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Origine : http://www.libertysecurity.org/article260.html
Une célèbre chanson de Saint-Domingue s’intitule
visa pour un rêve, maintenant elle s’appellerait rêve
de visa.
Schengen et la politique des visas
Le terme Schengen est maintenant habituel au grand public. Le nom
de cette petite ville vinicole au carrefour entre la France, l’Allemagne
et le Luxembourg est devenu le symbole des accords policiers entre
la plupart des pays de l’Union. Signé en 1985, le premier
accord de Schengen a réuni la France, l’Allemagne et
les pays du Benelux autour d’une discussion sur les conditions
de mise en place de la libre circulation des personnes et la collaboration
policière nécessaire pour réduire un éventuel
déficit de sécurité. Schengen a été
décrit comme le « laboratoire » de l’Union.
On y a vu une architecture de sécurité intérieure,
une coopération renforcée avant la lettre entre les
plus pro-européens, un outil de lutte contre la criminalité
transfrontière, un moyen d’harmoniser les politiques
contre l’immigration illégale et un moyen de coordonner
les informations sur les étrangers en situation irrégulière.
Les études qui ont été réalisées
jusqu’à présent sur le système complexe
de Schengen ont mis l’accent avant tout sur les enjeux juridiques
posés par la discrétion du premier accord de Schengen
en 1985, la signature de la Convention d’application de Schengen
en 1990, sa mise en application effective en 1995 ainsi que son
intégration au sein du traité d’Amsterdam de
1999 et l’apparition de la notion « d’acquis Schengen
» [1].
Ces études ont insisté sur la confidentialité
du processus de négociation et sa faible transparence ; sur
l’efficacité toute relative du Système d’Information
Schengen (SIS) au regard de son intention déclarée,
la lutte contre la criminalité transfrontière, et
sur les ambiguïtés de l’instrument gérant
uniquement le court séjour (moins de trois mois) au regard
d’une politique cohérente et harmonisée de l’immigration
illégale. Elles ont aussi mis en avant le nouveau rapport
instauré entre libre circulation des personnes et le contrôle
des frontières, certains s’inquiétant de l’inefficacité
du SIS et du relâchement des contrôles aux frontières
intérieures alors que d’autres mettaient l’accent
sur la constitution d’une Europe forteresse [2].
Il en a résulté une focalisation sur le thème
des contrôles aux frontières et sur celui des libertés
publiques. Et ces thèmes sont importants. Néanmoins,
sur plusieurs points cruciaux, les études manquent.
Ainsi, il n’existe aucune étude exhaustive sur les
résultats de la mise en pratique du Système d’Information
Schengen depuis 1995, à part sans doute l’étude
« The SIS, a Human Rights Audit » [3] dont la valeur
tient à l’absence de données officielles cohérentes
depuis l’intégration de Schengen dans le traité
d’Amsterdam.
Il n’existe pas non plus d’analyse détaillée
des pratiques consulaires concernant la délivrance des visas
dans l’espace Schengen. Il n’existe même pas de
réflexion juridique construite sur les Instructions Consulaires
Communes et les possibilités d’application de ces dernières.
Dès lors Schengen est perçu comme un instrument interne
de l’Union et on ne comprend pas le rôle majeur qu’il
joue dans la politique extérieure, en particulier en matière
de visa.
On a certes des documents administratifs vantant la facilité
du visa, son uniformité qui faciliterait les voyages des
étrangers dans l’Union mais jusqu’à maintenant
aucune étude à notre connaissance n’a cherché
à comprendre comment le visa uniforme de Schengen fonctionnait
et quelles étaient ses implications [4]. Or, si l’on
se penche sur ce point particulier du visa Schengen, il semble que
son rôle est crucial dans le fait que le visa ne facilite
pas simplement la venue des étrangers dans l’Union,
il est aussi et surtout un moyen de les tenir à distance
et de mettre à l’écart les « indésirables
», comme nous le verrons, en les empêchant de voyager.
A ce titre, le visa Schengen entre dans les instruments privilégiés
par les stratégies que nous avons appelées «
faire la police à distance » ou « ban-optique
» ; stratégies qui visent à contrôler
les étrangers en amont, à l’écart des
regards portés sur les frontières et qui sont bien
plus significatives que les discussions sur le contrôle à
la frontière car elles sont bien plus effectives [5].
En étudiant le visa tant dans son aspect technique de vignette
apposée sur un document de voyage, le plus souvent un passeport,
que dans son aspect politique concernant l’autorisation donnée
ou non à des ressortissants étrangers de voyager jusqu’aux
frontières de l’espace des parties contractantes à
l’accord, nous voulons faire apparaître les politiques
et les pratiques qui passent inaperçues parce que l’on
ne voit d’elles que des aspects techniques, marginaux et complexes
à la fois. La démarche choisie dans cette étude
est d’essayer autant que possible de se garder de se focaliser
sur le débat concernant l’efficacité du contrôle
des frontières aux frontières elles-mêmes et
de mettre l’accent, au contraire, sur la « police à
distance ». C’est-à-dire, la police en amont
effectuée via la décision cruciale d’imposer
ou non à certains pays le fait que leurs ressortissants doivent
être munis de visas, et ensuite, dans ces pays, la gestion
pratique des étrangers à qui on refuse ou l’on
accepte le visa pour la venue sur le territoire Schengen - différent,
rappelons-le, du territoire de l’Union [6].
