population urbaine
servira comme dans toutes les villes du monde de variable d’ajustement
par rapport aux besoins de l’économie.
La civilisation américaine se forme en trois étapes.
Le long de l’Atlantique c’est l’Amérique
maritime. De l’Atlantique au Pacifique c’est l’Amérique
rurale et agricole. Enfin verticalement c’est l’industrialisation.
Mais l’élément qui contribue le plus à
la mentalité américaine est bien le second.
Le protestantisme épuré constitue le socle de la
culture américaine. Dans un pays si libre, peu de personnes
osent se démarquer de la religion. L’athéisme
est pratiquement inconnu. Mais, si croire en Dieu est quasiment
obligatoire, peu importe les formes des croyances que chaque citoyen
donne à ce mot.
4. Les difficultés de l’Amérique.
Mais si l’Amérique a su saisir ses chances, elle n’en
a pas moins des difficultés à surmonter. Parmi celles
- ci la question noire et l’évolution du capitalisme
sont les plus délicates.
La question noire ou une colonie indéracinable.
L’histoire et la géographie portent la responsabilité
de ce cauchemar.
Dans le sud l’esclavagisme s’installe comme moteur
de l’économie. Une Afrique s’introduit alors
dans le pays anglo-saxon. Dès lors les erreurs, les préjugés,
les jugements hâtifs marqueront l’histoire des relations
entre les deux cultures.
La guerre de session (1861 - 1863) sera la conséquence de
ce traumatisme.
Mais si la population noire est très pauvre à l’origine,
elle suit l’évolution générale de l’économie
du pays. Mais, l’égalité entre blancs et noirs
n’est pas réalisé.
L’évolution de la question noire est prise dans toute
évolution culturelle de toute civilisation celle de la lenteur.
L’Amérique doit inventer une solution heureuse et
personnelle pour intégrer cette population d’une manière
complète eu égard à ce qu’elle apporte
au pays.
Les Etats - Unis sont confrontés à un second problème
: le capitalisme.
Chance ou malchance difficile de le dire tant est imprégné
la culture de l’argent roi dans ce pays. Mais en même
temps que le capitalisme est fondateur de la société
La société fonde le capitalisme. Ce matérialisme
apporté par le capitalisme amène une réaction.
L’idéal américain fonde l’entraide, la
fraternité, des dons aux associations caritatives.
Mais pour ce maintenir le capitalisme s’est adapté
à l’évolution de la société.
C’est dans cette transformation que réside la difficulté
de la civilisation américaine.
L’influence et le danger des trust engendrent une réaction
de la puissance publique. La loi Clayton (1914) tente de les limiter.
Le principal mérite de cet acte est de montrer la puissance
de l’état fédéral par rapport aux entreprises.
Ainsi face aux dérives d’un capitalisme débridé
l’état fédéral intervient beaucoup plus
qu’aux origines. Les politiques keynésienne et l’influence
du New Deal dans l’économie de l’avant guerre
transforment le capitalisme.
La puissance des Etats Unis se constate dans l’interventionnisme
qu’ils font dans monde entier aussi bien dans le domaine politique
qu’économique ou linguistique.
H. L’Autre Europe
1. La constitution de la Russie
L’entité Russe apparaît au moment ou le pouvoir
politique parvient à barrer l’isthme du Nord au Sud
de la péninsule Russe. Cette Russie d’origine Kievienne
existe au IX ème / X ème siècle.
Durant toute cette première période, la Russie n’est
pas en décalage par rapport à l’Europe, elle
le doit à l’éclat et au rayonnement de ses villes.
Au - delà des villes, la seconde caractéristique
de la Russie est l’importance de la religion orthodoxe. Elle
se distingue dans sa conception par rapport à l’occident.
A l’ouest l’église s’installe sur les
décombres de l’empire. Elle joue les rôles de
pouvoirs politiques et son socle du terrain spirituel passe au terrain
temporel. A l’Est au contraire l’orthodoxie n’a
pas besoin de cela. La religion reste confinée au domaine
spirituel. L’empire romain de Bysance survit politiquement.
