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La Cité des cités : autogestion et solidarité

Origine : http://acontrecourant.be/298.html


Le troisième campement intercontinental de la jeunesse bat son plein depuis le 18 janvier.

De 30 à 40 milles personnes sont ici pour participer à l’expérience de la démocratie directe. Le monde entier est invité.

L’an dernier le camp était baptisé Camp Carlo Giuliani, en hommage au jeune militant assassiné par la police Italienne lors des manifestations populaires contre la réunion du G8, à Gênes.

Cette année le comité organisateur, composé de divers groupes et individus réunis autour de la démocratie socialiste du Parti des Travailleurs (PT), ont préféré célébrer l’élection à la présidence de Luis Inácio Lula Da Silva en poussant plus loin l’expérience du laboratoire en autogestion initié au cours des deux dernières années en parallèle du forum officiel.

Encore cette année, le campement propose aux participants une expérience hors du commun, pour ne pas dire tout à fait inédite ; une cité complètement autonome, libre et autogérée, au centre de la préfecture municipale de Porto Alegre.

Bien que la Cité des Cités ne soit pas conçue comme un centre permanent, elle est auto-organisée et elle assume ses propres fonctions à l’intérieur d’un contexte territorial déterminé.

Gérer autrement ; gérer collectivement

L’autogestion est apparue au 18ème siècle, sous la plume des socialistes utopistes (Poudhon, Fourier, etc.), comme proposition pour une transformation sociale graduelle et pacifiste de la société capitaliste par des "libres associations de producteurs". Il y eut par la suite plusieurs tentatives d’autogestion, depuis la Commune de Paris, jusqu’à la révolution espagnole de ’36, en passant par les Soviets de la révolution Russe et les conseils ouvriers de la république Hongroise, en 1918-1919.

Actuellement, l’idée d’autogestion reprend ses forces, stimulée par les diverses expériences en démocratie participative qui fleurissent de par le monde.

Dans le secteur de la production, le concept d’autogestion est présent dans les initiatives d’économie Populaire et Solidaire et les coopératives autogérées.

La proposition de la Cité des Cités surgit de cette vaste mouvance historique et propose à ses habitants l’exercice de pratiques transformatrices au quotidien dans l’expérience collective d’une occupation responsable de l’environnement.

L’organisation du campement est articulée par différents groupes affinitaires autour d’une variété d’axes de travail et de mobilisation. Ces groupes autonomes fonctionnent sur le mode de la complémentarité, travaillant en synergie pour l’émancipation et la réussite de ce microcosme exemplaire du socialisme appliqué.

La Bio-Architecture

Tout au long de l’histoire, nous avons assisté à une tentative d’unification, d’appropriation et de cooptation des systèmes de production. Au contraire de cette mouvance, selon le concept de Bio-Architecture, divers systèmes de productions sont mis en oeuvre sur la base d’un usage responsable des ressources naturelles.

Dans ce sens, il s’agît d’une appropriation technologique qui propose des instruments hautement innovateurs et qui, en plus, se fait dans un extrême respect pour le patrimoine "historico-environnemental".

La démocratisation des communications

Il est important de viser une réappropriation des moyens de communication, dans des perspectives alternatives, pour que les citoyens produisent eux mêmes l’information et cessent d’être des spectateurs passifs de celle qui est produite par et pour l’industrie.

Des solutions comme le logiciel libre, rende la technologie accessible à un plus grand nombre de personnes et leur offre la possibilité de produire eux même l’information. Les programmes informatiques aux codes sources libres et ouverts ne sont la propriété d’aucune entreprise. Ils sont développés par des communautés de logiciel libre, intégrés par des hackers, des utilisateurs, des entreprises et des gouvernements intéressés par la démocratisation de l’accès à la technologie.

En utilisant les logiciels privés, l’utilisateur paie des royalties aux propriétaires de corporations comme Microsoft, qui se sont appropriés les inventions d’autrui pour leurs propres biens. Dans le cas des logiciels libres, c’est l’opposé. Les seuls coûts ont pour objectif le développement et le perfectionnement des logiciels. Le grand avantage est que l’économie ainsi réalisée permet d’apporter les bénéfices de l’information aux populations exclue par le marché.

Il n’existe pas de solution unique. Les radios communautaires sont d’autres exemples d’instruments importants pour la démocratisation de l’information.

De plus, le principe de Copyleft est ici appliqué et poussé à sa conclusion logique. Copyleft est un jeu de mot avec la notion de Copyright, qui est la dénomination du droit de propriété intellectuelle. Right signifie également, politiquement parlant, "la droite".

Copyleft est donc par définition le contraire de Copyright."Tous les droits sont partagés" : c’est la réponse qui est souvent donnée aux professionnels qui défendent les "droits réservés", qui bénéficient surtout, en fin de compte, aux grandes entreprises de presse, aux réseaux corporatifs de télécommunications, etc.

