Origine http://fr.wikipedia.org/wiki/Autorit%C3%A9
L’autorité est une notion étendue dont nous
essaierons de retenir une définition unique et, ce faisant,
de déterminer ce qui peut moralement (ou idéalement)
justifier l’autorité.
Définition
Originellement, l’autorité est une puissance exercée
par une institution ou une personne en raison et à raison
des fonctions reconnues à celle-ci.
D’autres acceptions du mot sont possibles : Lorsque l’on
dit d’une personne qu’elle a « de » l’autorité,
cela signifie qu’elle a une aptitude à commander (ou
à imposer son point de vue ou à se faire respecter),
une propension à commander. Dans ce sens, l’individu
qui aurait beaucoup ou trop d’autorité serait qualifiée
d’autoritaire. En revanche, si l’on se réfère
à la définition mise en exergue, on dira qu’elle
a l’autorité ( le « de » étant à
proscrire dans ce type de proposition) ou si l’on veut, qu’elle
est autorisée à agir, à exercer sa puissance.
La puissance, c’est la faculté d’influer notablement
sur le déroulement d’une action, sur l’évolution
d’une situation.
Le terme institution est à prendre au sens organique mais
pas nécessairement politique ou juridictionnel, l’institution
pouvant par exemple, se concrétiser par un professeur ou
les parents. L’institution se comprend en définitive,
comme une entité intégrée à une organisation.
L’entité « professeur » ipso facto, fait
partie du système éducatif; l’entité
« parents » est un élément constitutif
du système « famille ».
Par métonymie, l’autorité désigne souvent
l’institution elle-même.
La locution « en raison et à raison » est utilisée
pour signifier la cause (en raison) et la limite (à raison).
On remarquera donc à quel point les mots autorité,
puissance, institution et fonctions sont intimement liés.
L’étymologie exprime également l’importance
de la notion.
Concept central de la pensée politique, "L’autorité
implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent
leur liberté." L’autorité qui requiert
cette l’obéissance ne relève en effet ni de
la force, ni de l’argumentation. C’est une notion qui
ne fait appel ni à la contrainte (rapport de tyran à
sujet), ni à l’argumentation (d’égal à
égal). Par exemple outre la relation maître-élève,
celle d’un médecin et de son patient, du capitaine
d’un navire et de ses équipiers. En ce sens, autorité
implique inégalité et différence.
Selon Hannah Arendt, "La caractéristique la plus frappante
de ceux qui sont l’autorité est qu’ils n’ont
pas de pouvoir… /…elle nous paraît curieusement
insaisissable et intangible, ayant à cet égard une
ressemblance frappante avec la branche judiciaire du gouvernement
de Montesquieu". Il ne faut donc pas confondre être autoritaire
avec avoir de l’autorité.
Éléments d'étymologie
Le mot autorité vient du latin auctoritas. Le Professeur
Michel HUMBERT, dans son livre « Institutions politiques et
sociales de l’antiquité » (Précis Dalloz)
donne des informations très intéressantes au sujet
de ce dernier mot. Seulement quelques fragments sont retranscrits
ci-après.
« La notion d’auctoritas, essentielle en droit privé
et en droit public romains, se rattache, par sa racine, au même
groupe que augere (augmenter), augure (celui qui accroît l’autorité
d’un acte par l’examen favorable des oiseaux), augustus
(celui qui renforce par son charisme [...celui qui est porteur de
l'auctoritas]). L’auctoritas exprime à son tour l'idée
d'augmenter l'efficacité d'un acte juridique ou d'un droit.[...]
