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POUR UN USAGE ANARCHISTE DU PRAGMATISME
Irène Pereira

Texte transmis par l'auteure

POUR UN USAGE ANARCHISTE DU PRAGMATISME I :

Théorie de la connaissance pragmatiste et Anarchisme

L’objectif de ce texte est de se demander dans un contexte post-moderne de « fin des certitudes » et de remise en cause des « grandes idéologies », s’il y a une philosophie qui puisse nous servir de cadre de réflexion fructueux pour développer une pensée anarchiste. Il nous semble que la philosophie pragmatiste peut nous fournir ce paradigme philosophique.

Anarchie, c’est, étymologiquement, ce qui est sans principe au sens de ce qui est sans commandement, sans hiérarchie, sans autorité. De là, deux conceptions opposées de la notion d’anarchie. Une première conception assimile l’anarchie au désordre, dans la mesure où une société sans principe de commandement serait vouée au désordre. Une autre conception, qui est celle de l’anarchisme , considère au contraire que le plus haut degrés d’ordre est atteint quand la société se passe du principe d’autorité pour son organisation. On peut donc constater, de manière générale, que ce dont l’anarchisme fait la critique, c’est le principe d’autorité . L’autorité peut être définie comme le pouvoir de se faire obéir. On peut par exemple remarquer qu’au XIX ème siècle, les auteurs anarchistes s’opposent aux communistes autoritaires. Par conséquent, la critique anarchiste ne se limite pas à une critique de l’Etat, mais inclut la critique de toute relation de pouvoir fondée sur le principe d’autorité et en particulier la critique de toute recherche d’un fondement transcendant de l’autorité tel que Dieu.

Or si l’anarchisme essaie de penser sur le plan politique, une société sans principe d’autorité et sans fondement transcendant, il semble par conséquent que l’anarchisme présuppose implicitement un cadre philosophique général qui soit en accord avec ses options. Le pragmatisme, nous paraît justement être le paradigme philosophique qui est en accord avec les présupposés philosophiques de l’anarchisme.

Le pragmatisme, au sens strict, désigne un courant de la philosophie américaine divisé en deux sous courants : le pragmatisme classique (dont les principaux représentants sont Pierce, James et Dewey) et le neo-pragmatisme ( principalement incarné par Putnam, Rorty et Shusterman). Mais, on peut considérer que le pragmatisme au sens large incarne une position structurelle de la philosophie. En effet, W.James, dans Le Pragmatisme, Ch.II, écrit que le pragmatisme n’est qu’ « un mot nouveau pour désigner d’anciennes manières de penser ». Il semble que l’on puisse voir par exemple dans ce qui nous est parvenu de la pensée de Protagoras , dans la pensée de Nietzsche ou de M.Foucault , des éléments de pensée pragmatiste .

Le pragmatisme se caractérise par un refus de toute démarche de recherche d’un principe premier, d’un fondement. En effet, toute recherche d’un fondement suppose l’accès à une transcendance, à un point de vue de Dieu qu’il nous est impossible d’atteindre : nous ne pouvons pas sortir du monde.

De manière très générale, comment peut-on définir le pragmatisme ? Le pragmatiste est celui qui affirme que la vérité est ce qui est utile pour nous conserver en vie. Le pragmatisme est donc un courant philosophique qui remet en cause la conception traditionnelle d’une vérité transcendante que l’homme recherche de manière désintéressée et auquel il se soumet parce que c’est la vérité.

Parce qu’il refuse toute démarche de fondement transcendant, le pragmatisme se caractérise par une méthode que l’on peut définir comme « l’expérience combinée de tout le monde » par opposition à la méthode de l’autorité qui au lieu d’expérimenter cherche à fonder a priori la connaissance.

Par conséquent, de par ses présupposés remettant en cause tout « arché » dans le domaine politique, l’anarchisme impliquerait le pragmatisme comme paradigme philosophique. Il s’agit donc alors de se demander comment le pragmatisme permet de développer de manière cohérente l’anarchisme.