En essence, la solidarité.

La gestion collective économique, sociale, environnementale. Le réseautage, la mise en commun, la convivialité, la synergie, l’action citoyenne concertée. En un mot : la solidarité.

Dans la seconde partie de ce reportage, il sera question de la mise en réseau et de l’action politique et économique progressiste telle que mise de l’avant par le Campement Intercontinental de la Jeunesse. La solidarité est le plus important des concepts véhiculés par le Campement Intercontinental de la Jeunesse. La solidarité est ici le moteur de cette nouvelle mentalité politique que le mouvement alter-mondialiste, opposé la globalisation financière du monde, est en train de construire.

Mais il s’agit ici, il faut le préciser, d’une forme de solidarité soutenue par l’engagement, l’action directe et la pratique. Aux longs discours et aux verbiages intellectuels à tendance onaniste, qui ont trop longtemps paralysé la gauche sociale et politique, sont substitués des expériences concrètes en participation solidaire.

De par le monde, de plus en plus d’organisations et d’individus s’emploient à l’élaboration de politiques et de projets collectifs dans des secteurs fondamentaux pour la construction d’un autre monde, tels que l’économie solidaire, la consommation critique et responsable, la défense de l’environnement, etc.

Une panoplie bigarrée d’activistes de toutes les tendances se retrouvent ici précisément pour la mise en pratique de projets sociaux, dans le but explicite d’améliorer les conditions de vie de la citoyenneté et des populations exclues, dans le but d’intégrer ces gens qui ont été "discarté" par les marchés.

Ceux qui rencontrent tant de difficultés à lutter isolément pour la réalisation de leurs rêves peuvent trouver dans les réseaux qui se construisent ici d’autres rêveurs avec qui les partager et les réaliser.

Avec Internet, il est désormais plus facile de trouver des "compagnons de rêve", n’importe où dans le monde, qui partage effectivement les mêmes préoccupations. Il s’agit là d’une admirable contradiction de la technologie : tout en rendant peu à peu désuet l’exploration physique des points les plus reculés de la planète, elle rend possible, par exemple, la participation des exclus dans l’organisation pour la réduction des effets pervers de la globalisation financière et de l’exploitation outrancière des ressources naturelles.

La nécessité de s’articuler en réseaux est d’ores et déjà consensuelle au sein des groupes et individus qui travaillent à l’amélioration de la qualité de vie des peuples et qui croient en cette idée fondamentale : l’union fait, et fera toujours, la force !

Le Campement de la jeunesse est également un espace de mise en commun pour que les différentes luttes se croisent et se connaissent mieux, pour que les différents activistes échangent sur leurs et expériences et cultures respectives. Celles-ci ne cessent de se ressembler de plus en plus, avant tout pour démontrer et célébrer le constat que le monde est fait de plusieurs langages, couleurs et personnes différentes et complémentaires, et non seulement des marchandises que l’industrie culturelle propage inconsciemment. La culture qui est ici proposée, c’est l "l’unimuptiplicité".

La consommation critique et responsable : Exercer la critique, la liberté et l’autonomie

Lorsqu’on achète (car il faut bien acheter !), il est de plus en plus important de connaître à fond ce que l’on consomme ; où fut produit l’objet consommé, comment fut il produit, par qui, etc. Ainsi, des initiatives sont lancées pour de nouvelles formes de production, pour de nouvelles techniques et pour la "dé-concentration" des moyens traditionnels, propriété des élites. Un article produit de manière éthique et solidaire est produit sans exploitation de la main d’oeuvre et sans recours à l’esclavage ou au travail des enfants. Du point de vue de la santé, la consommation critique aide à soutenir la production d’aliments sains, sans produits chimiques, et contribue ainsi à protéger l’environnement et favoriser la justice dans la division du travail.

Au Campement, cinq places consacrées à l’alimentation seront en fonction tout au long de la semaine. L’intention est d’affirmer la production solidaire, l’auto-organisation des travailleurs et l’organisation en coopératives. De plus, on y fait la promotion de la production solidaire de produits éthiques et écologiquement corrects.
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Pour une économie solidaire et un développement durable

Au cours des deux derniers forums, l’économie solidaire fut représentée dans quelques ateliers et conférences. Cette année, elle est au centre des actions, inclue dans la structure du forum et du Campement, mettant de l’avant le débat sur ces expériences.

Créer un projet stratégique d’occupation graduelle de l’économie par les travailleurs, voilà le défi relevé par les partisans de l’économie solidaire. La formation de chaînes de coopératives, qui s’appuient mutuellement, avec une méthode d’expansion collective, fait partie d’un processus qualifié par les théoriciens de l’économie solidaire comme "dangereusement subversif". Mais ceux qui doivent s’inquiéter, dans ce cas, ce ne sont pas les travailleurs, mais bien les capitalistes.

