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Résumé de l’exposé de Paul Rabinow
Le sens du biopouvoir pour une anthropologie des biotechnologies
L’hypothèse de P. Rabinow est qu’après
avoir modernisé le social on est en train de moderniser la
vie. Dans French Modern, P. Rabinow avait étudié comment
la société était produite par des discours
et des pratiques dans la modernité. Dans French DNA et d’autres
travaux il étudie comment la vie fait l’objet de pratiques
et de discours modernes.
L’anthropologie de P. Rabinow est une « anthropologie
du passé récent et du proche avenir » ; il s’agit
de rendre exotique la modernité en montrant les lieux où
se produit de la nouveauté, où la modernité
se transforme. Les biotechnologies sont un de ces lieux.
L’hypothèse du biopouvoir chez Foucault est qu’on
assiste dans la modernité à l’apparition d’une
nouvelle forme de pouvoir dont le but est de « faire vivre
et laisser mourir ». On a beaucoup étudié le
« faire vivre », et les biotechnologies appartiennent
à un tel domaine. Mais on a peu étudié le «
laisser mourir » ; or les politiques de santé dans
les pays d’Afrique notamment montrent des cas tragiques de
« laisser mourir ».
Il s’agit d’étudier le biopouvoir à travers
des problématisations, c’est-à-dire des pratiques
et des discours qui font entrer en tension la vie et le pouvoir.
C’est à travers l’étude des problématisations
que l’on peut constituer ce que Foucault appelait une substance
éthique, c’est-à-dire des marges d’indéterminations
dans le présent. Il faut pour cela partir d’événements,
car un événement est ce qui ne peut pas être
prévu.
Résumé de l’exposé de F. Worms
Les deux sens du pouvoir et de la vie
L’hypothèse de F. Worms est que la relation entre vie
et pouvoir est constitutive du moment 2000 en philosophie. Pour
étudier une telle relation, il procède en trois moments
: (1) un parcours de l’œuvre de Foucault à travers
cette relation, (2) une comparaison entre biopouvoir et relations
de pouvoir, (3) une réflexion sur les limites du biopouvoir.
On peut décrire le parcours philosophique de Foucault comme
une réflexion sur la relation de soi à l’autre,
avec un détour par l’extériorité. Dans
les premiers travaux de Foucault, ce qui se présente comme
une exclusion, celle du fou, est aussi une relation à soi,
à travers le moment du Cogito (comme l’a vu Derrida).
C’est ce qui éclaire l’intérêt de
Foucault pour la psychanalyse existentielle. Foucault étudie
comment se constitue une relation entre une vérité
et un sujet, entre un pouvoir et un sujet, entre la morale et un
sujet. Il y a une relation à un sujet jusque dans ces limites
du discours qu’il a patiemment explorées. On peut dire
que Les mots et les choses et l’Archéologie du savoir
donnent le modèle d’une telle extériorisation.
Il ne s’agit pas dans les derniers travaux de Foucault d’un
retour au sujet : il y a une ruse dans l’usage du terme de
sujet dans L’herméneutique du sujet. Il s’agit
plutôt d’un passage de la question de la différence
à la question de la relation.
La relation de pouvoir est au cœur de La volonté de
savoir. La thèse de Foucault est d’abord que les relations
de pouvoir sont d’abord un instrument au service du savoir,
puis elles prennent une consistance propre. Comment passe-t-on de
l’institution de la souveraineté au réseau des
activités de pouvoir sur la vie ? Foucault procède
à un dépassement du modèle de la discipline
par un double mouvement : par le haut (avec le concept de population)
et par le bas (avec l’étude de l’individualisation).
La vie est à la fois ce que l’homme peut manipuler
dans le vivant, mais c’est aussi un ensemble de relations
entre des vivants. Le pouvoir n’est plus une instance centralisée
mais il se distribue en relations de pouvoir. Il y a du pouvoir
partout où il y a relation inégale entre des forces.
Mais la relation de pouvoir ne se réduit pas au rapport de
forces. Le pouvoir n’est pas seulement l’exercice d’une
force sur une force mais aussi et d’abord l’exercice
d’une action sur une autre action. C’est pourquoi le
pouvoir ne s’exerce pas sans résistance. Si l’on
dit qu’il y a du pouvoir partout, alors il faut dire qu’il
y a de la liberté partout. C’est pourquoi la vie ne
peut pas être caractérisée comme vie nue : c’est
une vie qui existe toujours historiquement comme résistance.
Ainsi le racisme n’est pas le retour à un minimum biologique
mais un ensemble de constructions biologiques historiquement situées.
Toute relation de pouvoir est qualifiée : ce sont des relations
entre le sensé et l’insensé, le geôlier
et le prisonnier…
Il y a alors un risque chez Foucault : c’est que les relations
de pouvoir sont distribuées sans limites. On peut affirmer
contre Foucault qu’il y a deux limites au pouvoir : a) par
le bas, dans l’esclavage comme pure contrainte ou rapport
de forces qui objective l’humain au lieu de l’assujettir
(Foucault reconnaît lui-même cette limite puisqu’il
invoque le droit à la vie, c’est-à-dire le droit
de résister à la force), b) par le haut, on peut penser
une liberté qui est plus qu’une résistance,
dans les créations des grandes vies singulières.
La question sur laquelle conclut F. Worms est celle-ci : peut-on
faire pour le savoir une analyse semblable à celle que Foucault
a faite sur le pouvoir et la morale ?
Origine :
http://www.univ-lille3.fr/set/col/Rabinow.html
http://www.univ-lille3.fr/set/col/Worms.html
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