Le problème qui se pose est donc de savoir comment on peut penser de manière cohérente la réalité et la société sans faire appel à un principe premier, à un fondement. La notion de cohérence a un double sens, c’est à la fois la cohérence logique du raisonnement et la cohérence physique qui fait que différents éléments tiennent ensemble comme dans le cas de la société.

L’enjeu d’une telle réflexion est de montrer que le pragmatisme permet à la fois de développer une anarchie négative , c’est à dire une critique de l’organisation sociale autoritaire, et une anarchie positive, c’est à dire une alternative à cette société. La démarche adoptée ne peut être dans une perspective pragmatiste de chercher à saisir l’essence du pragmatisme et de l’anarchisme, mais à partir des diverses théories pragmatistes et anarchistes que nous propose l’histoire de la philosophie, de construire une théorie pragmatiste et anarchiste qui puisse fonctionner.

I- Théorie de la connaissance
II-
Nous allons tout d’abord essayer de montrer les liens qui peuvent exister entre la théorie de la connaissance pragmatiste et l’anarchisme. En effet, il s’agit de doter l’anarchisme d’une théorie de la connaissance relativiste mais cohérente. L’importance d’une telle démarche est double. D’une part, tout discours d’analyse de la société, tout discours politique présuppose implicitement une théorie de la connaissance qui soutient sa validité. D’autre part, de faire reposer l’anarchisme sur une théorie de la connaissance qui évite le dogmatiste scientiste tel qu’il peut s’exprimer par exemple dans la théorie de Marx ou même de Kropotkine et d’éviter l’incohérence dont peuvent souffrir certaines théories relativistes s’appuyant par exemple sur les théories de la connaissance de Nietzsche, de Foucault ou de Feyerabend.

A- Relativisme et anti-fondationalisme
B-
1- Relativisme
2-

Pour le philosophe Protagoras, «L’homme est la mesure de toutes choses, de celles qui sont pour ce qu’elles sont, et de celles qui ne sont pas pour ce qu’elles ne sont pas.» Dans ce célèbre aphorisme, commenté aussi bien par Platon que par Aristote, Protagoras énonce la relativité de la connaissance à la sensation de l’individu singulier. «Telles t’apparaissent les choses, telles elles sont pour toi. Telles m’apparaissent les choses, telles elles sont pour moi ». Protagoras soutient un relativisme à partir d’un sensualisme matérialiste dans le cadre d’une conception de la nature de type héraclitéenne.

Mais comme le montre Nietzsche, il ne s’agit pas de réduire la connaissance à une simple appréhension passive par les sens d’une réalité mouvante. L’être vivant construit la réalité qui l’entoure à partir de ses propres valeurs vitales. A partir de son point de vue vital, c’est à dire de sa perspective , il constitue son monde vécu (Umwelt ). Par conséquent, ce que montre Nietzsche, c’est que l’évaluation, les valeurs, sont des faits vitaux, qui ne sont pas propre à l’homme, mais commun à tous les êtres vivants : « L’ensemble du monde organique est un enchaînement même d’êtres entourés de petits univers qu’ils se sont crées » . Or la réalité est toujours construite à partir de cette perspective vitale ou interprétation : « Nos valeurs sont des interprétations introduites par nous dans les choses » . Par conséquent, ce que nous appelons la réalité est toujours relative à un point de vue vital singulier ou perspective. Ce que nous connaissons ce n’est pas la réalité, mais un monde, c’est à dire la réalité telle qu’elle est appréhendée du point de vue d’un centre de valeurs vitales.