La religion ne se substitue pas à l’état. Elle
peut donc se confiner dans son rôle de guide spirituel.
A partir du XII ème siècle, les mongols et les tartares
envahissent la Russie. Une Russie différente alors renaît.
Plus orientalisée, plus prospère, les échanges
perdurent pendant trois siècles à l’image de
ce qui s’est passé entre la Gaule et l’empire
Romain. Puis peu à peu la ville de Moscou prend de l’importance
et étend son territoire à l’ensemble de la Russie.
Si la Russie se rapproche de l’Europe à partir du
XIV ème, au XVI ème se prépare la Révolution
qui explosera en 1917. La féodalité s’installe
en Russie au moment ou elle disparaît en Europe.
La révolution Russe surprend l’ensemble de l’Europe,
le Marxisme a évolué. Il apparaît une tentative
d’ouverture après la mort de Staline (1953). Elle permet
aux soviétiques d’être en position de choisir
leur destin pour la première fois de leur histoire.
2. L’industrialisation.
Ce qui transforme le plus la Russie c’est l’industrialisation
à marche forcée voire même tyrannique. Elle
est la conséquence due au sous développement capitalistique
avant la révolution.
Le système politique a -t - il permis d’atteindre
le but économique ? Les spécialistes en discuteront
pendant longtemps, mais cette industrialisation bouleverse les populations
paysannes avec un accroissement de l’éducation, et
des sciences.
Mais malgré des difficultés immenses l’ U.
R. S. S. est en passe de réussir dans des domaines matériels.
Au moment ou elle peut choisir son destin, elle doit reconnaître
son influence sur la scène internationale et prendre garde
à son influence.
IV. Commentaire de la ‘’Grammaire des civilisations’’.
A. Critique de la ‘’grammaire’’.
La grammaire des civilisations reprend pour la plus grande partie
la conception de son auteur sur l’histoire. Mais une critique
que nous pourrions peut être tenter d’effectuer à
son encontre est la suivante. Il considère l’U. R.S.S.
comme une civilisation. Peut on le suivre dans cette analyse ?
Avec la chute du mur de Berlin, pouvons nous aujourd’hui
considérer que l’expérience soviétique
entre 1917 et 1989 mérite d’être appelé
civilisation ?
A ce jour cela paraît difficilement admissible, la durée,
les critères de la civilisation définis par Braudel
ne sautent pas aux yeux.
F. Braudel s’est - il trompé ?
Son biographe P. Daix reconnaît à propos de Braudel
et du Marxisme que ‘’s’il s’est trompé,
il s’est trompé moins que les autres’’.
Sans l’excuser, il explique la position de notre auteur par
le formidable courant de pensée favorable à l’expérience
soviétique qui a eu cours en Europe durant les années
60.
D’ailleurs P. Daix lui même, dans ‘’Tout
mon temps’’ revient sur ce phénomène et
analyse lucidement avec une grande honnêteté comment
lui et d’autres intellectuels se sont trompés lourdement
sur l’expérience soviétique.
N. Allieu dans son article précise dans sa note de bas de
page 25 ‘’que même si beaucoup d’historien
s’en sont défendus, on ne peut nier l’influence
diffuse du marxisme qui s’exprime dans le choix de nouveaux
objets d’études’’.
Ce constat de création de civilisation pour l’U. R.
S. S. élaborée par Braudel semble en contradiction
avec ce qu’estime F. Furet : ‘’ L’empire
Soviétique offre ce caractère exceptionnel d’avoir
été une super puissance sans avoir incarné
une civilisation’’.
F. Braudel s’est - il laissé abusé ?
Mais à la lecture du chapitre sur l’autre Europe nous
observons que la puissance de rattrapage de l’industrie soviétique
émerveille Braudel, mais il craint le non respect de l’ensemble
des libertés publiques. Son jugement reste finalement nuancé
quant au choix de ce pays.