De même le Sénat, grâce à son incomparable
prestige, a la vertu d'augmenter la portée de tout acte pour
lequel il a donné son accord (son auctoritas).[...] Aucune
de ces décisions ne sera prise directement par le Sénat
(il n'en a pas le pouvoir). Mais tous ces projets, enrichis de l’auctoritas
du Sénat, sont assurés du succès.[...] Aucun
acte politiquement significatif n'est mis à exécution
par un magistrat sans l'accord (et la délibération)
du Sénat. Au point que tout se passe comme si l'inspirateur
de la décision était le Sénat, et l'exécutant,
le magistrat. Telle est la force de l’auctoritas : sans elle,
pas d'action ; devant elle, pas d'inaction. »
La notion d'autorité vient d'être définie dans
un sens plutôt juridique et social. C'est son caractère
nécessaire, voire indispensable à la structure de
toute société qui la rend légitime pour le
plus grand nombre et qui permet de l'opposer erga omnes (à
condition bien sûr, qu'elle soit régulière juridiquement)
On ne doit pas oublier, non plus, ce qu'on appelle l’autorité
naturelle pouvant se dégager d'une personne (et là
encore l'aspect bénéfique est sous-jacent).Sur le
plan professionnel, par exemple, on attribuera à une personne
une autorité certaine si elle inspire, de par sa compétence
et sa moralité, la confiance qui permettra d'obtenir le meilleur
de chacun et la bonne entente entre les différents individus
du groupe.
Le problème de l'autorité est au centre de la philosophie
politique et de la sociologie. Si, depuis Platon, tous les écrits
philosophiques contiennent des discussions de l'autorité,
on peut citer comme auteurs contemporains Max Weber (qui a formulé
une célèbre définition du pouvoir charismatique),
Alexandre Kojève qui s'inspirait librement d'Hegel, Carl
Schmitt et enfin Giorgio Agamben, qui dénonce l'autorité
comme "mythologème" de la philosophie politique.
L'autorité dans la pensée chinoise
Chez Confucius, l'art de gouverner se fonde sur la rectitude politique,
articulée autour du double principe du Li (Raison et Loi
à la base des droits et devoirs mutuels, dans le sens de
la force du droit, en contraste au droit de la force) et du Chi
(énergie psychique, âme, coeur, courage, proche de
l'anima latin).
Le sinologue Marcel Granet note :
"[...] On se plaît à parler de l’instinct
grégaire des Chinois, et l’on aime aussi leur prêter
un tempérament anarchique. En fait, leur esprit d’association
et leur individualisme sont des qualités campagnardes. L’idée
qu’ils ont de l’ordre dérive d’un sentiment,
sain et rustique, de la bonne entente. L’échec des
Légistes, les succès conjugués des Taoïstes
et des Confucéens le prouvent : ce sentiment, — que
blessent les intrusions administratives, les contraintes égalitaires,
les codifications ou réglementations abstraites (1285), —
repose (pour des parts, variables, sans doute, selon les individus,
mais, en gros, sensiblement égales) sur une sorte de passion
d’autonomie, et sur un besoin, non moins vif, de compagnonnage
et d’amitié. État, Dogmes et Lois ne peuvent
rien en faveur de l’Ordre. L’Ordre est conçu
sous l’aspect d’une Paix que les formes abstraites de
l’obéissance ne sauraient établir, ni imposer
les formes abstraites du raisonnement. Pour faire rogner en tout
lieu cette paix, ce qui est nécessaire, c’est un goût
de la conciliation qui demande un sens aigu des convenances actuelles,
des solidarités spontanées, des libres hiérarchies.
La logique chinoise n’est point une logique rigide de la subordination,
mais une souple logique de la hiérarchie : on a tenu à
conserver à l’idée d’Ordre tout ce qu’avaient
de concret les images et les émotions dont elle est sortie.
Qu’on lui donne pour symbole le Tao et qu’on voie dans
le Tao le principe de toute autonomie et de toute harmonie, qu’on
lui donne pour symbole le Li et qu’on voie dans le Li le principe
de toute hiérarchie ou répartition équitables,
l’idée d’Ordre retient en elle, — très
ramé, certes, et pourtant tout proche encore de son fond
rustique, — le sentiment que comprendre et s’entendre,
c’est réaliser la paix en soi et autour de soi. Toute
la Sagesse chinoise sort de ce sentiment. Peu importe la nuance
plus ou moins mystique ou positive, plus ou moins naturiste ou humaniste
de leur inspiration : dans toutes les Écoles se retrouve,
— exprimée par des symboles qui demeurent concrets
et n’en conservent que plus d’efficience, — l’idée
que le principe d’une bonne entente universelle se confond
avec le principe d’une universelle intelligibilité.
