Origine :
http://www.france-palestine.org/article6633.html
4 août 2007
Une bataille est menée, dans les tribunaux israéliens,
contre les Anarchistes qui aident des villageois palestiniens.
Au fil des cinq dernières années, le camp de la paix
israélien a dépéri. Le mois dernier a marqué
le 40e anniversaire de l’occupation et pas plus de 4.000 personnes
se sont rassemblées à Tel Aviv pour protester contre
cette longue domination militaire israélienne. Parmi les
manifestants, seules quelques centaines sont ce qu’on pourrait
appeler d’ardents militants, des gens qui vouent leur vie
à la paix et à la justice.
Parmi les plus engagés d’entre ceux-ci, il y a les
Anarchistes d’Israël. Cependant, cela fait deux ans qu’ils
sont la cible d’attaques et il leur est de plus en plus difficile
de poursuivre leur lutte.
Organisés en 2003, les Anarchistes se composent de jeunes
Israéliens, âgés pour la plupart entre vingt
et trente ans, qui travaillent étroitement avec les comités
populaires de villages palestiniens, dans le but de résister
à l’occupation israélienne. Ils n’ont
pas de leader officiel, pas de bureau, pas d’équipe
payée, et pourtant ils sont parvenus à accomplir davantage
que beaucoup d’ONG et de mouvements sociaux bien rôdés.
Ils sont peut-être mieux connus pour leurs efforts dans le
petit village de Bil’in où, depuis plus de deux ans,
des manifestations hebdomadaires ont été organisées
contre le mur qu’Israël construit en terre palestinienne.
Les Anarchistes sont également actifs dans de nombreux autres
villages et villes. Jour après jour, ils se déplacent
par petits groupes en Cisjordanie, venant soutenir une action directe
non violente qui aide les fermiers palestiniens à obtenir
l’accès à leurs champs et à leurs récoltes,
tout en s’opposant à la construction de la barrière
de séparation et à la confiscation de la terre occupée.
Une des qualités les plus remarquables de ces jeunes Israéliens
est l’utilisation subversive qu’ils font de leur privilège,
auquel ils recourent non pas en vue d’un profit personnel
social, économique ou politique - comme font la plupart des
gens - mais pour résister au pouvoir. Les Anarchistes, en
d’autres termes, exploitent le privilège qui accompagne
leur identité juive et l’utilise comme atout stratégique
contre la politique brutale de l’Etat juif.
Comme militants juifs, ils sont bien conscients que l’armée
israélienne se comporte très différemment lorsque
des Juifs israéliens sont présents à une manifestation
en Cisjordanie et que le niveau de violence, pourtant encore dur,
est beaucoup moins intense. En effet, d’après des soldats
israéliens, l’armée a des consignes d’ouverture
du feu plus strictes pour les démonstrations auxquelles participent
des non Palestiniens. Dès lors, quand le comité public
d’un village décide de mener des protestations non-violentes
contre la puissance occupante, les Anarchistes se mêlent aux
villageois qui manifestent, s’offrant comme bouclier humain
pour tous ces Palestiniens qui ont choisi de suivre la voie du Mahatma
Gandi et de Martin Luther King.
Bien que les Anarchistes soient fréquemment frappés
et arrêtés, ils ne renoncent pas. A ce jour, une dizaine
de Palestiniens ont été tués lors de manifestations
contre la barrière de séparation et des milliers ont
été blessés, un nombre qui aurait sans aucun
doute été plus élevé sans l’intrépide
dévouement des Anarchistes.
Ces héros méconnus sont couramment tenus, en Israël,
pour une cinquième colonne. Et lorsque la police israélienne
a commencé à se rendre compte que le fait de les frapper
et de les mettre en détention n’arrêterait pas
leur résistance obstinée, une stratégie différente
a été adoptée. Un grand nombre d’inculpations
ont été prononcées par le Procureur de l’Etat.
Les Anarchistes ont pris la chose comme un nouveau défi.
Ils ont lancé une campagne légale avec pour visée
de défendre le droit civil fondamental de tout Israélien,
de résister aux politiques de leur gouvernement qui violent
le droit. A la tête de cette bataille se tient Gaby Lasky,
une juriste énergique, qui passe beaucoup de ses week-ends
à faire libérer des Anarchistes et beaucoup de jours
de semaines à les représenter devant les tribunaux.
Contrairement à la lutte à l’intérieur
des Territoires occupés, la bataille légale de protection
des libertés civiques nécessite des ressources financières
dont les Anarchistes ne disposent pas. L’état sait
que c’est le talon d’Achille des Anarchistes et il s’est
donc appliqué à saper leurs activités bâtisseuses
de paix en leur imposant de lourds frais d’avocats et autres.
Bien que Gaby Lasky travaille pour à peine plus que le salaire
minimum, le combat des Anarchistes ne peut se maintenir sans l’aide
de gens concernés, partout dans le monde.
Publié dans Neve Gordon
* Neve Gordon est professeur de sciences politiques à l’Université
Ben Gourion du Néguev (Israël)
(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)
Guardian / Comment si free, 30 juillet 2007
http://commentisfree.guardian.co.uk/neve_gordon/2007/07/
anarchists_under_fire.html
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