Les contrôles aux frontières
Cela ne signifie pas que le contrôle des frontières
physiques n’ait pas son importance juridique. En effet, un
refus d’entrée sur le territoire reste possible, même
si la personne est dotée d’un visa en bonne et due
forme, dans la mesure où le visa ne délivre pas un
droit d’entrée sur le territoire mais qu’il en
est simplement une condition nécessaire. Néanmoins,
dans l’immense majorité des cas, étant donné
l’intensité des flux aux frontières, un visa
valide sur un document lui-même valide, permet de facto l’entrée
sur le territoire. Ce qui est recherché à la frontière
physique c’est la validité des documents. Il ne s’agit
guère de faire un nouveau tri entre ceux qui peuvent entrer
et ceux qui ne le peuvent pas [7]. Les contrôles aux frontières
conservent donc toute leur pertinence pour les individus appartenant
aux pays n’ayant pas besoin de visa, car il s’agit pour
eux du principal, voire de l’unique contrôle. Mais ils
jouent un rôle de simple vérification pour les pays
soumis à la liste noire dans la mesure où les individus
auront été soumis à l’examen du consulat
puis à celui des compagnies de transport, en particulier
s’ils viennent par avion [8].
Il existe aussi, selon que les contrôles aux frontières
sont terrestres, maritimes ou aériens, des variations importantes
dans les conditions de gestion de ces contrôles. Aux aéroports,
se pose le problème de l’efficacité du «
filtre de la zone » et du surpeuplement de cette zone conduisant
à des conditions humanitaires discutables. Dans les ports,
des pratiques arbitraires se sont développées en marge
des zones d’attente, et souvent dans la confusion la plus
totale entre zone d’attente et centre de rétention
[9]. Des « camps » comme celui de Sangatte se sont constitués
plus ou moins spontanément aux frontières extérieures
de Schengen ou dans les lieux de départ comme au Maroc près
de Ceuta et Melilla [10]. Inversement aux frontières terrestres,
le côté aléatoire des contrôles (qui n’existent
par ailleurs que dans les points de passages autorisés),
remet en cause simultanément, et l’image d’une
efficacité de la protection des frontières que les
gouvernements continuent d’affirmer, et l’image d’un
mur construit autour de l’Europe, d’une forteresse empêchant
tout un chacun de passer. Loin de ces politiques symboliques et
des conflits qu’elles engendrent, il faut concevoir la réalité
de groupes - clandestins ou non - qui peuvent passer s’ils
le désirent véritablement, mais qui ne sont pas nombreux
en réalité à le désirer et à
vouloir s’installer dans les pays de l’Union [11].
Comme va le montrer notre étude, c’est donc en amont,
au moment de l’attribution du visa que se joue l’essentiel
des procédures de contrôle qui sont un tant soit peu
efficaces, dans la mesure où elles bloquent l’individu
avant même son départ pour les territoires de l’Union.
Un visa permet en effet théoriquement à une entité
souveraine d’exercer un contrôle sur les entrants venant
d’un pays avant qu’ils n’arrivent à la
frontière, et c’est là son « avantage
». Mais c’est aussi là que la légitimité
des contrôles est sujette à caution car se projettent
des fantasmes et des peurs ruinant l’idée du droit
de tous à la libre circulation. C’est là où,
en toute logique, on confronte les règles d’attribution
et le cas individuel pour savoir si l’individu peut voyager
légalement jusqu’aux frontières de l’espace
Schengen. Mais cette délocalisation des lieux de contrôle
est problématique. Dans la plupart des cas, les refus de
visa ne sont pas motivés [12]. Et les propositions récentes
de créer dans les pays limitrophes de l’Union Européenne
des camps pour demandeurs d’asile ressemblent à s’y
méprendre à une stratégie de les délocaliser
hors des frontières du respect du droit et à une politique
visant à masquer les formes d’arbitraire que les camps
engendrent [13]. Plus le pays est éloigné physiquement
des frontières territoriales de l’Union, plus cela
risque d’avoir un impact sur la décision de l’individu
de partir ou non. Il pourra bien sûr toujours essayer d’atteindre
par avion un pays limitrophe des frontières de l’Union
et ensuite essayer de passer illégalement la frontière
terrestre mais le coût d’une telle décision est
élevé en termes financier et en termes de risque.
Il ne s’adressera qu’à des personnes dont les
motivations sont extrêmement fortes. Par ailleurs, cela explique
la stratégie des membres de l’Union à l’égard
des pays candidats leur demandant comme préalable d’harmoniser
leur liste de pays ou nationalités soumis à visa avec
la liste des pays Schengen [14].
La responsabilité des contrôles
Si ce point est rarement mis en avant, ou même volontairement
sous-évalué, c’est qu’il déplace
la responsabilité des contrôles. Ce sont les autorités
consulaires et les ministères des Affaires étrangères
qui deviennent les acteurs clés alors que les polices et
les ministères de l’Intérieur ou les offices
d’immigration n’en sont plus que des acteurs «
secondaires ». Et ce n’est pas par hasard que le ministère
de l’Intérieur français a développé,
via le SCTIP [15], la mise en place d’attachés de sécurité
dans toutes les ambassades dites sensibles. Ces attachés
de sécurité ont un rôle clé qui se substitue
plus ou moins à celui de la police aux frontières
ainsi qu’à la gendarmerie et aux douanes qui contrôlent
les frontières, en particulier lorsqu’il s’agit
des frontières aéroportuaires. Les agents aux frontières
ont beau insister sur leurs prérogatives et leur pouvoir
discrétionnaire à la frontière, en termes de
gestion des flux, leur contrôle d’opportunité
ne porte que sur des cas limités. Ils interviennent «
en deuxième rideau », à la recherche des illégalités
manifestes. Ils ne s’occupent pas des motivations.
