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Origine : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/DUFOUR/12553
Dans un long réquisitoire philosophique contre les propos
« effroyables de cynisme et de vulgarité » tenus
par M. Patrick Le Lay, président de TF1 (« Ce que nous
vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain
disponible... »), Benard Stiegler montre que la volonté
de liquidation de la « valeur esprit » que ces propos
contiennent n’a rien de la gaffe fortuite. Ils témoignent
précisément du développement actuel du capitalisme,
qui ne prolétarise plus seulement le producteur, mais aussi
le consommateur, mis en situation de ne plus avoir que son âme
à vendre, c’est-à-dire son temps de conscience.
Or il y aurait une possibilité d’échapper à
cette tendance mortifère du capitalisme. Elle ne tiendrait
pas, selon l’auteur, en un refus de la technique – impossible,
au demeurant. Elle consisterait au contraire à tenter de
trouver une voie pour que les technologies actuelles (cognitives,
culturelles, numériques) soient enfin utilisées de
façon dynamique, c’est-à-dire dédiées
aux processus d’individuation psychique et de production collective
d’un « nous » en l’occurrence européen.
L’œuvre en devenir de Bernard Stiegler, où s’entrelacent
l’histoire des techniques, l’anthropologie, la philosophie
et l’esthétique, imposera une certaine ascèse
au lecteur non philosophe. Mais la récompense attend celui
qui aura su y satisfaire puisqu’il accédera à
un important traité de stratégie sur la guerre esthétique
et culturelle dans laquelle nous sommes irrémédiablement
engagés.
Dany-Robert Dufour.
Galilée, Paris, 2005, 292 pages, 30 euros.
LE MONDE DIPLOMATIQUE juin 2005
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/DUFOUR/12553
Bernard Stiegler, De la misère symbolique
Publié le 12 juillet 2004 par Delphine Chaix.
Mise à jour le mardi 10 août 2004
Origine : http://ns31066.ovh.net/~dchaix//spip/article.php3?id_article=10
Cet ouvrage est la poursuite d’une réflexion sur la
destruction du narcissisme primordial qui a résulté
de la canalisation de la libido des consommateurs vers les objets
de la consommation, dont l’auteur a entamé l’analyse
dans Aimer, s’aimer, nous aimer. Du 11 septembre au 21 avril,
paru en 2003. Notre époque se caractérise comme prise
de contrôle du symbolique par la technologie industrielle,
où l’esthétique est devenue à la fois
l’arme et le théâtre de la guerre économique.
Il en résulte une misère où le conditionnement
se substitue à l’expérience. Cette misère
est une honte, celle qu’éprouve parfois le philosophe
comme " un des motifs les plus puissants de la philosophie,
ce qui en fait forcément une philosophie politique "
(Gilles Deleuze). La " honte d’être un homme "
est suscitée d’abord, aujourd’hui, par cette
misère symbolique telle que l’engendrent les "
sociétés de contrôle ". À cet égard
au moins, cet ouvrage en deux tomes est un commentaire du Post-scriptum
aux sociétés de contrôle de Deleuze. Pour comprendre
les tendances historiques qui ont conduit à la spécificité
du temps présent, il tente d’ébaucher les concepts
d’organologie générale et de généalogie
de l’esthétique.
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