Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropologie_politique#Diff.C3.A9rences_entre_les_sexes
L'anthropologie politique étudie les formes politiques des
différents peuples du monde, considérant qu'elles
sont liées aux structures des sociétés civiles.
Généralités
Le mot politique a pour sens : qui se rapporte à la cité
(de polis, la cité en grec). La cité est l'ensemble
des citoyens organisés suivant des lois. Cette organisation
est un politeion, mot que l'on peut traduire par constitution (cf.
Aristote, Les Politiques). Selon Aristote, c'est l'appartenance
à cette constitution, largement indépendante des conditions
matérielles, qui fait le citoyen et fait naître en
l'individu le sentiment de participer à un groupe collectivement
administré. L'étude de cette réalité
est l'une des parties de l'anthropologie.
Nous suivrons Balandier (voir bibliographie) pour caractériser
cette partie : selon lui, l'anthropologie politique « tend
à fonder une science du politique, envisageant l'homme sous
la forme de l'homo politicus et recherchant les propriétés
communes à toutes les organisations politiques reconnues
dans leur diversité historique et géographique. »
Il s'agit donc d'étudier le gouvernement des hommes et ses
institutions, les variétés de régimes dans
leur organisation et leur développement, et les discours
et représentations symboliques qui permettent ou s'efforcent
de les légitimer. C'est évidemment une tâche
immense, qui n'a d'ailleurs pris une véritable importance
dans le milieu des anthropologues que dans les années 60.
Nous présenterons autant que possible les cadres généraux
de cette discipline, en nous appuyant sur divers auteurs (voir bibliographie),
sans prétendre pouvoir être exhaustifs.
Types d'organisations
Le pouvoir dans la parenté
Pour un exposé général de l'organisation de
la parenté, voir parenté.
Structures politiques
Nous ne connaissons pas de société sans une organisation,
même minimale, du pouvoir, et toutes les sociétés
sont hétérogènes. Cette hétérogénéité
distribue les individus selon des fonctions variables qui dépendent
elles-mêmes de leur place dans le groupe. Chez Aristote (Éthique
à Nicomaque, livre I), l'ensemble des rôles humains
se subordonnent à des finalités supérieures
: l'élevage des chevaux à l'art de la guerre, et l'art
de la guerre à la politique. De même que la philosophie
ordonne la pensée (Métaphysique, livre A), la politique
ordonne et unifie la société des hommes.
Les concepts fondamentaux de l'anthropologie politique sont donc
à peu près les suivants : société, pouvoir,
politique, hiérarchie, inégalités sociales,
etc. Nous verrons que les sociétés les plus homogènes
en apparence sont tout de même hiérarchisées
et définissent des inégalités.
Ce qui fait surtout l'objet de controverses, c'est la question
de savoir si ces inégalités sont entièrement
naturelles ou si la culture définit des fonctions très
variables d'une société à l'autre, à
partir d'inégalités naturelles qui ne sont pas néanmoins
fondatrices et qui devraient de ce fait être plutôt
appelées différences (comme les différences
hommes\femmes par exemple). Cette question sera abordée plus
loin.
Nous commencerons par décrire dans leurs généralités
quelques exemples d'organisations politiques. Par la suite, nous
reviendrons plus en détail sur les hiérarchies sociales
sous-jacentes à ces organisations.
Les sociétés sans hiérarchie différenciée
Dans ce type de société, où les différences
dans la hiérarchie sociale sont faibles, le pouvoir n'a pas
de structure centralisée ou d'institutions visibles chargées
de maintenir l'ordre. Une certaine autorité est cependant
confiée aux chefs de famille, à un conseil d'anciens,
ou à des personnes expertes dans les réalités
sacrées. C'est la morale et la religion qui servent à
sanctionner la violation des interdits et des individus sont parfois
exclus, lorsqu'ils menacent de prendre une trop grande importance
au sein du groupe.
Ces sociétés vivent de chasse, de cueillette, de
pêche, etc. par petits groupes de quelques dizaines d'individus.
D'après Laburthe-Tolra, ce genre de société
se rencontre en zones forestières, montagneuses et désertiques
« où il est difficile de réaliser des unités
politiques au-delà du village » ; et à la suite
de la décomposition de grands ensembles politiques, ce qui
réfute l'idée d'une évolution nécessaire
des sociétés vers des systèmes étatiques.
