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ANARCHISTES CONTRE LE MUR
un entretien paru dans S!LENCE

Origine : http://excroissance.viabloga.com/news/les-anarchistes-contre-le-mur

N°368 – mai 2009
En décembre 2008, S!lence a rencontré Guy Davidi à Lyon, lors d'une projection du film

Silence : Est-ce que tu pourrais te présenter ainsi que le groupe auquel tu appartiens et dresser un bilan de ses premières années d'existence ?

Guy Davidi : Je suis cinéaste documentariste. Je fais des films sur la politique et les relations entre Israël et la Palestine. Je travaille autour de cette problématique et autour des histoires liées à l'occupation. J'ai fait quelques films avec mon partenaire Alexandre Goetschmann.

Moi je suis israélien, je suis né à Jaffa. Alexandre est d'origine suisse. Nous faisons partie d'un groupe qui s'appelle Les Anarchistes contre le Mur. C'est un jeune mouvement, fondé en 2003, au moment des manifestations contre le mur, qui commencèrent avec la mobilisation des villageois en Cisjordanie, lorsque les gens ont découvert le tracé du mur et les travaux prévus sur leur terre. Ils ont commencé à agir, à lutter contre ce mur.

Alors, nous Les Anarchistes contre le Mur, avons créé ce groupe pour les rejoindre dans le campement d'un village qui s'appelle Masha et c'est à partir de là que nous avons commencé à lutter aux côtés des villages en Cisjordanie.

Aviez-vous un mode d'action particulier ? Vous adoptez un mode d'action non-violent ?

En général les manifestations ne sont pas violentes. Nous ne portons pas d'armes, que des drapeaux. Mais nous faisons aussi des actions directes.
Par exemple nous avons enlevé des blocs de pierres ou de barbelés autour des villages, car l'armée bloque des routes pour empêcher les gens de circuler.
Nous essayons de faire des actions pour qu'on en parle, pour créer un débat qui n'existe pas dans la société israélienne ainsi que dans le monde en général.

Arrivez-vous à vous faire entendre en Israël, trouvez-vous des voies pour vous relayer ?
Comment se transmet l'information ?


En fait la société israélienne ne s'intéresse pas beaucoup à ce qui se passe... l'info circule avant tout par Internet. C'est un outil important pour diffuser des informations, des vidéos ou mettre en contact un réseau prêt à réagir très rapidement.

Mais le problème, ce n'est pas vraiment ça, ni l'accès à l'information ou l'impact de nos actions ; notre problème c'est plus d'arriver à imposer ce débat, d'arriver à convaincre que l'image que donnent les médias israéliens est fausse, qu'elle ne correspond pas à ce qui se passe sur le terrain.
Il faut savoir aussi qu'Israël est un pays aux inégalités extrêmes, il y a des gens qui sont riches, mais il y a aussi beaucoup de pauvreté. Plus de 25 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ça veut dire qu'on agit vraiment dans des conditions difficiles.


Vous avez à subir la répression de l'État, sa police, sa justice, son armée, comment cela se traduit-il ?

Sur le terrain, ce qui est important pour notre groupe, ce sont les gens qui sont prêts à aller manifester dans les situations les plus difficiles. Aucun autre mouvement n'est prêt à aller mener des actions en Cisjordanie, au risque de sa vie. Les tirs sont parfois à balles réelles. Treize Palestiniens y ont déjà perdu la vie, mais notre présence est importante, non pas pour notre image, mais pour des raisons pratiques. Ainsi l'ordre de tirer n'est plus le même lorsque des Israéliens sont là. Dès qu'il y a des Israéliens sur le terrain, les soldats se montrent moins agressifs, ou tout au moins utilisent des balles en caoutchouc. Quand il n'y a pas d'Israéliens, ils font ce qu'ils veulent. D'ailleurs les médias israéliens ne s'intéressent jamais au nombre de morts palestiniens. Chaque fois qu'on a parlé un petit peu de nos actions dans les médias, de la problématique du mur, de son tracé et de la forme d'occupation qui va avec, c'était toujours lorsqu'il y avait des blessés israéliens.

Comment sont perçues vos actions côté palestinien ?

Les gens nous accueillent toujours à bras ouverts, ils reçoivent chaleureusement ceux qui s'intéressent à leur situation. Il ne faut pas oublier que les villageois que l'on rencontre sont souvent des ouvriers qui ont travaillé pendant des années en Israël. Ils connaissent bien la langue, ils connaissent bien la culture, ils nous connaissent finalement beaucoup mieux que nous ne les connaissons. Du coup, nous n'avons aucun problème à mettre en place des actions ensemble. Il faut aussi se rappeler qu'il y avait pas mal de collaborateurs pendant les années d'occupation et il y a finalement plus de méfiance vis-à-vis d'autres villages que vis-à-vis de nous. Maintenant, après plusieurs années de lutte côte à côte, après que plusieurs de nos actions ont été médiatisées dans les territoires occupés, on peut remarquer sur le terrain que le regard des gens change et que la solidarité entre les villages s'organise.

Notre mode d'action devient peu à peu un nouveau modèle de lutte.

Quels sont vos projets ?

Notre objectif reste d'imposer le débat, de parler des sujets qui sont tus, de médiatiser nos actions et de les confronter au discours dominant des médias. Ensuite d'impulser une dynamique en Palestine, comme dans le reste du monde. On voit bien que l'engagement des villageois fait renaître des solidarités qui avaient disparues. Après, sur le terrain, on a déjà pas mal ralenti de chantiers de construction en coopérant avec d'autres organisations qui ont engagé des procès contre le mur. Cela n'est pas reconnu par les lois internationales, mais cette réalité existe dans les tribunaux israéliens parce qu'ils considèrent le mur comme un élément de sécurité, alors même que l'on a démontré preuves à l'appui, qu'il a parfois volontairement été construit pour annexer des terres et non pour des raisons de sécurité. On souhaite donc également poursuivre ce type d'action, qui ont au moins l'avantage de ralentir la construction, car pendant ce temps, elle, elle continue quand même, d'où le titre du film : "En construction".

Comment pouvons-nous vous aider et vous apporter notre soutien depuis l'Europe ?

Nous avons beaucoup d'amendes à payer suite aux arrestations, souvent de Palestiniens interpelés au cours de manifestions et qui passent plusieurs mois en prison. Alors avec le soutien d'avocats, nous essayons de les faire sortir. Donc la première question c'est celle de l'argent... Sur notre site internet (www.awalls.org), vous trouverez tous les détails pour soutenir financièrement le mouvement.

La deuxième chose qu'il me semble important de réaliser, c'est d'organiser des tournées afin de créer des liens avec les Palestiniens. Ils sont vraiment en attente d'un soutien extérieur car ils se sentent isolés. C'est par ce type de relations qu'on peut créer des liens qui sont importants dans cette région du monde, et pouvoir s'organiser ensemble par la suite. Pour finir, nous devons continuer à mettre la pression sur le gouvernement.

Propos recueillis par Pascal Martin