Tout savoir, tout pouvoir procède du Li ou du Tao. Tout Chef
doit être un saint ou un Sage. Toute Autorité repose
sur la Raison." (Marcel Granet, "La pensée chinoise",
pp. 478-480, réédition, Albin Michel, Paris, 1968,
première édition, La Renaissance du Livre, Paris,
1934).
L'Ordre chinois signifie à la fois "impératif"
et "ordonnancement" entrelacés. "Camarade"
se dit en chinois "Tung (même) Chi (volonté)",
signifiant une commmunauté d'intention et d'action (pouvant
rappeler le mot grec synodos (à l'origine de synode), "chemin
commun").
Avoir l'autorité ou être l'autorité?
Dans les œuvres de Erich Fromm, “Avoir ou être?”
est le résumé et le carrefour de toutes ses idées
majeures de “Union-au-monde”.
Un autre exemple de la différence entre le mode ”avoir”
et le mode “être” est l’exercice de l’autorité.
Le point essentiel s’exprime par la différence entre
“avoir” de l’autorité et “être”
une autorité. Chacun (ou presque) d’entre nous exerce
une autorité, du moins à certaines périodes
de sa vie. Ceux qui élèvent des enfants doivent exercer
une autorité - qu’ils le veuillent ou non pour protéger
leurs enfants et leur donner un minimum de conseils sur la conduite
à tenir en différentes circonstances. Dans la société
patriarcale, les femmes, également, sont soumises à
une autorité de la part de la majorité des hommes.
Presque tous les membres d’une société bureaucratique
hiérarchiquement organisée, comme la nôtre,
exercent une autorité, sauf les individus qui se situent
au plus bas de l’échelle sociale et qui ne sont qu’objets
d’autorité.
Notre compréhension de l’autorité selon les
deux modes nécessite que nous admettions que le mot "autorité"
représente un terme général qui a deux acceptions
totalement différentes: l’autorité peut être
"rationnelle" ou "irrationnelle". L’autorité
rationnelle est fondée sur la compétence et elle aide
à se développer la personne qui s’appuie sur
elle. L’autorité irrationnelle est fondée sur
le pouvoir et sert à exploiter la personne qui lui est soumise.
Dans les sociétés les plus primitives, c’est-à-dire
dans les sociétés de cueillette et de chasse, l’autorité
est exercée par la personne qui est généralement
reconnue comme étant compétente dans une certaine
tâche. Les qualités dont relève cette compétence
dépendent surtout de circonstances spécifiques, bien
qu’il semble qu’on puisse y inclure l’expérience,
la sagesse, la générosité, l’habileté,
la "présence" , le courage. Dans la plupart de
ces tribus, il n’existe aucune autorité permanente,
mais une autorité émerge en cas de besoin.
Ou bien il existe différentes autorités correspondant
à différentes circonstances: la guerre, les pratiques
religieuses, le règlement des querelles. Quand les qualités
sur lesquelles repose l’autorité disparaissent ou s’affaiblissent,
l’autorité elle-même prend fin. On peut observer
une forme d’autorité très semblable dans de
nombreuses sociétés primitives où la compétence
est souvent déterminée non par la force physique mais
par des qualités telles que l’expérience et
la "sagesse " . Au cours d’un test très ingénieux
pratiqué avec des singes, J. M. R. Delgado, en 1967, a montré
que l’animal dominant, s’il perdait même momentanément
les qualités justifiant sa compétence, perdait en
même temps son autorité.
L’autorité du mode “être” repose
non seulement sur la compétence personnelle nécessaire
à l’accomplissement de certaines fonctions sociales,
mais aussi sur l’essence même d’une personnalité
qui a atteint un haut degré de développement et d’intégration.
