Ethos des destructeurs L'armée américaine et
son culte de la cruauté
Par Robert Fisk
publié dans The Independent, le 16 September 2006,
article original : 'The US military and its cruelty cult'
Le changement d'ethos[1] vers un credo "guerrier" encourage
les soldats à commettre des atrocités
http://questionscritiques.free.fr/edito/Independent/Robert_Fisk/armee_Etats-Unis_culte_de_la_cruaute_160906.htm
Dans la semaine où Bush s'est pris à rêver
que sa "guerre contre le terrorisme", dégoulinante
de sang, "conduirait le 21ème siècle dans un
"âge resplendissant de liberté des hommes",
j'ai trouvé dans mon courrier une lettre effrayante, qui
m'était adressée par un ancien combattant américain
dont le fils sert en tant que lieutenant-colonel et médecin
dans les forces étasuniennes à Bagdad. Pour simplifier,
mon ami américain pense que le changement du credo militaire
sous l'administration Bush - passant de celui de "soldat"
à celui de "guerrier" - encourage les soldats américains
à commettre des atrocités.
D'Abou Ghraïb à Guantanamo en passant par Bagram, jusqu'aux
champs de bataille en Irak et aux prisons "noires" de
la CIA, l'humiliation, les coups, les viols, le viol anal et les
meurtres sont désormais devenus tellement communs que chaque
nouveau scandale se traîne au fin-fond des pages intérieures
de nos journaux. Depuis août 2002, mes cahiers de reportage
sont remplis de plaintes de tortures et de raclées, subies
par des Afghans et des Irakiens. Comment ceci a-t-il pu arriver,
n'ai-je cessé de me demander ? Il est évident que
la piste conduit tout en haut. Mais où ce culte de la cruauté
a-t-il commencé ?
Pour commencer, voici donc l'officiel "credo du soldat"
de l'armée US, élaboré à l'origine pour
empêcher d'autres atrocités au Vietnam :
" * Je suis un soldat américain.
*Je suis membre de l'armée des Etats-Unis - protectrice
de la plus grande nation sur terre. Parce que je suis fier de l'uniforme
que je porte, j'agirai toujours de façon honorable au service
militaire et à la nation que nous avons jurée de protéger...
* Quelle que soit la situation dans laquelle je me trouve, je ne
ferai jamais rien pour le plaisir, le profit ou ma sécurité
personnelle, qui déshonorera mon uniforme, mon unité
ou mon pays.
* J'utiliserai tous les moyens dont je dispose, même au-delà
de la ligne de devoir, pour empêcher mes compagnons d'arme
de commettre des actions qui seraient déshonorantes pour
eux et pour l'uniforme.
* Je suis fier de mon pays et de son drapeau.
* J'essayerai de rendre le peuple de cette nation fier du service
que je représente parce que je suis un soldat américain".
À présent, voici la nouvelle version de ce qui est
appelé "L'Esprit du Guerrier" :
« * Je suis un soldat américain.
* Je suis un guerrier et membre d'une équipe. Je sers le
peuple des Etats-Unis et je vis selon les valeurs américaines.
* Je placerai toujours la mission en premier.
* Je n'accepterai jamais la défaite.
* Je n'abandonnerai jamais.
* Je ne laisserai jamais tomber un camarade.
* Je suis discipliné, physiquement et mentalement robuste,
entraîné et compétent dans mes exercices et
mes tâches de guerrier. J'entretiendrai toujours mes armes,
mon équipement et moi-même.
* Je suis un expert et je suis un professionnel. Je me tiens prêt
à me déployer, à m'engager et à détruire
les ennemis des Etats-Unis d'Amérique en combat rapproché.
Je suis le gardien de la liberté et du style de vie américain.
