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Lois racistes et code de la nationalité : halte au développement séparé
Réflexes

Origine : http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article282

La droite l’avait annoncé dans son programme et sur ce point, à n’en pas douter, elle tient toutes ses promesses. Car attaquer les étrangers ne coûte pas cher, à la différence de s’attaquer aux problèmes de l’exclusion. L’immigré comme le Juif des années 1930 remplit bien son rôle : celui du bouc émissaire. Le racisme se développe et avec lui son corollaire de haine et de xénophobie dans toute l’Europe... Les replis communautaires seront rapidement les seules solutions envisagées si ne se construisent pas des mouvements et des luttes mettant au premier plan les questions sociales (logement, travail, chômage, etc.).

Pasqua est fier et serein. Les nouvelles lois qui vont être votées au cours des mois de juin et juillet vont permettre de réduire le peu de droits des étrangers en France. Avec la loi sur le code de nationalité (voir No Pasaran n° 7), la précarisation et l’insécurisation de la population immigrée continue.

Un apartheid soft...

Pour ne prendre que quelques exemples :

- Limitations de l’attribution de plein droit de la carte de résident : La carte de résident qui était attribuée de plein droit à l’enfant d’un ressortissant de nationalité française - ainsi qu’aux ascendants, à l’étranger père ou mère d’un enfant français - pourra ne pas l’être pour "motif d’ordre public" et "sous réserve de la régularité du séjour", quant au conjoint d’un ressortissant de nationalité française, il devra en plus être "marié depuis au moins un an" et "justifier d’une communauté de vie effective". Ne peuvent plus l’obtenir : les étudiants en France depuis plus de 10 ans ; l’étranger qui justifie, par tout moyen, résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 10 ans ; l’étranger polygame ; l’épouse d’un tel ressortissant.

- Reconduite à la frontière/expulsion : L’arrêté de reconduite à la frontière comporte de plein droit l’interdiction du territoire pour une durée de un an... N’est plus protégé "l’étranger qui justifie, par tout moyen, résider en France habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 10 ans, l’étudiant quelle que soit la durée de son séjour, l’étranger marié depuis moins de 1 an dont le conjoint est de nationalité française, au-delà il ne sera protégé que si la communauté de vie entre les époux est effective." En cas de condamnation définitive "à une peine d’emprisonnement ferme au moins égale à 5 ans", sont expulsables "l’étranger qui justifie par tout moyen, résider habituellement en France depuis plus de 15 ans", ou "qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans", "l’étranger marié à un conjoint de nationalité française", "l’étranger père ou mère d’un enfant français".

- Regroupement familial : N’est possible qu’après deux ans de séjour au lieu d’un an, à condition que la présence des membres de la famille ne constitue pas une menace à l’ordre public, que les membres de la famille soient exempts de maladie ou d’infirmité mettant en danger la santé publique...

Ne peuvent bénéficier du regroupement familial un autre conjoint d’un étranger polygame et les enfants de ce conjoint.

- Demande d’asile : Vue l’harmonisation européenne (les conventions de Schengen et de Dublin), la demande doit être faite dans le premier pays d’arrivée. De plus, c’est au ministre de l’Intérieur ou au représentant de l’État dans le département et à Paris au Préfet de Police d’apprécier la validité de la demande !

Etc., etc. Comparé au discours du Front national, on peut remarquer la similitude de l’état d’esprit :

- Être français, ça se mérite.

- Pour pouvoir rester (sans droit politique bien évidemment), il faut travailler (sans lutter), ne commettre aucun délit, s’assimiler à la culture française.

Depuis plusieurs années, l’immigration est prise comme cible. Une des conséquences est le repli sur soi des différentes communautés. En resserrant leurs liens, celles-ci espèrent pouvoir résister, et surtout par une solidarité et une entraide internes, pouvoir faire face au racisme d’État. Si le repli communautaire est légitime et peut permettre de ressouder et de recréer une mémoire et des liens, il doit articuler sa propre dynamique avec des mouvements de lutte, qui se battent pour que chaque résident quelle que soit sa nationalité puisse bénéficier des mêmes droits que les nationaux. Et donc s’intégrer aux luttes sociales qui doivent se développer pour faire face aux exclusions.

Une Europe forteresse

Comme nous le mentionnons maintenant depuis plusieurs années dans REFLEXes, les lois concernant l’immigration en France sont une harmonisation et une adaptation aux mesures européennes. En effet, sur cette question, l’accord entre les Européens pour limiter le nombre d’étrangers sur leur sol et construire des remparts étanches aux frontières avec le Sud et l’Est est presque parfait. Même si les Accords de Schengen ont pris quelque retard, la France refusant le principe de la libre circulation le premier janvier 1993, estimant qu’il y avait encore trop de zones d’ombre, il y a bien dans ce domaine une volonté commune. Pour le droit d’asile, l’harmonisation était difficile. Les différences entre pays européens sur l’accueil de tel ou tel réfugié correspondait jusqu’alors au passé colonial de chaque État. Aujourd’hui, tout semble réglé. Un demandeur d’asile ne pourra faire sa demande que dans un seul pays. Mais plus grave encore, on voit apparaître un concept nouveau : "un réfugié devra déjà tenter de se réfugier au sein de son territoire dans des zones qui lui seraient plus favorables". On voit bien toutes les conséquences de ce type d’argument dans le cas de l’ex-Yougoslavie : les Bosniaques persécutés peuvent aller se réfugier dans les "réserves" de Bosnie sous protection de l’ONU... Ainsi les Bosniaques n’ont pas le droit aujourd’hui au statut de réfugié, mais sont admis au nom d’un asile temporaire, qui ne leur donne aucun droit.

