Ce livre est un témoignage sur la façon dont la France
traite les personnes qui sont mises en zone d’attente à
l’aéroport de Roissy. Ces personnes peuvent appartenir
à deux catégories : les personnes en transit ou les
personnes qui souhaitent trouver refuge chez nous.
§ Les zones d’attente de Roissy sont des centres d’enfermement,
qui ne disent pas leur nom.
§ Ce sont des lieux où les personnes enfermées
sont considérées comme des personnes sans droits.
§ Les personnes, qui ont en charge l’aide de ces humains,
ne peuvent pas ou n’ont pas le droit de témoigner sur
les violences qui sont exercées dans ces espaces contrôlés
par la police. L’isolement entre les fonctions et les pressions
sur les hiérarchies des organismes en charge de cette aide
permette à la loi du silence de fonctionner au profit de
la police
§ Des enfants et des mineurs/eures sont maintenus dans les
zones d’attente au mépris des conventions internationales
que la France a signé. Il arrive assez fréquemment
que des enfants y soient détenus sans contacts avec l’un
de leurs parents ou d’autres membres de leur famille.
§ Des enfants et des mineurs/eures sont expulsés/es
d’où ils et elles viennent sans prise en considération
des risques encourus pour eux et elles.
§ La séparation des familles au sein des zones d’attente
est une pratique courante. Elle fait partie de l’arsenal de
harcèlement moral pratiqué par la police.
§ L’accès aux conditions d’hygiène
une difficulté récurrente, ceci accentue la fatigue
des personnes. Les personnes affaiblies résistent plus difficilement
à la police.
§ Très souvent les étrangers/ères ne
peuvent pas récupérer leurs bagages. Ceci a plusieurs
causes ou conséquences, selon le point de vue choisi :
- Les personnes ne peuvent se changer ou revêtir des vêtements
chauds s’ils ou elles en ont besoin.
- Ces bagages contiennent souvent des documents importants nécessaires
aux démarches administratives pour l’entrée
et le séjour, pour la demande d’asile ou pour la suite
du voyage. Ceci permet à la police de pratiquer des abus
de pouvoirs sans que les personnes puissent se défendre et
prouver quoi que ce soit.
- Si les personnes sont expulsées ou renvoyées, elles
sont plus faciles à contraindre si elles n’ont aucun
bagage, ce qui constitue un avantage important pour la police.
§ L’accès au téléphone est rendu
difficile par le nombre trop restreint de cartes téléphone
mis à disposition des personnes retenues et par les difficultés
de change. La raison de ces difficultés est simple : ceci
limite les possibilités pour se défendre ou contacter
qui il faut pour se faire aider de l’extérieur ; ce
qui profite indéniablement à la police.
§ Très souvent la police confisque les papiers des
personnes, y compris les documents internes à la zone d’attente,
les papiers officiels délivrés par l’État
français. Ceci rend très difficile la compréhension
des procédures en cours et contribue au sentiment de panique
que ressentent les personnes.
§ Les conventions internationales et le droit français
prévoient que les personnes ne parlant pas français
puissent bénéficier d’interprètes. Cette
disposition est assez peu appliquée. Il arrive que cette
possibilité soit mise en œuvre par téléphone.
La plupart du temps les personnes, bloquées en zone d’attente
et ne parlant pas français, ne comprennent pas ce qui leur
arrive ni les procédures dans lesquelles elles sont impliquées.
C’est un facteur de stress évident qui donne un avantage
certain à la police.
§ L’accès à la nourriture est limité
à des horaires bien précis, tant pis pour les personnes
qui arrivent trop tard ou qui sont au tribunal. Priver de nourriture
est un bon moyen de diminuer la puissance des humains et d’augmenter
la supériorité physique et psychique de la police.
§ Se procurer des cigarettes ou des serviettes hygiéniques
est très difficile. Il est impossible de cantiner, comme
c’est le cas dans les prisons “ normales ”. Aucun
distributeur de boissons ou de nourriture au sein des zones d’attentes
Les obstacles aux opérations de la vie quotidienne font partie
du harcèlement et des privations, dont sont victimes les
personnes enfermées dans les zones d’attente de Roissy.
