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Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Autonomie_et_h%C3%A9t%C3%A9ronomie
Introduction
L'autonomie et l'hétéronomie se conçoivent
mieux par rapport à l'anomie et en regard des concepts typiquement
marxiens de valeur d'usage et de valeur d'échange. Aux comportements
sociaux d’autonomie et d’hétéronomie correspondent
les caractères psychologiques d’introversion et d’extraversion
d’origine psychanalytique de Carl Gustav Jung. L’introverti
est “entier”, “authentique” dans la correspondance
complète et exacte entre le personnage public et la personne
ou le “soi” intime, tandis que l’extraverti joue
un rôle approprié au public du moment (signifiant à
la fois instant et rapport de forces). La caricature de l’extraverti
est le représentant de commerce qui se fait sympathique et
agréable pour vendre ou faire adopter quelque chose. L’extraverti
privilégie la valeur d’échange qui peut lui
rapporter des bénéfices, comme l’approbation
d’autrui et la popularité auprès de son entourage,
tandis que l’introverti se comporte de façon autonome,
suivant la valeur d’usage de la gratuité dans ses interactions
avec ses semblables et son environnement.
Ivan Illich a déployé ce thème dans la "Convivialité"
et la "simplicité volontaire". Comme Erich Fromm
dans "avoir ou être", il s’intéresse
successivement à l'apprentissage à travers l’enseignement
("Une société sans école", 1971),
au mode de vie « doux » ("Energie et équité",1973,
"La convivialité", 1973) et à la santé
par la médecine ("Némésis médicale",1975).
Cf. http://perso.orange.fr/marxiens/politic/subvert/ecorev/rev01/illich.htm
Valeurs d’usage et d’échange
"[...] La valeur d’échange représente
la simple satisfaction des biens et services réduits en marchandises
de la valeur marchande.
La valeur d'usage représente fondamentalement un type de
satisfaction humaine liée à des actes et expériences
dont le contenu relationnel et symbolique est plus important que
le contenu fonctionnel ou utilitariste. Elle se différencie,
se distingue et se complète à la notion de valeur
d'échange qui, elle, représente la demande solvable
banale de biens matériels et de services dont on recherche
l'acquisition pour leur fonctionnalité simple et pure, indépendamment
de la connaissance des conditions dans lesquelles ces biens et ces
services sont fabriqués et échangés. La valeur
d'usage représente un ensemble de satisfactions matérielles
et immatérielles dont la fonction est non seulement de pourvoir
aux besoins biophysiques des individus, mais aussi et en même
temps d'apporter à l'utilisateur et au producteur un supplément
de sens, un supplément d'être par rapport aux relations
qu'ils entretiennent avec leurs semblables et leurs environnements
biophysiques.
Ce sont des choses (une forêt, la mer, une œuvre d'art,
un simple dessin, un geste de solidarité, etc) dont la valeur
ne se réduit pas et ne se déduit pas à et d'une
simple fonctionnalité (le prix du bois de la forêt,
la valeur marchande d'une peinture, d'un objet artisanal, le coût
monétaire d'une donation), mais aussi la part d'enrichissement
symbolique et inestimable qu'elle apporte à l'univers humain:
le plaisir d'une promenade dans la nature, la joie de partager,
la satisfaction de "faire", le sentiment d'auto réalisation
lié à un acte productif ou à un acte de solidarité.
La valeur d'usage procure la satisfaction de l'acte symbolique et
relationnel de soi à l'environnement et aux proches pour
la nécessité de se relier au monde dans le jeu, la
jouissance, la gratuité marchande et la convivialité.
Prenons par exemple, le besoin aussi essentiel et impérieux,
de la petite enfance à un âge avancé, que celui
d'apprendre. On peut apprendre en observant, en agissant personnellement,
en s'ouvrant aux autres et à son environnement biophysique:
c'est ce nous appellerons le mode autonome.