Les ministères des Affaires étrangères et
leurs postes consulaires ont bien compris leur rôle clé,
et ce d’autant qu’ils délivrent des visas dépassant
les frontières nationales de leur pays, mais ils sont peu
enclins à le mettre en avant publiquement. Ils sont sur place,
ont à gérer les relations diplomatiques avec les gouvernements
et ne veulent guère que chaque octroi ou refus de visa devienne
un enjeu politico-diplomatique. Un octroi large à des opposants
qui cherchent refuge ailleurs est un signe politique, la situation
inverse l’est également [16]. Un octroi ou un refus
à l’égard de catégories spécifiques
- minorités, genre, âge, provenance géographique
particulière - signifie aussi beaucoup en termes de relations
entre les Etats, même s’il s’applique à
des individus en particulier.
Politique des visas et questionnement
Quelles sont alors les conditions d’octroi des visas ? Répondent-elles
à des logiques diplomatiques d’Etat à Etat ou
à une relation entre des règles de droit et un individu
étranger particulier ? A qui refuse-t-on la délivrance
du visa ? Pourquoi et comment ? Ces questions a prioripratiques,
sont en fait éminemment politiques comme l’étude
et les articles suivants vont le montrer. Elles engagent une réflexion
qui doit ré-évaluer in fine ce qu’il reste de
la souveraineté de l’Etat et de la notion de frontière
lorsque le contrôle de la liberté de circulation des
individus ne se fait plus uniquement par des papiers délivrés
par un seul Etat et valides au sein des accords qu’il a seul
signé, mais au sein d’une relation engageant un groupe
de pays. Elles posent, de manière plus épistémologique,
la question concrète des relations plus générales
entre frontières et identités, entre la délimitation
de ces identités par la figure de l’ami et de l’étranger
[17].
L’imposition d’une vignette visa sur des passeports
nationaux différents ou sur d’autres documents d’identité,
dont la liste est très complexe, modifie la prétention
au monopole légitime des déplacements hors du territoire
national que les Etats avaient élaborés avec les règles
concernant les passeports. La schengenisation des régimes
de visas de court séjour a profondément changé
les pratiques de gouvernement et a un impact sur les relations internationales
en donnant une visibilité forte à l’Union Européenne
en tant qu’entité organisée et « quasi-Etat
» quand celle-ci arrive à occulter la différence
territoriale entre son espace et l’espace Schengen. Nous ne
ferons pas ici l’analyse de la genèse des documents
d’identification et des ruptures créées par
le système des visas, mais on pourrait imaginer de prolonger
cette recherche dans ces termes en s’appuyant sur les travaux
de Gérard Noiriel et de John Torpey. Le visa mérite
une généalogie comme celles qui ont été
faites sur les cartes d’identité ou les passeports.
C’est plus la situation actuelle en matière de visa
de court séjour, aussi bien sur le plan juridique que sur
le plan pratique qui va nous intéresser ici. La notion même
de visa en droit européen n’est pas simple. L’article
62 du TCE cherche à la définir mais entre les visas
désignés à l’article 62, ceux pour long
séjour, ceux de court séjour (schengen ou britanniques),
ceux de transit, il existe une grande flexibilité [18]. La
notion de visa uniforme Schengen n’est qu’une petite
partie de la question globale des visas permettant d’entrer
dans l’Union Européenne mais, on va le voir, sa complexité
est déjà importante. Pour la saisir nous avons dressé
une liste de questions que nous avons posées assez systématiquement
à nos divers interlocuteurs administratifs.
Quelle différence entre un visa Schengen et un autre visa
? Pour qui et pourquoi un visa pour certains ressortissants et pas
pour d’autres ? Quelle relation entre visa et libre circulation
des personnes ? Quels sont les pays dont les ressortissants sont
soumis à visa et pourquoi ceux-là ? Comment s’institue
une liste noire et comment se justifient les changements d’une
liste à l’autre ? Au sein des pays dont les ressortissants
sont soumis à visa, comment traite-t-on les individus ? Comment
s’instaure une liste de bona fide ? Que se passe-t-il lorsque
l’on demande un visa pour la première fois ? Met-on
en place des critères systématiques ou y a-t-il place
pour une large part d’appréciation des agents consulaires
dans la délivrance des visas de court séjour ? Développe-t-on
ou non des profils de risque pour ces délivrances de visas
? Le fait-on via un réseau consulaire regroupant les pays
membres de l’Union sur place ? Ce réseau est-il informel,
fait d’appels téléphoniques ou prend-il la forme
de listes, imprimées ou sous forme informatique, de personnes
à qui il serait utile de délivrer ou de ne pas délivrer
le visa ? Quelles sont la légalité et la légitimité
de ces pratiques ?
Nous verrons au cours de l’étude que la part d’appréciation
des agents consulaires - en apparence très forte à
l’égard du demandeur - est en pratique limitée
par l’obligation qu’il a de contacter de nombreuses
autres personnes dans le consulat (attachés de sécurité
dans le cas français) et surtout les autorités centrales
nationales de son pays, voire celles d’autres pays que le
sien (Cf. annexe 5b de l’instruction consulaire commune).
Nous verrons aussi que, sans que l’on puisse parler de profils
établis sur des bases systématiques, la coopération
consulaire locale, dans l’échange de messages au fil
de l’eau, a tendance à fabriquer des critères
ad hoc entre ceux qui méritent le visa et ceux qui ne le
méritent pas. On peut dès lors s’interroger
sur la validité de ces échanges d’information
et sur les procédures de contrôle qui pourraient être
mises en place pour vérifier l’état des informations
qui circulent. On peut aussi se demander si le silence sur ce point
ne relève pas du rôle que serait dans ce cas amenée
à jouer la Commission européenne.
