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Origine :
http://www.anafe.org/doc/presse/reuters-25-01-05.html
http://www.ftcr.fr/article.php3?id_article=28
PARIS (Reuters) - Sous le titre "Bienvenue en France",
un livre dénonce le sort réservé aux étrangers
dans la "première frontière de France",
la zone d'attente de l'aéroport de Roissy, près de
Paris, appelée "Zapi 3".
25 janvier 2005
Pour pénétrer dans cette zone, son auteur, Anne de
Loisy, a travaillé pendant six mois comme médiatrice
de la Croix-Rouge, effectuant ainsi une enquête clandestine
témoignant "d'injures racistes, de passages à
tabac et de harcèlement".
"Je m'étais préparée aux violences décrites
régulièrement par les associations. Malheureusement,
les faits que j'ai pu constater sont pires que tout ce que j'aurais
pu imaginer", écrit-elle en introduction.
Mardi, RTL a ainsi rapporté qu'une fillette de quatre ans
qui arrivait d'Abidjan avait été séparée
de sa mère et placée en zone d'attente pendant deux
jours parce qu'elle n'avait pas de visa.
Pourtant, la mère de Manuella serait titulaire d'un permis
de séjour en France et résiderait en Seine-et-Marne,
tandis que le père de la fillette est de nationalité
française.
Selon des sources aéroportuaire et judiciaire, la mère
n'aurait pas présenté à son arrivée
la preuve de la nationalité française du père,
raison pour laquelle Manuella est restée deux jours en zone
d'attente où elle a été prise en charge par
une nurse, a ajouté la radio.
Chaque année, environ 20.000 étrangers sont retenus
dans la zone d'attente de Roissy jusqu'à l'éventuelle
obtention de leur autorisation d'entrer sur le sol français.
La "Zapi 3" a été longtemps considérée
comme la "honte de la République" par les associations
de défense des étrangers et des parlementaires qui
ont dénoncé une "zone de non-droit".
VIOLENCES
Il aura fallu le décès de deux clandestins pour que
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, autorise
la présence permanente sur les lieux de la Croix-Rouge française.
En mars 2004, le ministère a également signé
une convention expérimentale permettant à l'Association
nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers
(Anafé) d'accéder de façon permanente aux zones
d'attente de Roissy.
Toutefois, pour les associations, la loi Sarkozy sur l'immigration
de novembre 2003 fragilise au même moment les modalités
de rétention des étrangers et renforce les pouvoirs
de la Police aux frontières.
"L'objectif annoncé par Nicolas Sarkozy de multiplier
par deux, à court terme, le nombre de reconduites d'étrangers
en situation irrégulière a été atteint,
mais à quel prix", écrit Anne de Loisy.
Selon elle, Dominique de Villepin poursuit la politique volontariste
de son prédécesseur. "Le nombre de reconduites
continue d'augmenter, les refus d'embarquement et les violences
aussi", ajoute-t-elle.
Anne de Loisy appelle donc les "officiels et les politiques
à réagir", d'autant que la France a été
la première démocratie à reconnaître
le droit d'asile.
Elle estime que l'amélioration de la condition des non-admis
passera inévitablement par des formations continues et régulières
au droit des étrangers, aux langues étrangères,
et par une sensibilisation à la lutte antiraciste.
"Il faut impérativement que les différents intervenants
travaillant en zone d'attente fassent le ménage dans leurs
propres rangs. Police, Croix-Rouge et conseil de l'ordre des avocats
doivent exclure leurs moutons noirs".
L'auteur, pour qui quelques signes comme l'habilitation de l'Anafé
"donnent des raisons d'espérer", prône également
des mesures concrètes, comme les moyens techniques permettant
aux policiers de vérifier de façon infaillible si
les papiers des voyageurs sont authentiques.
http://www.maisondesjournalistes.org/lire_zapi3.php
Bienvenue en France !