L’inconfort contribue au malaise des personnes et par voie
de conséquence renforce la puissance de la police.
§ Le repos n’est pas facile en zone d’attente.
Au stress du à la situation, s’ajoute le stress entretenu
par les appels stridents des hauts parleurs, y compris la nuit.
Les personnes sont réveillées régulièrement
à 3 heures du matin pour être disponibles pour 7 heures
du matin. La privation de sommeil est considérée comme
une torture par certains organismes humanitaires. A Roissy, c’est
quotidien.
§ La peur est permanente et les intimidations policières
de tous ordres entretiennent cette peur.
§ Les règles de droit les plus élémentaires
sont bafouées à Roissy.
§ Les abus de pouvoir de la police sont aussi courant que
les violences. Ces violences sont physiques et psychologiques.
§ Les insultes et le racisme sont une banalité, cela
fait partie du langage de base de la police.
§ Les violences sexuelles existent, mais elles sont très
difficiles à prouver et à rendre publiques. Les policiers
auteurs de ces violences sexuelles sont quasiment intouchables,
quoiqu’en dise les politiques lorsqu’un scandale éclate.
§ Les personnes en charge de l’aide humanitaire ne sont
pas toutes compétentes. La formation au droit des étrangers
n’existe pas pour les membres de la Croix Rouge.
L’objectif est le renvoi rapide d’un maximum de personnes
au moindre coût. Selon les textes européens en vigueur,
les compagnies aériennes ont en charge de ramener à
leur point de départ les personnes, si elles ont transporté
des personnes « non admises ». Un système d’amendes
est utilisé pour pénaliser les compagnies aériennes
« fautives ». Ceci limite l’autonomie des commandant/es
de bords quant au refus des personnes expulsées et à
la dénonciation des méthodes employées.
Il faut que cet objectif de renvoi massif soit réalisé
en silence et sans images. Rien ne doit transpercer sur les moyens
utilisés par la police française. Même si des
personnes aident les personnes maintenues en zone d’attente
et essaient de témoigner de cet état de fait, la Croix
rouge et l’Omi servent de caution humanitaire au fascisme
policier. Les personnes qui dénoncent ces faits peuvent être
poursuivies comme le sont les passager/ères qui s’interposent
entre la police et les personnes expulsables.
La seule chose à laquelle veille la police et ses auxiliaires,
c’est qu’il y ai le moins de suicides possible. Les
grèves de la faim sont nombreuses. Les rebellions existent
et là la police cogne dur. Comme dans les cités, les
provocations sont érigées en système et si
on répond la brutalité policière se déchaîne.
Pour lutter contre les violences répétées,
pour que cesse le harcèlement psychologique, les chantages
pratiqués à Roissy, pour que des personnes arrivant
en France ne soient plus brisées physiquement et psychologiquement,
pour que les zones d’attente de Roissy ne soient plus synonymes
de cauchemar, Anne de Loisy propose plusieurs solutions :
§ Surveiller la police ;
§ Traiter les humains comme tel et non comme des statistiques
ou des infra-humains que l’on peut violenter sans encombre
;
§ Autoriser les personnes soignantes à témoigner
des violences subies ;
§ Former les personnes en charge de l’aide aux étrangers/ères
au droit et procédures en vigueur ;
§ Informer les étrangers/ères de leurs droits
et des moyens des exercer ;
§ Autoriser les avocats/es à faire leur travail sans
entraves dans ces zones d’attente ;
§ Permettre l’accès de ces zones aux personnes
qualifiées pour aider les mineurs/eures et donc appliquer
les conventions internationales que la France a signé ;
§ Faire en sorte que toutes ces dispositions soient étendues
aux zones internationales, zones où seule la police peut
entrer ;
§ etc …
Au final, tout ceci reviendrait à faire en sorte que les
droits fondamentaux des personnes soient respectés. Ce qui
impliquerait ici de limiter les droits de la police. On retrouve
ici la position de Maurice Rajfus, qui milite depuis longtemps pour
un contrôle démocratique de la police. De mon point
de vue, ces changements ne peuvent pas être envisagés
tant que la xénophobie d’État aura cours. La
xénophobie au pouvoir est maintenant ancienne. Elle est appliquée
aussi bien par les gouvernements de gauche que ceux de droite. En
la matière, c’est Le Pen qui mène la danse.
