Le Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro dont Brice HortePen était l'invité dimanche dernier a permis à ce ninja des brigades de lutte contre les sarrazins de dérouler tranquillement ses inepties xéno-craintives sans le moindre accroc, sans qu'à aucun moment les apprentis-journalistes présents n'apportent la plus petite contradiction au discours du porte-voix du Front National.

Il est vrai que la conversation avait très mal commencé, Jean-Michel Aphatie l'avait introduite par ces mots : « Brice Hortefeux, l'immigration est un phénomène ancien en France bien sûr, comme dans tous les pays d'Europe... ».

Justement non ! La France a cette particularité d'avoir toujours été une terre d'accueil quand d'autres en Europe étaient traditionnellement des terres d'émigration (Italie, Espagne, Portugal) ou plus fermées dans les deux sens comme l'Allemagne. Et ce n'est pas un simple détail : affirmer que tout le monde est dans le même bateau immigrationniste, c'est cautionner l'Europe du repli sur soi. Puisque chaque pays a le même problème, réglons le tous ensemble. Ce dimanche, il est alors 18 heures et quelques secondes : déjà l'on sait que les dossiers du jour échappent totalement aux intervieweurs et que l'invité pourra, jusqu'au bout de l'émission et sans opposition, déverser des tombereaux de bêtises, les présenter comme une vérité scientifique.

Et de fait, l'heure qui suit ressemble à une libre antenne de radio, façon « 1981 ». Brice HortePen a tout pouvoir sur les ondes et débite sans inquiétude le programme frontiste.

Après d'interminables minutes de tergiversations et autres circonvolutions à propos de l'accolement suspect des termes « immigration » et « identité nationale » dans l'intitulé de son ministère, vient la question de la « maîtrise des flux migratoires »[1]. Brice HortePen tient visiblement beaucoup à ce qu'on le laisse expliquer la nécessité de faire baisser la pression migratoire. On ne pourra pas, c'est vrai, l'accuser d'avoir dissimulé ses intentions à l'égard des étrangers à qui il explique de manière très didactique à quel point ils sont malvenus chez nous. En substance, la rhétorique du ministre tient en ces quelques points :

La première raison pour laquelle il faut diminuer l'immigration, c'est que « l'intégration est un ratage », ce que le ministre voit comme flagrant puisque : a) 60% de la population immigrée est concentrée dans 3 régions (Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes), ce qui implique des ghettos. Et le ministre de lâcher fièrement : « Pour réussir l'intégration il faut réguler l'immigration ». Jean-Marie n'aurait pas dit mieux. b) Le chômage touche plus les étrangers que les français.

Sur ce dernier point, le ministre frontiste a cette incroyable phrase : « Sur 5 étrangers qui sont en France, il n'y en a que 2 qui travaillent » ![2] La perfidie de cette communication verbale n'a qu'un nom : lepénisme. Car dire cela c'est faire penser que 3 étrangers sur 5, c'est-à-dire 60%, vivent aux crochets du pays. Or, cher lecteur, la population active française étant de 27 millions, je peux aussi affirmer ici que 55% des français ne travaillent pas. C'est évidemment ridicule car le chiffre est normal : il y a les retraités, les enfants, les malades, etc. Cette même formulation tendancieuse appliquée aux étrangers, ce n'est plus du ridicule, c'est du dénigrement. Au vrai, j'ai beau chercher, je ne trouve pas d'autre qualificatif que xénophobie.

Mais poursuivons le raisonnement dominical de Brice Tout Puissant :

Il avance la deuxième raison pour laquelle il faudrait réduire l'immigration : « Notre situation démographique ne justifie pas un apport d'immigrés ». Et notre ministre xeno-radical de citer le taux de fécondité de la France qui est de 2, contre 1,3 en Espagne ou en Italie. Comme si un pays n'avait besoin d'immigration que pour pallier un déficit de natalité ! C'est là un délire économico-démographique, démagogico-simpliste, sur lequel je ne reviens pas une nouvelle fois[3].

Déjà la troisième justification du rejet résonne dans le studio de RTL : « La capacité d'accueil de la France est limitée : Elle ne peut pas accueillir tout le monde ». Bien entendu, il est inutile d’attendre quelque autre démonstration que « on sait bien que… » Et le ministre de dire que nous manquons de logements pour les accueillir ! Et bien voyons ! Merci les amis, on vous aurait bien invités à diner mais le frigo est vide ; les courses chez Carrefour, c’est pas notre fort.

Je ne sais, cher lecteur, si tu distingues bien l'esprit retors qui assène un tel discours : il faut maitriser l'immigration car les étrangers s'intègrent mal. La preuve ? ils viennent tous se concentrer au même endroit et vivre au dépend des français qui, eux, travaillent !

Et Brice HortePen de donner en exemple Bobigny où, dit-il, « 60% de la population est d'origine étrangère, 30% est étrangère, cela signifie donc qu'il n'y a que 30% de français de souche, c'est à dire qu'on a les ingrédients qui empêchent naturellement l'intégration. » Et oui ! Incroyable mais vrai, un ministre de la république fait tranquillement un distinguo entre français de souche et français d'origine étrangère sans que cela ne choque qui que soit. Le doute n'est plus permis, l'ouverture voulue par le Guide Suprême de la Sarkolution va jusqu'au Front National qui, à l'évidence, a obtenu un grand ministère pour l'un des siens.