De Anne de Loisy
Une note de lecture de Ousmane TOGOLA
La journaliste Anne de Loisy nous livre son témoignage après
6 mois d’enquête clandestine au cœur de la zone
d’attente de Roissy. Un travail long et difficile pour dénoncer
le sort réservé aux étrangers dès leur
arrivée sur le sol français. Pour pouvoir pénétrer
dans cette zone, appelée « Zapi 3 », la journaliste
a dû travailler comme médiatrice de la Croix-Rouge
française.
En tant que journaliste étranger, depuis mes premiers pas
en France, j’étais très content du comportement
du gouvernement en matière de politique humanitaire. Mais
après la lecture de ce livre, j’ai beaucoup de mal
à croire les propos des autorités françaises
concernant le racisme, la violence et la torture. Je savais que
la zone d’attente de Roissy existait mais je ne savais pas
que les forces de l’ordre sur place se comportaient d’une
façon aussi indigne. Or, comme le dit Anne de Loisy, «
Chacun a le droit d’être traité comme un homme
et non comme un animal ». Cette expression doit être
ancrée dans la mémoire de tous, tout comme la citation
de Montesquieu reprise par la journaliste en première page
: « Une injustice faite a un seul est une menace à
tous ».
Véritable scandale social et honte nationale, « Zapi
3 » est encore qualifié aujourd’hui de zone de
non droit par Médecins du monde. Dans les chapitres «
Disparitions en série » et « On va te tuer »
Anne de Loisy décrit l’inadmissible. Cela m’a
fait penser au monde de la mafia. Les étrangers sont victimes
de discriminations, d’injures racistes, de harcèlements
ou encore de passages à tabac. Dans ces circonstances, l’association
nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers
(ANAFE) ne semble pas avoir beaucoup de pouvoir pour les aider.
Pourtant une autre structure est en place pour garantir la sécurité
des étrangers : le Comité pour la prévention
de la torture du Conseil de l'Europe. Il faut également savoir
que Roissy n’est pas le seul site français à
abriter une zone d’attente, il y en a des dizaines à
travers le pays. De nombreux autres aéroports, des gares
et des ports ont leur propre zone d’accueil pour les étrangers.
Ce livre m'a beaucoup appris. En tant qu'homme de media et étranger
en France, je suis personnellement touché, surpris et surtout
bouleversé par le comportement de la police nationale dans
cette zone d’attente de Roissy. Pour trouver une solution
à ce problème inhumain, il faudrait une mobilisation
totale de tous les étrangers en situation régulière
en France et de tous les Français. L’important est
de sensibiliser le Ministère de l'Intérieur et le
gouvernement sur l’attitude des forces de l’ordre pour
que « Zapi 3 » ne soit plus une zone de non droit.
Bienvenue en France ! Six mois d'enquête clandestine dans
la zone d'attente de Roissy
de Anne de Loisy
Collection Documents, le Cherche Midi prix éditeur 15 euros.
http://www.decitre.fr/service/search/fiche_detail/-/ean-9782749103372/index.dhtml
http://www.libertysecurity.org/article140.html
Bienvenue en France ! Six mois d'enquête clandestine dans
la zone d'attente de Roissy
Auteur(s) : Loisy Anne de
Editeur : CHERCHE MIDI (LE)
Collection : DOCUMENTS
Paru le : 27/01/2005
ISBN : 2-7491-0337-1
238 pages
Thème : histoire et sciences politiques-sciences politiques
Prix Editeur : 15 Euros
Résumé
Injures racistes, passages à tabac, intimidation et
harcèlement : la " zapi 3 ", zone d'attente
de Roissy, a longtemps été la " honte de notre
république ". À la première frontière
de France, chaque année, 20000 étrangers sont retenus
jusqu'à l'éventuelle obtention de leur autorisation
d'entrer sur le sol français. Il aura fallu les décès
de deux clandestins pour que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur,
y autorise la présence de la Croix-Rouge française,
7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Que s'y passe-t-il aujourd'hui
? Comment s'assurer que la situation s'est améliorée,
alors que l'accès des journalistes est strictement contrôlé
? Pour pénétrer dans cette zone fermée, une seule
solution y travailler. Pendant six mois, Anne de Loisy a disposé
d'un poste d'observation idéal. Elle a été médiatrice
de la Croix Rouge, intermédiaire entre les étrangers
et la police, sans jamais révéler son véritable
métier. La situation a souvent été éprouvante
mais, pour rapporter ces faits et ces témoignages, il était
nécessaire à Anne de Loisy de prendre des risques. Ces
étrangers en situation irrégulière le méritent
: ils n'ont jamais la parole.