Le livre de Evans Pritchard, Les Nuers (1940) étudie une
de ces sociétés dites "sans état".
Les Nuers, tribu du sud du Soudan, vivent essentiellement de leur
bétail et n'utilisent que des techniques rudimentaires. Ils
se déplacent selon les saisons et les mouvements de leurs
bétails et se constituent ainsi en groupes plus ou moins
importants selon les besoins des bêtes : dispersés
en petit nombre le long des cours d'eau durant la saison sèche
et rassemblés en village pendant la saison des pluies. On
dit que les Nuer sont constitués en une "anarchie ordonnée"
où les situations de conflits sont nombreuses. Pour départager
les litiges (du vol au crime de sang en passant par la prise d'otage
-d'hommes ou de bétails-), "l'homme à peau de
léopard" occupe une place de médiateur. Sans
détenir un véritable pouvoir de coercition, il est
appelé pour trancher certaines situations. Il est le seul
à détenir une position particulière au sein
du groupe, même s'il ne décide pas des moments où
il peut intervenir. La société Nuer fonctionne par
segments lignagés, la parenté étant la seule
forme de "hiérarchie" remarquable de ce groupe.
Le « Big Man »
La société à Big Man est une société
qui regroupe entre 100 et 1000 personnes. Ce type de société
connaît une dimension territoriale, des délimitations
de frontières. Ce sont des chasseurs, stockeurs, semi-sédentaires.
Ces sociétés possèdent des institutions politiques
et juridiques autonomes, capables de s'adapter à diverses
situations. Cet organe juridictionnel n'est pas moderne et est essentiellement
basé sur le chef. Enfin, ces sociétés à
Big man, sont composées de sous-groupes. On les rencontres
essentiellement dans le Nord-Est de l'Amérique du Nord, en
Californie, en Guyane, au Nigéria, en Papouasie et en Mélanésie.
Les sociétés à chefferies
Les systèmes étatiques
Pouvoir et société
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner que toutes
les sociétés connues comportent des hiérarchies,
des structures de pouvoir, même si elles ne sont pas toujours
immédiatement visibles pour un observateur extérieur
(d'une autre culture). Ces hiérarchies sont évidemment
très variables. Il s'agira maintenant d'exposer les relations
entre structures sociales et formes de pouvoir.
Distinguons dans un premier temps :
* Les hiérarchies elles-mêmes, en tant qu'elles distinguent
des groupes sociaux en inférieurs et supérieurs suivant
des critères tels que la richesse, le pouvoir et le prestige
(cf. Max Weber).
* La symbolique des hiérarchies : par exemple, le mot hiérarchie
signifie ordre sacré, ce qui laisse entendre (du moins dans
notre langue) que l'autorité ou les principes d'ordonnancement
d'une société seraient au fond d'origine religieuse.
Par cette origine, les inégalités peuvent être
perçues comme légitimes. Ce dernier point ne doit
jamais être oublié, même s'il va à l'encontre
de nos propres valeurs, car ce serait nous interdire la compréhension
de certaines dimensions culturelles et politiques des hiérarchies.
À partir de là, nous pouvons nous demander :
* sur quelles différences naturelles une culture s'appuie-t-elle
pour produire des inégalités sociales ?
* quels sont les types de légitimation de ces organisations
de la société ?
Nous ne répondrons pas à ces questions tour à
tour, mais nous nous efforcerons de distinguer les grandes catégories
sociales et politiques qui y correspondent.
Les inégalités dans les sociétés autres
que humaines
Puisque l'anthropologie étudie l'humain en tant qu'animal,
il est indispensable de comparer toutes les sociétés
animales connues. Soulignons que de telles comparaisons doivent
rester prudentes.
L'article chimpanzé donne un exemple d'une société
animale non-humaine comportant quelques degrés de hiérarchie.
Les hiérarchies animales chez les vertébrés
répondent généralement à ces trois besoins
:
* recherche de la nourriture : priorité d'un ou de plusieurs
individus de la société (pas nécessairement
un mâle dominant) ;
* reproduction : par exemple, un mâle dominant se réserve
des femelles ; dans certains cas (chez le lion), le mâle peut
tuer les petits qu'une femelle a eu d'un autre mâle ;
* délimitation d'un territoire : la violation de ces délimitations
peut donner lieu à des conflits entre groupes (p. ex. chez
les chimpanzé).
