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L’autogestion dans une revue libertaire clandestine en Espagne
Anarchisme et non-violence n°29 (avril/juin 1972)

Origine : http://www.la-presse-anarchiste.net/spip/spip.php?article1671

La réflexion sur l’autogestion est plus que jamais d’actualité. Depuis quelque temps, nombre de groupes ou organisations ouvrières se sont penchés sur ce problème et, dans certains cas, ont même porté la gestion directe de l’entreprise par les travailleurs au nombre des points de leur programme. Le débat qui est en cours à la CFDT, au PSU, aux Centres d’initiative communiste, voire dans des organisations réformistes telles que le Parti socialiste, a donc largement dépassé le cadre restreint des minorités ultra-gauche malgré les ambiguïtés que peut recouvrir le terme d’autogestion. De la discussion naîtra une plus juste intelligence des problèmes posés actuellement par la gestion directe, compte tenu des expériences révolutionnaires passées.

À la suite du travail sur les collectivités espagnoles que nous présentons dans ce numéro, nous avons choisi de reproduire un texte émanant de camarades espagnols qui publient la revue clandestine « Tribuna libertaria ». Ce texte a été précédemment publié dans le n°11 de « Solidarité ouvrière » (mars 1972), BP 31, 78 -Saint-Cyr-l’Ecole.

Les structures de l’autogestion, contrairement aux structures capitalistes et socialistes autoritaires, reposent sur la prise en main de la totalité des mécanismes sociaux par l’ensemble de la collectivité.

L’autogestion ne peut admettre une division hiérarchique des tâches conduisant, dans un délai plus ou moins long, à la formation d’une caste dirigeante. C’est dans cet esprit qu’est appliquée la révocabilité permanente : il n’y a pas de dirigeants sinon des responsables désignés par l’ensemble des travailleurs et révocables à tout moment. L’autogestion repose donc sur le principe de la démocratie directe.

L’autogestion ne doit pas uniquement se réaliser dans le secteur économique mais englober la totalité des activités de la vie. Si les producteurs doivent se regrouper en conseils ouvriers et paysans au niveau de l’entreprise, de l’industrie et du secteur économique, la population — qui représente l’ensemble des consommateurs — doit parallèlement substituer ses organismes locaux, régionaux, nationaux et internationaux aux fonctions directrices de l’État.

Ce n’est qu’ainsi que peuvent être liquidées les superstructures capitalistes ou bureaucratiques. Le désintérêt, l’abandon des pouvoirs de décision, à l’égard des mécanismes économiques et sociaux, par les producteurs, font le jeu au premier chef de la classe dirigeante actuelle ou à venir.

L’actuelle tendance de l’accroissement des différences entre les salaires, tant en régime capitaliste qu’en régime socialiste autoritaire, doit être renversée afin de ne pas perpétuer ou créer des inégalités sociales et éviter qu’une classe ou un secteur de la population ne s’approprie une part démesurée de l’ensemble des biens. Seule la disparition des classes privilégiées peut nous conduire à la disparition effective des classes sociales et être la voie vers une société communiste libertaire. Le développement des techniques (cybernétique et automatisation) nous permet actuellement d’entrevoir la mise en pratique de l’autogestion.

Collectivisation sans étatisation

Cette autogestion et la planification fédéraliste correspondante exigent la suppression de la propriété privée des moyens de production, de distribution, d’information, etc., et ne doivent pas se réaliser au profit de l’État.

Le passage de la propriété privée à la propriété sociale doit s’effectuer directement par la prise en main de la gestion de l’appareil économique par les travailleurs — l’équipement social passant sous le contrôle direct de l’ensemble des producteurs.

Les entreprises et la terre ne peuvent appartenir à des individus particuliers, à une couche de la population, mais à tous. Elles doivent être placées sous la responsabilité et la gestion de la collectivité qui y travaille. La collectivisation au nom de la société se voit ainsi accompagnée de la remise de tout l’appareil économique aux conseils ouvriers et paysans, aux collectivités locales. Le but est de liquider le rôle moteur et stimulant de l’intérêt privé et du profit (même sous forme coopérativiste) et d’y substituer l’émulation socialiste.

Cela suppose une éducation révolutionnaire d’un niveau élevé et différente de celle prodiguée par une société de classes ou par l’État.

Internationalisme

Une telle révolution, sous peine d’être asphyxiée, doit reposer sur l’internationalisme.

La disparition des États nationaux ne peut s’effectuer, d’une part, que par la création de services et d’institutions révolutionnaires au niveau international et, d’autre part et parallèlement, par la décentralisation des structures nationales en se basant sur les cadres régionaux et locaux les plus proches de l’individu.

Les travailleurs doivent coordonner leur action par-delà les frontières et faire éclater les barrières politiques et mentales qui sont de simples conséquences de l’histoire.

Par-delà les patries moribondes, les travailleurs eux-mêmes doivent édifier le monde socialiste. Il n’y a plus de politiques nationales convenables à l’époque des grandes unions continentales et d’une vie planétaire.

La disparition d’États nationaux voisins — par exemple pour l’Europe — est un fait positif car leurs populations vivent dans un même ensemble géographique. Mais cela n’entraîne pas pour autant la fin des inégalités économiques.

Le plus grand problème de l’humanité est celui de la disparité extrêmement grande entre le niveau de vie des sociétés « évoluées » et celui des masses continentales sous-développées. Cela ne pourra être résolu que par une redistribution planétaire des biens des peuples ayant « bénéficié » du développement économique au profit des peuples qui ont été victimes de l’exploitation impérialiste et coloniale.

Tout soulèvement populaire, en tout point du globe, doit recevoir la solidarité active de tous les travailleurs — et à plus forte raison quand un tel soulèvement mène à une alternative réellement révolutionnaire.

La révolution ne peut être qu’internationaliste, par le renfort et l’appui qu’elle reçoit et qu’elle offre.

(In « Tribuna libertaria », n° 5, janvier-février 1972, revue clandestine éditée en Espagne.)