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Pourquoi nous quittons Attac


Message Internet
Date: 05 Décembre 2002
List-Id: http://listes.samizdat.net/wws/info/multitudes-infos
Site Web de la revue multitudes : http://www.samizdat.net/multitudes
multitudes-infos@samizdat.net
Subject: [multitudes-infos] Lettre démissionnaires d'ATTAC
Plusieurs personnes avaient demandé qu'on mette sur la liste la lettre de démission d'ATTAC des gens du Sud. La voici.
TR: [ATTAC-DEBATS] Pourquoi nous quittons Attac
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Début du message transmis
Date: 15 11 2002
Reçu le : 15 11 2002


Bonjour

Une démission collective d'ATTAC concernant le fonctionnement interne d'ATTAC les critiques sont intéressantes à la veille de la prochaine assemblée générale de ce mouvement. cordialement Le 21 Septembre 1998, lors d'une rencontre à Marseille des premiers adhérents d'Attac Bouches du Rhône, à quelques uns, nous avons décidé de créer le Comité Local du Pays d'Aix en Provence.
Depuis, certains de ces fondateurs se sont éloignés, d'autres sont partis.
Déjà dinosaures d'une toute petite histoire, nous partons à notre tour, convaincus que ce qui a commencé ici, n'est qu'une étape, la suite est à inventer et nous avons bien l'intention d'en être.

POURQUOI NOUS QUITTONS ATTAC
Attac est née du constat que l'action politique est devenue totalement dépendante de la sphère financière et actionnariale, qu'elle est abandonnée aux « experts » d'une économie mondialisée. La décision politique, échappant de plus en plus aux citoyens, Attac se fixait pour objectif de contribuer à sa reconquête, et comme beaucoup d'autres, c'est sur ce principe que nous l’avons rejointe.
La volonté ainsi exprimée impliquait à nos yeux une démarche d'élaboration collective. Quatre ans plus tard, nous avons le sentiment d'avoir été trompés. Il semble que nous ne sommes pas les seuls. Il y a quelque temps, Attac s'interrogeait sur les raisons qui lui faisaient perdre autant d’adhérents qu'elle en gagnait. Voici, quant à nous, nos raisons de quitter Attac.

1) Un fonctionnement oligarchique L'Assemblée Générale de la Ciotat en 1999, a vu l'élection d'un Conseil d’Administration de 30 membres, dont 18 membres fondateurs (Sans que personne ne craigne le ridicule, le nombre des « fondateurs » vient d'être augmenté, ceci 4 ans après la fondation d'Attac !), présentés comme un bloc indivisible afin de préserver, nous disait-on, l'association des attaques partisanes.
Les statuts donnent donc, pour trois ans, à 18 personnes cooptées, la conduite de l'association. Après la période de mise en place, il semblait normal de préparer une modification des statuts. L'A.G. de St Brieuc, en Novembre 2000, s'inquiétant de la dérive oligarchique, émit deux « voeux », dont le premier était la création d'une commission de travail sur " l’opportunité de modifier les statuts pour améliorer la vie démocratique d’Attac " (sic), voeu entériné par le C.A. à l'unanimité. Les adhérents s’inquiétaient d'être totalement absents de la définition des orientations de l'association. La commission décida qu'il n'était pas question de modifier les statuts, en désaccord total avec l'esprit du « voeu » de l'A.G., et se consacra à un exercice qui ne lui était pas demandé : la rédaction d'une charte des relations entre Attac et les comités locaux. On apprit plus tard que les statuts avaient été écrits de telle façon qu'on ne puisse pas les modifier.

L'auto-désignation des chefs est éclairée d'un feu particulièrement vif cette année, celle du renouvellement de la direction d'Attac. Nous avons appris que, Bernard Cassen ne se représentant pas à la présidence, un conseil des sages » (?) avait désigné son successeur six mois avant l’Assemblée Générale. Et le Secrétaire national, Pierre Tartakovsky, dernier prévenu de sa propre démission, parla de limogeage, puis devint membre fondateur ! L'Union syndicale Groupe des Dix, manifesta son désaccord sur le procédé, ainsi que des membres du Conseil scientifique. Ces derniers parlèrent de leur attachement à « la confrontation d'idées », souhaitèrent que « la démocratie vive et se développe dans toutes les instances d'Attac », allèrent jusqu'à parler de « dérive présidentialiste » et demandèrent qu'une « réflexion soit engagée rapidement au sein d'Attac afin de clarifier, voire de modifier, la procédure de nomination de ses dirigeants ». La riposte de Bernard Cassen fut cinglante : « perte de temps », « indiscutable volonté de nuire », «menées immatures », « petites manoeuvres dérisoires », mesquineries, jalousies », « dilatation des égos », « représentants de baronnies qui voient leur champ d'action se rétrécir ». La violence du propos signifie que la démocratie ne fait pas partie de la culture d'Attac, que les questions se règlent au sommet. Pas un instant il ne fut envisagé que les adhérents d'Attac élisent leur direction sur la base d'un débat d'orientation.