Ces besoins conduisent donc parfois à des affrontements
violents. Des hiérarchies sont constituées qui produisent
en même temps des réactions signifiantes ; comportements
de domination ou de soumission, etc. Il faut remarquer que les hiérarchies
observées ne sont jamais très stables. C'est une des
raisons pour lesquelles on ne doit pas exagérer la ressemblance
entre ces hiérarchies et les hiérarchies humaines,
et rester prudent : il entre dans les sociétés humaines
des éléments autres que la force et qui permettent
tout autant, si ce n'est plus efficacement, de constituer et de
conserver des hiérarchies. Ces éléments sont
surtout d'ordre symbolique.
Différences entre les sexes
Les différences naturelles entre hommes et femmes sont beaucoup
trop complexes pour être analysées en quelques paragraphes
et ne feront ici l'objet que de généralités.
Elles sont peut-être à l'origine de la répartition
des rôles (en particulier pour le travail) ; pourtant ces
rôles sont toujours socialement définis, ce qui implique
que le féminin et le masculin ne sont pas définis
biologiquement : il arrive que des femmes tiennent le rôle
d'hommes et inversement. Si l'on considère l'ensemble des
sociétés, on constate que beaucoup d'activités
sont tantôt considérées comme féminines,
tantôt comme masculines. Certaines fonctions sont néanmoins
plus sexuées, pour des raisons plus ou moins naturelles :
la chasse ou l'élevage sont surtout assurées par les
hommes, la cueillette et les occupations domestiques comme le tissage
par les femmes. Cela ne signifie pas cependant qu'une telle répartition
implique nécessairement une domination masculine.
Cette domination masculine s'est imposée avec l'apparition
du patriarcat il y a environ 7000 ans et les femmes seront alors
considérées comme des richesses dont la valeur propre
est l'enfantement. Cela perdure largement dans les sociétés
industrielles. Cette domination est sans doute originellement fondée
par la force et la violence physiques, puis légitimée
par l'imposition de formes symboliques de domination. Depuis lors,
ce sont les formes symboliques du pouvoir patriarcal qui sont à
l'œuvre.
La légitimation de cette domination se fait par la valorisation
des activités masculines et par des mythes où les
femmes sont souvent représentées comme des êtres
rebelles et tyranniques, d'où la nécessité
de les soumettre à l'ordre social qu'elles menacent par leur
nature irascible ou fluctuante. Cette conception de la femme est
largement répandue dans l'antiquité gréco-latine
et dans la société judéo-chrétienne
: par exemple, à Rome, le proverbe dit : femina est mutabile
: la femme est un être changeant ; en Grèce, le proverbe
dit : la plus belle parure d'une femme, c'est son silence. Dans
certaines sociétés traditionnelles, le « bavardage
» des femmes est censé être un danger pour l'équilibre
de la parole, parole qui dans la mythologie a souvent une valeur
cosmique fondatrice (cf. "Au commencement était le Verbe").
Il n'est dès lors peut-être pas exagéré
de dire que le mépris pour les femmes est un sentiment universellement
partagé par les hommes.
Cette dévalorisation s'accompagne, selon Marcel Mauss (Esquisse
d'une théorie générale de la magie), du fait
que les femmes sont « crues magiciennes, dépositrices
de pouvoirs, (...) réputées qualitativement différentes
des hommes et douées de pouvoirs spécifiques. »
La peur éprouvée par les hommes à l'égard
du pouvoir réel ou supposé des femmes joue donc un
grand rôle dans cette violence symbolique. Cette crainte peut
être une crainte de l'homme face aux forces de la nature telles
qu'elles s'expriment par exemple dans la fécondité.
Les femmes peuvent alors être perçues comme plus proche
de la nature et moins « civilisées » que les
hommes, alors que c'est une conception symbolique qui leur impose
ce statut à travers des structures de domination masculines.
Cela n'empêche pas les hommes de concevoir paradoxalement
(par opposition à cette valeur de fécondité,
positive et fondamentale dans la parenté) les femmes comme
des êtres maléfiques : « la femme c'est la mort
» (Maitrayani samhita cité par Mauss).
Nous trouvons dans cette hiérarchie symbolique entre hommes
et femmes un exemple paradigmatique de structuration du pouvoir
: violence physique et légitimation par des pratiques et
des discours qui imposent les valeurs du dominant. Il faut cependant
éviter de concevoir cette domination comme un schéma
simpliste qui opposerait des oppresseurs à des opprimés
(au masculin, même dans notre exemple, car nous parlons de
rôles sociaux qui peuvent en eux-mêmes être asexués).
