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L'auto-organisation est un phénomène de mise en ordre
croissant, et allant en sens inverse de l'augmentation de l'entropie;
au prix d'une dissipation d'énergie qui servira à
maintenir cette structure.
C'est une tendance, tant au niveau des processus physiques ou des
organismes vivants, que des systèmes sociaux, à s'organiser
d'eux-mêmes. Cette remarque a un côté tautologique,
puisque c'est en fait parce qu'ils se sont organisés que
nous les nommons sociaux, et non l'inverse.
Passé un seuil critique de complexité, les systèmes
peuvent changer d'état, ou passer d'une phase instable à
une phase stable. Ils peuvent aussi passer :
* d'une croissance lente à une croissance accélérée
* d'une croissance au début d'apparence exponentielle à
une croissance logistique avec la déplétion des ressources.
Le terme auto-organisation fait référence à
un processus dans lequel l'organisation interne d'un système,
habituellement un système hors équilibre, augmente
automatiquement sans être dirigée par une source exterieure.
Typiquement, les systèmes auto-organisées ont des
propriétés émergentes (bien que cela ne soit
pas toujours le cas).
Enjeux de l'auto-organisation
Les exemples les plus évidents de systèmes auto-organisés
sont issus de la physique. C'est d'ailleurs dans ce domaine que
le terme est apparu pour la première fois. L'auto-organisation
est aussi présente en chimie où elle a souvent été
synonyme d'auto-assemblage. Le concept d'auto-organisation est aussi
central dans les systèmes biologiques, que ce soit au niveau
cellulaire ou social. On trouve encore de nombreux exemples de phénomènes
auto-organisés dans d'autres disciplines dont les sciences
sociales, l'économie ou encore l'anthropologie. Les automates
cellulaires comptent parmi les premiers mécanismes mathématiques
proposés pour étudier les systèmes auto-organisés
de manière formelle.
Parfois la notion d'auto-organisation est associée à
la notion d'émergence. On trouve fréquemment la définition
suivante dans la littérature : un phénomène
est dit emergent lorsqu'on ne pouvait pas prédire son observation
à partir de la seule connaissance du système au sein
duquel il apparaît. Cependant des modèles mathématiques
peuvent être construits pour reproduire ces phénomènes,
étudier leurs propriétés et leurs conditions
d'apparitions. Ainsi d'autres personnes parlent de systèmes
complexes. L'auto-organisation de Heinz von Foerster et Ross W.
Ashby appartient à la Cybernétique de la première
génération, celle du "signal" physique;
puis a donné la Cybernétique de la deuxième
génération, celle du "signe" psychique avec
Gregory Bateson et Anthony Wilden dans une approche écosystémique.
Henri Atlan[1] a développé le principe d'auto-organisation
en "principe de complexité par le bruit", fondé
sur la théorie de l'information de Claude Shannon, et sur
les apports de Léon Brillouin, en distinguant les niveaux
hiérarchiques de complexité, le bruit d'un niveau
constituant en partie l'information du niveau supérieur.
Jean-Louis Le Moigne[2], en gestion, l'a nommé "principe
d'organisation par disponibilité à l'événement".
Pour Edgar Morin[3], c'est simplement et poétiquement le
"Désordre organisateur".
Histoire de l'auto-organisation
L'idée que les dynamiques d'un système peuvent, à
elles seules, assurer l'accroissement de l'ordre interne du système
a une longue histoire. Une des première évocation
de cette idée fut faite par René Descartes dans le
cinquième volume du Discours de la Méthode. Par la
suite, Descartes a muri cette idée et l'a développée
dans un livre nommé Le Monde qui ne fut jamais publié.
Les anciens atomistes (entre autres) croyaient que l'organisation
était une propriété inévitable du moment
que l'on fournissait suffisamment de temps, d'espace et de matière,
bien qu'il n'y eût pas de raison particulière pour
observer une organisation plutôt qu'un désordre. Descartes
introduisit l'idée que les lois de la nature tendaient à
produire de l'organisation (Pour plus de détails, voir Avram
Vartanian, From Descartes to Diderot).
Au XVIIIe siècle est apparu le mouvement des naturalistes
qui cherchaient à déterminer des lois universelles
afin d'expliquer la diversité des organismes vivants. S'étant
trouvées associées au lamarckisme, les nouvelles vues
furent tenues en discrédit avant d'être remises à
l'honneur par des pionniers tels que D'Arcy Wentworth Thompson (1860-1948)
au début du XXe siècle. Aujourd'hui, la plupart des
scientifiques pensent qu'il existe des lois universelles (issues
de la physique fondamentale et de la chimie) qui gouvernent les
structures et leur évolution dans les systèmes biologiques.
Le terme « auto-organisation » a vraisemblablement
été introduit en 1947 par le psychiâtre et ingénieur
Ross W. Ashby. Le terme d'auto-organisation fut alors utilisé
par la communauté travaillant sur la théorie générale
des systèmes dans les années 1960. Mais ce terme ne
devint commun dans la littérature scientifique que lors de
son adoption par les physiciens et autres chercheurs du domaine
des systèmes complexes dans les années 1970 et 1980.
