Origine : http://raforum.info/spip.php?article3960
Article publié dans l’hebdomadaire de l’UTCL,
Lutter ! n°18 (janvier 1987). Il s’agissait d’un
numéro spécial sur la grande grève des cheminots,
marquée par l’apparition en force des coordinations
de travailleurs. Cet article avait été rédigé
par un groupe de grévistes de Sotteville-lès-Rouen,
qui allaient par la suite former le groupe de Rouen de l’UTCL.
Un courant parfois qualifié de « basiste » existe
depuis longtemps à la SNCF, se battant pour une démocratie
des assemblées. Il s’est notamment manifesté
en Mai 68 et dans les années 1970 avec le comité d’action
cheminots. Le pouvoir aux assemblées a été
depuis longtemps pratiqué dans un certain nombre de conflits
: il y a des racines au mouvemem actuel, même si celui-ci
a atteint un niveau supérieur. De même, il y a une
tradition de « comité de grève » à
la SNCF, même s’il s’est souvent agi par le passé
de comités CGT ou au mieux d’intersyndicales. En effet
la « gestion » d’une grève à la
SNCF est confrontée à des problèmes : grandes
tailles des établissements, dispersion géographique
des travailleurs, diversité des services, qui font la nécessité
du comité de grève comme outil technique (démocratique
ou non, c’est une autre question).
Dans le mouvement actuel, lancé par une assemblée
(celle des roulants de Paris-Nord), les directions syndicales doivent
compter avec le pouvoir de la base. Le temps où les consignes
fédérales (historiquement celles de la CGT) étaient
suivies avec discipline n’est plus. Les comités de
grèves sont très nombreux.
Dans les faits, ils sont au moins de trois types : – l’intersyndicale
traditionnelle où se retrouvent les responsables locaux,
les délégués, plus ou moins paritairement ;
– l’intersyndicale ouverte à des non-syndiqués
; – enfin des comités de grève à proprement
parlé, élus par des assemblées. D’autres
formules sont possibles, comme à Paris Saint-Lazare où
on ne parle pas de comité de grève mais où
l’AG de chaque service nomme un bureau de séance, l’ensemble
de ces bureaux formant une coordination sur la région.
Cette diversité reflète celle de la base : la démocratie
ne passe pas avec des schémas plaqués. Le plus important
c’est que partout, ce soient les assemblées qui décident.
La crispation autour d’un mot d’ordre (le « comité
de grève ») peut avoir un effet inverse, en montant
les travailleurs contre ce qui peut leur paraître comme une
nouvelle structure de direction contraire à l’esprit
du pouvoir direct aux AG.
Les multiples expériences démocratiques de cette
grève mériteront une étude détaillée,
car les militants et les travailleurs de tous les secteurs y trouveront
des exemples à reprendre.
Deux coordinations nationales
Du fait de la dimension de l’entreprise, une coordination
nationale des grévistes serait le prolongement naturel de
ces assemblées et comités locaux. Les roulants l’ont
vite compris et se sont dotés d’une coordination. La
première réunion a été organisée
par les roulants de Paris-Nord, sur la proposition de ceux de Sotteville-lès-Rouen.
Regroupant les représentants de 32 dépôts dès
sa formation, la coordination est une émanation représentative
de la base. Elle ne se situe pas en concurrence aux syndicats, mais
comme un outil d’information et de mobilisation. Reflet de
sa base, on y retrouve aussi certains aspects un peu « corpo
» ; si bien que ceux des roulants qui avaient proposé
un élargissement de la coordination aux autres catégories
n’ont pas été suivi. D’où problèmes
évidents, qui auraient peut-être pu se résoudre
si une autre initiative ne s’était publiquement affirmée
en parallèle à la coordination des roulants : celle
de la « Coordination nationale intercatégories »
formée autour de Paris-Sud-Ouest à l’initiative
de militants de Lutte ouvrière.
La plate-forme, les tracts de cette coordination sont corrects
et des assemblées et comités réels ont donc
pu s’y associer. Le problème réside dans l’attitude
des militants à l’origine de cette coordination (LO)
qui n’ont pas rompu avec le penchant pour la manipulation
que leur inspire leur formation. Nombre de délégations
à cette coordination ne représentent qu’elles-mêmes,
sans aucun mandat d’assemblées ou de comités.
Des militants et travailleurs de Paris-Saint-Lazare ou de Paris-Est
ont été surpris d’apprendre que leurs centres
y étaient représentés, par exemple, alors que
cela n’avait pas été discuté en AG. L’initiative
elle-même a été montée de façon
précipitée pour faire concurrence à celle des
roulants, ce qui n’a d’ailleurs pas aidé pour
que cclle-ci s’ouvre davantage aux autres catégories.
Le risque de division était évident. Depuis, la coordination
« Paris-Sud-Ouest » se présente comme complémentaire
de celle de « Paris-Nord ». Mais de nombreuses questions
demeurent sur sa représentativité...
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