*Je suis un soldat américain. »
À l'instar de beaucoup d'Européens - et d'un nombre
énorme d'Américains - je n'avais pas vraiment conscience
de ce "code" féroce des forces armées américaines,
même s'il n'est pas difficile de voir à quel bien cela
s'insère dans les rodomontades de Bush. Ma tentation est
d'en parler en détail, mais mon ancien combattant américain
le fait avec tant d'éloquence dans la lettre qu'il m'a adressée
que la réponse devrait venir de ses propres mots : "Le
Credo du Guerrier", écrit-il, "n'autorise aucune
fin à aucun conflit autre que la destruction totale de 'l'ennemi'.
Il ne permet aucune défaite... et ne permet à personne
de cesser le combat (se prêtant lui-même à l'idée
de la 'longue guerre'). Il ne dit rien sur l'obéissance aux
ordres, il ne dit rien sur le respect des lois ou sur le fait de
monter de la retenue. Il ne dit rien au sujet des actions déshonorantes...".
À présent, je rencontre tous les jours de nouveaux
exemples de la cruauté des soldats américains en Irak
et en Afghanistan. Ici, par exemple, se trouve le Spécialiste
de l'Armée, Tony Lagouranis, qui fait partie de l'équipe
mobile américaine d'interrogation travaillant avec les US
marines. Interviewé par Amy Goodman pour l'émission
américaine Democracy Now !, il a décrit une opération
qui s'est déroulée en 2004, à Babel, à
l'extérieur de Bagdad : "À chaque fois que Force
Recon [Force de Reconnaissance] partait pour un raid, ils ramèneraient
des prisonniers contusionnés, aux os cassés, parfois
avec des brûlures. Ils étaient plutôt brutaux
avec ces types. Ensuite, je demanderais aux prisonniers ce qui s'était
passé, comment ils ont reçu ces blessures. Ils me
diraient que cela s'était produit après leur capture,
pendant qu'ils étaient matés, pendant qu'ils étaient
menottés et qu'ils étaient questionnés par
les Marines de Force Recon... Un type a été forcé
de s'asseoir sur un tuyau d'échappement de Humvee... il avait
une cloque géante, une brûlure au troisième
degré à la jambe".
Lagouranis, dont l'histoire est racontée avec puissance
dans le nouveau livre d'Amy Goodman, "Static", a rapporté
cette brutalité à un commandant des Marines et à
un juriste-colonel du Bureau du Magistrat Avocat-Général
étasunien. "Mais il n'y avait pas moyen qu'ils écoutent,
savez-vous ? Ils voulaient des chiffres. C'est le nombre de terroristes
appréhendés qu'ils voulaient... afin de pouvoir le
rapporter au général".
Chaque semaine, parfois chaque jour, apporte sont nouveau lot de
barbaries. Au Canada, un déserteur de l'armée américaine
a fait appel pour obtenir un statut de réfugié et
un compagnon d'arme a témoigné que lorsque les forces
étasuniennes voyaient des bébés étendus
sur la route de Falloujah - de façon scandaleuse, les insurgés,
semble-t-il, les y placent parfois pour forcer les Américains
à s'arrêter et se retrouver face à une embuscade
- ils avaient les ordres de rouler sur les enfants sans s'arrêter.
C'est ce qu'il se passe lorsque vous "placez toujours la mission
en premier", lorsque vous partez "détruire"
vos ennemis - plutôt que les vaincre. Ainsi que mon vétéran
américain le dit : "Les activités dans les prisons
américaines, ainsi que les centaines d'incidents rapportés
contre des civils en Irak, en Afghanistan et ailleurs, ne sont pas
des aberrations - tout ceci fait partie de ce que l'armée
étasunienne, selon son ethos, à l'intention d'être.
Beaucoup d'autres armées se comportent de façon pire
que l'Armée des Etats-Unis. Mais ces armées ne prétendent
pas être les "bons"... Je pense que nous avons besoin...
d'une armée constituée des soldats, pas de guerriers".