Et que l'on ne vienne pas me dire ici que je caricature, que je dénature, que je sors du contexte, que j'extrapole : Je reproduis ici très exactement le discours et le raisonnement de Brice HortePen . Il peut être écouté par tous (48 Mo).

Dans son délire xéno-incompatible, le ministre peut aussi s'emballer, inventer des règles : Interrogé sur les sans-papiers qui se sont regroupés sur le parking du Buffalo Grill de Viry-Châtillon, il précise -nous nous en doutions vaguement- qu'il fera procéder à l'expulsion de ces malotrus, et ajoute sans rire -et sans la moindre réaction des trois journalistes présents- : « Parce que je suis le ministre des immigrés en situation légale, j'ai demandé à l'ANPE de l'Essonne de m'indiquer s'il y avait des étrangers en situation régulière qui souhaiteraient exercer les fonctions dans cette entreprise de Buffalo Grill ». Non, cher lecteur, tu n'as pas d'hallucination. Un ministre de la république se propose 1°) de réaliser lui-même le recrutement d'une entreprise privée 2°) d'y imposer l'embauche de certaines personnes en fonction de leur nationalité ! Où il devient de plus en plus frappant que les lois françaises en vigueur ne sont pas un frein aux délires de certains ministres de ce gouvernement.

Un dernier mot, parce que je ne veux pas être trop long, parce que je ne peux pas tout relever, parce que le discours qui flirte à chaque détour de phrase avec celui du Front National mériterait une exégèse intégrale, virgule après virgule : Un dernier mot disais-je sur le projet de loi de modification des conditions du regroupement familial qui prévoit, entre autres points, un test de connaissance de la langue française. Au cours de ce Grand Jury RTL dominical, le ministre annonce dans un grand sourire « qu'il s'agit d'un test très court de langue courante. Ce n'est pas la dictée de Bernard Pivot », se trouvant assurément fort spirituel homme, imaginant sans doute déjà les scènes les plus cocasses dans les consulats et alliances françaises : Oh ! Bamboula ! Toi y en a comprendre ce que homme blanc dire ? Non ? Alors toi y en a rentrer dans case avec tes douze gosses et toi y en a réviser ton Lagarde et Michard. Toi y en a revenir me voir quand toi y en a connaître la Légende des Siècles !

Et parce que l'humour est contagieux en ce premier dimanche soir de juillet, il n'est pas encore 18 heures 45 quand Pierre-Luc Séguillon, journaliste à la déontologie sans faille et avérée, s'interroge, s'inquiète et, sauf le respect qu'il lui doit (et qu'il lui démontre du reste chaque jour que Dieu fait), interpelle le ministre : « Mais alors dans ce système, les pays francophones sont avantagés puisqu'ils parlent déjà notre langue ? » Bon sang mais c'est bien sûr ! C'est évident ! Tout le monde aura bien compris qu'une famille norvégienne (et blonde), dont la mère (aux yeux bleus) serait mannequin chez Elite et le père (musclé) cadre chez IBM, serait terriblement désavantagée et moins bien traitée qu'une mère marocaine qui souhaiterait rejoindre son mari, peintre en bâtiment depuis 12 ans dans la PME de Pedro Goncalves à Montreuil. C'est sûr ! Pierre-Luc Séguillon vient de soulever un lièvre énorme et Brice HortePen , tout sourire, reconnaît là que le Maroc ou la Tunisie seront effectivement avantagés. Du reste, pour ma part, je m'étonne que l'ambassade de Norvège n'ait pas encore élevé une protestation officielle pour discrimination manifeste.

Mes amis, je préfère en rire. Mais le Front National a placé ses pions au gouvernement et personne, non décidément personne, ne relève plus les énormités inhumaines et racistes que colportent certains de nos hommes politiques. Il n'y a même plus débat, c'est acté : à droite comme à gauche, l'immigration est un problème. Certains entendent y mettre un tout petit peu d'humanité. Mais au bout du raisonnement, Brice HortePen a déjà gagné puisque personne ne conteste plus les principes d'un refoulement des sarrazins.

Au fait puisque je vous tiens : entre temps, les sans-papiers de Viry-Châtillon ont été expulsés par la force publique : ils gênaient les clients et Buffalo Grill voyait son chiffre d'affaire baisser dangereusement.

Sinon, au Parti Socialiste, Fabius a quitté le bureau national et Manuel Valls pense vraiment qu'Hollande devrait démissionner. Royal compte les nouveaux adhérents et Lang ses chances d'être ministre.

Il y a lieu de s'inquiéter gravement pour les étrangers en France.

[1] Comprendre par là : « refoulement des hordes d'africains ».

[2] Alors qu'il vient de dire lui-même quelques secondes auparavant que le taux de chômage des étrangers était de 20%

[3] Le raisonnement du Chauve de Clermont-Ferrand est tellement implacable que l'Irlande importe année après année une main d'œuvre étrangère toujours plus importante alors qu'elle est dans le même temps le pays dont le taux de fécondité est le plus haut en Europe !