Les pragmatistes américains qualifient leur pragmatisme d’humanisme naturaliste. Il ne faut cependant pas confondre l’humanisme pragmatique avec l’humanisme chrétien par exemple. Il ne s’agit pas de défendre une place éminente de l’homme au sein de la nature, mais d’une remise en cause de l’existence de valeurs transcendantes et d’un fondement transcendant, tel que Dieu, de la connaissance, du fait de la relativité de toute connaissance au point de vue d’un individu singulier. Comme l’explique R.Rorty, dans L’espoir au lieu du savoir, le pragmatisme ne considère pas qu’il y a une différence de nature entre les hommes et les animaux, mais une continuité. Les pragmatistes sont des Darwiniens et des naturalistes .

Si Rorty qualifie, par exemple, le pragmatisme d’humanisme, c’est seulement parce que les pragmatismes considèrent comme métaphysique tout point de vue désincarné qui prétend saisir la réalité en soi. Parler en soi du point de vue de l’animal ou de l’objet, est une position métaphysique qui suppose que nous puissions sortir de nous même, or notre discours est toujours relatif à nous même. Lorsque nous parlons du point de vue de l’animal ou de l’objet, c’est toujours notre point de vue singulier sur l’animal et l’objet, nous ne sommes pas en mesure d’énoncer, à sa place, le point de vue de l’animal.

Donc premier élément, d’un point de vue pragmatiste, il apparaît tout d’abord que toute réalité est relative au point de vue singulier qui est adopté sur la réalité et nous n’avons accès, par l’intermédiaire du langage, qu’à des points de vue humains. Il s’agit là d’un premier point commun avec l’anarchisme. En effet, cela signifie qu’il ne peut y avoir de fondement a priori de la connaissance qui permettrait d’imposer à l’individu singulier une conception de la réalité présentée comme absolue et qui en réalité n’est qu’un instrument idéologique de justification du rapport d’autorité existant dans la société.

2- Le refus d’un point de vue fondationaliste

Le refus du point de vue de Dieu est une position qui caractérise les pragmatistes. De manière générale notre position d’être immanent au monde, fait qu’il nous est impossible d’adopter un point de vue transcendant sur le monde.

Le refus pragmatiste de la démarche fondationaliste, s’appuie sur l’historicité. Le retour du pragmatisme contre la philosophie analytique, est interprété outre-atlantique comme un retour de Hegel contre Kant. Les pragmatistes se définissent comme Hegel comme des monistes historicistes, mais ils refusent l’absolu hégélien. J.Dewey définissait son évolution historique comme « l’évolution de l’absolu vers l’expérimentalisme ».

H.Putnam dans Raison, Vérité et Histoire essaie de montrer comment nos conceptions de la rationalité sont fonctions de nos cadres conceptuels. D’une part, parce que comme l’a montré Wittgenstein, l’application d’une règle de rationalité est relative au jeu de langage dans lequel on se trouve, à un usage. Il n’y a donc pas de rationalité a priori, la raison n’est pas une faculté . D’autre part, parce que nos cadres conceptuels organisent la réalité relativement à des valeurs, qui sont présupposées par le langage qui est l’expression d’une certaine organisation sociale, valeurs qui ont elles même une origine vitale comme nous l’avons vu. Il n’est donc pas possible de comparer nos énoncés à la réalité, une telle comparaison supposerait de sortir du langage. Or cela n’est pas possible parce que le langage joue un rôle transcendantal dans notre appréhension du monde. Les langues indo-européennes organisent ainsi le monde en distinguant matière et êtres vivants, en distinguant animaux et hommes, hommes et femmes. A travers ces dualismes, s’exprime à la fois la métaphysique occidentale, mais aussi par exemple l’organisation hétero-normative de notre société. Ainsi une phrase aussi apparemment aussi neutre que « Le chat est sur le paillasson », comme le montre Putnam, présuppose donc les valeurs implicites, reflétant l’organisation sociale, que contient le langage et qui nous fait distinguer par exemple entre artefact et être vivant. Par conséquent, en fonction d’une organisation sociale inégalitaire et autoritaire, le langage exprime les valeurs des groupes dominants, d’où l’importance de la guerre sémantique que peuvent mener les dominés pour imposer leur description du monde : par exemple, la remise en cause du dualisme homme/femme, dans lequel la notion d’homme est dominante, telle qu’elle est effectuée par les théories queers, au profit d’une multiplicité des identités.