On peut aussi anticiper à travers les règles de secret
qui entourent l’Annexe 5 b de l’instruction Consulaire
Commune - dont le contenu définit d’une certaine manière
l’ennemi individualisé en termes ethniques et nationaux
de chaque gouvernement -, les évolutions de la police proactive
après le 11 septembre et la croyance dans les technologies
biométriques, avec la tentation extrême d’utiliser
ces outils pour les politiques d’immigration et d’asile
en les justifiant, via la lutte antiterroriste.
Une deuxième série de questions davantage tournées
vers l’individu nécessite aussi des explications afin
de comprendre à qui l’on fait confiance et de qui l’on
se méfie. Nous avons ici fait des entretiens avec des personnes
ayant ou non obtenu les visas afin de comprendre leur point de vue
et pourquoi elles se sentaient victimes d’injustice.
Convoque-t-on ou non les personnes pour leurs demandes de visas,
combien d’entretiens et de documents sont-ils demandés
? Peut-on parler d’un visa Schengen « uniforme »
? Quels sont les prix des visas et existe-t-il des différences
de prix sur le visa Schengen selon les consulats ? Le refus de visa
est-il formel ou voit-on des mesures dilatoires apparaître,
acceptation mais à des dates différentes de la demande,
conseil de ne pas déposer la demande car elle sera refusée
et inscrite comme telle, ce qui compromettrait les prochaines demandes,
difficulté voire impossibilité de déposer la
demande étant donné les heures d’ouverture...
?
Nous verrons que les pratiques d’un consulat à l’autre
varient grandement. Il en résulte un sentiment d’injustice
et d’arbitraire chez ceux à qui l’on a refusé
le visa et ils évoquent tous le terme de loterie. L’étude
du cas bulgare réalisée par Elena Jileva que nous
publions in extenso le montre de manière particulièrement
claire. Les demandes de documents et les procédures de contrôle
changent d’un consulat à l’autre. Certains demandent
de nombreux documents et ont une conception extensive du contrôle
et de la notion de faux document, d’autres demandent peu de
documents et les vérifient rapidement. Le même visa
- Schengen - peut être obtenu dans des conditions très
différentes, et ce au sein du même pays d’origine.
Mais ce visa, contrairement à l’idée répandue
est loin de permettre au demandeur d’arriver où il
le désire et de voyager librement sur tout le territoire
de l’espace Schengen. Il ne peut arriver la plupart du temps
que dans son pays de destination principale et il sera souvent sujet
à contrôle lors du franchissement des frontières
intérieures s’il se déplace par avion ou en
groupe. Parler de visa uniforme est plus un voeu qu’une réalité
pratique. En revanche, symboliquement, cela renforce la présence
de l’Union Européenne comme entité ayant des
frontières en propre et cela relativise la force symbolique
des frontières des Etats. Ceci est possible par la combinaison
entre passeport nationaux et vignette visa uniforme. En pratique,
le visa est encore dans les mains des consulats, et sans réel
pouvoir d’imposition de la Commission, les attributions individuelles
varient donc en fonction des politiques des Etats. Mais en revanche
l’imposition de deux listes depuis l’article 62 1°
du traité d’Amsterdam - une blancheet une noire, avec
l’impossibilité de liste grise - contraint fortement
les jeux politiques nationaux. Elle favorise la Commission et reporte
le poids des décisions sur le Conseil comme instance commune,
plutôt que sur les Etats à titre individuel.
Au point de départ de cette recherche, de nombreuxinterlocuteurs
habituels, avec qui des relations de confiance s’étaient
établies, avaient refusé de se prononcer. Ils s’estimaient
souvent incompétents face à la précision du
sujet ou hésitaient à donner leur point de vue quand
ils anticipaient les conséquences en termes de légitimité
et saisissaient les enjeux politiques de la question. Nous disposons
maintenant d’informations relativement complètes de
sources assez diverses : agents consulaires locaux, quelques responsables
dans les ambassades, fonctionnaires du Conseil et de la Commission
à Bruxelles, membres d’ONG, gestionnaires des réseaux
nationaux, responsables ministériels ou policiers. Néanmoins,
ces informations ne peuvent évidemment pas être un
reflet statistique cohérent des pratiques des différents
consulats.
Intérêt et limites de l’étude
Outre l’intérêt théorique de la recherche
et la nécessité de pallier à un grave déficit
de connaissance sur les enjeux de cette question des visas dans
le monde universitaire et politique, cette étude prend tout
son sens quand on voit que nombre de praticiens sont eux-mêmes
incapables d’expliquer en détail la situation complète
et que leur savoir est très fragmenté, voire parfois
erroné, une fois vérification des textes faite. La
connaissance des questions semble n’être le fait que
de quelques rares spécialistes au sein des ministères
des Affaires étrangères et d’une ou deux personnes
au sein de la Commission. A part chez ces derniers, la question
du visa Schengen ne donne guère lieu à débat.
Elle est perçue comme un point technique et tout à
fait annexe. Elle est noyée au sein des questions sur l’immigration
illégale ou le contrôle des frontières. Les
parlementaires, les ONG, les agents consulaires locaux, loin de
donner des informations, sont en fait demandeurs d’informations
sur ces questions et reconnaissent leur retard à percevoir
dans le visa Schengen une stratégie d’ensemble qui
délocalise les pratiques de contrôle [19].