Une des caractéristiques de la personnalité de Braudel
d’après son biographe est que notre auteur ne livre
pas ses sentiments quant aux évènements contemporains
qu’il est en train de vivre. Par exemple, ‘’sur
l’ensemble des événements terribles de la seconde
guerre mondiale Braudel ne laisse aucun commentaire : Rien sur la
montée des périls en 36 /39 rien sur la drôle
de guerre, et la suite des événements de la seconde
guerre mondiale.’’
cCeci est donc d’autant plus étrange qu’il a
commenté très rarement des événemente
son caractère ’il place
En quoi cet ouvrage prend - il place dans des études d’organisation
?
L’organisation repose avant tout sur le diagnostic d’une
situation économique, politique, sociale, d’entreprise...
Pour établir un diagnostic juste plusieurs éléments
sont à notre disposition. L’une essentielle, bien que
trop rarement pris en compte, est de comprendre le passé.
L’autre est de définir les termes de l’analyse.
La grammaire répond d’une manière macro à
ces impératifs.
Au - delà de cet aspect pratique l’ouvrage de Braudel
montre la globalité d’une situation. Elle est nécessaire
pour comprendre une organisation.
La grammaire complète d’une certaine manière
l’ouvrage de G. Morgan ‘’ les images de l’organisation
’’ par une nouvelle métaphore l’entreprise
serait comparable à une civilisation. Elle serait donc à
la fois un espace, des sociétés, des économies,
des mentalités collectives. Cette image permet alors d’observer
une organisation dans la durée et sa globalité.
V. ETAT DE LA QUESTION.
Nous orienterons notre discussion à travers deux points.
D’une part, à travers les débats qui agitent
l’enseignement de l’histoire actuellement.
En effet, nous rappelons que la ‘’grammaire’’
est écrite suite à une réforme des programmes
d’histoire. Nous avons vu que cette réforme est abandonnée.
Quarante ans après qu’en est - il ?
D’autre part, nous analyserons l’un des points caractéristiques
de la constitution d’une civilisation : les mentalités
collectives et la place que joue la religion dans notre société.
Le débat autour des civilisations est bien trop vaste pour
synthétiser correctement l’état de l’ensemble
de la question. Nous choisissons volontairement de limiter notre
sujet de discussion à celui des ‘’des mentalités
collectives’’. A travers celles - ci, nous observerons
la place qu’a la religion maintenant dans notre société.
Cette année en effet, un grand nombre d’ouvrages,
de débats, d’articles voient le jour sur le rôle
l’importance de la perte de la religion (essentiellement chrétienne)
parmi la population et quelles en sont les conséquences pour
notre société.
A. L’historiographie actuelle.
Après bien des atermoiements que N. Allieu situe dans les
années 70 / 80, il semble que la conception historique de
Braudel n’est plus remise en cause. Les programmes d’histoire
sont stabilisés au moins quant à leurs philosophies.
Dans un entretien avec Dominique Borne la revue Débat présente
quel devrait -être l’enseignement de l’histoire
au début du troisième millénaire.
Pour Dominique Borne le plus important n’est pas le programme,
mais la manière dont les professeurs enseignent dans les
classes. S’il est facile de décréter le changement
de programmes, il est plus délicat de faire évoluer
les mentalités pour appliquer ces changements. Il faut procéder
par ajustement pour faire évoluer les 40 000 professeurs
d’histoire. Il faut combattre le mythe de la continuité
en histoire. C’est la rhétorique et la manière
de présenter la matière qui donne idée d’une
continuité. De la sixième à la troisième,
il faut donner aux élèves des repères chronologiques
porteur de sens. Il faut pouvoir enseigner avec des repères
connus par les élèves. C’est dans cet esprit
qu’il faut étudier l’histoire de l’occident
plutôt que celle de l’orient. Pour les classes du collège,
il faut faciliter l’imaginaire et ne pas avoir peur d’évoquer
le symbolisme et la mythologie.
Pour les lycées, il faut étudier les moments historiques
orientés autour d’une thématique. Il ne s’agira
pas d’étudier toutes les civilisations antiques mais
bien d’en choisir une. La difficulté est de choisir
ces moments compte tenu de la masse considérable des sujets
potentiels.
