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Origine : http://www.cnt-f.org/accueil/presentation.html
http://calle-luna.org/article.php3?id_article=79
Le nom de la CNT circule désormais régulièrement,
sur les tracts, dans les manifestations, parfois dans les médias.
Mais si les trois lettres commencent à être connues,
ce qu'elles signifient reste souvent bien flou. Plusieurs éléments
concourent à cela. « Confédération nationale
du travail » indique bien qu'il s'agit d'un syndicat, pour
le reste les termes ne sont guère explicite ; et comportent
un « nationale » bien peu opportun, de nos jours, en
France.
Ensuite, les références de la CNT, syndicalisme révolutionnaire,
anarchosyndicalisme, laissent souvent la place à un «
anarchisme » qui ne lui correspond pas.
Enfin, son image sulfureuse, teintée d'une violence que les
médias présentent volontiers comme gratuite, trouble
la perception extérieure de sa réalité militante.
L'existence de deux autres « CNT », survivances d'anciennes
scissions, contribue également, lorsqu'on s'intéresse
à la CNT, à en compliquer l'appréhension. Alors,
la CNT, c'est quoi ?
I- REFERENCES HISTORIQUES
Historiquement, la CNT a deux références, le syndicalisme
révolutionnaire et l'anarchosyndicalisme.
1) Le syndicalisme révolutionnaire
Le syndicalisme révolutionnaire de la CGT d'avant la guerre
de 14-18, bâtie en grande partie par des militants issus de
l'anarchisme, avec certains principes hérités de cet
anarchisme (démocratie directe), mais en rupture avec l'organisation
politique (principe classiste, c'est-à-dire appartenance
de classe comme critère de recrutement et non appartenance
idéologique), et en développant des modes d'action
propres : grève générale expropriatrice.
Le syndicalisme révolutionnaire est également né
contre le développement d'un anarchisme individualiste exaltant
la valeur de l'individu au détriment de la société
humaine, et usant paradoxalement de l'arme terroriste instrumentalisant
la vie humaine. Le syndicalisme révolutionnaire, s'il a interprété
l'analyse économique marxiste, s'est également construit
contre les partis politiques de cette obédience : marxistes,
anarchistes, le premier combat de la CGT naissante a été
d'empêcher son instrumentalisation par les partis.
Sa défaite, après 1918, sera concrétisée
par la victoire du courant social-démocrate puis du Parti
communiste. C'est ensuite, après un épisode dans la
CGT-U avec les « communistes », la CGT-SR (« SR
» pour syndicaliste révolutionnaire) qui a repris le
flambeau, mais marginalement, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
2) L'anarchosyndicalisme
La seconde référence de la CNT, c'est l'anarchosyndicalisme
de la CNT espagnole, qui s'affirme, depuis le début du XXe
siècle jusqu'à 1936, comme la principale organisation
révolutionnaire espagnole. Contrairement à la plupart
des pays occidentaux, la bolchevisation des courants révolutionnaires
suite à la révolution russe n'est pas parvenue à
absorber celui espagnol.
La FAI (Fédération anarchiste ibérique) s'est
créée pour assurer un contrôle politique de
l'organisation syndicale. Le syndicalisme espagnol s'est ainsi affirmé,
contrairement au syndicalisme révolutionnaire, lié
à l'idéologie anarchiste, inventant le projet de société
communiste libertaire : la reconnaissance du groupe humain, et non
de l'individu, comme base d'organisation sociale, mais selon des
principes autogestionnaire, sans délégation de pouvoir.
Les collectivités d'Aragon et d'ailleurs ont été
la réalisation historique de la CNT hégémonique
dans la première période révolutionnaire.
II- REFERENCES IDEOLOGIQUES
« Les anarchistes de la CNT », était jusqu'à
la fin des années 90 la dénomination la plus courante
qui servait aux médias pour nous désigner. On est
passé ensuite à « Le syndicat anarchiste CNT
». C'est bien, ça progresse, mais c'est pas encore
ça ! Certains commencent à nous appeler « anarchosyndicaliste
». On se rapproche...
1) La CNT, libertaire ?