Biographie
Anne de Loisy est journaliste. Elle a travaillé pour "
Envoyé spécial ", " Des racines et des ailes
" et " Zone interdite ". Bienvenue en France ! est
son premier livre.
http://ecolesdifferentes.free.fr/ROISSY100105.htm
Aéroport de Roissy
Un livre témoignage sur la zone d'attente des clandestins
«L'urgence humanitaire, c'est ici et maintenant. Ce que vous
allez lire se déroule chaque jour à 30 km de Paris.
» Anne de Loisy raconte dans un livre* qui vient de paraître
son expérience de médiatrice à la Croix-Rouge,
en zone d'attente de l'aéroport de Roissy, où sont
placés les clandestins arrêtés à leur
arrivée en France.
« J'ai servi pendant six mois d'intermédiaire entre
les étrangers et la police, écrit-elle. » Le
13 octobre 2003, les équipes de l'association humanitaire
entraient pour la première fois de façon permanente
en zone d'attente (Zapi). Une mission d'assistance obtenue après
convention signée avec le ministre de l'Intérieur
de l'époque, Nicolas Sarkozy.
Présents 24 heures sur 24, les médiateurs se sont
ingérés dans un univers jusqu'alors fermé au
regard extérieur. Parmi eux, Anne de Loisy. Journaliste indépendante,
elle s'est fait embaucher sur son expérience précédente
au centre d'accueil des clandestins de Sangatte (Pas-de-Calais).
Ce sont les premiers pas hésitants et délicats que
l'auteur nous livre à travers un carnet de bord. «
Je n'ai surtout pas voulu faire de procès à la Croix-Rouge
», insiste-t-elle aujourd'hui. Passé « la peur
qui lui noue l'estomac », elle découvre la «
terrible sensation d'enfermement ». Double clôture,
sas de contrôle d'accès, caméras de surveillance,
fenêtres sans poignée, la zone d'attente compte 172
lits. Dans ce qui n'est ni un hôtel ni une prison, les «
maintenus » peuvent y séjourner au maximum vingt jours.
Actes de violence
Au fil de ses jours et de ses nuits en Zapi, Anne de Loisy est
confrontée à des histoires qui la choquent. «
J'ai eu des témoignages directs de violences, de personnes
affirmant avoir reçu des coups et montrant les traces sur
leur corps, raconte la jeune femme. Comment nier ces faits quand
des certificats médicaux en attestent ? » Anne de Loisy
dit avoir été marquée par le cas d'Isabela,
une Vénézuélienne de 19 ans qui a fait l'objet
d'un chantage sexuel de la part d'un policier pendant son transfert
vers la Zapi. En annexe du livre sont reproduits des extraits de
plaintes manuscrites et les interrogations que le personnel de la
Croix-Rouge reporte dans son « cahier de liaison ».
Aujourd'hui, le souhait d'Anne de Loisy est simple : « Je
voudrais que les droits des étrangers en situation irrégulière
soient respectés. »
* « Bienvenue en France ! Six mois d'enquête clandestine
dans la zone d'attente de Roissy », d'Anne de Loisy. Editions
du Cherche Midi, 240 pages, 15 €.
Claire Guédon Le Parisien , lundi 31 janvier 2005
http://ecolesdifferentes.free.fr/ROISSY100105.htm
Quatre jeunes mineurs étrangers retenus en zone d'attente
à Roissy
Le Monde - 10.01.05
Une jeune Congolaise attend d'être renvoyée en Chine,
pays par lequel elle a transité, alors que son père
l'attendrait en France.
Quatre mineurs de moins de 15 ans ont été retenus
dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy (Seine-Saint-Denis)
durant le week-end du 8 et 9 janvier. Ces enfants, dont un âgé
de 10 ans et un autre de 4 ans, sont menacés de renvoi ou
ont été réacheminés vers leur pays d'origine
alors que des parents les attendent sur le sol français.
