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Par Miguel Benasayag, Psychanalyste, auteur de nombreux ouvrages,
il a été formateur dans divers IRTS et préside le mouvement « Malgré
tout ».
Dans Lien Social du 28 janvier notre dossier intitulé « Les travailleurs
sociaux en quête d'une organisation introuvable » dressait la liste
des « mouvements » qui se sont formés ces dernières années. Cette
semaine trois d'entre eux reviennent dans nos colonnes : d'abord le
« Collectif malgré tout » à l'occasion d'un entretien que nous avons
eu avec Miguel Benasayag qui en fut à l'initiative, ensuite le
« Groupement éducation et société » qui a tenu son « premier forum
national » et dont nous nous faisons l'écho, enfin « AFORSSSE » (Association
des formateurs du secteur social, sanitaire et éducatif) qui « rebondit
» (voir dans « Rebonds » page 14)
Votre mouvement « Malgré tout », a-t-il pour but de fédérer le travail
social ?
Notre préoccupation n’est pas de fédérer le travail social,
mais plutôt d’inscrire celui-ci dans un concept de mouvement,
qui existe aujourd’hui au sein du social. En effet, celui-ci
est déserté par les vieilles utopies révolutionnaires, et les travailleurs
sociaux, usagers et bénévoles ont repris partiellement en main,
une construction de l’avenir social, en rupture avec le néo-libéralisme,
et les orientations économistes.
C’est en conséquence un espoir de transformations sociales,
qui dépasse largement d’ailleurs le cadre formel de ce que
l’on connaît sous le concept de travail social. Ainsi nous
sommes à un tournant historique qui n’est pas sans relation
avec la défaillance, d’un certain type de politique, axée
autour du mode de la délégation du pouvoir. Jusqu’à aujourd’hui,
le mode majoritaire de penser la politique s’articule autour
des questions : « Qui je dois soutenir ? Qui doit me représenter
? » ; or, nous constatons que les gens prennent conscience que personne
ne sait réellement comment sortir du marasme. Pourtant, les seuls
qui prétendent le savoir sont les fascistes d’extrême droite
et les adeptes du libéralisme qui suivent à la trace ce que la Banque
mondiale décide.
Entre ces deux tendances, existent pourtant des myriades de
lieux de solidarité qu’universitaires et politiciens ignorent
royalement. Parfois même, ceux qui innovent le font en attendant
mieux, sans réaliser nécessairement l’importance du message
contenu dans ces expériences.
C’est pourquoi dans notre mouvement, nous pensons que ces
nouvelles pratiques sociales qui se développent — et dépassent
le cadre stricto sensu du travail social — s’inscrivent
dans une nouvelle forme de lien social qui se passe de diktats d’une
part d'économistes ou d’autre part de repli identitaire dangereux.
Cela vise-t-il alors à regrouper aussi tous les nouveaux lieux
de solidarité ? Et pourquoi ?
Effectivement, tous ces mouvements dont le nôtre, sont à mon sens
dans une période de laboratoire. Ces expériences nouvelles d’innovations
sociales comprennent également celles des « squats », de la Maison
des ensembles à Paris, etc. qui ne se contentent pas d’apporter
les besoins urgents aux usagers, mais qui recréent aussi toute la
vie dans un quartier. Tout cela montre une volonté, qui consiste
à ne pas attendre que les solutions arrivent d’en haut. Aussi
à côté du désastre économique et de la menace fasciste, la question
fondamentale qui se pose est : peut-il surgir des laboratoires concrets
où les gens imaginent et expérimentent des liens sociaux nouveaux
?
Face à ces menaces existent des réactions saines de gens qui vont
dans le sens du « comment imaginer la solidarité ? ». Or, cela ne
signifie pas une solution à profil bas, c’est-à-dire en attendant
mieux, mais au contraire une solution qui viendrait s’inscrire
dans la gestion d’une nouvelle figure du politique.
Une nouvelle forme de praxis militante capable de s’opposer
à la machine économique est-elle selon vous en train de naître ?
Oui tout à fait, c’est effectivement une nouvelle praxis
dont les fondements reposent sur les préoccupations pour l’émancipation.
D’un point de vue politique, tous ces mouvements (Malgré tout,
Education et société etc.) ne sont pas neutres. Nous considérons
que se forgent en leur sein quelque chose de l’ordre du social
qui est très important car cela renferme de l’émancipation,
de la solidarité, du partage et face à la globalisation du monde,
nous ne pouvons pas répondre avec une globalité alternative. Il
faut donc opposer au capitalisme exacerbé, le concept de multiplicité
des expériences sur le terrain.
Propos recueillis par Guy Benloulou
Le lien d'origine http://perso.wanadoo.fr/henri.dubuc/PAGES/LesMOTS/SOCIO/LienSocial/texte.htm
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