Se référant à l'anarchosyndicalisme et au
syndicalisme révolutionnaire, la CNT aujourd'hui oscille
entre la reconnaissance d'un projet communiste libertaire et le
refus de toute étiquette spécifiquement idéologique
: pas d'organisation politique, de quelque obédience qu'elle
soit, comme tutrice de l'organisation syndicale. Une logique d'adhésion
qui est basée sur l'appartenance de classe, et non les références
idéologiques.
Mais une proximité indéniable avec un certain courant
du mouvement libertaire, dont la proximité s'explique par
le mode de fonctionnement. Une proximité qui, avec d'autres
composantes de ce même « mouvement », se transforme
en hostilité manifeste : l'individualisme, de quelque obédience
qu'il soit, n'est guère compatible avec le syndicalisme,
fondé sur la reconnaissance de l'être humain comme
« animal social ».
2) L'action comme idéologie
C'est dans l'action bien plus que dans les dogmes idéologiques
que la CNT se construit. Parfois accusée d'activisme, soupçonnée
d'oublier la réflexion et d'étouffer les débats
internes dans un mouvement perpétuel, elle assume ces critiques
en considérant la réflexion comme fruit de l'action,
l'idéologie issue de la pratique, et non l'inverse.
La force de cet état de fait, c'est de permettre de réunir
des militants ayant des opinions parfois différentes, de
ne pas paralyser l'organisation par d'interminables querelles, comme
cela est trop souvent le cas dans les groupuscules. C'est un des
piliers de notre développement. La faiblesse est le risque
de détournement progressif du projet révolutionnaire,
soit dans une fuite en avant activiste, soit dans un ramollissement
réformiste. Contre ces dérives, il s'agit de réaffirmer
sans relâche nos principes fondamentaux (autogestion, refus
de la cogestion, organisation révolutionnaire de lutte de
classe, indépendance à l'égard des partis,
action directe...).
Cela se fait dans les pratiques plus que dans les discours. Certains
ont décidé de lutter en partant élever des
chèvres dans le Larzac. Pour nous, la résistance se
construit au sein même de l'ancien monde. Nous refusons de
demeurer entre convaincus dans une tour d'ivoire, ressassant des
théories sans réalité. Alors, oui, nous avançons
dans la merde. Et nous prétendons le faire sans nous y noyer.
3) L'action directe
Il est révélateur que l'un de nos principes primordiaux
soit un principe d'action, l'« action directe ». Que
faut-il entendre par ce terme ? Souvent, il est détourné
de sa signification subversive, en ne renvoyant qu'à une
idée erronée de « violence », cette même
« violence gratuite » que l'on nous attribue régulièrement
dans les médias. En réalité, si une action
directe peut être violente, le plus souvent elle ne l'est
pas. L'action directe, c'est une forme de lutte, décidée,
mise en oeuvre et gérée directement par les personnes
concernées. Grèves, sabotages, piquets de grève,
occupations, sont des formes d'action directe, celles que nous pratiquons
régulièrement dans notre travail syndical.
L'idée d'action directe est donc tout à fait contraire
à une forme de lutte avant-gardiste, menée par une
minorité éclairée sans participation de la
masse (c'est-à-dire l'ensemble des personnes concernées),
comme l'était celle du groupuscule qui s'est fait connaître
sous ce nom à la fin des années 70 et au début
des années 80, typique d'une « fuite en avant activiste
» contre-productive.
III- CNT, DE 1946 A LA RUPTURE AVEC L'AIT
La CNT est née en 1946. Elle a pris le nom de CNT en référence
à la CNT espagnole, bénéficiant d'un immense
prestige. Le « nationale » s'explique ainsi, qui était
justifié dans le contexte espagnol où le régionalisme
était utilisé par les forces réactionnaires
et où ce terme affirmait l'unité de la classe ouvrière.
Dans la situation française, il était certes nettement
moins pertinent, d'autant plus aujourd'hui que la référence
espagnole s'avère moins prégnante.
