|
Origine : http://mamytartine.blog.lemonde.fr/mamytartine/2005/08/lantipsychiatri.html
L'antipsychiatrie ?
Philippe dans un blog précédent, me faisait remarquer
qu’il y avait des mots qu’il ne comprenait pas…
Antipsychiatrie, par exemple. Bon. Que de souvenirs, de réunions,
de discussions à bâtons rompus… tard… quelques
traces de cette effervescence dans la revue Transitions (revue de
l’Association pour l’Etude et la Promotion des Structures
Intermédiaires) et dans les livres de Maud Mannoni, ses amis
et élèves qui suivirent ses pas en faisant vivre l’actuel
Espace Analytique (http://www.espaceanalytique.org/ )
L’antipsychiatrie est un mouvement international, qui prit
sa source vers 1950 aux USA avec Bettelheim, qui naquit en Angleterre
avec Laing et Cooper, et qui fleurit en France avec Oury et Tosquelles,
pour s’épanouir en Italie avec Basaglia. Dans le sillage
de la guerre, un certain nombre de psychiatres pensèrent
que l’on devait faire autrement que de « concentrationner
» les fous à l’intérieur de murs infranchissables
(cf. le film Vol au dessus d’un nid de coucous). Baignés
par les idées des surréalistes, ils pensèrent
aussi que la folie est créative. Ils en déduisirent,
avec les psychanalystes, Freud, Lacan et surtout leurs élèves,
que la déraison n’était pas incompréhensible,
mais composante à part entière de notre humanité.
Partant, l’on pouvait « vivre avec », que l’on
soit le fou ou son proche.
L’article de Robert Lefort – que je remercie ici au
passage - dans l’Encyclopedia Universalis ( http://www.universalis-edu.com/
) résume bien la réflexion théorique de ce
mouvement, qui fut influant au point que les malades ne furent plus
jamais après, enfermés comme avant. Si l’invention
des neuroleptiques y aida beaucoup, l’apport des sciences
exactes ou prétendues telles - DSM 3 … – reste
problématique.
En effet, je m’explique les choses de la manière suivante.
L’idée de la folie, apportée par le discours
de la science et la naissance de la psychiatrie, ne vit pas naître
en même temps les repères symboliques des relations
humanisantes entre les patients et les médecins. Le lien
entre les deux fut réduit à la nécessité
de guérison médicale (suppression des symptômes
sans rapport avec le désir et la vie du sujet). Dit autrement,
il y avait à l’âge classique dans la religion
une certaine pensée concernant la démence, et comment
individuellement et collectivement on pouvait faire avec. Les sorciers
dans les civilisations primitives accompagnent les crises de folie
; par exemple, le rituel du Ndup au Sénégal. Les prêtres
accueillaient en leurs hospices ceux qui se sentaient à-côté-de-la-plaque.
Dans les discours religieux, circule une éthique des rapports
de l’homme avec cette part irrationnelle de lui-même.
C’est une réponse non écrite, à une question
qui se transmet au-delà des mots, et qui avec l’interrogation
du « bien ou mal faire » auprès d’autrui,
transporte aussi avec elle l’idée du sacré,
l’idée de la chose immuable qu’il convient de
respecter pour préserver et transmettre la vie et son sens
collectif. Cette éthique garantissait, sans absolu évidemment,
les rapports de l’homme avec le fou et la place comme le sens
de la folie dans la société…
Comme l’ont remarqué Michel Foucault ou Paul Bercherie,
le discours scientifique du fait de sa conjonction univoque entre
la matière et l’énoncé, le fou et ce
qu’on en dit, n’emporte pas la question du sens, ni
celle de l’homme, ou de son bien en regard du sens de la vie,
ou tout simplement de ce que serait un homme ou la vie elle-même.
Règne cet impératif scientifique de guérir
la folie en tant que symptôme dérangeant.