De telles personnes rayonnent d’autorité et n’ont
pas à donner d’ordres ni à menacer, ni à
corrompre. Ce sont des individus hautement évolués
qui, par ce qu’ils sont - et non, surtout, par ce qu’ils
font et disent - montrent ce que peuvent être les êtres
humains.
Les grands maîtres de la Vie étaient des autorités
de ce genre, et, à un degré moindre de perfection,
on peut trouver de ces individus à tous les niveaux d’éducation
et dans les cultures les plus variées. (Le problème
de l’éducation s’articule sur ce point. Si les
parents étaient eux-mêmes plus évolués
et s’ils s’appuyaient sur leur propre centre, l’opposition
entre l’éducation autoritaire et l’éducation
laxiste n’existerait probablement pas. Ayant besoin de cette
autorité du mode être, l’enfant réagit
devant elle avec empressement ; en revanche, l’enfant se révolte
contre l’oppression, l’indifférence ou l’excès
d’attention des gens qui montrent par leur propre comportement
qu’ils n’ont pas accompli eux-mêmes l’effort
qu’ils attendent de l’enfant en cours de croissance.)
En même temps que se formaient les sociétés
fondées sur un ordre hiérarchique, et beaucoup plus
grandes et plus complexes que celles des chasseurs et des cueilleurs,
l’autorité de la compétence a cédé
la place à l’autorité du statut social. Cela
ne veut pas dire que l’autorité existante soit nécessairement
incompétente ; ni que la compétence ne soit un élément
essentiel de l’autorité. Que nous ayons affaire à
une autorité du type monarchique - où la loterie des
gènes décide des qualités de la compétence
- ou à un criminel sans scrupule qui parvient à devenir
une autorité par le meurtre et la fourberie, ou, comme si
souvent dans nos démocraties modernes, à des autorités
choisies sur la base de leur photogénie ou de la quantité
d’argent qu’elles ont pu dépenser pour leur élection,
dans tous ces cas il peut n’y avoir pratiquement aucun rapport
entre la compétence et l’autorité.
Mais il y a quand même de sérieux problèmes
dans le cas d’une autorité établie sur la base
d’une certaine compétence: un chef peut avoir été
compétent dans un domaine et incompétent dans un autre
- par exemple, un homme d’État peut conduire une guerre
avec compétence et se révéler incompétent
en temps de paix ; ou bien tel chef qui est courageux et honnête
au début de sa carrière peut se laisser griser par
les séductions du pouvoir; ou encore, l’âge et
les troubles physiques peuvent amener une certaine déchéance.
Finalement, il faut considérer qu’il est beaucoup plus
facile pour les membres d’une petite tribu de juger le comportement
du détenteur de l’autorité que pour les millions
d’individus de notre système, qui ne connaissent leurs
candidats que par l’image artificielle créée
par les spécialistes des relations publiques.
Quelles que soient les raisons de la perte des qualités
constitutives de la compétence, le processus d’aliénation
de l’autorité intervient dans les grandes sociétés
hiérarchiquement organisées. La compétence
initiale, réelle ou prétendue, est transférée
à l’uniforme ou au titre. Si l’autorité
porte l’uniforme idoine ou possède le titre approprié,
ces signes extérieurs de la compétence remplacent
la véritable compétence et ses qualités. Le
roi - ce titre étant considéré comme le symbole
de ce type d’autorité - peut être stupide, dépravé,
méchant, c’est-à-dire privé totalement
de la compétence qui lui permettrait d’être une
autorité, mais il a pourtant l’autorité. Tant
qu’il détient le titre, il est censé avoir les
qualités de la compétence. Même lorsque le roi
est nu, le peuple croit qu’il porte de magnifiques vêtements.
Le fait que les gens prennent les uniformes et les titres pour
les réelles qualités de la compétence est quelque
chose qui ne va pas tout à fait de soi. Ceux qui détiennent
ces symboles de l’autorité et qui, par conséquent,
en bénéficient, doivent endormir la pensée
réaliste (c’est-à-dire critique) du peuple-sujet
et doivent lui faire croire en la fiction. Quiconque y réfléchit
connaît les machinations de la propagande, les méthodes
qui permettent de détruire le jugement critique, la façon
dont l’esprit est endormi et soumis par des clichés,
comment les gens sont réduits au silence parce qu’ils
deviennent dépendants et perdent la capacité de faire
confiance à leurs yeux et à leur jugement. Ils sont
aveugles à la réalité par la fiction en laquelle
ils croient.
