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Un Festin pour Tantale
par Bernard Charbonneau

Origine http://www.taty.be/Doc/charbonneau.htm

Compléments au dossier de la Lettre Cuisine Nature nr 5

Un Festin pour Tantale
par Bernard Charbonneau
Collection " Ce que manger veut dire", éditions Sang de la Terre, 1986, 254 pages

"Vous disposez d'une arme à la fois personnelle et sociale: la langue, qui permet de goûter et de dire".

"L'indifférence avec laquelle les Français ont longtemps accepté qu'on les prive de nourriture en dit long sur ce qu'ils sont et pensent. Elle témoigne, quoiqu'ils prétendent, de leur peu d'amour du corps et de la nature, de leur mépris de la réalité. Mépris qui prend la forme d'un matérialisme borné, bouffeur et bouffi, qui pense avec la panse; ou bien celle d'un idéalisme qui se nourrit dde mots plus que de pain, qui sacrifie l'immédiat à l'histoire, le concret à l'idéologie d'une Eglise ou d'un parti, à plus forte raison, ce double mépris témoigne de l'incapacité de concevoir et d'accomplir l'acte par lequel, passant par les entrailles, le peu d'esprit s'in-carne dans la viande. Qui à son tour nourrit l'esprit d'un homme."

"Ces champs ou basse-cours titanesques ne multiplient que l'ombre du poulet ou du pain, tout juste bonne à nourrir la survie, non la vie. Qui s'attaque au fantôme de la miche mord du néant."

"(...) Comme (Adam) ne récolte que l'abondance de rien, sa faim devient encore plus dévorante."

"Savourer ce fromage ou ce vin, c'est voyager dans l'espace et le temps, à condition de prendre le sien."

"Rien de tel pour liquider la nature que la combinaison du changement et de son refus".

Au nom de la vie éternelle, "la Religion nous dictait notre menu, son héritière la Science fait de même pour notre bien".

"On ne combat pas le terrorisme alimentaire de la quantité et de la chimie en se référant (aux idées) mais au plaisir ou au déplaisir que manger donne à tout homme".

"Mais qu'elle ne soit plus sacrée (la nourriture), ne veut pas dire qu'elle soit sans importance: elle n'est pas spirituelle ou matérielle, mais unit la chair et les sens à l'esprit." "Entre la sacralisation originelle et la profanation moderne par la gastronomie ou la diététique, n'y aurait-il pas place pour un style et une éthique personnels et communs (...) qui n'oublierait ni les besoins du corps ni veux de l'esprit?"

"Le remède à tous les maux de la production alimentaire c'est le Rédémède (néologisme basé sur le readymade): le mot seul a du goût, que ce soit du cassoulet toulousain du Creusot ou de la langouste de Cuba à l'armoricaine de Billancourt. (...) Pour finir, Mousseline l'ayant prédigérée, on vous retirera votre permis de faire de la purée. Le Rédémède: le tout fait, tout joui, tout pensé, tout vécu par la Technique et l'Etat, c'est l'Avenir".

"Jusqu'à l'avènement de la télé, le convive terrestre ne dévorait pas (sa nourriture) en silence, telles les bêtes leurs proies ou comme le végétal puise sa vie dans le sol, il était leu seul à la dé-guster, donc à la penser."

"Ni ange, ni bête, c'est bien ennuyeux quand on tient des deux. D'où le besoin, comme pour l'acte seuel et la mort, de sanctifier celui de se nourrir en le prenant dans tout un réseau de règles et de rites".

"L'affadissement et la standardisation de la nourriture sont ceux de l'homme. Sa transformation en produit interchangeable de type américain sous prétexte de nourrir la terre est la pire des agressions contre l'identité des individus, des communautés et des pays. (....) Et si l'on ôte son goût au pain, on ôte à l'homme le goût du pain: de la vie, qui n'est telle que si elle est originale, protéiforme et diverse."

Parlant des produits savoureux, rares et chers, réservés aux riches et puissants: "Lorsque la dichotomie de la quantité pour tous et de la qualité pour quelques uns se sera étendue à tous les produits jusque là courants - ce qui est déjà le cas pour les oeufs "de ferme", les légumes et fruits "bio" (...), le peuple gavé de protéines et d'apparences sera privé de nourritures."

De longues pages sur le volapük fromager, dont on trouvera des extraits sur mon site sur le lait cru.

"La fonction du gastronome c'est de parle d'autre chose, de rassurer la France Eternelle en lui disant qu'elle peut toujours retrouver les nourritures et la cuisine de grand mère en mieux au Conservatoire de la Tour d'Argent ou des Troisgros."

"La fête et son lendemain ne peuvent être la règle de tous les jours. Il est aussi faux de vivre pour manger que de manger pour survivre. Comme le puritain, le goinfre perd le goût, tandis qu'une certaine ascèse l'exalte."

"C'est à vous d'avoir l'oeil qui mène le nez pour distinguer l'arbre dans l'océan de culture de bois. Hic et nunc vous êtes le roi client, tant qu'on ne vous traînera pas en prison pour avoir insulté la Production Française. Si vous ne saisissez pas cette occasion qui reste à porté de main et de langue, vous ne serez libre nulle part ailleurs; ce n'est certes pas l'oméga mais c'est l'alpha".

Autres ouvrages de Bernard Charbonneau:


* Tristes Campagnes (1973, épuisé, "le développement à tout prix dans le sud-ouest de la France"),

* La fin du paysage (1972),

* Notre table rase (1974, épuisé, "la triple éradication des paysans, des paysages et des nourritures savoureuses"),

* Le jardin de Babylone (1969, épuisé, "le sentiment de la nature s'exaspère dans la société qui la détruit"),

* Le système et le chaos (1973, "comment le développement scientifique et technique provoque un trouble qui renforce le système et le chaos qu'il entraîne"),

* Prométhée réenchaîné, (2001, "Prométhée se retrouve non pas libre mais seul sur Terre, où, pour tuer le temps, il trafique et bricole atomes et gènes. Et faute de mieux, hanté par son vieux mythe, il se fabrique un Caucase de carton-pâte sur lequel il se hisse, lance ses pétards et gesticule pour s'épater lui-même. Zeus n'est plus (...). Il s'est absenté, bien au-delà de notre banlieue galactique, derrière la courbure de l'univers, au-delà du temps et du big-bang originel... Rien d'autre qu'une scène au décor peint où Prométhée vainement s'agite. Rien d'autre qu'un ciel vide où, à des milliards d'années-lumière, brillent des atomes chimiques... Rien... que du fer, du silicium... Nul sens, les innombrables et invisibles tentacules d'une nécessité ou d'un hasard innommables, dont la conscience se révèle captive de toutes parts. Rien de vrai, donc de faux; seulement des chaînes. Le bloc d'un néant où la liberté est pétrifiée. Seulement le fait, dénombré, quantifié: la science... Même plus de vautour... Zeus s'est absenté, reste sa foudre.»

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