Winston Churchill avait compris l'honneur militaire. "Dans
la défaite, le mépris", conseillait-il aux Britanniques
pendant la Seconde Guerre Mondiale. "Dans la victoire, la magnanimité".
C'est fini ! Selon George W. Bush, cette semaine, "La sécurité
de l'Amérique dépend de l'issue de la bataille dans
les rues de Bagdad" parce que nous n'en sommes qu'aux "premières
heures du combat entre la tyrannie et la liberté".
Pour terminer, je suppose que nous sommes censés conduire
le 21ème siècle dans un âge resplendissant de
liberté des hommes dans les donjons des prisons "noires",
sous les coups des Marines US, sous les tuyaux d'échappement
des Humvee. Nous sommes des guerriers, nous sommes des Samouraïs.
Nous sortons l'épée. Nous détruirons. C'est
exactement ce qu'Oussama Ben Laden a déclaré.
2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
_______________
note :
[1] Ethos : "J'ai employé le mot d'ethos, après
bien d'autres, par opposition à l'éthique, pour désigner
un ensemble objectivement systématique de dispositions à
dimension éthique, de principes pratiques (l'éthique
étant un système intentionnellement cohérent
de principes explicites). Cette distinction est utile, surtout pour
contrôler des erreurs pratiques : par exemple, si l'on oublie
que nous pouvons avoir des principes à l'état pratique,
sans avoir une morale systématique, une éthique, on
oublie que, par le seul fait de poser des questions, d'interroger,
on oblige les gens à passer de l'ethos à l'éthique
; par le fait de proposer à leur appréciation des
normes constituées, verbalisées, on suppose ce passage
résolu. Ou, dans un autre sens, on oublie que les gens peuvent
se montrer incapables de répondre à des problèmes
d'éthique tout en étant capables de répondre
en pratique aux situations posant les questions correspondantes."
(Pierre Bourdieu, pp.133-136 in "Questions de sociologie"
; extrait de "Le marché linguistique", exposé
fait à l'Université de Genève en décembre
1978)
StatCounter - Free Web Tracker and Counter
L'armée US et son gang de hackers
http://www.lelezard.com/actu/2545/l-armee-us-et-sa-gang-de-hackers.html
Des hackers géniaux au service de l’armée américaine.
Est-ce un super scénario de film hollywoodien? Non non, c’est
pour de vrai.
L’existence de ce groupe d’intervention était
jusqu’à présent tenue secrète. Pourtant,
le mois dernier, l'U.S. Strategic Command (Stratcom) a révélé
l’existence du JFCCNW (Joint Functional Component Command
for Network Warfare). Il s’agit d’une unité composée
de hackers au service de l’armée américaine.
Protection des réseaux
Sa mission prioritaire est la protection des réseaux du
ministère américain de la défense, mais également
une participation active au CNA (Computer Network Attack), un programme
peu connu d'attaques électroniques.
Guerre préventive
De plus, selon certaines sources, des agences, telles que la CIA,
le FBI ou encore la NSA (National Security Agency), participent
aux actions du JFCCNW. Dan Verton, ancien militaire américain,
journaliste pour Computer World, met en évidence le paradoxe
de cette unité secrète de lutte contre le cybercrime.
Pour lui, le ministère américain de la défense
se targue de protéger au mieux ses réseaux, qui auraient
subi 75 000 attaques en 2004, justifiant ainsi l’existence
et le financement de cette unité. Mais même si rien
n’est évoqué au sujet des actions offensives,
on peut penser qu’elles existent, ne serait-ce qu’au
nom du concept de "guerre préventive" ou tout simplement
dans le cadre d’activités de renseignement classiques
: espionnage, brouillage d’émission…
Quant à la "puissance de feu" d’une telle
unité militaire, elle a de quoi faire rêver, ou faire
trembler. Imaginez que l’auteur du ver informatique Sasser,
qui a empoisonné les réseaux l’an passé,
n’est âgé que de 18 ans et ne travaillait pas
en équipe. Dès lors, si une mission offensive est
confiée au JFCCNW, on pourrait s’attendre à
des actions d'un tout autre registre : vol ou manipulation d’informations
dans des réseaux sécurisés, destruction de
systèmes de commandement adverses...