Les réponses dont nous disposons à la suite de cette
enquête terminée en juillet 2001 sont incomplètes
et partielles. Une étude de plus grande envergure avec des
entretiens dans divers postes consulaires serait seule à
même de comprendre ce qui est en jeu dans cette gestion à
distance. Nous n’avons pu valider nos hypothèses qu’à
travers le cas de la Bulgarie et de l’Inde avec quelques éclairages
en Côte d’ivoire, en Macédoine, en Algérie,
au Maroc, en Ukraine alors qu’une étude sur les pays
d’Afrique Noire, sur le Proche-Orient avec l’Irak, la
Syrie, l’Iran, sur l’Amérique Latine avec la
Colombie et l’Equateur, sur l’Asie avec Hong Kong, Singapour,
Macao ainsi que sur les pays comme l’Ukraine et la Russie
permettrait de jeter un regard plus significatif sur les pratiques
de coopération - et de concurrence - entre les Etats et sur
l’efficacité ou non de ces contrôles via les
visas. Empêche-t-on ou non les personnes qui présentent
un risque de partir de leur pays ou se prive-t-on d’opportunités
avec éventuellement la création d’une image
négative de l’Union et d’atteintes aux droits
de circuler des individus ? Quelle identité l’Union
se forge-t-elle dans ses relations avec les autres pays à
travers les octrois ou refus de visa touchant les individus dans
leur quotidien ? Quelle est l’importance pour demain des frustrations
et incompréhensions que nous générons aujourd’hui
avec une gestion restrictive des visas ? Quelles seront les conséquences
des désillusions concrètes concernant les voyages
personnels annulés ou retardés ou donnés de
mauvaise grâce sur les sentiments à l’égard
des touristes de l’Union dans ces pays et à l’égard
des politiques gouvernementales des pays membres de l’Union
?
Plan de l’étude et du numéro
Dans ce numéro en deux volumes de Cultures & Conflits
nous avons réuni les chercheurs ayant mené la recherche
pour l’IHESI et des témoignages recueillis depuis.
La recherche a été l’oeuvre de quatre personnes
qui ont travaillé étroitement ensemble durant un an.
Didier Bigo, Elspeth Guild, Elena Jileva et Claire Saas. Nous l’avons
découpé ici en trois articles : un premier d’une
centaine de pages qui réunit les travaux de Didier Bigo et
Elspeth Guild puis l’étude de cas sur la Bulgarie menée
par Elena Jileva (second volume) et l’étude sur les
recours juridictionnels en France menée par Claire Saas (second
volume).
Dans notre article commun avec Elspeth Guild, ici présenté,
nous mettons l’accent dans une première partie sur
la notion de « police à distance » afin d’encadrer
théoriquement la question des visas, et du visa Schengen.
Dans une deuxième partie, nous nous interrogerons sur le
contexte dans lequel est née l’idée d’imposer
un visa uniforme et quelles furent les raisons invoquées
par les divers partenaires Schengen. Nous analyserons comment le
désaccord sur la gestion des frontières internes et
externes de l’Union a conduit à la mise en place d’une
politique des visas comme moyen de surmonter les contradictions
et les résultats limités de cette politique. La dimension
juridique du visa Schengen nécessite ici une étude
approfondie afin de préciser les enjeux qui se posent dans
chaque cas, et en quoi les pratiques s’accordent ou non avec
ces règles. Il s’agira de faire le bilan historique
et juridique du visa Schengen et de voir quel est l’impact
de l’insertion de Schengen dans le traité CE afin de
remettre en cause les mythes de l’histoire officielle du laboratoire
Schengen et faire surgir les luttes, les compétitions et
les alliances entre les divers acteurs sous le consensus de façade.
En ce qui concerne la circulation des personnes, on peut considérer
que le système Schengen est fondé sur trois principes
qui se réalisent grâce au déploiement de différents
instruments : le premier tient à ce qu’aucun ressortissant
d’un Etat tiers ne peut obtenir l’accès au territoire
des Etats Schengen (avec ou sans visa de court séjour) s’il
est susceptible de constituer un risque à la sécurité
de l’un des Etats membres. Le second c’est qu’il
existe de la part des Etats une présupposition de légalité
concernant un visa de court séjour délivré
par l’un des autres Etats participants. Le troisième
c’est qu’une fois sur le territoire commun, l’individu
est autorisé (mais cela peut aussi être sujet à
exceptions pour des raisons de sécurité) à
se déplacer sur tout le territoire pendant une période
de trois mois sans aucun contrôle supplémentaire aux
frontières intérieures des Etats participants. Nous
analyserons le fonctionnement et la cohérence juridique de
ces principes et comment les luttes des acteurs se structurent autour
d’eux.
Dans la troisième partie nous verrons l’impact de
« l’unionisation » de l’acquis Schengen
et de son volet visa avec le rôle de la Commission. Il semble
que la rhétorique spécifique de l’Union Européenne
mette l’accent sur la nécessité absolue de la
confiance entre les administrations des pays membres et sur leur
solidarité. Mais le visa Schengen n’est pas un visa
unique et le terme uniforme est ambigu. C’est le terme de
dispositif combinant des hétérogénéités
qui serait le plus pertinent.
Dans la quatrième partie, on analysera la politique commune
des visas résultant des discussions intergouvernementales
entre Etats Schengen et la détermination des critères
classant les différents Etats tiers dans la liste noire ou
dans la liste blanche. On réfléchira à la manière
dont l’instrument du visa sert à définir les
étrangers indésirables, et les ennemis non déclarés
et à quel point la technique complexe masque les enjeux cruciaux
d’un débat politique sur le rapport ami-ennemi. Dans
l’étude de l’instruction consulaire commune,
nous distinguerons donc d’une part les jeux politico-diplomatiques
entre les pays de l’Union et la manière dont le Conseil
répartit les pays du monde en deux catégories et seulement
deux. Ceux dont il faut se méfier, c’est-à-dire
ceux soumis à visa et les autres, ceux que l’on tolère.