En effet, un aspect important d'une hiérarchie, c'est que,
s'imposant à tous, elle s'impose aussi à ceux qui
sont jugés inférieurs ; ceux-ci peuvent donc se juger
eux-mêmes d'après cette hiérarchie des valeurs.
Mauss souligne ainsi que « la société, celle
des hommes, nourrit à l'égard des femmes de forts
sentiments sociaux que, de leur côté, elles respectent
et même partagent. » Mais il resterait à étudier
les rébellions des femmes dans les sociétés
traditionnelles.
voir La production des Grands Hommes, M Godelier, 1996.
Différences entre les âges
Les différents âges de l'être humain forment
une hiérarchie initiatique. Comme dans la socialisation des
sexes, les aspects biologiques ne sont qu'un point de départ
structurés et modifiés par des représentations
culturelles. L'âge réel n'est donc pas nécessairement
l'âge social. Ainsi les classes d'âge correspondent-elles
à une communauté d'initiation où les individus
n'ont pas nécessairement le même âge.
L'initiation consiste à devenir apte à remplir une
fonction sociale : par exemple, le jeune homme prend le statut de
guerrier, devient père, devient finalement un Ancien ; la
jeune fille se marie, devient mère. Ces statuts sont moins
marqués dans les sociétés industrielles, mais
existent néanmoins.
Dans les sociétés traditionnelles, les vieillards
occupent les places les plus hautes de la hiérarchie, et
jouent parfois un rôle emportant dans le règlement
des conflits en raison de leur sagesse pratique réelle ou
supposée. Le pouvoir des Anciens peut être considérables
: cette fonction donne par exemple le droit dans certaines sociétés
d'administrer les rites, et le pouvoir politique des vieillards
s'exprime par des conseils dont le roi n'est que le primus inter
pares (exemple : la royauté à Rome) Ainsi, le mot
latin « Sénat » vient de senex, vieillard, et
seigneur vient de senior ; les Anciens ont également une
part importante du pouvoir à Athènes, à Sparte
(gérousie). Dans l'ensemble, les anciennes aristocraties
sont des gérontocraties.
Il ne faut cependant pas trop simplifier cette conception. Par
exemple, si le grand âge est respecté en Grèce
antique, on voit dans l'Iliade que si les conseils du vieux Nestor
sont toujours écoutés, ils ne sont jamais suivis par
les jeunes guerriers, ce qui est exprimé par la réponse
répétée : « c'est bien dit, vieillard,
mais... » Homère laisse entrevoir les rivalités
existantes entre classe d'âges : les jeunes gens sont impulsifs
et irréfléchis, et il est nécessaire que les
vieillards les contiennent par la force du droit.
En revanche, dans les sociétés où la nouveauté
est une véritable valeur culturelle, le grand âge a
le plus souvent des connotations négatives qui se trouvent
également liées à l'occultation de la mort
et de ses rituels.
Le sacré comme fondement des inégalités
L'autorité du savoir et de la vérité
Voir Hiérarchie
Économie
* Macroéconomie: richesse, travail, moyens de production,
échanges,
* Microéconomie: structuration des entreprises (voir management)
* Allocation des ressources: voir théorie des choix publics
L'État : centralisation du pouvoir
Hiérarchies dans les sociétés d'Europe occidentale
Les formes de résistance au pouvoir
* Les femmes dans les sociétés traditionnelles
* Les inversions de hiérarchie
* L'exclusion
Bibliographie
* Aristote, Les Politiques.
* Georges Balandier, Anthropologie politique.
* Pierre Clastres, La Société contre l'État,
Paris, Les éditions de minuit
* Philippe Laburthe-Tolra, Ethnologie, Anthropologie, .
* Jean-Wiliam Lapierre, Les Hiérarchies sociales, dans Histoire
des mœurs, sous la direction de Jean Poirier, tome II.
* Evans Pritchard et M. Fortes, Systèmes politiques africains,
paris, 1964
* Godelier Maurice, La production des Grands Hommes, 1966, paris,
Fayard
* Evans Pritchard, les nuers. Description d'un mode de vie et des
institutions politiques d'un peuple nilote, 1994.
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