La première, Emilie, adolescente congolaise de 14 ans, est
retenue en ZAPI 3 (zone d'attente pour personnes en instance), où
sont maintenus les étrangers non admis sur le territoire.
Selon l'Association nationale d'assistance aux frontières
(Anafé), c'est son second passage après un renvoi
en Chine le 27 décembre 2004, pays par lequel elle avait
transité pour se rendre en France rejoindre son père
allemand. Arrivée le jour de Noël, elle avait été
renvoyée, "menottée pendant tout le voyage",
selon l'Anafé, avant d'être refoulée par les
autorités chinoises et réacheminée vers Roissy.
Malgré le dépôt d'une demande d'asile, la Police
aux frontières (PAF) a tenté de la reconduire une
nouvelle fois vers Shanghaï dimanche. Emilie a refusé
d'embarquer et a été maintenue en zone d'attente malgré
une demande de placement auprès du juge des enfants. L'avocate
désignée par le père, Me Nathalie Vittel, du
barreau de Seine-Saint-Denis, n'a pu la rencontrer lors de son retour,
l'administrateur ad hoc ayant refusé de la reconnaître
comme avocate de la jeune fille. "C'est absurde ! La PAF veut
la renvoyer vers une destination où elle sera refoulée
une deuxième fois alors que son père l'attend",
s'indigne Me Vittel.
"GRAVE ERREUR"
Un second adolescent congolais, C., 14 ans, a tenté de rejoindre
sa mère et son frère jumeau, tous deux en situation
régulière en France. La mère y réside
depuis quatorze ans après avoir fui son pays en laissant
ses deux enfants. Avec l'aide d'une amie, elle avait pu faire venir
un premier fils, séparé de son jumeau au début
de la guerre, en 1997. Après avoir tenté en vain de
bénéficier du regroupement familial, le second est
entré le 6 janvier clandestinement. La PAF entend le renvoyer
vers le Congo. Il devait passer devant un juge de Bobigny, lundi
matin, pour une prolongation de son maintien en zone d'attente.
Le sort des deux autres mineurs a été plus expéditif.
W., Camerounais de 10 ans, retenu à l'hôtel Mercure
où les moins de 14 ans sont confiés à une nurse,
a été renvoyé dimanche 9 janvier vers Yaoundé.
Selon le ministère de l'intérieur, il était
arrivé vendredi accompagné d'une Française
aux papiers falsifiés, qui n'a pu prouver son lien de parenté
avec l'enfant. L'Anafé assure que sa famille avait tenté
de le faire venir par le regroupement en France et l'attendait à
Roissy.
Enfin, une petite fille de 4 ans a été renvoyée
dimanche en Centrafrique après avoir été placée
à l'hôtel Mercure. Elle avait été emmenée
par son père, résidant régulier. La PAF, contestant
son lien de parenté, a refusé de laisser entrer l'enfant
sur le territoire. L'Anafé assure qu'"une grave erreur
a été commise", sa mère l'attendant à
l'aéroport. La jeune femme a embarqué à son
tour pour Bangui pour tenter de récupérer son enfant.
Les associations s'inquiètent de ces "renvois à
répétition". "C'est désastreux et
démoralisant, affirme Claire Rodier, représentante
du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti).
La place d'un enfant n'est pas en zone d'attente."
Sylvia Zappi
http://www.nouvelobs.com/articles/p2100/a262235.html
Bienvenue à Zapi 3
Les naufragés de Roissy
Anne de Loisy, journaliste, a passé clandestinement six
mois dans la zone d’attente de l’aéroport Charles-de-Gaulle.
Un éclairage cru sur les pratiques de la France, terre d’asile...
C’est un de ces endroits dont la République n’est
pas fière. Un de ces lieux où les journalistes ne
sont pas les bienvenus. La Zapi 3 (pour zone d’attente pour
personnes en instance) de Roissy ne figure sur aucun plan de l’aéroport.