1) La CNT groupusculaire
Bénéficiant d'un essor considérable au lendemain
de la guerre (100000 adhérents environ), réunissant
tous ceux qui ne se reconnaissaient pas dans une CGT inféodée
aux bolcheviques (Parti communiste), elle s'est écroulée
aussi rapidement qu'elle a grandi, semble-t-il en raison d'affrontements
idéologiques de dogmatiques épris de pureté.
Mais cette période, sur laquelle des camarades travaillent
actuellement, est historiquement mal connue. Puis la CNT, si elle
n'a jamais disparu, a connu jusqu'aux années 90 une longue
existence de groupuscule, oscillant de quelques dizaines à
quelques centaines d'adhérents.
N'ayant plus de réalité syndicale, hormis quelques
expériences ponctuelles, elle s'est naturellement repliée
sur des activités propagandistes.
2) La première scission
Elle a connu durant cette période deux scissions. La première,
dite de la « Tour d'Auvergne », du nom de la rue où
se trouvait le local de la CNT d'alors. Elle existe toujours, sous
le nom de « CNT-deuxième UR », elle réunit
une dizaine d'adhérents, et ses principales activités
semblent être l'animation d'un site Internet (http://www.cnt-2eme-ur.org/)
et la propagande anarchiste. Les origines de cette scission sont
assez floues et semblent relever essentiellement de querelles personnelles.
3) La seconde scission
Celle-là date de 1993. Il s'agit de la CNT-AIT (http://cntait89.free.fr/)
[http://cnt-ait.info , NDLR] , qui réunit aujourd'hui environ
150 adhérents. Le XXe congrès de l'AIT (Association
internationale des travailleurs), en 1996, a en effet exclu «
notre » CNT, à 2 voix contre une ( !) et 3 abstentions...
un vote minoritaire, bien peu représentatif de notre logique
de fonctionnement, privilégiant le consensus. Une fois encore,
des oppositions de personnes ont joué un rôle déterminant
dans cette scission.
Deux lignes cependant se dessinait, qui se sont encore affirmées
par la suite : d'une part, une ligne dogmatique dure, s'opposant
radicalement aux élections du personnel et donc à
la stratégie de développement des sections syndicales,
se repliant de fait sur une logique propagandiste anarchiste/anarchosyndicaliste
; d'autre part, une ligne cherchant à développer un
syndicalisme de lutte, acceptant la participation ponctuelle aux
élections pour protéger ses sections syndicales, refusant
l'allégeance idéologique à l'anarchisme. Des
distinctions à relativiser : d'une part, il est arrivé
par la suite que des syndicats de la CNT-AIT se présentent
aux élections de DP et effectuent un excellent travail syndical
; d'autre part, ceux de la CNT ne s'y présentent que très
ponctuellement.
Soulignons enfin que, localement, lorsque les vieilles rivalités
de personnes sont absentes, d'excellentes relations peuvent exister,
ainsi qu'un travail commun fructueux.
IV- CNT, DE 1995 A AUJOURD'HUI
Sinon un développement fulgurant, la CNT a, au long des
années 90, connu un développement conséquent.
Lors de la scission de 1993, les deux branches qui se séparaient
comptaient chacune une bonne centaine d'adhérents environ,
ce qui était plutôt important en regard des effectifs
connus jusqu'alors. Dix ans plus tard, la CNT revendique environ
4000 adhérents sur toute la France. La région parisienne,
qui réunissait à l'époque une dizaine d'adhérents,
en compte aujourd'hui un millier, et parvient à composer
des cortèges de plusieurs milliers de personnes (7000 le
premier mai 2002 - 10000 selon l'envoyé spécial de
France Info, qui avait dû abuser de substances illicites !).
Remarquons que la mobilisation pour les initiatives purement syndicales
(retraites, licenciements, etc.) sont plus laborieuses - mais, il
y a dix ans, elles étaient anecdotiques !
1) La question des élections professionnelles
Cette question, comme nous l'avons vu, s'est trouvée au
coeur de la scission de 1993. Le problème qui s'est posé
à nous était simple. Soit nous maintenions des principes
inflexibles de refus de participation à ces élections
(en particulier parce que les élus ne sont pas révocables),
mais nous renoncions de fait à la possibilité de créer
des sections syndicales (sans DP - délégués
du personnel -, il est pratiquement impossible d'acquérir
la représentativité, sans représentativité
il est impossible d'ancrer une section syndicale en raison de la
répression patronale). C'est ce choix qui a été
fait par la CNT-AIT.
