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Second texte sur le sexisme : Le langage et les femmes
Un groupe de réflexion anti-sexiste du GASProm
IndyMedia Nantes mercredi 4 mai 2005

Second texte sur le sexisme : Le langage et les femmes
mercredi 4 mai 2005

http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=5699

Nous avions entamé un débat sur le sexisme et les pratiques sexistes en proposant un texte sur la domination des femmes dans la conversation. Ce texte a suscité des réactions, des commentaires, des analyses plutot chouette, notamment sur la féminisation du langage. Un texte du groupe de reflexion anti-sexiste du Gasprom a alors été publié en commentaire. Comme ce texte est vraiment intérréssant, nous le reprenons ici pour prolonger le débat. Au passage rappelons la mise en garde du texte précedent : "Bien entendu, la lecture du meilleur texte sur la question du sexisme ne fera pas avancer d'un iota les choses si les pratiques concrètes et quotidiennes ne changent pas, mais mettre des mots sur ces pratiques est parfois un premier pas pour ne plus les subir, pour s'en défaire ou pour les remettre en cause, du moins espérons-le."

Cliquer sur lire plus pour voir ce texte.

Pour éclairer la question du langage,un texte que nous avons écrit il y a quelques mois(inter raï mars 2005)

LA LANGUE FRANCAISE SE PRETE -T-ELLE DIFFICILEMENT A LA FEMINISATION DU LANGAGE ?

Soulignons d'abord que ce qui caractérise « notre langage » c'est sa non-neutralité. Globalement la plupart des langues sont construites sur ce modèle..

S'il est n'est pas neutre le langage comme tout outil a un sens. Aussi lorsque la grammaire stipule que le « masculin » l'emporte sur le « féminin » il ne faut pas y voir un phénomène « naturel » il faut comprendre ici que le langage est autant une construction sociale et politique que le véhicule inconscient ( à force d'intégration, d'habitude et de naturalisme) de cette société .

Ainsi les anciens voyaient le féminin comme passif, le masculin comme actif. Plus tard au 17ème siècle, Vaugelas et le père Bouhours posent que le genre masculin est le plus noble. Il prévaut tout seul contre deux féminins. On reconnaît là les fondements d'un slogan toujours d'actualité : « le masculin l'emporte ». Avec Bescherelle au 19ème siècle le masculin est le substantif par excellence et l'on apprend a former le féminin supposé inexistant.

Aussi depuis toujours, dans les grammaires et les dictionnaires, le masculin paraît être l'unique donnée de la langue et le féminin une sorte d'artifice. On se rappelle que selon une certaine version de la Genèse Eve aurait été « crée » à partir d'une cote d'Adam… Et bien c'est ainsi que les mots féminins sont construit à partir du substantif qui lui est toujours masculin.

Le présupposé du masculin premier, ouvertement déclaré en son temps est aujourd'hui implicite et entièrement intériorise par les hommes et les femmes. Tous conditionnés à cet ordre norme !

Mais s'il est de plus en plus banal d'interroger aujourd'hui la notion de « race », la notion de « sexe » quant à elle n'est guère remise en cause. Ces deux notions sont pourtant toutes les deux centrales dans la structuration des sociétés et leur système hiérarchique. « Sexe » et « race » sont le produit d'un long processus de « spécification » et de « naturalisation sociale » propre aux relations de domination et d'appropriation. Le concept d'appropriation est d'ailleurs un élément essentiel de la théorie des rapports entre les sexes comme le souligne C. Guillaumin dans son livre « sexe, race et pratique du pouvoir ». Aussi explique-t-elle comment la possession est directement liée au principe de « privilège de masculinité ». Aboli en 1790 ce droit ancestral stipulait que ne pouvaient hériter des biens patrimoniaux que les individus de sexes mâles. Ce privilège est précisément de l'emporter sur n'importe quelle femelle en matière d'héritage de la terre. Aboli dans sa forme juridique il continue à fonctionner sous d'autres formes, de manière banale, et ce même quand le masculin ne se relie pas a une caractéristique anatomique. Le métaphorique , le symbolique prend le relais. . C'est le cas dans la langue française dans laquelle le masculin l'emporte sur le féminin parce qu'il est de « genre » masculin et non parce qu'il a des attributs anatomiques masculins. Dans cet exemple, Le privilège de masculinité ne réside pas dans l'anatomie sexuelle mais dans le fait de posséder la terre. Ainsi au regard de l'histoire, dans le langage c'est cette toute puissance du masculin possesseur de la terre, des biens parmi lesquelles les femmes et des enfants que nous transmettons et réactualisons chaque jour comme message implicite de domination d'une catégorie sur une autre. Derrière l'idée de l'ordre naturel du langage et de la société se situe l'oppression et son besoin d'être légitimée .

Si le genre grammatical (masculin féminin) ne peut être totalement confondu avec le sexe (mâle/ femelle) puisqu'il existe des mots masculins pouvant designer des femmes et inversement, il n'empêche qu'il existe une correspondance réelle entre genre et sexe dans la langue. Le genre (de l'anglais « gender ») est un concept venu d'outre atlantique. L'usage du mot genre en français comme traduction de gender a longtemps été refusé par les historiens et les éditeurs. En France le terme est apparu en en 1988 avec la traduction sous le titre « genre une catégorie utile de l'analyse historique » de l'article de l'historienne américaine Joan Scott. Elle définie le genre comme un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur les différences perçues entre le sexe et le genre est une façon première de signifier les rapports de pouvoir.

Le genre(homme- femme) c'est ce que l'on pourrait appeler le sexe social (distinctions d'ordres sociales politiques économiques…) par opposition au sexe biologique(mâle-femelle : dimorphisme sexuel). Le genre social est l'identité construite par l'environnement social des individus c'est a dire la « masculinité et la féminité que l'on peut considérer non pas comme des données naturelles mais comme le résultat de mécanismes extrêmement forts de constructions et de reproduction sociale au travers de l'éducation. Simone de Beauvoir avec « on ne naît pas femme on le devient »(Le deuxième sexe) puis Pierre Bourdieu « on ne naît pas homme on le devient » (La domination masculine),Colette Guillaumin , Monique Wittig ensuite, illustrent bien cette construction sociale des « identités » masculines et féminines dans une normalisation des genres qui a pour but le maintien de l' oppression d'une catégorie sur une autre..

Le caractère sexué et de fait sexiste de « notre langue » fait de celui-ci une courroie de transmission de cette construction sociale qu'est le genre et par conséquent de l'oppression qui en découle.

La mise en place d'un langage non sexiste existe déjà, souvent de manière non officielle, notamment a travers la création de mots tran-sexe tels que « Illes » et « els » pour « ils » et « elles » ou encore l'emploi de terme épicène (neutre) du point de vue du genre. Il s'agit par exemple de parler de « personnes » plutôt que d' « individu-e-s » tout en faisant attention aux risques de modification de sens : ces deux termes ne sont pas équivalents d'un point de vue politique (concept d'individualisme, libertaire ou libéral opposé au personnalisme concept a connotation chrétienne chez Emmanuel Mounier).

Si la féminisation de la langue française représente un premier pas pour faire sortir les femmes de l'invisibilité que leur confère notre langage et leur permettre de se rapproprier un moyen d'expression politique, la création d'un langage neutre est essentielle et incontournable. C'est le seul moyen de déconstruire le caractère sexué de la langue et plus largement le « genre ».

1 groupe de réflexion anti-sexiste du GASProm

Auteur: IMC-nantes
mercredi 4 mai 2005