Dans ce contexte, médicalisé au sens de la biologie
du corps, je veux situer ce qui me fut transmis par mes pères
et mes pairs de l’antipsychiatrie. Je veux le situer dans
cet espace précieux de leur bienveillance à l’égard
de l’humaine condition, celle de leurs élèves
et de leurs patients. C’est ce petit rien… au-delà
du discours militant de nos participations actives à la démocratie,
… un petit rien placé dans cette double question éthique
: celle de la qualité de ma présence auprès
des patients, et celle de la place que nous leur faisions dans le
discours social que nous produisions sur eux, pour eux ou avec eux
en société. En fait, ce que ces « anti-psychiatres
» m’ont offert, dans leur réponse à la
folie, c’est un espace de non-réponse, un espace de
non-savoir absolu concernant le fou, sa maladie, son désir,
et la manière de l’intégrer à notre parole
et à notre vie en société… c’est
dans cette non-réponse que je l’ai appris…. Car,
j’ai du moi-même allé aux livres, rencontrer
les autres, écouter, apprendre, chercher les réponses,
et répondre de mon acte chaque fois qu’un patient m’y
interroge, interroge ma vie, l’outrecuidance de mes connaissances,
de ma position sociale…. et de ma bêtise.
28 août 2005
LE COURANT ANTI-PSYCHIATRIQUE http://www.e-monsite.com/isabellesamyn/rubrique-1012337.html
Mouvement philosophique qui critique la conception occidentale
de la folie et le rôle des psychiatres dans notre société.
Cette anti-psychiatrie est née dans les années 60
avec les idées de Bateson qui a étudié les
origines psycho-familiales de la schizophrénie mais également
des idées de Michel Foucault sur l'histoire de la folie de
la médecine et d'Herbert Marcuse sur les sociétés
d'abondance. Selon ce courant théorique : la maladie mentale
et en particulier la schizophrénie n'est pas vraiment une
maladie puisque sa cause est psychosociale. Les schizophrènes
ne sont donc pas des malades mais des déviants par rapport
à une norme sociale et leur internement n'a pas d'autre but
que de les contraindre à accepter l'ordre établi.
Le schizophrène est un être qui ne veut pas renoncer
à son originalité, à sa richesse personnelle
et sa folie est une régression pour retrouver une quiétude
prénatale. Il ne faudrait donc pas intervenir par l'emploi
de médicaments mais au contraire le laisser aller jusqu'au
bout de sa folie et il en reviendra naturellement guérit.
Dans cette perspective, l'hôpital psychiatrique devient un
refuge où tout traitement, toutes violences et toutes disciplines
sont bannies. Première expérience représentée
par D. Cooper qui cesse au bout de 4 ans devant l'hostilité
des infirmiers. D'autres communautés thérapeutiques
ont été créées, par R. Laing en Angleterre,
Szarz aux USA et Basaglia en Italie. En France, l'antipsychiatrie
a été davantage un état d'esprit qui a permis
une critique des institutions et qui a déclenché une
recherche d'alternatives à l'institution.
Malgré des excès de certains, cette anti-psychiatrie
a obligé les soignants à une remise en questions sur
leur travail, en particulier tout ce qui concerne l'origine de la
folie, l'utilité ou l'inutilité des soins mais également
sur la mise de côté des repères nosographiques.
Bibliographie
CASTEL R, La gestion des risques : de l'anti-psychiatrie à
l'après-analyse, Les éditions de Minuit, 1981
COOPER D, Psychiatrie et anti-psychiatrie, Seuil, 1978
DELACAMPAGNE C, Antipsychiatrie : ou, les voies du sacré,
Grasset, 1974
GAUTHIER B, Dramaturges et cinéastes de l'antipsychiatrie
: Entretiens sur l'ère de la fragmentation, L'Harmattan,
2003
TREICHLER R, Psychiatrie ou anti-psychiatrie, Triades, 1990
Films : Ken LOACH, Family Life
|
|