"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Numéro 3 de la Lettre anti-olympique qui s'interroge sur les "valeurs" de l'Olympisme (et sur ses dangers)

"On peut être pour ou contre la "doctrine philosophico religieuse" de Pierre de Coubertin mais on ne peut pas pas faire comme si elle n'était pas un système de pensée. On ne peut pas être sportif ou non-sportif (pour ou contre les Jeux Olympiques) innocemment".

Cher(e)s ami(e)s,

Vous trouverez en fichier joint le numéro 3 de la Lettre anti-olympique qui s'interroge sur les "valeurs" de l'Olympisme (et sur ses dangers). N'hésitez pas à la faire circuler.

Le débat sur l'Olympisme a été esquissé début mars avec la venue de la délégation du CIO. Il reste trois mois pour approfondir sérieusement la discussion, et faire de cette "religion des temps modernes" un thème de réfléxion qui aille au-delà de la simple question du coût des Jeux à Paris.

Bien amicalement à vous

Mouvement Critique du Sport

Au sommaire de la Lettre anti-olympique n°3

Les dangers de la « religion des temps modernes », l'Olympico-sportisme

(Extraits)

L'Olympisme est-il un phénomène marginal sans véritable influence sur le climat socio-politique des pays ? Ou au contraire n'a-t-on pas affaire avec lui à un système de pensée d'une importance inversement proportionnelle à la qualité des études qu'il engendre ?

Fidèle à ses maîtres et ses pionniers, et avant tout autre à Pierre de Coubertin, l'idéologie olympique se veut génératrice d'une révolution spirituelle et créatrice d'une nouvelle civilisation communautaire où seraient parfaitement intégrées toutes les couches de la société (.).

Cette société olympico-sportiste n'est pas le champ de bataille où s'affrontent idées politiques et groupes sociaux mais une collectivité humaine et harmonieuse (l'idéal olympique de la fraternité et de l'amitié) ; elle jouit d'une unité morale dont l'émanation est le gouvernement mondial du sport (le Comité international olympique en premier lieu) et dont la puissance repose sur l'unanimité spirituelle de la masse (.).

L'olympico-sportisme, cette profonde révolution morale et spirituelle impressionne par son omnipotence tranquille et sa capacité à établir un consensus presque total. Tout le monde admire les qualités morales des sportifs : le dévouement, le sacrifice, l'amitié virile, l'élan de ces hommes et ces femmes chargés de toute l'ardeur que donne d'avoir trouvé une foi et un sens à la vie (.)

L'anti-intellectualisme et l'idéalisme sont les piliers de ce sportisme qui constitue bien un ensemble idéologique sur la nature duquel il est difficile de se tromper pour peu qu'on se donne la peine d'en déchiffrer le message.

Tout renseignement au Mouvement Critique du Sport :

E-Mail : critique.sport at libertysurf.fr

téléphone : 02.38.42.00.08 -

site : http//mouvement.critique.du.sport.chez.tiscali.fr -

adresse : 58, rue de la Bretonnerie, 45 000 Orléans -

From: "mouvement critique du sport" <critique.sport at libertysurf.fr >


Au sommaire de la Lettre anti-olympique n°3

Les dangers de la « religion des temps modernes » : l’Olympico-sportisme

La Lettre anti- olympique du Mouvement Critique du Sport

Contre l’organisation des Jeux à Paris en 2012

N°3 – 1er avril 2005

« Limiter l’analyse du sport, phénomène social majeur, à ce qu’il montre, c’est ignorer tout ce qu’il occulte et qui est loin d’être secondaire ».

« Ceux qui prennent au sérieux notre critique du sport et de l’Olympisme, n’arrivent pas à combattre en eux-mêmes cette volonté de ne pas savoir qui est justement l’une des manifestations les moins contrôlées de l’incorporation du système sportif (et social) dans les individus et la marque de leur adhésion à ce système. Quand le fait sportif s’incorpore et s’intériorise, il se transforme en inconscient social ».

Contre le slogan « Paris 2012 » qui déferle dans les rues de la capitale et sur les murs de certains édifices publics, contre l’étouffante propagande olympique, le Mouvement Critique du Sport répond « NON à l’organisation des Jeux de 2012 à Paris » et OUI à un débat ouvert et argumenté sur l’Olympisme, son histoire et sur ses prétendues valeurs.

Chaque mois jusqu’au 6 juillet 2005, date de la désignation de la ville par le CIO, le Mouvement Critique du Sport, Centre de recherche et d’analyse des fonctions politiques, idéologiques et économiques du sport, fera paraître, une brève lettre de réflexion dont l’objectif est de permettre d’ouvrir la discussion et d’en finir avec les croyances et le refus de savoir.