Nous verrons aussi comment la Commission joue ici un rôle
actif, en particulier à l’égard des candidats
à l’entrée dans l’Union. La Commission
veut en effet éviter que les candidats à l’entrée
puissent souffrir de la défiance que certains pays ont toujours
à l’égard de tout ou partie de leur population
comme on le voit avec la Bulgarie et surtout la Roumanie. D’autre
part nous regarderons lesprocédures d’octroi ou de
refus de visa à l’égard des individus qui veulent
circuler dans l’Union, bien qu’ils fassent partie d’un
pays soumis à l’obligation de visa. Les logiques interétatiques
priment-elles sur l’examen des cas individuels ou non ? Comment
établit-on ce que l’instruction appelle crûment
un risque migratoire, sans créer de facto une discrimination
entre le droit des riches de circuler et l’impossibilité
des pauvres de le faire, même s’ils ont économisé
pour voyager au moins une fois ? Est-ce que ceci n’illustre
pas la thèse de Zygmunt Bauman sur « le coût
humain de la mondialisation » où il fait de cette distinction
sur le droit de circuler la nouvelle ligne de fracture centrale
entre riches et pauvres ? [20]
Dans la cinquième partie, nous regarderons l’impact
des pratiques de la coopération consulaire sur l’individu
en regardant comment cet individu est confronté au système
d’attribution des visas lorsqu’il veut quitter son pays.
Nous suivrons les démarches qu’il doit faire pour obtenir
un visa, le cheminement de la décision au sein du consulat,
puis entre ce dernier et les autorités centrales nationales
(ou étrangères) et nous regarderons plus brièvement
ce qu’il lui advient dans le moment où il a obtenu
son visa mais n’est pas encore entré sur le territoire.
On se demandera si l’on ne fait pas fausse route en exigeant
de tous les Etats une solidarité sans faille dans la surveillance
des « indésirables » alors même que chacun
a des critères différents sur qui ils sont. La «
police à distance » via le système des visas
tend à homogénéiser les critères de
confiance et de suspicion à l’égard des étrangers,
alors que les Etats s’y refusent. Il en découle une
certaine hypocrisie concernant la confiance que l’on accorde
aux autres administrations pour la surveillance de « ses »
indésirables. La solution ne semble guère pouvoir
être celle d’une bourse d’échange des peurs
où chacun surveillerait ses indésirables et ceux des
autres. La liste ne cessera d’augmenter et les tensions de
se multiplier. Une gestion commune des visas reposant sur la défiance
à l’égard de tout individu voulant se rendre
dans l’Union sans en avoir toujours les moyens financiers
est-elle tenable ? Peut-on, à partir d’une telle politique,
réussir non seulement une unification progressive des règles
mais de plus construire les bases de l’élargissement
de l’Union ? N’est-il pas ambigu de parler de convergence
et d’harmonisation des pratiques de délivrance des
visas, de procédures standardisées d’acceptation
et de refus, de consultation de bases de données diverses
dont le SIS, de contrôles aux frontières intérieures
et extérieures en commun alors que l’essentiel du dispositif
est hétérogène et repose sur la simple mise
en réseau de pratiques nationales fortement différenciées
dont les effets juridiques sont très différents pour
l’individu ? Nous insisterons sur la diversité des
pratiques, sur le fait que le dispositif du visa Schengen fonctionne
en réseau, comme un dispositif reliant l’hétérogène
bien plus que comme un phénomène d’uniformisation
et d’intégration, ce qui pose le problème de
son « intégration » dans le traité de
l’Union et sa compatibilité avec la Convention. Il
y importe en effet une logique différente et contamine le
premier pilier avec la suspicion issue de la schengenisation où
l’on avait procédé, via la notion de sécurité
intérieure à un amalgame peu légitime entre
les questions de crime, de délinquance, de migration et de
franchissement des frontières.
En conclusion de cet article de Didier Bigo et Elspeth Guild, nous
essaierons de dégager les grandes lignes pour des recherches
futures sur ce thème de la police à distance introduit
par la gestion des visas, la technologisation des systèmes
d’identification et nous discuterons des implications de ces
technologies de contrôle liés aux passeports et aux
visas en relation avec les politiques antiterroristes et les libertés
publiques et aux relations que cela implique entre les Etats, et
entre les Etats et les individus.
L’article d’Elena Jileva publié dans le second
volume peut être considéré comme une septième
partie. En effet, à travers l’étude de la Bulgarie
elle analyse ce qui se passe en termes pratiques lorsqu’un
pays passe de la liste noire à la liste blanche. Nous avions
choisi la Bulgarie en anticipant ce changement de statut. Ceci a
effectivement eu lieu malgré les réticences de certains
parlementaires français [21]. Cette étude montre comment
l’individu en Bulgarie est affecté par ce changement,
quels ont été les problèmes, les espoirs avec
le changement de statut et les pratiques concrètes depuis
ce changement. On voit que l’inscription sur la liste blanche
ou noire est tout autant symbole d’une identité partagée
que de préoccupations de sécurité, et qu’il
est important de maintenir cette ligne de conduite en évitant
de construire tous les individus des pays tiers soumis à
visa comme des individus dangereux pour la sécurité
intérieure de l’Union. L’étude menée
par Virginie Guiraudon autour de l’Inde apporte aussi des
éléments importants pour comprendre les enjeux au
quotidien du visa [22]. Il en va de même des divers entretiens
qui montrent le sentiment d’injustice que ressentent ceux
qui se sont vu refuser le visa [23].