Soit nous nous réservions la possibilité d'y participer,
cela autorisait une stratégie de développement de
sections syndicales et de construction d'un syndicat de masse (un
objectif, pas encore une réalité !), tout en nécessitant
une vigilance particulière. La CNT a fait ce dernier choix.
Elle s'est dotée d'une commission chargée de recueillir
les bilans d'expériences menées, qui sont diffusés
à l'ensemble des syndicats, afin que les décisions
puissent se faire en connaissance de cause et non selon des principes
théoriques. Le sujet est encore débattu. Nous travaillons
à la définition des modalités de présentations,
des types d'élections auxquelles il est possible de se présenter,
des moyens de contrôle permettant d'éviter les dérives
cogestionnaires.
Actuellement à mi-chemin du groupuscule et de l'organisation
syndicale, la CNT cherche sa voie propre.
2) La FAU et novembre-décembre 1995
Paradoxalement, c'est le développement d'un syndicalisme
étudiant CNT, légèrement antérieur aux
luttes contre le CIP, qui a contribué pour une bonne part
au développement de la CNT dans le sens d'une organisation
syndicale. Dans un premier temps, l'activisme des sections universitaires
(FAU-Formations action universités) a popularisé la
CNT et a contribué à la faire apparaître publiquement.
Les grèves de novembre-décembre 1995 ont à
cet égard été décisives. Basée
sur ses quelques secteurs d'implantation syndicale (PTT, sections
du Nettoyage, Education, militants isolés dans d'autres secteurs,
etc.), bénéficiant de l'activisme tous azimuts des
étudiants, la CNT en peu de temps est apparue publiquement
comme une organisation ayant un poids social indéniable.
Loin d'être éphémères, ces sections universitaires
se sont pérennisées, avec des hauts et des bas, étendues
dans de nombreux campus, et les militants qui en étaient
issus sont venus en grand nombre renforcer les syndicats existants,
voire en créer de nouveaux, dans toute la France. La fin
des années 90 a ainsi vu le renforcement des structures de
la CNT.
3) Des apparitions publiques de masse
Mai 2000 a été l'événement public symbolisant,
en France, le renouveau de l'anarchosyndicalisme et du syndicalisme
révolutionnaire. Durant une semaine, des concerts, des débats
publics, des conférences, des projections, des expositions,
des pièces de théâtre, se sont inscrits dans
un festival baptisé « Un autre futur », organisé
par la CNT. Divers livres, brochures et journaux furent publiés
à l'occasion. Avec 5000 personnes dans la rue, le premier
mai fut cette année-là rouge et noir, avec le plus
grand cortège depuis des décennies, composé
de camarades venant de toute la France, de délégations
du monde entier.
D'autres apparitions publiques ont depuis confirmé cette
renaissance, en particulier les 10000 manifestants de Göteborg,
qui, sous les drapeaux de la SAC (Suédois), de la FAU (Allemands),
de la CGT-E (Espagnols) et de la CNT-F (Français), défilèrent
en juin 2000 lors du contre-sommet européen.
4) Implantation syndicale et front social
Ces dernières années, la CNT a poursuivi cette évolution.
Non sans heurts, elle continue sa mue, de groupuscule de propagande
en organisation syndicale. Sur le champ politique, elle est présente
sur tous les fronts : lutte contre la guerre, antisexisme, lutte
contre les lois répressives, mobilisation sur les sommets
internationaux, soutien aux sans-papiers... Sur le champ syndical,
elle élargit son implantation, la nouveauté de ces
dernières années étant le développement
de contacts avec des syndicalistes de la CFDT ou de la CGT, sur
des pratiques de lutte de classe. L'image de violence, l'étiquette
d'« anarchiste », s'estompent peu à peu, au fil
des pratiques communes lors des luttes au quotidien. les rapports
avec les hiérarchies syndicales, en revanche, sont plus mauvais
que jamais. De la CGT qui, en mai 2001, demande à la police
de nous empêcher de manifester, à l'intersyndicale
CGT-CFDT-FO qui, en mai 2002, appelaient à un cortège
« unitaire »... sans nous ! la tension s'accentue. Le
dernier congrès de la CGT, accentuant nettement la «
cédétisation » (CFDT) de la confédération,
ne va pas manquer d'accentuer encore ces tensions, révélatrices
de la peur de se faire déborder.