Elle en est pourtant un des points névralgiques: c’est
ici qu’échouent, bon an mal an, 20 000 étrangers
en situation irrégulière. C’est ici que 98%
des demandes d’asile aux frontières françaises
sont déposées et, dans leur immense majorité
(plus de 96%), refusées sans même un examen du dossier.
Mais c’est aussi là qu’en 2003, en quinze jours,
deux étrangers meurent lors de réembarquements forcés.
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, propose
à la Croix-Rouge d’être présente 24 heures
sur 24 à Roissy. Dans une de ces équipes s’est
glissée clandestinement une journaliste. Anne de Loisy a
ainsi exercé pendant six mois la fonction de «médiatrice»
dans la zone, tentant de renseigner autant que possible les migrants.
Elle raconte son expérience dans «Bienvenue en France!»
(1). Un témoignage rare et donc précieux. Et la description
qu’elle dresse n’est pas loin de celle de Louis Mermaz
qui, en 2000, qualifiait les zones d’attente et centres de
rétention d’«horreurs de la République».
Si les conditions matérielles d’accueil ne sont pas
déplorables (Zapi 3 est encore récente, elle a été
inaugurée en 2001), le climat de violence a marqué
la journaliste. D’abord le bruit, comme organisé pour
épuiser les nerfs des retenus: «C’est du harcèlement
sonore. Des haut-parleurs éructent en permanence des listes
de noms. On appelle les gens à 3 heures du matin pour les
conduire au tribunal, alors que les audiences commencent dans la
matinée. S’ils ne descendent pas assez vite, souvent
parce qu’ils ne reconnaissent pas leur nom hurlé avec
l’accent gaulois, les policiers de la PAF frappent dans les
portes à coups de pied.»
Il n’y a pas que le matériel qui souffre d’une
certaine brutalité policière: à entendre Anne
de Loisy, les mauvais traitements ne sont pas rares. Un étranger
affaibli par un passage à tabac résiste moins lorsqu’il
faut monter dans l’avion du retour: «Presque chaque
semaine, un étranger arrivait avec des marques de coups,
des bleus sur le visage ou des traumatismes attestés par
des certificats médicaux. C’est allé jusqu’à
l’écrasement de testicules.» Bref, beaucoup de
gens qui «ont glissé dans l’escalier»,
«se sont cognés au mur pour simuler des coups»,
selon l’immémoriale rhétorique policière.
Plus étonnante et inquiétante est l’étrange
passivité de la Croix-Rouge face à ces mauvais traitements
répétés. «La règle pour l’association,
déplore la journaliste, c’est qu’on ne dénonce
que ce dont on est témoin direct. Il est rare que les flics
tabassent devant témoin, donc on ne dénonce rien,
sauf en six mois un tirage de cheveux! C’est de la complicité
passive.» Les médiateurs se contentent de prendre note
des témoignages de passages à tabac («Ils m’ont
tellement piétiné que je me suis chié dessus»)
et insultes («singe» pour les Noirs, «rat»
pour les Arabes), et de transmettre au responsable de la Croix-Rouge,
qui compile... mais ne fait rien.
Ce sont souvent des anciens du centre de Sangatte, déjà
géré par la Croix-Rouge, qui officient pour l’association.
Mais «ils ne sont pas formés à l’accueil
des étrangers dans des moments aussi cruciaux, vitaux, où
il faut pouvoir rapidement et efficacement plaider sa cause devant
des fonctionnaires qui n’ont d’autre mission que l’efficacité
et le chiffre: les policiers doivent tenir les objectifs d’expulsions
donnés par le ministre de l’Intérieur; les fonctionnaires
de l’Ofpra et du ministère des Affaires étrangères
qui enregistrent les demandes d’asile savent qu’ils
doivent en faire passer le moins possible». Entre petites
lâchetés, grande cruauté et efficacité
statistique, les étrangers de Zapi 3 ont, à n’en
pas douter, une très jolie image de notre France-terre d’asile.
(1) Editions du Cherche Midi.