Mais il se pose un problème, si toute connaissance est relative à un point de vue singulier qui s’exprime à travers les catégories d’une langue particulière et que par conséquent il n’est pas possible de fonder absolument la connaissance, ne sombrons nous pas dans un relativisme auto-réfutant : « Toute vérité est relative ». Cet énoncé comporte une double incohérence. D’une part si tous les énoncés sont relatifs, mon énoncé admet l’énoncé inverse selon lequel tous les énoncés ne sont pas relatifs. D’autre part, la notion d’une vérité relative est incohérente, dans la mesure où si une vérité est relative, c’est qu’elle peut être fausse et que dans ce cas là elle n’est pas une vérité.

Cette question qui est une question de théorie de la connaissance a bien un enjeu pratique qui est celui de savoir si on peut se passer de toute notion d’ « arché » c’est à dire de fondement, dans le domaine aussi bien de la connaissance que politique, sans conduire à une incohérence de fait de la société.

B- Une conception non-transcendante de la vérité : une vérité humaine

Pour les pragmatistes, nos interrogations partent toujours de quelque chose, il n’y a pas de remise en cause radicale possible, contrairement à la démarche cartésienne, de tout ce que nous savions auparavant. Par conséquent, lorsque nous nous interrogeons sur la vérité, nous le faisons à partir du langage. Or le langage présuppose la vie en société, qui présuppose elle-même l’existence de la nature, dans notre conception implicite du monde. Par conséquent qu’est-ce que la vérité pour un pragmatiste ? La vérité est une notion qui appartient au langage. Elle est une notion qui est apparue comme une nécessité de la vie en société. Face à la contradiction des opinions, les hommes ont eu besoin de se référer à une notion qui caractérise le point de vue dans lequel les controverses seraient tranchées radicalement car il dirait la réalité en soi. Nietzsche, dans Vérité et Mensonge au sens extra-moral, a bien compris que la vérité est un produit de la vie en société et du langage, et qu’il n’y a pas de sens à parler de vérité en dehors de ce contexte. La vérité est un caractère inaliénable d’une proposition. Donc parler de vérité n’a de sens que dans le contexte d’êtres qui sont capables de communiquer entre eux. En effet, toute critique du critère de la vérité engage celui qui l’énonce dans une discussion sur la validité de ce critère. Donc la question de la définition de l’homme ne se pose pas, la question de la vérité étant immanente au langage, elle ne se pose que pour des êtres qui ont un tel concept et qui sont capables de communiquer entre eux. C’est bien pourquoi, il s’agit d’un humanisme dans un cadre naturaliste.

A partir de cette élucidation de la notion de vérité, la vérité est donc une notion sociale, par conséquent la vérité ne peut être que le produit d’un consensus. Or là aussi, il faut faire attention de ne pas confondre le consensus et la majorité. Le consensus, comme le définit Habermas dans Vérité et Justification, est ce qui ne peut être réfuté par personne. Il est néanmoins vraisemblable que la vérité définie comme consensus dans ce sens là correspond à une place vide dans le discours. En effet, il faudrait que tous les hommes qui vivent en même temps puissent s’accorder. Mais un outre, il est toujours possible que quelqu’un, par la suite, par un argument expérimental ou logique, puisse venir remettre en cause ce consensus. L’a priori étant rejeté, ce consensus n’a donc pas le sens d’un consensus de droit, mais de fait : il présuppose donc de construire un universel concret et non pas formel. « Communiquer, partager, participer sont les seules façons d’universaliser la loi » . La démarche pragmatiste est donc une démarche faillibiliste.

