Date: Wed, 4 May 2005 08:39:32 +0200
Subject: [resistons info] Mais que fait la police ?
http://www.nouvelobs.com/articles/p2113/a267944.html
Semaine du jeudi 5 mai 2005 - n°2113 - Notre époque
Le Nouvel Observateur
Mais que fait la police ?
Bavures : l’art du camouflage
Entre l’indulgence de la hiérarchie, l’omerta
qui règne dans les rangs et les contre-feux judiciaires,
pas facile d’obtenir gain de cause quand la police dérape
Le 23 décembre 2002, Omar Baha aurait peut-être dû
fermer les yeux et accélérer le pas. Seulement voilà,
cet acteur français d’origine algérienne ne
supporte pas le spectacle qui se déroule devant lui: un groupe
de policiers est en train de rouer de coups un jeune homme à
terre, près de la station Château-d’Eau, à
Paris. Baha s’approche. Et commence à tancer les représentants
des forces de l’ordre. «Je vais signaler vos agissements
au ministre de l’Intérieur», les prévient-il.
Puis il s’éloigne. A peine arrivé au métro,
il est rattrapé, frappé et arrêté par
les pandores passablement énervés.
Omar Baha va faire près de deux jours de garde-à-vue
pour outrage, rébellion et même «incitation à
l’émeute», une infraction familière des
dictatures du monde entier… mais inexistante en droit français!
Relâché le jour de Noël, Baha porte plainte à
son tour contre les policiers. La justice va donc instruire en parallèle
les deux dossiers: contre Baha d’un côté, contre
les policiers de l’autre. Pas à la même vitesse
néanmoins. Un an plus tard, Baha est jugé pour rébellion
et outrage, et relaxé. Mais il attend toujours, deux ans
et demi après les faits, que sa propre plainte pour mauvais
traitements soit examinée par les tribunaux…
Au petit jeu du «plainte contre plainte», celle des
forces de l’ordre est toujours traitée plus diligemment.
Tous les policiers de France et de Navarre le savent. Et en profitent
pour tenter d’échapper aux sanctions. «L’ultime
arme de défense du fonctionnaire de police auteur de violences
illégitimes est le dépôt de plainte pour outrage
et rébellion à agent, note la Commission nationale
Citoyens-Justice-Police, un observatoire mis sur pied par des associations
de défense des droits de l’homme, le syndicat des avocats
et celui de la magistrature. Ainsi, les personnes sont regardées
par les autorités judiciaires non pas comme des victimes
mais comme des auteurs du délit.»
Cachez ces bavures que je ne saurais voir. Montrez-moi plutôt
des outrages et de la rébellion. Une stratégie payante
pour la police, selon Fabien Jobard, un chercheur du Centre de Recherches
sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales (CESDIP):
«Celui qui se plaint de violences policières mais est
également sous le coup d’une enquête pour outrages
a de trois à dix fois moins de chances de voir son cas aboutir
à une sanction que la victime non poursuivie par la police.»
La technique de la contre-plainte ne suffit pourtant pas à
expliquer l’indulgence dont bénéficient trop
souvent les forces de l’ordre. Enquêter sur les violences
policières relève en effet de la gageure tant l’esprit
de corps règne dans les rangs. La très officielle
Commission nationale de Déontologie de la Sécurité
(CNDS), une autorité indépendante chargée d’enquêter
sur les incidents mettant en cause la police, en sait quelque chose.
Dans son dernier rapport annuel, publié il y a quinze jours,
elle déplore cette culture qui «conduit des fonctionnaires
à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions
au risque de couvrir les actes illégaux de collègues».
Cette omerta policière explique par exemple l’impunité
dont ont bénéficié les agresseurs de Baba Traoré
il y a quatre ans. Ce Malien résidant en Espagne et ne parlant
pas un mot de français est interpellé par la Police
de l’Air et des Frontières (PAF) à la gare d’Hendaye
et conduit au commissariat. Là, selon ses dires, il est violenté
avant d’être relâché une demi-heure plus
tard. Hospitalisé six jours, Baba Traoré porte plainte.
Mais l’enquête va se terminer par un non-lieu. Le juge
d’instruction était en effet incapable de déterminer
avec précision l’auteur des coups, alors même
que la victime l’avait identifié sur photo. «On
peut facilement en déduire que les policiers s’étaient
mis d’accord pour ne pas coopérer avec les enquêteurs»,
estime aujourd’hui Amnesty International, auteur d’un
rapport très sévère publié le mois dernier.
Aucune sanction n’a été prise à l’encontre
des policiers de la PAF.
Que fait la police des polices dans ces cas-là? L’Inspection
générale des Services (IGS) en région parisienne
et l’Inspection générale de la Police nationale
(IGPN), qui enquête dans le reste de la France, ne parviennent
pas toujours à faire la lumière sur les affaires sensibles.
Au début de l’année, deux agents de police
impliqués dans une arrestation musclée à L’Haÿ-les-Roses
(Val-de-Marne) ont ainsi bénéficié d’un
non-lieu. L’interpellation, après un vol et une course-poursuite
en voiture, avait mobilisé près de vingt-cinq policiers.
Les jeunes délinquants, roués de coups, avaient dû
être hospitalisés. Mais l’enquête, faute
de témoignages, n’a jamais pu déterminer avec
précision les auteurs du passage à tabac. Parfois,
la police des polices fait aussi preuve de mauvaise volonté.
Comme dans cette affaire d’utilisation massive de gaz lacrymogène
dans un restaurant du 18e arrondissement de Paris, à la Saint-Sylvestre
2003. Un des convives intoxiqués meurt quelques heures plus
tard. Mais l’IGS se révèle incapable de désigner
l’auteur du gazage, parmi les sept policiers soupçonnés.
Alors même que le coupable a bien dû, à un moment
ou à un autre, demander une recharge de gaz pour remplacer
celle utilisée et compléter ainsi son équipement!
Aux failles de l’enquête vient parfois s’ajouter
la mansuétude de la justice. Même, les faits les plus
graves, les bavures mortelles ne sont pas toujours réprimés
avec grande sévérité. Au printemps 2000, Riad
Hamlaoui est abattu à bout portant par un Stéphane
A., un policier lillois. Hamlaoui n’était pas armé
mais avait le tort d’être le passager d’une voiture
présumée volée. Lorsqu’il s’extrait
du véhicule, le coup de feu part, la balle lui traverse le
cou. La mort instantanée. Le fonctionnaire de police est
traduit devant la cour d’assises, radié de la police
et condamné à… trois mois de prison avec sursis!
A l’audience, le président de la cour justifiera la
mansuétude du jugement en mettant en cause la formation «insipide»
dispensée au fonctionnaire par l’école de police.
Mais n’ira pas jusqu’à demander l’arrestation
immédiate du responsable de ladite mauvaise formation, à
savoir le directeur général de la Police nationale!
Les sanctions pleuvent... doux
La simple évocation d’une éventuelle impunité
de la police fait hurler au ministère de l’Intérieur.
Et la Place-Beauvau de brandir ses statistiques disciplinaires pour
illustrer son intransigeance sur les principes. L’an dernier,
157 policiers ont été révoqués et 2
406 diversement sanctionnés, du simple avertissement à
la suspension temporaire. De son côté, l’IGPN
reconnaît que les accusations de violences policières
sont en augmentation. Ses services ont en effet traité 724
plaintes en 2004, soit 18,49% de plus que l’année précédente.
Mais, après enquête, la police des polices rejette
comme infondées sept accusations sur dix…
Olivier Toscer
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Transmis par F F
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