Le porte-parole de Stratcom ne laissait aucun doute sur la force
de frappe de l’équipe de hackers recrutés par
l’armée américaine : "Pour des raisons
de sécurité, nous ne pouvons donner aucun détail.
Toutefois, étant donné la dépendance de plus
en plus forte aux réseaux informatiques, toute capacité
informatique offensive ou défensive est grandement souhaitable".
Polémique avec l'affaire Nicholas Berg
L’exemple récent le plus frappant des débats
autour du JFCCNW concerne la diffusion sur Internet de la mort de
l’otage civil américain en Irak Nicholas Berg. Un vif
conflit avait alors opposé les partisans du laisser-faire
à ceux qui auraient souhaité que l’on détruise
immédiatement le site source qui diffusait le vidéo
de l’exécution. Légalement, le JFCCNW ne pouvait
intervenir, alors qu’une attaque par déni de service,
par exemple, sur le site incriminé aurait été
potentiellement réalisable. Mais ici, c’est la question
de la censure contre le peuple américain qui se pose et les
implications politiques de tels actes pourraient renverser l’opinion,
car c'est justement l'opinion effrayée qui, suite aux attentats
du 11 septembre 2001, a permis la création du JFCCNW.
Opérations militaires en Serbie
Pendant l’été 2002, le président Bush
signait la directive présidentielle sur la sécurité
nationale n°16, directive qui donnait ordre au gouvernement
américain de préparer des plans nationaux de lutte
électronique offensive contre des ennemis potentiels. Cependant,
l’armée américaine n’a pas attendu la
création du JFCCNW pour initier des actions de guerre électronique.
Dès les années 90 et la guerre en ex-Yougoslavie,
une rumeur rapporte qu’en plein milieu du conflit avec la
Serbie, un commando américain aurait coupé des connexions
radars serbes au sol, pour y brancher un équipement qui émettait
des leurres sur les écrans de contrôle ennemis.
Risque d'attaque virale
Mais le problème majeur vient surtout du risque potentiel
de déclencher une attaque virale extrêmement contagieuse
sur le net. Aux dires de certains spécialistes, personne,
et pas même le JFCCNW ne peut dire quels seraient les effets
d’un virus sur la globalité des réseaux mondiaux
après qu’il ait accompli une mission offensive ciblée.
Ici aussi, on reste sur le principe cher aux Américains du
"fire and forget".
Publié le 22/04/2005 à 16h34 par Guillaume Serries
Source : presence-pc.com
L’US Army entraîne les gangs
(Jean-Jacques CÉCILE, 14 août 2006)
http://www.cf2r.org/fr/article/article-l-us-army-entraine-les-gangs-2-86.php?chr_id=86&chr_page=1
Les besoins en personnels générés par les
conflits en Afghanistan ainsi qu’en Irak ont imposé
un abaissement des standards de recrutement de l’armée
de Terre américaine qui accepte désormais dans ses
rangs les membres des gangs sévissant dans les villes d’outre-Atlantique
; résultat : ceux-ci acquièrent dans les forces armées
des connaissance militaires dont on peut supposer qu’elles
seront ensuite mises à profit dans le cadre d’actions
criminelles.
La situation est telle qu’en Irak, les membres des gangs
de Chicago ou de Los Angeles n’hésitent pas à
se regrouper entre eux au sein des unités et à signaler
ostensiblement leur présence dans les cantonnements, où
l’on voit ainsi fleurir des pancartes « exotiques ».