5) Printemps 2003 : enracinement syndical
Même s'il est encore trop tôt pour en tirer un bilan
complet, le large mouvement social du printemps 2003, suivi du mouvement
des intermittents tout au long de l'été, a révélé
l'immense chemin parcouru par la CNT depuis novembre-décembre
1995. Nous émergions alors à peine, et c'est seulement
dans les universités que nous avons participé au mouvement
de manière décisive. Nous étions présents
sur d'autres fronts, mais surtout de l'extérieur. Le mouvement
du printemps 2003 a démarré sur la fronde de l'Education
nationale, qui durait déjà depuis plusieurs mois,
du département de Seine-Saint-Denis où nous sommes
fortement implantés. Il s'est appuyé sur la lutte
des emplois-jeunes et des surveillants, dans laquelle nous avons
eu un rôle central dans plusieurs régions, et qui avait
débuté dès la rentrée scolaire 2002.
Il s'est organisé sur les assemblées générales
d'établissements en lutte et sur la recherche d'une convergence
interprofessionnelle, dès mai. Là encore, notre rôle
fut essentiel dans plusieurs régions, grâce à
notre implantation construite ces dernières années,
dans la foulée de 1995.
Dans la culture, c'est également là où nous
étions le mieux implanté (BNF, La Villette, la Cinémathèque...)
que la participation au mouvement a été la plus forte.
Les camarades de la CNT spectacle, lors de l'explosion du mouvement
des intermittents, ont bénéficié des plusieurs
mois d'agitation durant lesquels ils avaient organisé ou
participé à de nombreuses actions. C'est ainsi que,
pour la première fois, un mouvement d'intermittent a pu se
construire sur la durée dans une forme démocratique
(assemblée générale souveraine, coordinations
régionales, commissions) indépendante de la CGT hégémonique
dans le secteur et l'obligeant à la radicalité. Ce
mouvement, fin août 2003, est toujours actif.
Mais il n'est pas l'objet ici de faire un catalogue : la révélation
essentielle est que nous existons réellement maintenant comme
syndicat, dans de nombreuses branches. Que notre présence
dans d'autres branches, où nous ne sommes pas encore suffisamment
influents, nous a au moins permis de propager largement l'information
sur le mouvement et notre perspective propre (commerce, presse,
métallurgie...).
Et que, là où nous avons joué un rôle
essentiel, le principe d'organisation était l'assemblée
générale souveraine des travailleurs, l'élargissement
et la convergence des luttes. Ce qui s'est fait le plus souvent
dans de très bonnes conditions avec la base d'autres syndicats,
et d'exécrables relations avec les bureaucraties, dont l'objectif
a, semble-t-il, été de freiner le plus possible l'extension
du mouvement pour en garder le contrôle absolu.
V- ORGANISATION DE LA CNT
Le mode de fonctionnement de la CNT correspond à la manière
dont nous prétendons que la société dans son
ensemble peut être gérée. Décisions par
la base, mandats impératifs, rotation des tâches...
C'est pas toujours facile, mais ça s'apprend par la pratique
!
1) Le syndicat, structure de base
Les prises de décisions sont effectuées au niveau
des syndicats, qui constituent la base décisionnelle de la
CNT. La CNT est conçue comme une confédération
libre de ces syndicats. Le principe fondamental, dans la CNT, est
le même au niveau local que dans la perspective révolutionnaire
: ce sont aux prolétaires de travailler à leur émancipation,
ce sont aux travailleurs concernés de prendre les décisions
les concernant, tant que le pacte confédéral est respecté.
Ainsi, les sections d'entreprise affiliées à un syndicat
bénéficient également d'une autonomie de décision,
toujours dans la mesure où les principes généraux
du syndicat et de la confédération sont respectés.