Mais pour que ceci se réalise, il est nécessaire d’en finir avec la culture de la dépendance, à travers un projet politique et sociale qui éduque la population pour la transformation des valeurs, des attitudes, des modes de vie, et pour la compréhension que si les gens s’appuient mutuellement, cet appui profite effectivement et également à chacun.

Il s’agit, en somme, d’un vaste projet alternatif de transformation du travail, basé sur la coopération et la solidarité.

La notion de producteur-consommateur est également mise de l’avant au campement jeunesse. Chaque participant d’un réseau solidaire de troc, peut également être producteur et consommateur. Cela signifie que les citoyens, de simples consommateurs de ce que produit l’industrie, deviennent également des producteurs. Par la mise en pratique de l’approche producteur-consommateur s’établit un nouveau paradigme des relations commerciales, un nouveau développement culturel et humain. Les producteurs-consommateurs peuvent apporter leurs produits dans les foires de troc ou dans les réseaux de trocs de marchandises et de services. Il est ainsi possible pour une large partie de la population de vivre avec un minimum d’argent liquide, consommant et produisant au profit de tous.

Le marché lui même doit exister, selon la philosophie d’économie solidaire, pour se prêter aux besoins des personnes, et non pas l’inverse. La vérité est que le marché, au contraire de ce qu’on voudrait nous faire croire, nous donne peu de droit de choisir, dès lors qu’il utilise son pouvoir de propagande pour déterminer notre besoin de consommer. Une des tendances marquées du mouvement opposé à la globalisation financière est de dire que le marché doit être mis au service des citoyens et non pas organisé à partir des intérêts des entreprises.

Par ailleurs, les ressources naturelles sont finies et, pour des raisons évidentes, elles sont incompatibles avec l’idée de profits illimités : les entreprises capitalistes basent leurs actions sur des objectifs à court terme, tel que la quête substantielle de profits immédiats, et la conservation de la terre et la nature ne peut être conçue qu’à long terme. C’est pour cela que seulement une gestion non privée des ressources comme la terre, l’eau, l’air, etc. permettra la survie de nos écosystèmes. C’est le concept de développement durable.

La destruction de l’environnement est le résultat observable de la gestion privée et de la soumission des gouvernements qui, sous la pression des marchés financiers, se sont peu à peu transformé en agents des intérêts privés, tout en suivant une logique opposée à celle de l’intérêt et du bien commun.

Mais le monde n’est pas et ne sera jamais à vendre.

En conséquence, le développement durable ne peut pas s’harmoniser avec la mentalité de ceux qui exploitent inconsciemment et abusivement notre planète. Il s’agit d’un projet radical, basé sur la responsabilité soutenue de tout un chacun dans la relation collective avec la planète.

Un laboratoire social pour la ré-invention de la démocratie

Un des objectifs principaux du Campement Intercontinental de la jeunesse est de stimuler les actions solidaires qui continuent de s’affirmer de par le monde. En ce sens, le camp peut être considéré comme un vaste laboratoire social, un espace de débat international sur les thèmes qui incombent aux nouvelles formes de luttes politiques qui marquent notre époque. Il s’agit aussi d’une opportunité pour la mise en commun des divers acteurs de ces transformations solidaires. En quelque sorte, ce qui ce passe ici est la mise en pratique de ces innovations.

Comme laboratoire social, le Campement participe à la politisation du processus que nous vivons et créons ensemble. Le Campement une espèce de catalyseur.

Des centaines d’ateliers et de débats sont organisés tout au long de la semaine dans plusieurs espaces répartis sur le site du campement. Ces débats portent sur les divers axes thématiques développés par le Forum Social, et sur les particularités alternatives proposées par l’expérience du campement.

Les participants se voient en outre investit du mandat de multiplier la diffusion des idées qui surgissent de l’expérience de Porto Alegre dans leurs lieux respectifs de vie et de travail.

C’est ainsi que se propage l’anti-virus des alternatives solidaires dans un monde corrompu par la recherche du profit et des valeurs financières.

Chaque atelier est une fenêtre ouverte par laquelle peuvent être observés chacun des nouveaux modèles qui sont mis à la disposition de la société civile mondiale pour la construction d’un monde meilleur.

Ces initiatives s’inscrivent en fait dans un processus perpétuel de conscientisation et de maturation de la société.

Globalement, nous cherchons continuellement des instruments qui profitent à la citoyenneté, qui font la promotion active de l’égalité sociale et qui s’emploient dans la lutte pour une meilleure qualité de vie et la reconnaissance des droits de la personne.

Ces instruments ne peuvent être trouvés, développés et appliqués que dans l’exercice sincère et soutenu de la solidarité globale.


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