Par conséquent, il faut distinguer, comme le font un certain nombre d’auteur pragmatiste, entre vérité et justification. En effet, si Rorty considère qu’il faut se passer de la notion de vérité ( il semble que face à la difficulté de tenir de manière cohérente une telle position, il ait atténué sa position récemment), un pragmatiste comme Putnam distingue entre vérité et justification. Il y a donc la réalité en soi qui existe par elle-même, mais dont la connaissance suppose une position métaphysique. Il y a la vérité qui correspond à cette place vide où le consensus et la réalité correspondent. Par conséquent, le pragmatisme ne nie pas forcement la correspondance de la vérité à la réalité, mais il incère aussi bien la conception correspondantiste que la conception cohérentiste dans une conception plus large à la fois naturaliste et sociale de la vérité. Enfin, il y a la justification: plus un énoncé résiste à la discussion argumentée de tous, plus il est justifié.

Cependant, quant on dit de quelqu’un qu’il avait raison contre tous, on oublie que la phrase est au passé. On ne détient jamais la « vérité » seul, le moment où on reconnaît qu’il a raison c’est le moment où ce point de vue est devenu dominant. La vérité et la justification sont des notions sociales. Dire qu’on considère qu’il a maintenant raison, c’est bien reconnaître que son point de vue est considéré comme le plus justifié actuellement. Mais là où il ne faut pas commettre d’erreur, c’est en confondant la vérité et la justification : car soit on absolutise ce qui ne sont que des justifications, soit on fait de la vérité quelque chose de relatif.

Il faut ajouter une deuxième conclusion que nous aurons l’occasion de développer plus loin. Si comme le soutiennent les pragmatistes, la vérité est une valeur (elle est quelque chose qui est désiré pour son utilité), si en outre notre discours inclut toujours des valeurs comme le montre Putnam (valeurs qui ont une origine naturelle comme le montre Nietzsche), s’il faut distinguer vérité et justification comme le font Putnam et Habermas, alors plus nos faits seront justifiés, plus nos valeurs seront justifiées. Car tout fait présuppose des valeurs et toute valeur présuppose des faits. Comme le montre H.Putnam, dans Raison, Vérité et Histoire, pour soutenir les valeurs des nazis, il faut accepter des faits tout à fait contestables qui leurs servent d’arguments : il y a des races supérieures, il existe un complot juif mondial…

Nous avons donc cherché à établir comment on pouvait soutenir une conception de la connaissance qui ne soit pas absolue, c’est à dire en définitive théologique, mais qui soit en même temps cohérente en évitant de rabattre la vérité sur la justification comme l’ont fait Nietzsche ou Foucault.

Nous allons maintenant chercher à montrer comment dans le pragmatisme, la théorie est toujours pensée à partir de la pratique, comment il n’y a pas de sens à séparer les deux dans une démarche pragmatiste : il s’agit d’ailleurs d’un des dualismes fondamentaux que le pragmatisme essaie de remettre en cause. C’est dans ce refus de séparer théorie et pratique que l’on trouve là aussi un ferment commun avec l’anarchisme, dans le refus de séparer activité intellectuelle et activité manuelle, la pensée et l’action, une telle séparation conduit à réserver l’activité intellectuelle uniquement à des experts.

C- Le primat de la pratique

La démarche pragmatiste est définie, au sens strict du terme la première fois par Pierce dans un article qui s’intitule Comment rendre nos idées claires : « nous avons reconnu que la pensée est excitée à l’action par l’irritation du doute, et cesse quand on atteint la croyance : produire la croyance est donc la seule fonction de la pensée ». Mais qu’est ce que la croyance, s’agit-il ici de la croyance religieuse pour Pierce ? « Qu’est ce que donc que la croyance ? La croyance est quelque chose dont nous avons connaissance ; puis elle apaise l’irritation du doute ; enfin elle implique l’établissement dans notre esprit d’une règle de conduite ou pour parler plus brièvement d’une habitude. » La croyance est simplement ce qui fixe une habitude, en fait pour les pragmatistes, il n’y a pas de différence de nature entre foi, opinion et savoir : il s’agit dans les trois cas de croyances car elles ne peuvent pas être fondées. Par conséquent, il n’y a pas de différence de nature entre la foi religieuse et le savoir scientifique. Cette position, on la trouve aussi chez Nietzsche qui fait remarquer dans Le Gai Savoir : « la brave croyance en la science, le préjugé favorable dont elle bénéficie et qui domine nos Etats ( autrefois, c’était même l’Eglise) ».

