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Origine : http://www.maaber.org/nonviolence_f/Autogestion_f.htm
Une campagne d’action non-violente doit se donner un objectif
clair, précis, limité et possible, qui puisse être
atteint à court terme. Mais, en même temps, l’injustice
dénoncée et combattue ne doit pas être isolée
de son contexte économique, social et politique. Il importe,
au contraire, de la situer à l’intérieur d’une
analyse globale de la société, en sorte que l’objectif
ponctuel choisi soit lui-même intégré à
un projet politique global. Une action non-violente vient alors
prendre sa place dans le cadre d’une stratégie visant
à faire aboutir à long terme un projet politique dont
la visée est de construire une société plus
juste et plus libre.
Une politique qui s’inspire de la philosophie de la non-violence
ne doit donc pas se réduire à une somme de contestations
et de protestations contre les injustices du désordre établi
; elle doit être fondée sur un projet concernant l’ordre
social qu’elle veut établir et dont elle doit prétendre
assumer la gestion. Les luttes non-violentes se sont le plus souvent
développées dans une dynamique de résistance.
Mais, pour atteindre ses objectifs, la résistance doit s’articuler
avec l’anticipation, la proposition et la mise en œuvre
progressive d’un programme constructif.
Par son dynamisme propre, la philosophie de la non-violence est
porteuse d’un projet politique qui vise à établir
une véritable démocratie, à la fois économique,
politique et culturelle. Un tel projet doit viser à inscrire
dans la réalité sociale l’égalité
des chances pour tous et permettre la diminution progressive des
rapports de violence dans l’organisation sociale. Il rejoint
ainsi celui du « socialisme autogestionnaire », dont
la visée est de permettre à chaque femme et à
chaque homme d’acquérir le pouvoir d’être
maître de son propre destin dans la coresponsabilité
de la « chose publique » (c’est-à-dire
de la ré-publique) avec les autres membres de la société.
L’autogestion politique, c’est la gestion de la république
par les citoyens eux-mêmes. Cela implique qu’ils participent
le plus directement possible aux pouvoirs de décision répartis
aux différents niveaux de l’organisation sociale. Plus
précisément, l’autogestion veut donner aux individus
la possibilité de participer directement aux décisions
dans les domaines qui les concernent directement. L’autogestion
consiste donc dans l’exercice du pouvoir par le peuple des
citoyens : elle est donc l’expression effective de la démo-cratie.
Et la démocratie effective n’est pas fondée
sur la délégation et la représentation, mais
sur la participation. C’est pourquoi, au-delà de la
mode des mots, l’autogestion, comme recherche et expérimentation
d’une démocratie réellement participative, sera
toujours à l’ordre du jour du débat politique.
Un projet autogestionnaire doit préciser les structures
et les institutions sociales, économiques et politiques qui
permettraient de réguler les inévitables conflits
qui surgissent au sein d’une collectivité humaine,
sans retomber dans les contradictions du centralisme bureaucratique
qui caractérise la gestion de nombreux États modernes,
c’est-à-dire sans être à nouveau prisonnier
de l’engrenage de la violence. En ce sens, la visée
de l’autogestion est de se rapprocher le plus possible d’une
gestion non-violente de la société politique.
L’autogestion se trouve confrontée à l’exercice
du pouvoir politique. De même que la lutte non-violente rend
nécessaire de recourir à certains moyens de contrainte,
la gestion non-violente de la société n’est
pas possible sans la mise en œuvre de certaines contraintes
pour établir l’ordre social. L’autogestion ne
peut pas être la convivialité harmonieuse de tous les
citoyens unis dans le respect et la confiance mutuels. Prétendre
éliminer toute contrainte de la gestion de la société,
ce serait s’égarer dans l’utopie et se condamner
à l’impuissance. Mais dire cela, ce n’est pas
retomber dans la logique de la violence ; c’est s’obliger
à rechercher les moyens non-violents d’une telle contrainte.
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