Officiers et sous-officiers encadrant la troupe sont impuissants
à endiguer cette dérive : parce que les gangs reconstitués
font du « bon travail », ils ont reçu de la part
de leur hiérarchie des consignes de laisser-faire. Un enquêteur
travaillant au profit du Department of Defense aurait ainsi identifié
320 membres de gangs au sein de l’US Army tout en estimant
qu’il ne s’agit là que de la partie émergé
de l’iceberg.
Une tendance observée est encore plus lourde de menaces
à moyen terme : combattant côte-à-côte
en Irak après s’être combattus entre eux aux
Etats-Unis, certains gangs pourraient de ce fait être tentés
par la conclusion d’alliances débouchant sur la formation
de véritables cartels du crime possédant des unités
de choc paramilitaires entraînées et surarmées.
Déjà, « Los Zetas », gang criminel ultra-violent
opérant à la frontière entre le Mexique et
les Etats-Unis, a formé dans ses rangs des unités
de « forces spéciales » entraînées
par des ex-membres du Special Air Mobile Force Group mexicain chargé
de la lutte contre les trafiquants de drogue le long de cette même
frontière.
Jean-Jacques CÉCILE
14 Août 2006
"Ils permettent la Décomposition de la Société
Irakienne"
Les États-Unis libèrent des Kidnappeurs Irakiens pour
qu'ils deviennent des Espions
Par PATRICK COCKBURN
CounterPunch, 23 mars 2005,
http://questionscritiques.free.fr/edito/CP/Patrick_Cockburn_230305.htm
En Irak, les officiers du renseignement et ceux de la police militaire
libèrent de façon routinière de dangereux criminels
en échange de leur promesse d'espionner les insurgés.
Dans un cas où nous avons vu des documents, la police a
sorti un médecin, après une fusillade, des griffes
de ses ravisseurs et en a arrêté deux parmi ce gang
de kidnappeurs. Ils ont fait des aveux complets. Mais la police
militaire américaine a pris en main la garde à vue
de ces deux hommes et les a laissés partir. Le docteur a
dû fuir vers l'Egypte après avoir été
menacé par le gang.
Le poste de police où ils étaient retenus a noté
dans ses registres que ces hommes avaient été remis
à un lieutenant de la police militaire américaine
pour être transférés à Camp Cuervo, le
centre de détention dirigé par les Américains.
Mais un porte-parole de l'armée US a répondu à
l'organisme international qui l'interrogeait qu'il n'y avait pas
trace de ces deux prisonniers dans leur base de données.
"Les Américains permettent la décomposition
de la société irakienne parce qu'il n'y a que la lutte
contre l'insurrection qui les intéresse," a dit un officier
supérieur de la police irakienne. "Nous avons à
faire à une épidémie de kidnappings, d'extorsions
et de crimes violents, mais même si nous savons que les Américains
écoutent les appels des téléphones mobiles
et par satellite, qui sont souvent utilisés dans les négociations
des rançons, ils ne veulent nous passer aucun renseignement
criminel. Ils veulent seulement utiliser ces informations contre
les insurgés."
Une source au sein du gouvernement irakien a confirmé que
des criminels suspectés sont souvent libérés
s'il acceptent de donner des informations sur les insurgés,
en dépit des dangers qu'ils représentent pour la population.
La classe moyenne irakienne est au cœur de la cible des kidnappeurs
depuis la chute de Saddam Hussein. De nombreux médecins,
une des cibles favorites, et hommes d'affaires se sont enfuis vers
la Syrie, la Jordanie et l'Egypte. La police reconnaît qu'elle
a été incapable de faire quoi que soit pour mettre
un terme la vague d'enlèvements.
Le Dr Thamir Mohammed Ali Hasafa-al-Kaisey, MG âgé
de 60 ans, a été enlevé le 23 décembre
à 18 :30 par un gang de 11 kidnappeurs dans trois véhicules
alors qu'il rentrait chez lui en voiture de sa clinique de Bagdad.