Hiérarchie des pouvoirs
Pour mieux agir situer l'autorité, pour mieux comprendre
la notion d'autorité la relier à celle du pouvoir
et pour mieux percevoir cette idée d'autorité en une
hiérarchie des pouvoirs reculer pour éviter l'arbre
qui masque la forêt dans une approche écosystémique.
Le pouvoir est simplement la capacité d'influencer, d'orienter
et de délimiter la pensée ou l'action d'un ndividu
ou d'un groupe.
Chez Marcel Mauss, dans cette "Anthropologie sociale"
de la cohésion sociale, il y a le "pouvoir social immédiat"
exercé par personne et auquel tout le monde se soumet. C'est
celui de la tradition et de la coutume.
Si la politologie est l'étude, la connaissance et le dicours
(ogos) sur le pouvoir, alors voyons cette hiérarchie des
pouvoirs dans le monde et faire un tour dans un des instituts d’études
politiques français ou un département de sciences
politiques d'une des grandes universités du monde.
- 1 "Auctoritas" ou pouvoir sénatorial des auteurs
(auctor, oris) des lois. C'est le pouvoir législatif;
- 2 "Imperium" ou pouvoir consulaire des grands commis
de l'État;
- 3 "Potestas" ou pouvoir administratif de l'exécution
des détails (minutiae, d'où "ad minutiae":
pour les détails)
* "[...] Cedant arma togae" (Cicéron). Que les
armes cèdent à la toge.
Telle est l'injonction de Ciceron (Des devoirs) sur la primauté
du législatif sur l'exécutif d'une démocratie
d'un État de droit.
La sociologie distingue la "dominance" qui est une prévalence
effective de la "domination" qui est cette prévalence
consacrée par le droit. La dominance devient domination à
travers la longue marche vers la législature de l'autorité
qui légalise et consacre cette dominance. Par exemple, la
langue anglo-américaine est "dominante" par acceptation,
mais elle n'est pas "dominatrice" en absence de loi qui
oblige à son emploi. Aucune loi obligel'Institut Pasteur
à publier en anglo-américain. Un autre exemple est
la dominance japonaise de la Bourse de Tokyo et de l'industrie d'automoble,
l'électronique et l'optique où rien n'oblige l'industrie
des autres pays à suivre ses normes de conception, de production
et de distribution. Chrysler, Ford et GM ont adopté ces normes
pour survivre, comme Renault a dû s'allier à Nissan
et GM à Toyota.
C'est à travers l'autorité des auteurs de la loi
qu'une "dominance" se transforme en "domination",
que les préférences des uns deviennent les obligations
de tous.
- La dominance demande l'acceptation;
- La domination demande la soumission;
- L'autorité demande l'obéissance.
C'est le phénomène de la "compliance" étudié
par Amitai Etzioni.
Voir à la conclusion" de 442 RCT.
* "[...] Le sociologue Amitai Etzioni a étudié,
à partir des camps d'internement des Nippo-Américains,
le phénomène de "compliance" qui est l'obéissance
à une "autorité" voulue et acceptée
et la dévotion envers cette autorité, obéissance
et dévotion qui ne sont pas une soumission à un "pouvoir".
Alors, la notion de "autorité" devient plus intelligible
comme un système de pouvoirs avec sa "structure"
hiérarchique, sa "fonction" de commandement et
d'ordonnancement et son "évolution", de la tyrannie
à la démocratie parlementaire d'une dictature électoraliste
du grand nombre, dans une écologie des philosophies.
En tant que forme de communication ou d’interactions où
"les interactions sont des actions réciproques modifiant
le comportement ou la nature des éléments, corps,
objets, phénomènes en présence ou en influence."