On peut être "éduqué", c'est-à-dire
recevoir une information, une formation unilatérale et obligatoire
de la part des gens qui sont là "pour ça":
c'est le mode hétéronome, le recours à une
médiation externe qui se substitue à l'expérience
personnelle de l'exploration et de la découverte. Prenons
la santé, on peut guérir de façon intransitive
comme sujet actif de ses propres soins avec l'aide et la coopération
des gens d'expérience: c'est le mode autonome. On peut guérir
de façon transitive comme objet des soins distribués
par des "professionnels" qui sont là "pour
ça", c'est-à-dire comme consommateur passif de
soins et médicaments. L'enseignant et le médecin sont
des gens qui sont là "pour ça" dont la profession
est d'enseigner et de guérir. L'éducation et la santé
sont les deux chevaux de bataille d'Ivan Illich pour défendre
son idée de convivialité. La caractéristique
des actions du type autonome est de produire à la fois des
valeurs d'échange et des valeurs d'usage que le secteur hétéronome
ne peut pas produire. Tout besoin humain (en dehors des besoins
physiologiques de base) peut être indifféremment satisfait:
1) soit par des modes d'action conservant un lien direct entre
l'acte producteur qui est à l'origine de la satisfaction
et sa consommation. C'est le mode d'action autonome.
2) soit par d'autres modes d'action introduisant un médiateur
anonyme (le marché) entre l'acte qui est à l'origine
de la production de la satisfaction et l'acte qui sert de support
à la consommation. C'est le mode d'action hétéronome.
Un objet a en lui-même, dit Karl Marx, une valeur d'usage
qui tient à son utilité pour le détenteur et
qui n'est pas réductible à sa rareté ni indépendante
de sa place. La valeur d'usage d'une marchandise ne détermine
pas sa valeur d'échange qui assure l'équivalence des
marchandises entre elles et se mesure par la quantité de
travail utilisée pour la production de chacune d'elles. On
échange, dit Marx, des quantités de travail cristallisées
en objets ou en services. Du fait de la proximité des actes
de production et de consommation (qu'ils soient le fait d'une seule
personne ou qu'ils mettent en rapport des personnes "se connaissant"
et "se reconnaissant"), le mode d'action autonome ne remplit
pas seulement le rôle fonctionnel de nature biophysique, mais
encore il sert simultanément de support à l'échange
de valeurs relationnelles, c'est-à-dire à la mise
en commun du sens.
Ce mode d'action autonome apporte à l'individu ou aux individus
en cause un supplément d'être et de transcendance par
rapport aux relations qu'ils entretiennent avec leurs semblables
et leurs environnements biophysique. Ce qui rejoint la signification
ancienne ou originelle de l'économie qui est l'organisation
(Nomos ) de la maisonnée (Oikos ) ou l'art d'administrer
un domaine et de vivre en harmonie avec ses semblables et son environnement.
La richesse du secteur autonome vient de ce qu'il associe production
de valeur d'usage et de valeur d'échange, ajoutant ainsi
une dimension d'incommensurabilité (dans la signification
littérale ou profonde de "sans commune mesure")
à des actes ou des comportements qui, lorsqu'ils sont le
fait du secteur hétéronome n'ont que la sécheresse
des rapports utilitaristes et marchands.
La valeur d'usage et la valeur d'échange sont à des
niveaux distincts de type logique, de dépendance ou de contrainte.
En effet, la valeur d'usage est de l'ordre qualitatif, tandis que
la valeur d'échange, elle, est de l'ordre quantitatif et
se mesure, dit Marx, par les quantités de travail cristallisées
en objets ou en services.
La valeur d'usage et la valeur d'échange, dit Anthony Wilden,
sont des "valeurs-en-processus", elles ne sont pas statiques.
Dans un ensemble donné de circonstances culturelles et historiques,
la force de travail crée des valeurs d'usage à partir
des matériaux bruts et de l'énergie. Les qualités
utiles du produit servent de base à sa valeur d'échange.