Néanmoins, Pierce distingue trois méthodes pour fixer la croyance : 1) la méthode de la ténacité : il s’agit de se persuader de ce qui nous fait plaisir 2) la méthode de l’autorité : c’est celle utilisée par les églises ou les pouvoirs politiques autoritaires, les chefs, par exemple, elle renvoie à l’argument d’autorité 3) la méthode scientifique (ou pragmatiste) : elle postule qu’il y a des réalités indépendantes aux idées que l’on peut en avoir et que, par l’expérience et le raisonnement, les hommes peuvent arriver à une seule et même conclusion. Ce qui différencie donc la méthode scientifique de la première méthode, c’est qu’elle cherche à établir un consensus, mais contrairement à la méthode autoritaire, cette recherche de consensus n’est pas faite par le moyen de la violence ou par une position sociale, mais par l’argumentation et l’expérimentation. Il s’agit d’un point important : Spinoza dans le Traité de l’autorité politique prend soin de distinguer la paix qui découle du consentement rationnel et celle qui découle de la terreur, de même il existe des consensus apparents car ils ne découlent pas d’une discussion argumentée, mais du pouvoir de l’autorité ( si d’ailleurs l’autorité parvenait à mettre en place un consentement total ou consensus, par la manipulation, il n’y aurait plus en toute logique de résistance). En fait, il est très certainement impossible de mettre en place une situation dépourvue totalement de rapport de violence (il ne s’agit pas seulement de violence physique, mais aussi de violence morale), mais il y a des situations intégrant plus ou moins de violence.

On peut se demander si le pragmatisme par la notion de méthode ne tombe pas sous le coup de l’anarchisme épistémologique de Feyerabend, qui est une sorte de pragmatisme radical ou de relativisme, pour qui « il n’y a pas de méthode en science, tout est bon du moment que cela marche ». L’anarchisme épistémologique de Feyerabend le conduit, au nom du pluralisme et d’une société libre, à mettre sur le même plan le darwinisme et le créationnisme, l’astronomie et l’astrologie. Si d’un point de vue pragmatique, on peut s’accorder avec le fait qu’il n’y a pas de méthode a priori, on peut néanmoins remarquer que Feyerabend s’auto-refute et suppose une méthode implicitement : la méthode pragmatiste de l’argumentation et de l’expérimentation. En effet, en soutenant que toute les méthodes sont valables, il le fait au nom du pluralisme, il exclut donc implicitement les méthodes qui refusent le pluralisme. Dit autrement, les méthodes autoritaires considèrent que seule leur méthode est valable, par conséquent admettre ces méthodes, c’est contredire le principe selon lequel il n’y a pas de méthode. Par conséquent, la méthode autoritaire est implicitement récusée par le principe de Feyerabend. Le créationnisme ne peut être mis sur le même plan que le darwinisme car si le darwinisme accepte d’être récusé par l’expérimentation et l’argumentation, par contre le créationnisme en reposant, sur l’autorité, le refuse.