Nous verrons enfin en huitième partie de ce numéro
comment les individus dont la demande de visa a été
rejetée peuvent ou non faire appel de ces décisions
dans un pays donné. L’article de Claire Saas [24] sur
la France donne ici un éclairage important pour tous ceux
qui cherchent à introduire plus de justice dans ces phénomènes,
mais il faudrait sur ce point aussi une étude supplémentaire
pour comparer les différentes décisions des cours
dans les autres pays de l’espace Schengen.
Il y va de la légitimité globale du système
que d’admettre qu’à la « délocalisation
» des contrôles et de la surveillance corresponde au
minimum une « délocalisation » identique des
garanties de recours des individus. On ne peut pas déterritorialiser
les uns et les faire en amont du territoire français en n’acceptant
pas la réciproque sur le droit des individus contrôlés.
L’intégralité des textes est consultable sur
le site de Cultures & Conflits
http://www.conflits.org/sommaire.php?id=32
[1] . Voir la bibliographie générale en annexe de
ce numéro. A toutes fins utiles nous signalons que ce numéro
comprend une sélection de documents officiels et des entretiens
publiés dans son second volume et/ou disponibles sur le site
de la revue (http://conflits.org). Pour chaque document publié
nous indiquerons désormais la référence de
ce volume (Cultures & Conflits, n°50, Eté 2003),
ou le cas échéant, la mention au site internet (site
C&C).
[2] . Masson Paul et Villepin (de) Xavier, « Mise en place
et fonctionnement de la convention d’application de l’accord
de Schengen », Rapport d’information, n°167, Paris,
Sénat, 1991, 11 décembre 1991. Voir Masson Paul et
Villepin (de) Xavier, « Mise en place et fonctionnement de
la convention d’application de l’Accord de Schengen
» (2 tomes), Rapport d’information,n°384, Paris,
Sénat, 23 juin 1993 ; Voir sur l’Europe forteresse,
la lettre d’information de Nicolas Busch (« fortress
Europe »), le site de Statewatch (www.statewatch.org), et
l’ouvrage de Bunyan Tony : TREVI, Europol, and The New European
State, Statewatching The New Europe, London, Unison, 1993.
[3] . Colvin Madeleine et Spencer Michael, « The Schengen
Information System. A Human Rights Audit. A Justice Report »,
Justice, 2000. A notre connaissance, les administrations nationales
n’ont à leur disposition que leurs propres données.
Les rapports annuels autrefois distribués par le secrétariat
Schengen ont été supprimés (depuis l’intégration
de l’acquis Schengen au sein de l’Union avec la mise
en oeuvre du traité d’Amsterdam) pour être remplacés
par le rapport de l’Autorité de contrôle sur
la protection des données du SIS. Alors que l’on promettait
une plus grande transparence, ces rapports ne livrent que les données
brutes sans analyse ou simplement une justification des stratégies
qui les inspirent. On perd donc grandement en information depuis
le passage dans le premier pilier.
[4] . Le « visa uniforme » est « l’autorisation
ou la décision, matérialisées par l’apposition
d’une vignette par une partie contractante sur un passeport,
un titre de voyage ou un autre document valable permettant le franchissement
des frontières. Il permet à l’étranger,
soumis à l’obligation de visa, de se présenter
à un poste de la frontière extérieure de la
partie contractante de délivrance ou d’une autre partie
contractante pour solliciter, selon le type de visa, le transit
ou le séjour, pourvu que soient réunis les autres
conditions de transit ou d’entrée. Le fait d’être
en possession d’un visa uniforme ne confère pas le
droit d’entrée irrévocable ». Instructions
Consulaires Communes, JOCE C313, 16 décembre 2002 (voir site
C&C).
[5] . Bigo Didier (dir.), L’Europe des polices et de la sécurité
intérieure, Bruxelles, Complexe, 1992, 126 p. ; Bigo Didier,
Polices en réseaux : l’expérience européenne,
Paris, Presses de Sciences Po, 1996, 358 p.
[6] . Nous traitons en détail ce point un peu plus loin.
La formule 15 - 2 +2 permet de comprendre l’enjeu. L’espace
Schengen comprend les quinze de l’Union moins le Royaume-Uni
et l’Irlande, plus la Norvège et l’Islande.
[7] . Entretiens à la police des frontières. De juillet
2000 à juillet 2001 nous avons fait une recherche avec l’appui
initial de l’IHESI. Cette recherche nous a permis d’interroger
de nombreux fonctionnaires des consulats, des ministères
de l’Intérieur comme des Affaires étrangères,
en France et dans plusieurs pays étrangers ainsi que des
membres de la commission européenne travaillant sur les visas
ou sur le troisième pilier. Après juillet 2001, nous
avons prolongé seuls cette recherche avec un groupe d’amis
anthropologues ou sociologues, des journalistes, des membres d’ONG
qui ont interrogé eux-mêmes des personnes s’étant
vu refuser les visas pour venir dans l’Union et ne comprenant
pas pourquoi (voir les entretiens publiés dans le second
volume de ce numéro). Pour des raisons évidentes nous
ne donnons pas d’informations permettant de retrouver les
personnes qui nous ont signalé de nombreux dysfonctionnements,
sauf lorsqu’elles sont prêtes à en parler ouvertement.
[8] . « Liste noire » ou « négative ».