Si le combat contre l’histoire événementiel
est gagné depuis longtemps, méfions - nous du déterminisme
historique en évitant au maximum d’enchaîner
causes et conséquences. Il est primordial de rechercher pour
les enseignants un sens aux événements étudiés.
L’enseignement de l’histoire doit avoir aujourd’hui
un sens civique. L’histoire doit cimenter notre communauté
nationale. Ce qui n’est pas le cas d’autres pays en
Europe comme l’Allemagne, ou l’Italie.
Le regard de l’histoire doit s’appuyer sur la confrontation
des éléments documentaires provenant de différentes
sources afin d’exercer une intelligence critique. Dans l’enseignement
de l’histoire il y a une contradiction entre la volonté
de donner une dimension globale de l’histoire et le projet
de donner une dimension civique en étudiant le monde contemporain.
D. Borne continue en affirmant que cette contradiction peut être
résolue si le professeur a conscience qu’enseigner
l’histoire ‘’c’est construire un discours
argumenté qui repose sur des choix’’.
La difficulté de cet enseignement réside dans le
choix des éléments qui donnent sens à une période.
Si l’enseignant a recours à des récits il doit
comprendre, des analyses, une critique et des explications.
Cette conception reprend pour l’essentiel les conceptions
de Braudel lors de l’écriture de la ‘’Grammaire’’.
Le rapport Joutard exprime un courant de pensée équivalent.
Ce rapport est lui même issu d’un colloque tenu à
l’université de Montpellier à la fin des années
80 (1989).
Le rapport ne s’éloigne pas complètement des
idées de Braudel développé au cours de la rédaction
de la ‘’grammaire’’. L’enseignement
doit prendre en compte la longue durée, la notion de diversité
des civilisations. La notre étant à la fois grecque,
latine et judéo-chrétienne. Les enseignants doivent
en tenir compte dans la transmission des connaissances.
Les propositions du rapport Joutard préconisent pour partie
les mêmes considérations que ceux de F. Braudel, la
globalisation et la pluridisciplinarité de l’histoire.
Si l’on regarde le programme d’aujourd’hui en
histoire pour les classes de terminales, l’étude des
civilisations au programme se situe au même niveau que celui
préconisé par Braudel.
L’enseignement centre, pour les jeunes, la réflexion,
l’étude critique des documents. Il fait apparaître
des notions essentielles de culture, d’état, de faits
sociaux et économiques. La pluralité des sciences
sociales est bien présentes dans les programmes d’histoire.
Au - delà de la politique de l’enseignement des historiens
retrouve le sens de la globalisation, mais dans un sens un peu différent
de celui souhaité par Braudel.
‘’L’ objet globalisant’’ : est un
concept défini par Le Goff . Pour pouvoir comprendre une
époque, il faut définir un objet historique sujet
de l’étude, puis analyser tous les autres objets en
relation avec le principal à une époque et dans un
lieu donnée.
Cette brève analyse montre que les idées de Braudel
passent à la postérité. La longue durée,
la pluridisciplinarité, la globalisation sont des éléments
indispensables à l’apprentissage de l’histoire.
B. L’état de la question sur les mentalités
collectives en France.
Braudel définit une civilisation comme étant une
psychologie. Ils déterminent la conscience d’appartenir
à une même unité par la mentalité collective.
La religion pou l’auteur joue ici un rôle majeur.
Un vaste débat agite non seulement les cercles chrétiens
mais aussi des cercles intellectuels sur la place du christianisme
dans notre société.
Notre pays est largement issu de la culture chrétienne.
A un moment ou la perte de la religion est très importante
et ou l’accélération de sa perte de vitesse
l’est encore plus, beaucoup s’interrogent sur les conséquences
pour notre culture de cette situation.
Nous vous proposons de connaître les termes du débat.
Au cours de cette année un grand nombre d’ouvrages
et d’articles posent la place de religion chrétienne
dans notre société.