Comme le montre W.James dans la Ch.II du Pragmatisme, le pragmatisme consiste à interpréter les interminables controverses philosophiques du point de vue de leurs conséquences pratiques. Si une voiture me fonce dessus et qu’en me fiant aux apparences, je saute pour l’éviter et que j’ai la vie sauve alors on peut dire que cette croyance est plus justifiée qu’une autre. Le pragmatisme est une théorie de la connaissance qui découle de la pratique : il n’y a pas de sens pour un pragmatiste à séparer théorie et pratique, pratique et justification . « Posséder des idées vraies, nous dit James, c’est posséder de puissants instruments pour l’action ». Qu’est ce qu’une idée pour un pragmatiste ? Les pragmatistes, comme le rappelle Cometti son livre Le philosophe et la poule de Kircher, ne sont pas des philosophes de l’intériorité, l’intériorité est un mythe : une idée est une action. Ou comme le montre Wittgenstein, ce sont les pratiques de discours qui constituent la pensée et l’intériorité, il n’y pas de pensée avant le langage. Le pragmatisme est une ontologie pluraliste de l’action ou de la relation (appelée transaction chez J.Dewey). Les discours sont eux même des actes, des pratiques. Il ne s’agit pas de représenter la réalité, il n’y a pas d’esprit qui soit le miroir de la réalité, mais uniquement des instruments utiles pour l’action. Dire d’une vérité qu’elle correspond à la réalité ne signifie donc pas dire qu’elle la représente.

Rechercher la vérité pour la vérité de manière désintéressée pour un pragmatiste relève du pur idéalisme, nous recherchons la vérité parce que nous y avons un intérêt vital : la vérité est utile pour l’action. La notion de vérité est un produit humain, comme tout produit vital, elle a une utilité. Il nous est utile d’avoir des croyances en accord avec la réalité car nous sommes une partie de cette réalité. Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle ce qui pourrait nous être utile serait le faux est absurde car c’est précisément ce qui est utile que nous appelons vrai. Donc ce qui est utile, c’est ce qui est vrai car la notion de vraie elle-même est un produit de nos besoins. Comme l’énonce C.Tiercelin : « une croyance est utile si et seulement si elle est vraie et de même elle est vraie si et seulement si elle est utile » .

De la même manière, nous devons noter, comme nous l’avons fait remarquer avec Putnam sur les valeurs, que par conséquent le vrai, le bon ou le juste sont liés et que donc de même le bon et le juste sont ce qui nous est utile. Comme l’écrit W.James : « le vrai consiste simplement en ce qui est avantageux pour notre pensée, le juste simplement dans ce qui est avantageux pour notre conduite (…) pour des raisons définies et susceptibles d’être spécifiées ».

J.Dewey, dans Reconstruction en Philosophie, nous fournit une bonne analyse de la méthode d’action pragmatique. La méthode pragmatique n’est pas propre à l’homme, elle est commune à tous les être vivants. « L’organisme agit en accord avec sa propre structure sur son environnement…Les changements produits par l’environnement réagissent sur l’organisme et ses activités ». C’est ce que Dewey appelle l’expérience. L’empirisme pragmatiste s’oppose à l’idée rationaliste d’a priori, mais il se distingue de l’empirisme classique en insistant sur la dimension active de l’organisme vivant dans sa relation avec le milieu. « La connaissance fait partie du processus par lequel la vie persiste et croit ». Ce qui différencie l’expérience humaine et l’expérience animal, c’est le rôle du langage et donc de la culture qui est apparue du fait de l’évolution des espèces. Ce qui fait qu’il n’y a pas que l’expérimentation qui intervient, mais aussi la discussion argumentée. Dans le cas des hommes, l’expérience et le langage sont sans cesse entremêlés.

Si on imagine qu’un homme se trouve devant une rivière (situation) qu’il veut traverser (problème), il va commencer par observer son environnement, il voit une planche de bois, il élabore une hypothèse, il va l’expérimenter en mettant la planche entre les deux rives, s’il parvient à traverser, son hypothèse sera justifiée (assertabilité garantie) relativement à la situation. Cet ensemble constitue ce que Dewey appelle la logique ou théorie de l’enquête. « L’enquête est la transformation contrôlée ou dirigée d’une situation indéterminée en une situation qui est si déterminée en ses distinctions et relations constitutives qu’elle convertit les éléments de la situation en un tout unifié ». Il s’agit donc du passage d’une situation de doute à une situation où la croyance est fixée.