Dès que s'est instaurée une division du travail dans
le processus de production, naît ipso facto un système
d'échange.
Dans les sociétés, faisant preuve d'adaptation à
long terme, la production et l'échange de valeurs d'usage
prédominent sur la production et l'échange de valeurs
d'échange. En conséquence, la coopération prédomine
et vient contraindre, orienter et délimiter la compétition
et les deux types de valeurs, ensemble et de façon complémentaire
et antagoniste, dans une Gestalt figure-fond, contribuent profondément
et complètement à la survie et à l'épanouissement
à long terme. La distinction entre valeur d'usage et valeur
d'échange dépend du contexte où s'inscrit tout
rapport particulier, dit Wilden. Cette distinction est faussée,
ce qui n'est pas accidentel, par la "théorie de la valeur
subjective" (subjective value theory), c'est-à-dire
de "l'utilité marginale". Pour savoir si un rapport
est un d'usage ou d'échange, nous devons savoir quelle forme
de valeur constitue la caractéristique dominante d'un contexte
donné.
On prend habituellement, dans l'idéologie des oppositions
binaires, pour acquis que tout objet (c'est-à-dire toute
relation) doit être ou bien l'un ou bien l'autre. Cette habitude
nous empêche de comprendre que les valeurs d'échange
ont des usages - dont l'un consiste à être produites
et échangées - et que les valeurs d'usage, à
leur tour, sont des valeurs d'échange. Leur rapport en est
à la fois d'usage et d'échange. Selon les conditions
sociales et économiques particulières, l'un ou l'autre
peut prédominer, comme la coopération ou la compétition,
l'autonomie ou l'hétéronomie". (Thanh H. Vuong
& Jorge Virchez, "Communauté Économique de
l’Asie Pacifique. Essai d’anthropologie économique
et de géographie politique", pp.93-97 Presses Inter
Universitaires, Cap Rouge, QC, 2004).
Introversion et extraversion. Aimer et être aimable
Dans “L’art d’aimer”, Erich Fromm fait
la distinction entre “aimer” et “être aimable”
sur la base marxienne des valeurs d’usage et d’échange
à la sauce psychanalytique.
Aimer correspond à la valeur d’usage de l’introversion
autonome d’un sujet “entier” ou “authentique”,
alors que “être aimable” est de l’ordre
de la valeur d’échange hétéronome pour
obtenir quelque chose en retour par le jeu théâtral
de la séduction et de la complaisance pour plaire.
Conclusion
Dans la perspective d'une approche écosystémique
qui consiste à reculer pour mieux percevoir, à relier
pour mieux comprendre et à situer pour mieux agir, la détresse
de l’anomie psychologique pourrait mieux être comprise
et mieux aidée dans une des psychothérapies. L’anomie
correspond a une situation où la personne, tout comme la
collectivité, ne sait plus à quels repères
se référer. Alors, c’est une situation de crise
qui est une croisée des chemins, une bifurcation, une rupture
de la reproduction à l’identique. Chez le sujet, alors,
l’anomie est représentative d’un deuil de la
perte grave, signifiante et significative de quelque chose, quelqu’un
ou quelque configuration familiale, professionnelle ou sociale.
Références bibliographiques
* Erich Fromm
o L'art d’aimer, Editions Universitaires, Paris 1967.
o Avoir ou être ? : un choix dont dépend l'avenir de
l'homme, Laffont. Paris, 1978.
o La conception de l'homme chez Marx, Payot, Paris 1977
* Thanh H. Vuong & Jorge Virchez, Communauté Économique
de l’Asie Pacifique. Essai d’anthropologie économique
et de géographie politique, Presses Inter Universitaires,
Cap Rouge, QC, pp.94-97, 2004.
* Anthony Wilden, Système et structure. Essais sur la communication
et l'échange, Boréal Express, Montréal, 1983.
Liens externes
* http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/210_005.html
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