"J'étais à 50 mètres de ma maison quand
des hommes armés en Jeep Cherokee m'ont arrêté
en me rouant de coups de poing, et ils m'ont attaché avec
ma propre veste." Bien que les kidnappeurs opèrent en
quasi impunité dans le centre de l'Irak, le Dr Hasafa a eu
un coup de chance extraordinaire. Ses ravisseurs ont forcé
un barrage de la police et une fusillade a suivi. Même si
sa jambe avait été cassée dans la raclée,
le docteur put ramper hors du véhicule par l'arrière
et crier à la police : "Je suis médecin et j'ai
été enlevé."
Cette affaire fut une rare victoire pour la police. Dans leurs
aveux, obtenus par les inspecteurs de la sécurité,
ces deux suspects - dont l'un était lieutenant de police
- dressent un tableau incroyable de la manière dont travaillent
ces gangs, et le nombre extraordinaire de kidnappings qu'ils organisent.
Mohammed Najim Abdullah al-Dhouri, le lieutenant de police, et
Adnan Ashour Ali al-Jabouri sont tous deux des membres des tribus
puissantes desquelles Saddam tirait nombre d'agents de sécurité
et d'officiers militaires pour faire partie de sa garde rapprochée.
Mais la motivation du gang semble être purement de nature
criminelle.
Adnan Ashour a dit au juge d'instruction que les chefs du gang
étaient : Eyhab, surnommé Abou Fahad, propriétaire
d'une boutique de téléphones portables, et son frère,
Hichem. Eyhab, a-t-il dit, avit été condamné
à 40 ans de prison par l'ancien régime. Il avait apparemment
été libéré lors de l'amnistie générale
décrétée par Saddam fin 2002.
Mohammed Najim, qui était basé à Sadr City,
à l'Est de Bagdad, vivait dans une résidence réservée
à la police. Il a déclaré : "J'étais
en affaires avec Hichem avant la chute de Saddam. Ce n'est que plus
tard qu'il m'a approché à propos de l'enlevent de
notables. Ma tâche consistait à protéger le
gang." Tous les membres du gang étaient armés
de pistolets. Ils avaient des refuges où ils retenaient leurs
victimes. Les deux suspects ont déclaré qu'ils avaient
pris part à de nombreux autres enlèvements ces derniers
mois, et que leurs victimes payaient jusqu'à 60.000 dollars
chacun. L'ironie, c'est que l'informateur qui leur avait dit que
le Dr Hasafa valait la peine d'être kidnappé était
un des gardes embauchés par les propriétaires pour
protéger la rue où il vivait.
La police irakienne se frottait les mains d'avoir finalement des
informations détaillées sur la manière dont
les gangs opèrent. Les deux hommes qu'ils avaient capturés
étaient d'accord pour dévoiler les noms et les adresses
des autres membres du gang, et cette victoire était amplifiée
par la télévision irakienne et la presse locale. Cependant,
à la consternation de la police, un convoi de la police militaire
américaine est arrivé le 30 décembre au poste
de police d'al-Khansa, où Mohammed Najim et Adnan Ashour
étaient détenus. L'officier de police irakien qui
était en poste a enregistré : "Ils ont exigé
de prendre la garde des deux agresseurs." La police a clos
l'enquête contre le reste du gang.
Le Dr Hasafa, pendant ce temps, a reçu deux visites de la
part des familles des prisonniers. Le premier était le père
de Mohammed Najim, qui a proposé de l'argent pour qu'il retire
sa plainte pour enlèvement. Il lui a dit qu'il avait été
officier dans la Garde Républicaine et a ajouté d'une
manière menaçante : "Vous savez ce que nous sommes
capables de faire."
Lorsqu'il est retourné voir la police, il a été
dit au Dr Hasafa que ses kidnappeurs avaient été libérés.
Celui-ci a refusé de retirer la plainte, malgré les
menaces de mort sur sa famille, mais en janvier il s'est enfui vers
la Jordanie, puis l'Egypte.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François
Goulon
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