Le matraquage olympique, le discours du « toute la France assemblée derrière les Jeux » n’est pas digne d’un pays démocratique. Il est temps de faire exploser le faux consensus.

Cette longue Lettre n°3 montre que l’Olympisation et la sportivisation de la planète sont lourdes de menaces.

Les dangers de l’Olympico-sportisme

En tant que phénomène historique (le sport est né à la fin du 19ème siècle), le SPORTISME apparaît à trois niveaux : il est une idéologie, un mouvement et un système c'est-à-dire un ensemble hiérarchisé d'institutions et de mécanismes de décisions.

L’Olympisme est-il un phénomène marginal sans véritable influence sur le climat socio-politique des pays ? Ou au contraire n'a-t-on pas affaire avec lui à un système de pensée (1) d'une importance inversement proportionnelle à la qualité des études qu'il engendre ? Le sport ne peut se limiter aux listes de résultats, au nombre de records battus, aux «morceaux de bravoure», aux exploits historiques, aux matches de légende (il y a un match du siècle tous les six mois !), pas même au nombre de pratiquants et de spectateurs conduits par des démagogues particulièrement habiles. Et l’Olympisme ne peut pas, lui non plus, se limiter au classement des médailles, aux sourires de Laure Manaudou et d’Emilie Le Pennec, ou au doublé d’Hicham El Guerrouj à Athènes.

La question du poids de l'idéologie sportiste en France et dans le monde ne peut plus être occultée ; elle est d'autant plus centrale que le sujet est tabou et dramatiquement consensuel.

Façonner le monde

Fidèle à ses maîtres et ses pionniers, et avant tout autre à Pierre de Coubertin, l'idéologie olympique se veut génératrice d'une révolution spirituelle et créatrice d'une nouvelle civilisation communautaire où seraient parfaitement intégrées toutes les couches de la société.

Cette société olympico-sportiste n'est pas le champ de bataille où s'affrontent idées politiques et groupes sociaux mais une collectivité humaine et harmonieuse (l'idéal olympique de la fraternité et de l'amitié) ; elle jouit d'une unité morale dont l'émanation est le gouvernement mondial du sport (le Comité international olympique en premier lieu) et dont la puissance repose sur l'unanimité spirituelle de la masse. Et ce gouvernement (qui fut longtemps dirigé par des personnalités très « politiques » comme MM. Brundage et Samaranch) est le gardien de cette unité qu'il développe en utilisant tout moyen susceptible de la confirmer : la propagande, les medias-supporteurs, les clubs, l'éducation (sportive plus que physique). Le matraquage qui entoure la candidature de Paris 2012 s’inscrit dans une longue tradition.

La mentalité, la sensibilité de l’olympico-sportisme font partie intégrante de notre culture. Le spiritualisme et l'idéalisme qu'il préconise fournissent les moyens d'une révolution, la seule qui puisse ne pas porter les caractéristiques de la lutte des classes : une révolution morale. Le sportisme est le levier d'une transformation profonde des esprits et des âmes, le problème de la décadence étant longtemps resté (il reste encore chez certains fidèles) l'une de ses préoccupations majeures. C'est la raison pour laquelle il faut créer un homme nouveau, porteur de ces classiques vertus que sont l'héroïsme, l'énergie en éveil permanent, le sens du devoir et du sacrifice, et l'acceptation de la primauté de la collectivité sur les individus qui la composent. La toute première des qualités des sportifs est la foi en la puissance de la volonté.

Le corporatisme olympico-sportiste et un gouvernement mondial fort constituent les moyens de cet assaut contre la société morcelée en classes antagonistes, et contre le dépérissement de la civilisation. Le sportisme n'est pas qu'une simple forme de chauvinisme et de nationalisme exacerbés ; il constitue - et l’olympisme avec lui - un système d'idées organisé pour façonner le monde. La très large et pourtant très impalpable et très souterraine diffusion de ces idées atteste que ses racines sont profondes et son influence considérable.

L’olympico-sportisme qui s'attaque à sa manière au désordre économique et plus encore au désarroi moral propose des solutions de rechange à la lutte des classes : l’Olympisme et sa « grande fête quadriennale » de la fraternité, et le sport lieu d'harmonie, facteur d'intégration, remède aux fléaux de la drogue, de l'alcoolisme, de l'abus sexuel, du tabac (2). Le sport avec ses « valeurs olympiques » est le lieu d'embrigadement d'un peuple unifié, sans distinction de couleur et de statut social, dans le cadre d'un système notoirement et habilement autoritaire et anti-social.