(Pour montrer l'importance croissante de ce concept, si l'on utilise
le mot clé self-organ*, Dissertation Abstracts, une base
de données de résumés d'articles, ne trouve
rien avant 1954, et seulement 4 entrées avant 1970. Puis
il y en a eu 17 dans la période 1971--1980, 126 en 1981--1990
et enfin 593 en 1991--2000).
Caractéristiques de l'auto-organisation
L'auto-organisation est habituellement caractérisées
par:
1. des éléments ou agents ou particules
2. des interactions entre les éléments
3. des interactions entre les éléments et l'environnement
4. une capacité d'interaction limitée (par exemple
une limite spatiale)
5. des phénomènes d'amplification ou retours positifs
6. des retours négatifs
Exemples d'auto-organisation
Les sections qui suivent présentent un certain nombre de
phénomènes, (auto-?)organisés par disciplines,
et qui font appel au concept d'auto-organisation. Notez néanmoins
qu'il est impossible de déterminer si ces phénomènes
sont autant de manifestations d'un même processus ou s'il
s'agit uniquement d'analogies. Le concept d'auto-organisation, malgré
son apparente simplicité, se révèle extrèmement
difficile à cerner formellement ou mathématiquement,
et il est fort possible qu'une définition rigoureuse en exclue
nombre de phénomène actuellement rangés sous
cette étiquette.
Il faut aussi mentionner que plus un phénomène est
éloigné du champ de la physique, plus l'idée
d'auto-organisation au sens physique est sujette à controverse.
Aussi intuitivement auto-organisationnel qu'il fût, la recherche
d'explications physiques ou statistiques à un phénomène
est fustigée parce que réductrice (cf. holisme, "réductionnisme"
dans philosophie des sciences, et émergence).
De même, lorsqu'on cherche à passer des caractères
auto-organisationnels d'un phénomène biologique ou
sociologique à une explication physique ou mathématique
de ces caractères, on se heurte au fait que ces caractères
ne pourraient pas exister sans une cause finale (cf. téléologie).
Auto-organisation en physique
Il existe nombre de processus génériques dont on
peut dire qu'ils sont auto-organisationnels. Par exemple en physique
:
* En thermodynamique à l'équilibre : (on peut se
demander s'il est légitime de dire d'un système à
l'équilibre qu'il est "auto-organisé")
o le phénomène de transition de phase du premier
ordre, et celui de brisure spontanée de symétrie comme
par exemple :
+ ferromagnétisme spontané, cristallisation (cf.
cristallogénèse, cristaux liquides)en physique classique,
+ le laser, la supraconductivité et la condensation de
Bose-Einstein en physique quantique, qui ont des effets macroscopiques.
o le phénomène de transition de phase du second
ordre, lié à la notion de point critique où
le système possède des propriétés invariantes
par changement d'échelle (cf. fractales). On peut citer :
+ l'opalescence critique des fluides au point critique,
+ la percolation dans un milieu aléatoire.
* En thermodynamique des systèmes hors équilibre,
l'apparition d'une structure décrite par la théorie
des systèmes dissipatifs (cf. système dissipatif :
o la turbulence, et la convection (par exemple ) en mécanique
des fluides,
o en cosmologie, la formation des structures (étoiles,
galaxies),
o la croissance de l'univers de de Sitter,
o la percolation,
o les systèmes à réaction-diffusion comme
la réaction de Belousov-Zhabotinsky,
* les systèmes dynamiques, systèmes constitués
d'entités identiques liées les unes aux autres, possèdent
souvent des propriétés d'auto-organisation:
o La criticalité auto-organisée (SOC).
* Dans la théorie des fonds (ou réseaux) de spins
en gravitation quantique à boucles. L'idée qui nous
intéresse est d'éviter d'avoir recours à un
ajustement des constantes cosmologiques aux observations ('fine-tuning'
en anglais), artifice qui peut être jugé insatisfaisant
d'un point de vue métaphysique. On cherche alors un mécanisme
qui mène aux constantes observées par un phénomène
proche de l'idée d'auto-organisation.
o Ce modèle est très sommaire car limité
à un réseau de spins. Malgré tout il s'agit
là de la première tentative sérieuse de description
de l'expansion de l'univers sur la base d'une théorie auto-organisée
dans laquelle les constantes cosmologiques ne sont pas ajustées
'à la main', mais déduites du modèle lui-même.
....la suite est en cours de traduction ....
Notes et références
1. ? Henri Atlan, "Entre le cristal et la fumée",
Seuil, 1979, 1986
2. ? Jean-Louis Le Moigne, "Théorie du système
général. Théorie de la modélisation",
PUF, 1977
3. ? Edgar Morin, "La Méthode1. La Nature de la Nature",
pp. 33-93, Seuil, Paris 1977
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