Le syndicat est un syndicat d'industrie : en clair, c'est un syndicat
interprofessionnel réunissant les différentes catégories
de personnel travaillant dans une même industrie. La section
d'entreprise est également interprofessionnelle. Ce principe
est parfois difficile à concilier avec la réalité
des formes d'exploitation : ainsi, dans le nettoyage, les travailleurs
peuvent changer régulièrement de chantier et ne sont
pas forcément attachés à une industrie, encore
moins à une entreprise.
Ces formes se développent, les liens existant entre les différentes
catégories de salariés sont rompus entre autre grâce
au recours massif à la sous-traitance et aux externalisations.
Des formes de structuration qui tiennent compte de la réalité
sont à trouver pour éviter le piège corporatiste,
qui favorise l'isolement et la concurrence entre métiers
au profit du patronat.
2) Les structures de coordination
Il existe environ 130 syndicats confédérés
dans la CNT aujourd'hui. Le bureau confédéral assure
le lien entre les congrès (tous les deux ans). Sa charge
est uniquement technique, il veille au fonctionnement courant de
la confédération, à la circulation de l'information
en interne et avec l'extérieur. Il applique les décisions
du congrès, il organise le CCN (Comité confédéral
national).
Les syndicats sont par ailleurs également regroupés
en UR (unions régionales), ainsi qu'en UD et UL (unions départementales
et unions locales). Ce sont les unions régionales qui se
réunissent tous les six mois en CCN, elles veillent à
l'application des décisions de congrès, contrôlent
les mandatés confédéraux, prennent les décisions
techniques qui s'imposent, assurent le suivi des campagnes confédérales.
Les syndicats sont enfin réunis en fédérations
d'industrie, lorsqu'ils sont suffisamment nombreux. Il en existe
cinq à ce jour : Education, PTT, Bâtiment, Santé-social,
Communication culture spectacle. La fédération d'industrie
n'a qu'un rôle technique de coordination.
3) L'international, une priorité
Au sein du bureau confédéral, le secrétariat
international, composé d'une quinzaine de camarades, travaille
à développer les contacts internationaux, à
coordonner les actions internationales, à mettre en rapport
les syndicats de la CNT avec des structures équivalentes
afin de concrétiser une réelle dynamique internationale
issue de la base.
C'est lors de notre congrès de 2001 que nous avons finalement
décidé de renoncer à la référence
à l'Association internationale des travailleurs. Malgré
notre exclusion en 1996, nous avions en effet conservé cette
référence. Cependant, bien que nous nous réclamions
toujours des principes de l'AIT, il fallait admettre que cela ne
correspondait plus à rien, dans la réalité.
D'une part, l'AIT n'était composée que de sections
nationales dogmatiques et moribondes (à l'exception de l'Italie,
de certains syndicats espagnols et quelques français), et
n'avait aucune réalité sur la scène internationale.
D'autre part, nous-mêmes avions constitué un réseau
international dynamique qui avait marqué la renaissance de
l'internationalisme rouge et noir, avec des luttes syndicales menées
au niveau international, avec d'importants cortèges composés
principalement, en plus de la CNT, de la SAC allemande, de la CGT
espagnole et de la FAU allemande (Amsterdam 1998, Köln 1999,
Paris en mai 2000, Göteborg en 2001, Séville en 2002).
Des rencontres syndicalistes internationales (San Francisco 1999,
Göteborg 2001, Essen 2002) nous ont également permis
de nouer des contacts avec des organisations pratiquant le syndicalisme
révolutionnaire de tous les continents, ces rencontres ont
débouché sur de nombreuses actions de solidarité
internationales (tout particulièrement avec l'Argentine,
depuis l'année dernière).
Dans le cadre du G8 d'Evian, la CNT a été présente
avec des délégations internationales. Elle a participé
à deux initiatives : le Village anticapitaliste (VAAAG),
la manifestation de la CLAAAC (Coordination des luttes anticapitalistes).