(Edgar Morin, 1977, p. 51), une investigation sur la notion d’autorité
privilégie la relation plutôt l’entité
discrète disjointe, la relation entre autorité et
obéissance, entre la source et le récipiendaire. Comme
“leadership” et “charisme”, l’autorité
est la description d’un mode de relation dans le registre
des influences.
* "[…] La différence entre le monde newtonien
et celui de la communication tient, simplement, au fait que le premier
attribue une réalité aux objets et parvient à
une certaine simplicité théorique en excluant le contexte
du contexte, donc en fait, toute métarelation et, a fortiori,
tout recul à l'infini dans la chaîne de telles relations."
(Gregory Bateson, p. 72, "Vers une écologie de l'esprit".
2, Seuil, Paris, 1980).
Autorité politique
Dans la tradition européenne d'Ancien Régime, l'autorité
politique était détenue par les rois, souverains à
partir de la Renaissance. La monarchie est même devenue absolue
au XVIIe siècle en France.
Les révolutions américaine et française ont
bouleversé cette conception des choses, en introduisant la
notion de souveraineté du peuple. Comme tous les citoyens
ne pouvaient avoir autorité sur tous les sujets, le principe
de démocratie a voulu que la souveraineté du peuple
soit déléguée par le suffrage universel à
des institutions et des personnes qualifiées : parlement,
président du Conseil, cours de justice,... selon le type
de compétences nécessaires à l'exercice de
l'autorité.
Selon le politologue américain Stephen Krasner, l'autorité
et le contrôle sont deux aspects de la souveraineté.
Les processus de décision dans les institutions politiques
contemporaines sont complexes, de sorte que l'autorité est
nécessairement partagée entre différents types
de pouvoirs : pouvoir exécutif, pouvoir législatif,
pouvoir judiciaire.
Dans l'Union européenne, l'autorité s'exerce à
différents niveaux selon les compétences attribuées
à l'Union et aux États membres, en vertu des principes
de subsidiarité / suppléance, et du principe de proportionnalité.
Quel que soit le type d'institution exerçant une autorité,
et quelles que soient les compétences requises, l'exercice
de l'autorité passe par de l'information. De nos jours, les
informations d'autorité doivent être gérées
dans des registres de métadonnées.
Autorité et violence
Selon les auteurs classiques, toute forme d'autorité est
d'abord basée sur la violence. Il y a toujours la menace
que l'on peut recourir à la force.
Ainsi, certains disaient que l'école était "l'intériorisation
de la violence"[réf. nécessaire].
Pour Hannah Arendt, cependant, l'autorité se définit
comme le pouvoir de se faire obéir sans contrainte. La violence
est alors conçue comme une dénaturation de l'autorité.
La remise en question de l'autorité : Hannah Arendt
Dans la Crise de la culture[1], Hannah Arendt explique pourquoi
l'autorité est entrée dans une crise généralisée
(à noter que le livre fut publié en 1968).
Pour cela, il faut reprendre le schéma classique de l'autorité
opéré par Max Weber. Selon lui, il existe trois formes
[de transmission] de l'autorité :
* coutumière (issue de la tradition) ;
* charismatique (une personne qui fascine, dont l'autorité
est retransmise à la descendance, mais avec une certaine
dégradation, à cause d'une routinisation) ;
* rationnelle-légale (les régimes politiques contemporains
ou lorsque l'on dit de quelqu'un qu'il a de l'autorité en
la matière).
Selon Arendt, la crise de l'autorité touche en premier lieu
le schéma de retransmission coutumier (et s'étend
également par la suite au schéma charismatique).
Cette crise touche toutes les sphères de la société
: le politique, la religion, l'école, la famille. Elle ne
touche cependant que peu le schéma classique de l'économie,
où le chef d'entreprise reste toujours le dépositaire
de l'autorité, sans (presque) aucune contestation possible
de la part de ses employés.