Formules utilisées par les acteurs et les journalistes pour
désigner la liste commune des pays tiers dont les ressortissants
sont soumis à l’obligation de visa par les Etats membres
liés par le règlement CE n°539/2001, publié
au JOCE L81 du 21/03/2001 (Cultures & Conflits, n°50, Eté
2003). Voir plus loin l’historique de ce texte et de cette
liste ainsi que la carte des pays soumis à visa. Voir également
l’article de Gérard Beaudu, « La politique européenne
des visas de court séjour », dans le second volume
de ce numéro.
[9] . Sur les situations en zone d’attente voir, entre autres,
le rapport de l’ANAFE : La zone d’attente de Roissy,
une zone de non droit, Rapport 2002, mars 2003 ; le texte de Didier
Bigo : « La zone d’attente ou la liberté d’aller
se faire voir ailleurs ? », à paraître dans les
Actes du colloque de l’ANAFE sur les zones d’attente
(Sénat 2001) ; Charlotte Rotman : « Zone d’attente,
zones violentes », Libération 07/03/2003. Ainsi que
les documents du séminaire doctoral de Paris X (Nanterre)
sur les zones d’attente déposés au Centre d’Etudes
sur les Conflits.
[10] . De nombreuses informations sont disponibles sur notre site
internet aussi bien dans la partie revue avec des numéros
spéciaux consacrés à cette question des zones
d’attente, des contrôles aux frontières, des
effets de Tampere et Séville que dans la partie lien avec
d’autres sites, en particulier le site de discussion TERRA
sur l’asile, et les sites de l’ANAFE, Statewatch, la
liste Migreurope des verts du parlement européen, la revue
Vacarme, le GISTI. Cf. bibliographie générale.
[11] . Tenue pour provocante, cette idée met à mal
la croyance de flux migratoires attirés par de meilleures
conditions de vie dans les pays riches. Elle repose sur une analyse
détaillée des pratiques migratoires en provenance
de l’Est et du Sud vers le territoire européen et sur
les données statistiques des mouvements communautaires. Pour
une analyse plus détaillée voir Guild Elspeth : Immigration
Law in the European Community, The Hague, Kluwer Law International,
2001, chapter 5. Voir aussi le document de la Commision, European
Commission Action Plan on mobility of workers, daté du 13
février 2002.
[12] . Voir l’article de Claire Saas, « Les refus de
délivrance de visas fondés sur une inscription au
Système Information Schengen », dans le second volume
de ce numéro.
[13] . Proposition de David Blunkett le 28 mars 2003 (Home Secretary
Statement On Zones Of Protection), à Veria JHA informal council,
faisant suite à la réunion de Séville de juin
2002 sur l’immigration illégale. On sous-traiterait
à la Slovaquie ou à l’Albanie ou à d’autres
pays limitrophes la gestion des « zones d’attente »
pour les demandeurs d’asile, et ce avec l’appui du HCR
qui serait présent dans ces camps. Voir la réaction
d’Amnesty International EU office 29/03/2003 « Strengthening
Fortress Europe In Time Of War » et l’article de Patrick
Delouvin d’Amnesty International, section française,
« Europe : vers une externalisation des procédures
d’asile », Hommes et Migrations, n° 1243, mai-juin
2003.
[14] . Voir l’article de Gérard Beaudu, op. cit.
[15] . SCTIP : service de coopération technique international
de police.
[16] . Ainsi l’octroi de visa donne-t-il droit à l’aide
juridictionnelle (avocat gratuit) devant la Commission des Recours
pour les Réfugiés en France, ce qui augmente sérieusement
les chances de succès, encore faut-il un passeport... Sur
ce point voir les travaux en cours de Jérôme Valluy
à la Sorbonne Paris I. Séminaire TERRA sur l’asile.
[17] . Albert Mathias, Bigo Didier, Heisler Martin, Kratochwil
Fritz, Jacobson David and Lapid Yosef, Identities, Borders and Orders,Borderlines,
University of Minnesotta press, Minneapolis, 2001.
[18] . Pour une analyse détaillée des différents
visas voir Elspeth Guild : « The border abroad : art. 62 and
the Communities Borders » in Development of EU Borders : Schengen
and beyond, British institute of international and comparative law
(BIICL), 11/05/2001.
[19] . On notera malgré tout l’importance reconnue
récemment à cette question par le commissaire Vitorino
lors du colloque CEPS, « New European Borders and Security
Cooperation, Promoting Trust in an Enlarged European Union »,
les 6 et 7 juillet 2001, publié dans l’ouvrage dirigé
par Malcolm Anderson et Joanna Apap, Police and Justice Co-operation
and the new European Borders, The Hague, Kluwer, European Monographs,
2002. Un résumé des recherches que nous présentons
ici en détail avait été donné dans ce
livre sous le titre « The Legal Mechanism, Collectively Specifying
The Individual : The Schengen Border System And Enlargement ».
[20] . Bauman Zygmunt, Le coût de la mondialisation, Paris,
Hachette, 1999.
[21] . Voir sources AFP et le rapport Aymeri de Montesquiou AN
Mercredi 11/10/2000, p. 36. La position française est mal
perçue en Bulgarie dans le sens où elle apparaît
comme une dénonciation généralisée du
pays. D’autres pays de l’Union ont des positions plus
« diplomatiques » mettant en avant les progrès
parcourus tout en faisant la liste de ce qui reste à accomplir.
C’est aussi ce que fait la Commission. La position française
est-elle maladroite ou courageuse en disant haut et fort ce que
d’autres pensent ? Cela dépend de la manière
dont on analyse l’ensemble du processus d’élargissement.
[22] . Voir second volume de ce numéro.
[23] . Ibid.
[24] . Ibid.
Mis en ligne par : Jean-Pierre Masse le lundi 30 mai 2005.
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