4) Les commissions
La CNT se dote de commissions. Emanations des syndicats, elles
peuvent être interne à l'un d'entre eux, ou s'élargir
jusqu'au niveau confédéral. Elles n'ont souvent qu'une
existence ponctuelle en rapport avec l'actualité. Quelques
commissions parviennent cependant à se pérenniser
: la commission femmes est la plus ancienne, elle est mixte et travaille
sur le sexisme et les rapports entre sexes ; la commission prison
; la commission juridique, qui se met en place afin de répondre
mieux aux besoins croissant des syndicats, particulièrement
pour les procès en représentativité à
l'occasion des créations de sections d'entreprise ; etc.
Alors, la CNT, c'est quoi ?
Une organisation qui a hérité d'une histoire riche,
enracinée dans le mouvement ouvrier, mais qui se construit
avant tout dans le présent, dans les luttes auxquelles elle
participe, qu'elle impulse parfois.
Une organisation encore bien proche du groupuscule dans le champ
syndical, bien marginale face aux « grandes » confédérations
représentatives, mais qui élargit son audience, son
influence, et qui retrouve sur le terrain des pratiques de nombreux
syndicalistes appartenant à d'autres organisations.
Une organisation qui refuse les étiquettes idéologiques,
les dogmatismes paralysants, toute asservissement à un parti
politique, mais qui inclut dans son champs d'action des luttes éminemment
politiques, révélatrices d'un projet de société,
d'une autre forme d'organisation sociale.
La petite CNT a une grande ambition, l'émancipation des travailleurs,
l'abolition des classes, l'égalité et la justice sociale,
la gestion de la société par les producteurs. Si la
petite CNT déploie beaucoup d'énergie, c'est pour
construire ce rêve, l'ancrer dans la réalité
des luttes, le faire partager par tous ceux qui, un jour, mettront
à bas le vieux monde.
BIBLIOGRAPHIE
Une petite biblio de bouquins lisibles sans aspirines, très
incomplète.
- http://cnt-f.org// : sites des
syndicats, infos sur les luttes, site du secrétariat international...
- Editions de la CNT-RP : ces ouvrages peuvent être obtenus
auprès de militants de la CNT, du service librairie au 33,
rue des Vignoles, 75020 Paris. Autogestion et anarchosyndicalisme,
analyse et critiques sur l'Espagne (1931-1990), Franck Mintz, 1999.
Une approche critique très référencée
de la mythologie anarchosyndicaliste.
- La CGT-SR et la révolution espagnole, Jérémie
Berthuin, 2000. La révolution espagnole vue depuis la CGT-SR.
De l'histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire, actes
du colloque international « Pour un autre futur », collectif,
en collaboration avec les éditions Nautilus, 2001. Inévitables,
l'AIT, la CNT espagnole. Moins connues, la FORA argentine, l'USI
italienne. Plus surprenant, l'anarchosyndicalisme japonais, etc.
- Pouget : les matins noirs du syndicalisme, Christian de Goustine,
Editions de la Tête-de-Feuilles, 1972. Epuisé mais
consultable dans certaines bibliothèques (la BPI, à
Paris). Excellente biographie retraçant la naissance du syndicalisme
révolutionnaire, sa filiation avec l'anarchisme, mais aussi
la rupture réciproque avec celui-ci.
- Anarchisme et organisation, Rudolf Rocker. Une brochure du syndicaliste
allemand de la FAUD de l'entre-deux guerres, révélant
une conception de l'anarchisme radicalement opposée à
l'individualisme.
- http://fraternitelibertaire.free.fr/
: bibliothèque virtuelle comprenant un grand nombres de textes
téléchargeables sur l'anarchosyndicalisme et le syndicalisme
révolutionnaire.
- La Makhnovchtchina, l'insurrection révolutionnaire en Ukraine
de 1918 à 1921, Archinov, Spartacus, 2000 (réédition).
La relation de la Makhnovtchina par un de ses acteurs, engagée
mais convaincante. Une épopée qui se montre bien proche,
adaptée aux réalités paysannes de l'Ukraine
d'alors, du syndicalisme révolutionnaire et de ce qui deviendrait
l'anarchosyndicalisme en Espagne.
- Cnt -
http://cnt-f.org/
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