2) Une Assemblée Générale sans pouvoir Le choix d'une Assemblée Générale - et non d'un congrès- évite de procéder à l'élection de délégués, porteurs de propositions élaborées par les adhérents et mandatés par eux. Une Assemblée Générale est plus maniable, son pouvoir est largement encadré puisque les seules résolutions sont celles qu’accepte le Conseil d'Administration.
Des adhérents condamnés à la passivité politique : Avant chaque Assemblée Générale un appel à contributions est lancé auprès des adhérents. Plusieurs dizaines de contributions et motions sont reçues et examinées par une commission » de tri aux contours indistincts, puis par le Conseil d’Administration. Ces filtres successifs sont « efficaces », rien n'y survit.

Les candidats au Conseil d'Administration national ont été investis par d’incertaines réunions régionales des comités locaux. Notre circonscription régionale (Sud Est) présente donc deux candidats que nous ne connaissons pas, certains comités n'ont même pas été avisés, les adhérents encore moins, de cette procédure locale de désignation ! Des comités locaux sans existence statutaire : Les 270 comités locaux sont libres d'agir à leur guise, étant donné que leurs activités n'engagent en rien la direction nationale. L'AG de St Brieuc vota un deuxième « voeu » : la tenue régulière d'une réunion des représentants des comités locaux, devenue la Conférence Nationale des Comités Locaux (C.N.C.L). Depuis, cette Conférence se réunit trois à quatre fois par an, elle n'a ni pouvoir ni statut, et sert de chambre d'enregistrement à des décisions prises ailleurs.
Les délégués des comités locaux qui la composent n'ont pas de mandat.

3) Des orientations définies au coup par coup, au sommet, sans que jamais les adhérents ne se prononcent Attac, depuis sa création, a démesurément élargi son champ d'intervention. A vouloir être présente sur tous les fronts, l'association est devenue un mouvement politique de plus en plus généraliste. Chaque année, l'actualité l’amène à de nouvelles prises de position. Où sont-elles discutées ? L'A.G.
ne serait-elle pas le lieu pour le faire, pour décider collectivement de nos positions sur les terrorismes, le conflit israélo-palestinien, les problèmes de sécurité et les projets de Sarkozy, la politique de G-W Bush et la guerre contre l'Irak, le forum de Florence, les sommets du G8. ? Sur tous ces sujets, la direction d'Attac se détermine sans que jamais les adhérents ne se prononcent.
Un exemple parmi d'autres : le choix des éditions « Mille et une nuits » du groupe Lagardère pour les publications d'Attac. Qui a décidé de ces publications ? Attac n'avait elle pas le choix de se tourner vers des éditeurs indépendants et de soutenir ainsi de frêles espaces de liberté ? Le fonctionnement d'Attac manifeste la croyance que la démocratie est pesante et qu'il faut s'en remettre au pouvoir et à la clairvoyance d'un seul ou d'un groupe dirigeant auto-institué.

4) Les conséquences
Malgré les multiples tentatives pour modifier cet état de choses, avec bien d'autres adhérents, nous nous sommes heurtés à un mur. Les quelques ouvertures ne furent que tactiques, et le verrouillage s'est confirmé. Poser la question de nos dysfonctionnements a très vite été considéré comme une démarche de sabotage, voire comme une tentative de prise de pouvoir. Une perte de temps » en somme pour ceux qui considèrent que lutter contre la barbarie du monde vaut bien quelques raccourcis dans les pratiques démocratiques.
La désaffection : D'une A.G. à l'autre, le public des adhérents se raréfie.
L'absence d'enjeux les dissuade de se déplacer, de venir faire de la figuration dans une opération statutaire et médiatique, pour entériner des décisions prises d'avance.
La participation aux votes ferait bondir n'importe quel démocrate sincère.

La direction, qui vante ailleurs la « démocratie participative », ne s'émeut pas pour autant : à Saint-Brieuc, 80% d'abstention, à Tours, 85%. Les résolutions sont toutes adoptées à 90 ou 95% des voix exprimées, en l’absence de choix.
Quelle éducation populaire ? Une ambition d'Attac est d'être un mouvement d’éducation populaire. A quoi éduquons-nous nos adhérents et sympathisants, sinon à la soumission aux dirigeants et aux experts ? Les démissions : En restant aujourd'hui dans Attac, nous cautionnerions des principes organisationnels contradictoires avec tous nos objectifs ; nous considérons après bien d'autres qu'il n'y a pas d'efficacité politique durable hors de la démocratie.

Nous refusons le peudo-choix entre l'efficacité et la démocratie, nous connaissons trop bien les désastres qu'il a engendrés. Attac a constitué une étape, qui eut le mérite de souligner les contradictions d'une idéologie mortifère devenue hégémonique. Un large mouvement de contestation du système néo-libéral » est en marche, c'est bien. Mais nous ne reconnaissons pas, dans les pratiques d'Attac, un modèle pour l'avenir de monde, bien au contraire. C'est pourquoi nous allons chercher ailleurs.

Chantal EVANO, Roger EVANO, Alain LEBOUCQ, Nicole MOLINIER, Marc WEINSTEIN du Comité Local Attac Pays d'Aix en Provence.


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