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Origine : http://www.la-presse-anarchiste.net/article.php3?id_article=654&var_recherche=autogestion
« Il indiquerait la voie à suivre pour aboutir à
une complète harmonie entre la nature et l’esprit...
Transposition joyeuse du Paradis tel qu’il était à
l’époque d’Adam et tel qu’il sera sous
le règne du nouvel Adam ... le royaume millénaire
gouverné par l’esprit divin et innocent de l’amour.
Le tableau tout entier serait une illustration des rites d’une
secte hérétique, la secte du libre Esprit, qui pratiquait
le culte d’Adam et à laquelle Bosch aurait adhéré.
L’oeuvre serait en somme une émanation du vieux gnostisme
licencieux qui érigeait la débauche en méthode
d’ascension spirituelle. »
Robert L. Delevoy, à propos du Tableau de Jérôme
Bosch : Le Jardin des Délices (dont un fragment illustre
la couverture du livre cité).
Sans chercher à deviner qui écrit sous le nom de
Ratgeb, on peut dire que ce texte est une continuation des essais
de Vaneigem : « Traité de savoir vivre à l’usage
des jeunes générations » [1], « Avis aux
civilisés relativement à l’autogestion généralisée
» [2], « Terorisme ou révolution » [texte
précédant « Pour la révolution »
d’Ernest Coeurderoy [3]], ce dernier, « ébauche
d’un ouvrage qui paraîtra sous une forme plus appropriée
» : « De la grève sauvage... » pourrait
être cette forme. Le livre, dense et bref, d’une grande
clarté, se compose de trois parties : La société
de survie, ABCD de la révolution et l’autogestion généralisée.
Le tout [4] est un plaisir pour qui n’a pas vu paraître,
depuis 68, un seul livre révolutionnaire, bien que l’amoncellement,
au nom du gauchisme, des ouvrages spécialisés puisse
donné l’illusion du contraire : les collections de
livres gauchistes, en dehors de quelques rééditions,
ne sont en fait que sociologie, économie, psychologie, histoire,
ou simplement journalisme.
Le problème du cours de la révolution, de la radicalisation
des luttes ouvrières, est manifestement ce qui presse le
plus Ratgeb d’écrire, c’est à la fois
la partie du livre (ABCD de la révolution) la plus catégorique,
la plus précise et la plus fragile : criticable, pratiquement
irréalisable. Le plus difficile à déterminer
est la stratégie de la révolution : le danger du schématisme
et de la simplification est grande. Le rôle de stratège,
même collectif, retourne toutes les séparations du
vieux monde contre les meilleures intentions révolutionnaires.
Ratgeb emploie un vocabulaire militaire (zone, ennemi, ralliement,
guérilla...) qui est trop simpliste pour caractériser
la violence révolutionnaire. Mais le texte ouvre la voie
de l’autogestion généralisée quand il
montre que la force de la révolution sera dans ses capacités
de transformation immédiate de la vie, de passage de l’échange
au don, d’abolition du travail forcé et du salariat.
Si « les nouveaux droits de l’homme » ont déjà
trouvé à travers ce livre un bon « anti-législateur
», la révolution ne possède pas encore son antistratégie
et, de fait, elle ne peut s’inscrire que dans le cours de
la lutte autonome des travailleurs.
Tous les scientistes, économistes ou psychologues ne pourront
supporter de voir fondé la révolution sur «
les refus les plus communs », sur la distribution des richesses
: le DON, sur le droit des passions et le retour des temps aventureux,
mais leur raisonnabilisme leur permet trop bien de fonder les ravages
quotidiens du capitalisme.
Un critique littéraire du journal « Le Monde »
a félicité Ratgeb pour son imagination poétique
(il s’étonnerait moins s’il se souvenait de Fourier),
la « poésie », si elle permet de voir plus près
de soi-même et plus loin que la première crise pétrolière
ou gouvernementale venue, est la subversion même.
Ratgeb démontre que la plus efficace pratique révolutionnaire
est celle qui se fonde sur « la hausse immédiate du
plaisir de vivre », non sur la morale et la justice de nos
socialistes scientifiques. Les travailleurs de Lip ont déjà
donné une assez belle idée de ce plaisir, et ils ont
d’une seule grève active obscurci l’avenir de
leur paternalistes protecteurs de la CFDT et PSU. Le coup de barre
électoraliste, mitterrandiste de cette gauche, qui réduit
l’autogestion à un programme électoral, n’est
bien compréhensible que par rapport à la tentative
ouvrière de Lip.
La gauche en France = le capitalisme bureaucratique + la démocratie
bourgeoise. Il leur faut faire oublier Lip, l’enfouir comme
une anecdote dans la « grande marche au pouvoir de la gauche
», il faut au contraire pour nous, pour les travailleurs,
discuter les insuffisances de Lip, critiquer tout ce qui restait
encore de représentation ouvrière, de séparations
dans la lutte, de dépendance de l’organisation des
grévistes par rapport aux bureaucraties, tout ce qui a causé
l’isolement du mouvement... L’autogestion généralisée,
telle qu’elle est décrite et synthétisée
par Ratgeb, telle qu’elle a été discutée,
étudiée, à travers l’histoire du mouvement
ouvrier par des groupes comme Noir et Rouge [5], telle qu’elle
est pour chacun la lutte contre tous les pouvoirs qui veulent canaliser
notre vie, l’autogestion généralisée
reste la forme d’organisation sociale la plus haute que seule
la lutte autonome des travailleurs peut réaliser pour changé
la vie en transformant le monde. Dans ce sens, le livre de Ratgeb
est à prendre, sur sa propre demande, comme une somme de
« contributions à la lutte des ouvriers révolutionnaires,
destinées à être discutées, corrigées
et principalement mises en pratique sans trop tarder. »
M. M.
[1] Par Raoul Vaneigem. Edit Gallimard NRF (réedité
en 1972)
[2] Internationale Situationniste n°12 (Réedition compète
: Van Gennep, Amsterdam 1970) I.S. : BP 307-03 Paris.
[3] Edit Champ Libre. Paris 1972.
[4] par Ratbeg. Edit 10-18, moins de 4 f
[5] « L’autogestion, I’Etat et la révolution
», Noir et Rouge’ Edit La Tête de Feuilles. On
trouvera des études, informations et analyses sur les grèves
sauvages dans des numéros d’I.C.O., disponibles pour
les camarades que ça intéresse : commandes à
la revue
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