Les causes de cette crise remontent à l'insertion du système
démocratique dans la société. Paradoxalement,
ce sont les totalitarismes qui ont été les premiers
à profiter de cette crise politique. Le principe démocratique
est d'abord entré par le biais du politique en 1789, mais
en mai 1968, il touche toutes les autres sphères de la société,
qu'elle appelle "prépolitiques". Le système
démocratique est fondamentalement opposé à
l'autorité coutumière, car dans une démocratie,
tout le monde est égal, il n'y a donc pas d'autorité
naturelle. La seule autorité qui peut alors prévaloir
dans ce cas est l'autorité légale-rationnelle (où
le dépositaire de l'autorité doit démontrer
ses compétences).
Ainsi, plus qu'une véritable crise de l'autorité,
on voit apparaître une transformation de celle-ci : l'autorité
traditionnelle doit faire place à une autorité légale-rationnelle.
Hannah Arendt souhaite cependant limiter ce mouvement dans un cas
particulier : celui des enfants (à l'école ou dans
la famille). Les enfants ont besoin de structuration ; apprendre
le principe démocratique avant même d'apprendre l'autorité
est mauvais, car dans ce cas, ils remettent en question l'autorité
de leur professeur et de leurs parents.
L’éducation est un cas de figure où l’autorité
trouve en effet sa pleine expression est celui du rapport de maître
à élève : la relation, déjà pressentie
par Aristote, entre les anciens et les jeunes est pédagogique
par excellence et selon Hannah Arendt, "La nécessité
de l’"autorité" est plus plausible dans l’élevage
de l’enfant et dans l’éducation que nulle part
ailleurs".
Dans une approche historique, l’intuition de l’autorité
telle qu’elle a été vécue en Occident
est très ancienne. Elle n’a vu le jour qu’après
une réflexion philosophique grecque profonde (dès
Platon) vécue plus tard et par d’autres encore, les
Romains. L’autorité que Platon cherchait, et que le
monde romain devait découvrir, était bien "une
relation où l’élément de contrainte résidât
dans la relation elle même antérieure à l’expression
effective du commandement".
C’est ainsi que pour Hannah Arendt, malgré son caractère
« utopique » la philosophie grecque a été
logiquement reprise par les Romains qui "dans leur recherche
infatigable de la tradition et de l’autorité"
ont "décidé de la reprendre et de la reconnaître
comme leur plus haute autorité dans toutes choses de la théorie
et de la pensée". Imaginée et conçue par
les Grecs (Platon) notre idée de l’autorité
aura donc fonctionné à plein dans l’empire romain,
où elle reposait par ailleurs et avant tout sur une "fondation
dans le passé". "Le mot auctoritas dérive
du mot augere, augmenter, et ce que l’autorité ou ceux
qui commandent augmentent constamment : c’est la fondation".
A la chute de l’empire romain, l’Église devient
naturellement détenteur de l’ "autorité"
et reconstitua au prix d’une transformation fondamentale une
indéformable trinité religion / tradition / autorité
(Hannah Arendt observe que jamais dans l’histoire, l’une
des trois notions ne s’est affaiblie sans entraîner
les autres dans sa propre disparition). L’Église aura
été la première touchée par l’affaiblissement
de la religion, mais aussi par celui de la tradition. Après
l’empire romain, en dehors d’elle, politiquement, l’autorité
n’aura nulle part été réinstaurée,
même par les révolutions et leur propension paradoxale
à s’inspirer de la fondation romaine.
Voir aussi
Liens internes
* Liberté | Coercition
* Anarchisme (Bakounine définissait l'anarchiste par "quiconque
est contre l'autorité")
* Autoritarisme : système politique
* Autorité de la prêtrise
* Argument d'autorité
Liens externes
* Quelques citations sur l'autorité
* Autorité - article de Voline tiré de l'Encyclopédie
anarchiste (initié par Sébastien Faure).
* Les différentes formes de pouvoir et d'autorité
(Mots ayant "cratie" pour racine)
* Qualitionnaire - Définitions légales et normatives
- Autorité
* Un tableau médiologique et plusieurs articles sur Influence
et Autorité
|