Le débat est né d’un ‘’coup de
colère de l’église’’ qui se sent
maltraité : Les critiques envers cette institution se manifeste
comme si elle était encore largement majoritaire dans notre
pays alors qu’en fait elle est et depuis les années
60 minoritaires. En octobre 2000 parait l’ouvrage de R. Rémond
‘’Le christianisme en accusation’’. L’auteur
parle d’une culture du mépris à l’encontre
du catholicisme : il explique les causes des critiques envers l’église
et les conséquences pour notre pays de la disparition de
la culture chrétienne.
Cet ouvrage dépasse les ventes des cercles chrétiens
et devient un véritable succès de librairie.
Au même moment surgit l’affaire de la charte européenne.
Fallait - il dans le préambule de la Charte européenne
des droits fondamentaux, maintenir pour l’héritage
de l’Europe le qualificatif de ‘’religieux’’
? Impossible, semble - t - il, en république laïque.
A la demande du gouvernement Français le patrimoine religieux
devient, le 28 Septembre, le patrimoine culturel et moral.
Cette décision est suffisamment grave pour que le Président
des évêques de France demande une audience au Président
de la République pour lui faire part de son étonnement
et de son mécontentement.
Ces deux événements, éditoriale et politique,
à l’automne 2000 sont alors l’occasion pour beaucoup
de s’interroger sur la place actuelle du christianisme.
A. Touraine dans Ouest France s’interroge à propos
de la culture chrétienne : ‘’pourquoi devrions
nous renoncer à la connaissance d’une partie de nous
même? L’hebdomadaire l’Express s’interroge
sur ‘’Les catholiques sont - ils injustement traités
?’’.
A son tour le Point fait sa une sur un sujet similaire.
Dans les milieux catholiques des évêques prennent
la plume pour s’interroger sur ce qui fait ‘’que
l’église catholique en particulier devient une réalité
sinon marginale du moins de plus en plus incongrue’’
.
Lors des journées de la presse chrétienne J. F. Di
Falco, évêque auxiliaire de Paris, exprime son malaise
en expliquant que ‘’nous sommes en train de vivre le
passage de l’anticléricalisme à l’antichristiannisme’’.
L’évêque de Lyon dit sensiblement la même
chose :’’(...) pour faire jouer au catholicisme le rôle
d’un repoussoir, on fait volontiers comme s’il était
majoritaire, tout en traitant d’ailleurs cette possible majorité
comme une minorité, même si c’est la plus importante’’.
Ce sentiment se traduit selon les responsables chrétiens
par des émissions de télévision dont les ‘’guignols
de l’info’’ sont à forte charge anti -
catholique. Mais cette nouvelle manière d’appréhender
le christianisme se traduit également dans les rapports de
l’église avec les représentants de l’état
dans les domaines de la culture ou de l’éducation.
Nous pouvons prendre des exemples de lieux chrétiens - culturels
ou les relations entre Eglise et communes sont pour le moins délicat
(Mont Saint Michel, Cathédrale Saint Bertrand de Comminges...
).
Des difficultés existent au sein du comité d ’éthique
ou ‘’il aurait été mal vu que le représentant
catholique prenne trop de place ’’.
S’il existe un malaise, d’où vient - il ?
D’un retour à un anticléricalisme comme au
temps du petit père Combe ? d’un problème de
communication de l’église ? Sans doute mais pas seulement.
R. Rémond estime que si le christianisme est vilipendé
c’est qu’il se trouve aujourd’hui discrédité.
Non seulement l’église comme institution mais aussi
les fondements de la doctrine. Mais si le christianisme a connu
des crises par son passé rarement nous étions - selon
l’auteur - allé aussi loin dans son effacement du paysage
intellectuel et social. De puis le milieu des années 70 on
assiste à un effondrement du catholicisme. Le sociologue
J. L. Schlegel constate ‘’ en 1977 on avait le sentiment
d’une déchristianisation de la société
qui laissait place à un certain athéisme. Nous pensions
avoir diagnostiqué l’ennemi. Aujourd’hui il y
a une dérégulation du religieux avec une forte relativisation
des grandes confessions.’’
Comment ce discrédit s’est - il construit ?