La préférence nationale est déjà appliquée
pour le droit au travail. Aux frontières, c’est le
fascisme policier qui a cours.
“ Bienvenue en France ” est donc un titre ironique.
Ce livre heurte de plein fouet la bonne conscience française
sur la “ patrie des droits de l’homme ”. L’auteure
nous montre que notre pays est celui de la brutalité policière
et des mauvais traitements. “ Personne n’est illégal
! ”, “ No Border ! ”, ou « Solidarité
internationale ! » Disons-nous dans nos mots d’ordre,
ici c’est le contraire, tout le monde est suspect et coupable
a priori, l’exclusion et la ségrégation fonctionnent
à plein régime. La frontière un espace, où
seule la force policière règne. La forteresse Europe
est liée par nature à la souffrance. Il ne peut en
être autrement, c’est la fonction même de cette
forteresse. Le but de la fermeture des frontières est bien
d’exclure des personnes et de bloquer l’entrée
de certains humains. A mon avis, refuser cette souffrance, c’est
refuser cette forteresse, vu les désordres de la situation
mondiale.
Act’Up a raison de dire que Le Pen a gagné. Les fascistes
n’ont pas besoin d’adhérer au FN, ils peuvent
exercer librement leur racisme et leur violence dans la police.
Pour que la bonne conscience continue, on cache le fascisme policier
qui œuvre à la frontière à Roissy et ailleurs.
Nous sommes bien dans la biopolitique xénophobe, une version
bouchère de la gestion des corps et des esprits. Dans les
zones internationales et les zones d’attente situées
à Roissy le sexisme, le racisme, la xénophobie peuvent
s’exercer ouvertement, c’est devenu une banalité.
La hiérarchie de la police couvre et les ministres fanfaronnent
en réduisant les humains à des chiffres. La Croix
rouge et l’Omi sont des cautions de toutes ces violences étatiques
et complices du fascisme policier, même si un certain nombre
des personnes de ces institutions essaient de rester humaines avec
les étrangers/ères. Plus les politiques demandent
d’augmenter le nombre des reconduites ou de fermer les frontières,
plus la violence contre les étrangers/ères aux frontières
augmente.
Anne de Loisy a choisi de ne pas être complice et de rendre
public tout cela en prenant des risques. Même si elle estime
qu’il soit possible de gérer tout cela avec humanité
de façon propre, ce que je pense être impossible, nous
devons saluer son engagement. Le débat de fond porte sur
la différence entre ce qui est légal et ce qui est
légitime. Anne de Loisy propose que la police dispose du
matériel et de la formation qui permette de contrôler
de façon certaine les faux papiers. Cette mesure peut conduire
à légitimer le contrôle biométrique.
De plus, la gestion des populations restera xénophobe et
violente, si la politique, que nous nommons « forteresse Europe
», continue. La seule solution, la plus humaine et la moins
coûteuse, de mon point de vue, c’est l’ouverture
des frontières et la lutte pour la répartition égalitaire
des richesses et ici et partout.
Maintenant, si on me parle de la France “ pays des droits
de l’homme ” je n’accepterai de poursuivre la
discussion qu’une fois que la personne aura lu ce livre.
Rester humains c’était l’objectif de nombreuses
personnes dans les camps de concentration. Aujourd’hui Anne
de Loisy nous y aide, je la remercie.
Philippe Coutant, 2 Mars 2005
Note de lecture parue dans le numéro 21 de la Revue "Les
>temps maudits", revue éditée par la CNT Vignoles
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