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Origine http://calenda.revues.org/nouvelle371.html
Url de référence http://www.maitron.org/
Université Paris I - CNRS
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tél : 01.44.78.33.78
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L'idée d'un colloque sur le thème de l'autogestion
en France est partie d'un constat. Marginale avant 1968, la référence
à l'autogestion devient incontournable dans la décennie
1970. Non seulement tout un pan de la gauche politique, syndicale,
associative et culturelle se réclame d'elle comme un drapeau
(le "courant autogestionnaire"), mais le terme connaît
un tel succès qu'il finit par être repris par ses adversaires
mêmes, du PC à certains libéraux. Le thème
irrigue alors les milieux les plus divers, suscite une floraison
de débats, colloques, revues, articles. On dissèque
les expériences et expérimentations étrangères,
de la Yougoslavie à la Californie, en passant par l'Algérie
ou le Pérou. L'idée autogestionnaire est portée
par un certain nombre de conflits-phares, mais elle déborde
les frontières de l'entreprise et rencontre les "nouveaux
mouvements sociaux" de la décennie, ancrés dans
la vie quotidienne : écologie et reconquête de la ville,
féminisme, utopies communautaires, pédagogies anti-autoritaire,
régionalisme, etc. En 1976, Pierre Rosanvallon annonce L'Âge
de l'autogestion, que pendant que se crée à la Maison
des Sciences de l'Homme, un Centre international de coordination
des recherches sur l'autogestion (CICRA).
Or aujourd'hui, depuis plus de dix ans, le terme a presque totalement
disparu du vocabulaire politique et social. L'autogestion ne constitue
plus une référence ni pour le PS, ni pour la CFDT,
et le PSU s'est auto-dissout. Même le discours savant paraît
l'avoir occultée : ni la Nouvelle histoire des idées
politiques, ni le Dictionnaire des Intellectuels ne comportent une
entrée "autogestion".
Pourtant, l'autogestion peut être un objet historique et
des souces accessibles existent. La distance apparaît suffisante
pour tenter de décrire et d'expliquer, des années
quatre-vingt, l'émergence, l'apogée et la déshérence
de ce qui apparaît comme la dernière des grandes utopies
du siècle. Pourquoi cette fortune du mot et du thème
durant cette période, et pas avant, ni après ? Au-delà
des élaborations théoriques et des expériences,
quel sens donner à cette aspiration multiforme à l'autonomie
des individus et des groupes, tant dans le champ social que politique,
qui semble fleurir dans la dernière décennie des Trente
Glorieuses ? Est-elle d'abord utopie positive ou critique sociale
et politique, voire critique du politique, qui rejetterait tous
les modèles existants tout en mettant au premier plan les
notions de "pouvoir" et de "participation" ?
Y a-t-il, entre prise de conscience des phénomènes
de "massification" et de "socialisation" engendrés
par les sociétés industrielles moderne et émergence
d'un "nouvel individualisme", un moment où se cherche
confusément un mode nouveau d'articulation entre l'individu
et le collectif ?
Un éclairage international apparaît indispensable,
même si le colloque demeure centré sur le cas français.
Non seulement pour analyser les références étrangères,
les réseaux qui relient entre-eux militants autogestionnaires
de différents pays, la circulation des idées, mais
pour amorcer une réflexion comparative. S'agit-il, et dans
quelle mesure, d'une utopie transnationale ? Si oui, quelles formes
a-t-elle pu revêtir dans les pays voisins de la France, de
l'Europe du Nord à l'Europe méditerranéenne
? Y-a-t-il une spécificité française et laquelle
?
Les contributions du colloque devraient prendre en compte des études
de cas, des micro-expériences (indispensables pour rendre
compte d'un courant qui valorise par définition l'expérimentation,
le local et la "base"), mais aussi s'interroger sur les
acteurs collectifs de la société, les grands secteurs,
les milieux, les espaces et sur leur perméabilité
(ou leur imperméabilité) aux thèmes autogestionnaires.
Elles pourraient porter d'une part sur l'autogestion comme représentation
(une utopie moderne), de l'autre sur les pratiques et usages de
l'autogestion.
Dans la première rubrique, autour de l'élaboration
d'une culture pilitique autogestionnaire, on pourrait travailler
:
* sur le vocabulaire de l'autogestion et la polysémie du
terme
* sur les modèles, les mythes et les références,
passés (reconstruction d'une généalogie) et
contemporains (expériences étrangères, légitimation
"scientifique" de l'autogestion)
* sur quelques couples structurant le discours autogestionnaire
(qui entend dépasser) : individu et société,
local et global, pouvoir et propriété, plan et marché,
démocratie et efficacité, socialisme et libéralisme,
expérimentation concrète et utopie, fins et moyens,
réforme et révolution
* sur les discours anti-gestionnaires, de droite et de gauche
* sur les canaux et réseaux de diffusion du thème
(colloques, revues, maisons d'éditions, médias ...)
sur ses théoriciens et ses vulgarisateurs
D'autre part, on pourrait s'interroger sur la réception
du discours autogestionnaire dans la société française
et ses effets sur les pratiques sociales.
* Y a-t-il eu, en mai-juin 68 et dans les années qui ont
suivi, des conflits spécifiquement "autogestionnaires",
dans leurs objectifs ou leur conduite ?
Y a-t-il eu essor de coopératives ouvrières de production,
d'établissements "autogérés" ?
* Quel bilan tirer des structures participatives mises en place
par des municipalités se réclamant de l'autogestion
?
* Quels ont été les usages de l'autogestion par les
organisations qui s'en sont réclamés ? Faut-il les
anayser au terme de greffe (donc d'eventuel rejet) ou d'instrumentalisation
(mythe mobilsateur alternative stratégique au communisme,
ralliements tactiques) ? Le fonctionnement interne de ces organisations
en a-t-il été modifié ?
* L'autogestion a-t-elle séduit au-dela des cercles militants
? Quels liens par exemple avec les expériences communautaires
ou alternatives, les essais de management participatif ou d'enrichissement
des tâches dans l'entreprise, les méthodes de formation
fondées sur le dynamisme de groupe ?
Il faudrait analyser l'impact sur le déclin rapide autogestionnaire
du retournement de conjoncture économique et de la révolution
technologique, des bouleversements sociaux, idéologiques,
culturels qui s'amorcent à partir des années 1970,
des effets, dans le cas français, de l'alternance politique.
On pourraint enfin se demander si les années autogestionnaires
se sont révélées stériles ou si on peut
repérer aujourd'hui, dans un environnement radicalement différent,
et malgré l'oubli du mot, une postérité de
l'autogestion, dans quels secteurs et sous quelles formes.
Date jeudi 14 juin 2001
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