Politique commune des visas, du regroupement familial, des procédures d’éloignement, fichier informatisé pour traiter tous ces problèmes, l’Europe, décidément, prend grand soin d’établir une barrière et ainsi d’affirmer qu’elle restera avant tout "blanche et chrétienne"...

Le discours raciste de gauche...

Comme le rappelle un tract du MRAP de Limoges (voir le Canard Enchaîné du 2 juin), on aura toujours besoin des étrangers pour ramasser les poubelles, construire des routes, etc. Et au nom de ce besoin, il ne faut pas faire de l’immigré un bouc émissaire des problèmes de chômage et d’exclusion ; un autre tract du Collectif de défense des étrangers de Rennes apporte lui aussi quelques révélations : "Ce texte est dangereux (la modification du code), il contribue avec d’autres mesures à mettre en cause la cohésion sociale et civique de ce pays". Et pour la manifestation du 19 juin, appelée par plus de cinquante organisations, on peut lire : "Ce serait une politique de discrimination, d’exclusion et de bannissement qui ne peut conduire qu’à plus de tensions sociales"... Si l’on comprend bien la teneur de ces quelques exemples, ce ne sont pas les exclusions qui sont facteurs de tensions sociales mais les lois Pasqua ; nous ne pouvons qu’être en total désaccord, et opposés à ces explications. En effet, il faut au contraire que les luttes pour les droits des étrangers soient couplées avec les luttes pour les droits sociaux. Il est légitime de se battre pour obtenir un logement, des conditions de vie dignes. Ce qui est facteur de tensions sociales, c’est le RMI, la précarité, le chômage, la cherté de la vie, etc. Les associations des droits de l’homme, déconsidérées pour avoir accepté sous la gauche la remise en cause du droit d’asile, du regroupement familial ou la non abolition de la double peine, sont incapables de sortir d’une logique, qui finit par pervertir les idées antiracistes ; ce n’est pas parce que les immigrés ont construit la France que nous voulons qu’ils restent et puissent venir, mais bien parce que si l’argent et le capital peuvent circuler librement dans le monde, ceux qui subissent la famine, l’exploitation et la domination du Nord doivent eux aussi pouvoir circuler. En faisant de la question de la main-d’oeuvre, l’élément numéro un de la défense des étrangers, elles donnent raison au FN et à la droite qui disent : on n’en a plus besoin aujourd’hui comme dans les années 1960. D’ailleurs, Pasqua et son conseiller Barreau n’oublient pas de rappeler que s’il faut arriver à une immigration zéro, on n’en fera pas moins appel sous forme de quotas par nationalité et secteurs de travail à de la main-d’oeuvre étrangère ; ce qui avait déjà été souligné du temps de Joxe. On veut bien des immigrés (sages et polis) se laissant exploiter le plus docilement du monde. L’esclavage moderne, une grande idée humaniste à défendre pour nos assos des droits de l’homme. Dans ce cadre, une partie des assos, et notamment la FASTI (Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés), doit rappeler un certain nombre de choses, notamment les luttes menées à partir des années 1970, de la place des immigrés dans le mouvement ouvrier, etc.

La recomposition de la gauche sur les problèmes d’immigration pose un certain nombre de questions. Non seulement d’un point de vue moral ; mais aussi d’un point de vue idéologique quand est mise en avant l’intégration aux valeurs de la République (en occultant le passé colonial, raciste, etc.) du "bon immigré" opposé au "délinquant". De plus, signer n’engage pas à grand-chose, comme on l’a vu pour la mobilisation contre le code à l’Assemblée nationale, où à l’appel de 50 organisations étaient présentes 500 personnes...

Pour nous, il s’agit bien de couper avec tous ces schémas de pensée et d’action et enfin de créer une force sociale neuve. En articulant nouvelle citoyenneté et lutte pour un partage des richesses au niveau mondial, nous estimons qu’il est légitime que tout ceux qui traversent la Méditerranée reçoivent notre aide, qu’ils soient réfugiés économiques ou politiques ; d’ailleurs, dans la plupart des cas, ces notions ne peuvent être disjointes. Nous estimons légitime que tous ceux qui résident ici puissent rester ici, quelles que soient leur situation sociale et économique : chômeur, précaire, travailleur.

Face à l’Europe-forteresse, nous devons développer de nouvelles solidarités transnationales pour reconstruire un projet d’émancipation sociale, seul capable de s’opposer aux projets d’exclusion de droite et de gauche, et a fortiori aux extrêmes droites. Avec les lois Pasqua et le Code de la nationalité, un nouveau pas vient d’être franchi dans la gestion partidaire de notre société. En pointant le doigt sur les étrangers, la droite espère pouvoir contenir le Front national et faire plaisir à une large fraction de l’opinion. L’Histoire a déjà démontré l’erreur d’un tel raisonnement... mais au prix de combien de millions de morts ?

Mis en ligne le 10 décembre 2006

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