Isabelle Monnin
http://www.liberation.fr/page.php?Article=275124
Livre. Anne de Loisy a recueilli les témoignages des victimes
dans la zone d'attente de Roissy.
Injures et violences policières
Par Charlotte ROTMAN
samedi 12 février 2005 (Liberation)
Bienvenue en France, six mois d'enquête clandestine dans
la zone d'attente de Roissy,
par Anne de Loisy. Le Cherche-Midi, 237 pages, 15 €.
C'est un lieu fermé, une zone de non-droit, soustraite au regard extérieur.
L'«horreur de notre République», selon l'ancien
député PS Louis Mermaz. A 30 kilomètres de
Paris. En cachant son statut de journaliste, Anne de Loisy a passé
six mois dans la zone d'attente de Roissy où chaque année
se retrouvent 15 000 étrangers dont les autorités
refusent l'admission en France. Elle y a travaillé comme
médiatrice de la Croix-Rouge, d'octobre 2003 à avril
2004. Peu d'information filtre de cette antichambre de la France.
Anne de Loisy rapporte d'ailleurs que les salariés sont invités
par le président de la Croix-Rouge à «apprendre
la discrétion» et à se méfier des journalistes
qui «vous proposeraient des interviews sous garantie d'anonymat
ou de l'argent en échange de révélations qui
ne correspondraient pas à ce que nous aurions dit ou voulu
dire». En six mois, note-t-elle, l'association ne dénoncera
publiquement «qu'une seule des nombreuses violences constatées».
Voilà pour la transparence.
C'est dire si ce témoignage est précieux. Il relate
par le menu les injures racistes, les violences policières,
les mauvais traitements, mais aussi les petites lâchetés
qui font le quotidien de la zone d'attente. Ce qu'Anne de Loisy
raconte, on en a eu des échos. Par des très rares
témoignages de l'intérieur, par des enquêtes
au cas par cas ou des rapports d'association. Mais l'accumulation
sur six mois de ces épisodes montre à quel point la
situation est insupportable.
Ce livre confirme le verrouillage des frontières, selon
des procédés indignes. Le refus d'enregistrer la demande
d'asile des étrangers est ainsi devenu une «pratique
illégale mais courante». Des policiers font semblant
de ne pas comprendre le terme «refuge» : «"Je
ne parle pas tam-tam", expliquent certains d'entre eux pour
se justifier.» Les agents du ministère des Affaires
étrangères censés vérifier que les demandes
d'asile ne sont pas totalement loufoques (dites «manifestement
infondées») sont mis sous pression. «Lorsque
je recommande une admission, deux fois sur trois ma hiérarchie
m'oblige à changer mon avis», raconte l'un d'eux. Un
récit qu'il a jugé «précis, circonstancié,
crédible, convaincant, cohérent» devient alors
«flou, contradictoire, et peu détaillé».
Déclarée «manifestement infondée»,
la demande est jugée irrecevable en France, l'étranger
peut être renvoyé par le premier avion. Le taux d'admission
au titre de l'asile est passé de 42 % en 1998 à 3,8
% en 2003. Et les demandes d'asile ont elles-mêmes connu une
baisse de 43 %, tombant à 5 600. «A lire ces données,
on pourrait presque croire qu'il y a de moins en moins de violations
des droits de l'homme sur la planète. Le monde irait-il mieux
?», ironise l'auteur.
Presque chaque jour, des violences sont signalées. L'auteur
raconte sa «hantise de voir un policier venir demander des habits.
Cela signifie en général que la violence a atteint son
paroxysme». Pendant six mois, Anne de Loisy a recueilli les
témoignages des victimes («ils m'ont tellement piétiné
que je me suis chié dessus» ou «ils m'ont battu
comme un animal») sans pouvoir rien faire de plus. Ses collègues
parlent de leur impuissance dans leur cahier de liaison jusqu'à
ce qu'une note de la direction mette fin à ces épanchements
: «Nous vous demandons dans le respect du principe de neutralité
de la Croix-Rouge de cesser tout commentaire sarcastique à
l'encontre [de la police aux frontières] dans le cahier de
liaison.» Surtout pas de vagues. Jusqu'à ce livre.
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