Pour certains l’église se serait toujours trompée.
Il est un frein à la modernité. L’église
est une survivance du passé avec sa structure hiérarchisée
au contraire de notre démocratie. Le frottement ne peut que
heurter les sensibilités de notre époque.
Au - delà de cette conception structurelle continue le jésuite
P. Valadier s’ajoute une analyse plus conjoncturelle l’arrivée
au pouvoir d’une génération de personnes qui
conteste par principe toute autorité liée à
un ordre moral qui serait aliénant. Cette conception ne peut
être qu’aggravée par le discours moral sur le
domaine privé des individus.
Pour l’église face à ces critiques la tentation
est d’assister à un replis sur soi de la foi. Les chrétiens
s’enfermeraient dans la foi intérieure. Elle ne serait
admissible que dans la sphère privée. Ils ne participeraient
plus au débat et aux engagements traditionnels de l’église
: intellectuel, social, politique... La religion catholique ne serait
alors, plus qu’un ‘’distributeur’’
de prières et de sacrements. Son rôle serait de renvoyer
exclusivement les fidèles à une sphère intérieure.
Mais cette conception est en contradiction avec la conception traditionnelle
de sa place dans la société.
Au - delà des sacrements et des croyances individuelles,
l’église a quelque chose à dire sur l’Homme.
Du fait de sa vision anthropologique sur l’homme, son enseignement
dans beaucoup de domaines peut encore intéresser une société
en quête de sens.
L’église souhaite alors à nouveau interpeller
les intellectuels pour qu’ils investissent le champ des débats
de société.
Sans renier le caractère pastoral de leurs missions on peut
se demander quels sont les F. Mauriac, G. Bernanos du XXI siècle
débutant. En perdant le pouvoir politique définitivement
lors de la séparation de l’église et de l ’état,
le catholicisme Français a eu le sentiment qu’elle
perdait tout. Au contraire des églises Anglo -saxonne elle
a constitué un pouvoir social reconnu. En France cela n’a
pas été possible du fait de l’intransig09/09/2001eance
des deux camps. Ce pouvoir social reconnu pourrait intéresser
la société du fait de la conception humaniste de la
religion chrétienne. Au moment ou la société
est en quête de sens la vision de l’homme par la chrétienté
peut encore intéresser la société.
Mais ce message pourra - il - être compris par une société
qui perd de plus en plus ses repères et sa culture chrétienne
?
R. Rémond s’inquiète de son effacement brutal.
Il remarque qu’en 1965 85 % des enfants fréquentaient
le catéchisme. A ce jour ils sont moins de la moitié.
Le changement le plus radical est la vitesse à laquelle la
déchristianisation s’est opérée.
En échos à cette analyse de R. Rémond, le
journal ‘’Le Monde’’ rapporte qu’une
exposition intitulée ‘’les millénaires
de Dieu’’ s’est ouverte cet hiver à Grenoble.
L’objectif de cette exposition consacrée aux trois
religions du Livre est de montrer l’apport des religions sur
la culture est de transmettre le sens et la valeur du message religieux
sans engager de prosélytisme.
Pour l’évêque de Clermont trois générations
non catéchisées suffisent pour interrompre la chaîne
de la transmission.
S’ il existe une disparition de l’identité chrétienne
de notre société, pourrons nous parler encore de civilisation
au sens ou Braudel l’entend ?
Quelles en seront les conséquences sur notre identité
collective ?
Quelles en seront les conséq09/09/2001uences pour notre
civilisation ?
Une civilisation peut - elle se passer de religion ? Au sens éthymologique
de ‘’relier’’ Notre société
devra - t - elle constituer une religion empruntée à
différents éléments à la fois profanes
et sacrés ?
Le constat est posé. Les termes du débat sont connus.
Reste à trouver des réponses. Elles doivent venir
en partie des religions et de ses représentants dans le stricte
respect des institutions de la République.
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ROUX de Emmanuel Dieu est au musée Le Monde 03/02/01 page
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SIMON Hypolitte Vers une France païenne ? Edition canna 2000
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