L’Olympisme exerce un attrait beaucoup plus profond que ce que voudraient admettre ceux qui pratiquent mais aussi ceux qui regardent le sport, qui en parlent ou qui en subissent l'extraordinaire et inquiétante présence (combien d'heures d'antennes à la radio et à la télévision, de pages dans les journaux?).

Une révolution spirituelle

L’olympico-sportisme, cette profonde révolution morale et spirituelle - Pierre de Coubertin ne disait pas autre chose quand il parlait de la «religion athlétique» et de la nécessité de «rebronzer les corps et les esprits» - impressionne par son omnipotence tranquille et sa capacité à établir un consensus presque total. Tout le monde admire les qualités morales des sportifs : le dévouement, le sacrifice, l'amitié virile, l'élan de ces hommes et ces femmes chargés de toute l'ardeur que donne d'avoir trouvé une foi et un sens à la vie. Tout le monde applaudit aux performances de cette jeunesse paisible, s'incline devant sa passion fière et dure, sa volonté de grandeur, sa rude noblesse, sa supériorité morale. L’olympico-sportisme c'est à la fois un hymne à cette jeunesse bien sage (à 30 ans on est vieux en sport) et la victoire de la force sur ceux qui haïssent l'effort pour l’effort.

L'anti-intellectualisme et l'idéalisme sont les piliers de ce sportisme qui constitue bien un ensemble idéologique sur la nature duquel il est difficile de se tromper pour peu qu'on se donne la peine d'en déchiffrer le message. Il doit son rayonnement véritable au fait que de l'essence de ses idées (de sa pensée) participent de vastes secteurs de l'opinion. Les milieux contestataires les plus divers demeurent facilement perméables à l'appel de l’olympico-sportisme ou au moins à certains de ses éléments. Nombreux sont ceux qui répondent à cet appel d'ardeur juvénile et accueillent avec bienveillance cette religion purificatrice dans un univers économique impitoyable. Le soutien aveugle, ni débattu ni argumenté, des syndicats représentatifs et des principaux partis politiques français en fournit un attristant exemple.

Prenons garde. L'idéologie sportiste (l'idéologie du don, de la compétition naturelle, de la collaboration des classes, le culte du chef, de la discipline, l'apologie de la douleur et de la souffrance, etc.) s'infiltre toujours plus dans la société, remonte à la surface et saisit les leviers de commande. Le sport jouit d'un préjugé favorable (on parle même de 88 % de Français favorables aux Jeux de Paris 2012 et le Ministre Jean-François Lamour en voudrait 100 % !) et cette bonne dose de sympathie met en marche « l'engrenage collaborationniste ». Le peu de résistance que rencontre la sportivisation de la planète est lourd de menaces.

Charles Tardieu écrivait dans un livre paru en 1940 et préfacé par Jean Borotra, alors Commissaire général à l'Education générale et sportive : «Le sport pourrait être pour les jeunes la première école d'application d'une morale générale. Des maîtres avertis et choisis, s'efforceront de créer dans des cerveaux malléables et dociles, jusqu'à l'indépendance de la virilité, une véritable religion nouvelle du sport désintéressé, chevaleresque, discipliné, altruiste (...). Bref, la révolution nationale sportive doit être avant tout une révolution des esprits appuyés sur des méthodes nouvelles» (3). Croire que le sport est un jeu, ne rien faire et ne rien dire sur les valeurs qu'il véhicule et sur la vision du monde qu'il propose relève au mieux d’une dangereuse insouciance, d’un terrible refus de savoir, au pire de ce «crime d'indifférence» dont parlait Herman Broch en 1945.

_________________

(1) Lire par exemple l' Essai de doctrine du sport publié en 1965 par le parti gaulliste, sur l'initiative du Haut Comité des sports.

(2) Au cours du siècle, on a toujours voulu faire croire que l'on allait résoudre les problèmes sociaux grâce aux clubs sportifs. En 1915, Coubertin déclarait : «J'ai toujours déploré que les sociétés antialcooliques n'aperçoivent pas dans le sport le véritable antidote auquel il convient d'avoir recours dans la lutte contre le fléau».

(3) Charles Tardieu, Le Sport, ta joie, ta santé, Paris, Sequana Editeur, 1940, p 93-94. Sur ce thème général de la Révolution nationale se reporter aux différents ouvrages de l'historien Zeev Sternhell et à son article synthétique et précieux «Sur le fascisme et sa variante française» paru dans Le Débat n°32, novembre 1984.