Cette interdépendance de la théorie et de la pratique est là aussi un point commun que partage le pragmatisme avec l’anarchisme puisque c’est un thème que l’on retrouve par exemple chez Bakounine ou Proudhon. A propos de Proudhon, J.Bancal a pu parler d’un pragmatisme travailliste. « L’idée, avec ses catégories naît de l’action et doit revenir à l’action […] Cela signifie que toute connaissance […] est sortie du travail et doit servir d’instrument au travail » . Proudhon défend une conception pragmatiste du travail : le travail est une action, le travail en tant qu’action est ce qui détermine l’apparition des idées et les idées n’ont elles-mêmes de valeurs qu’en tant qu’instrument pour l’action. La connaissance n’est pas contemplative, elle a son origine dans le travail. Nous constatons par-là, que le pragmatisme tout comme l’anarchisme remet en cause la dualité entre théorie et pratique dont nous verrons qu’elle a une origine dans l’existence même de classes sociales.

Nous avons donc cherché à montrer que le pragmatisme nous permettait de nous appuyer sur une théorie de la connaissance qui soit cohérente et qui soit en accord avec les principes de l’anarchisme.

Il s’agit maintenant de nous demander comment le pragmatisme nous permet de penser une politique anarchiste à partir d’un naturalisme méthodologique, d’une hypothèse naturaliste qui puisse être soumise à l’expérimentation, de montrer quel peut être l’impact de la théorie de la connaissance pragmatiste pour repenser l’anarchisme.


POUR UN USAGE ANARCHISTE DU PRAGMATISME II :

L’action politique anarchiste dans le cadre du naturalisme pragmatiste

II- Un naturalisme continuiste

Il s’agit dans la deuxième partie de cet article de montrer quelles hypothèses d’action politique anarchiste on peut élaborer à partir d’une théorie de la connaissance pragmatiste. Il s’agit en particulier de penser un socialisme libertaire débarrassé de ses présupposés scientistes, et en particulier de ceux qui impliquent une philosophie téléologique de l’histoire, qui n’est en réalité qu’une laïcisation de la providence divine.

Une telle démarche nous amène donc à nous interroger sur l’articulation entre connaissance et éthique, entre connaissance et justice, contrairement à la démarche marxiste. Elle nous amène à essayer de repenser l’analyse structurelle de la société afin de pouvoir articuler de manière cohérente la question de la lutte des classes aux nouvelles revendications (anti-sexisme, écologisme…). Elle nous amène à articuler une sociologie structurale permettant une analyse critique de la société à une psychologie sociale permettant de penser la transformation sociale. Elle nous amène enfin à essayer de repenser l’action révolutionnaire et le concept de révolution en essayant de le débarrasser de ses éléments liés à une philosophie de l’histoire déterministe.

L’enjeu est d’essayer de montrer comment on peut essayer de repenser les notions issues des théories politiques du XIXème siècle ( révolution, lutte des classes, collectivisme…) en les débarrassant de leurs présupposés scientistes.

A- De la nature à l’individu
B-

Pour les pragmatistes, il n’y a pas de différence entre apparence et essence. Rorty, dans L’espoir au lieu du savoir, considère que l’une des caractéristiques du pragmatisme est de refuser les dualismes métaphysiques et en particulier celui de l’essence et de l’apparence, et de refuser les notions de substance ou d’essence. Les pragmatistes se caractérisent par le fait qu’ils adoptent une ontologie héraclitéenne, une ontologie du flux. L’importance politique de refuser une ontologie essentialiste, dans le cadre d’une théorie naturaliste qui refuse toute transcendance, se comprend par le refus de considérer qu’il existe un ordre fixe et immuable auxquels les hommes devraient se soumettre et à laquelle la notion de nature pourrait servir de justification.

Or une telle ontologie à une conséquence aussi sur leur conception de la nature humaine. Il existe certes une nature propre à chaque individu singulier, mais celle-ci n’est pas fixe. La nature de chaque être humain est pensée comme un processus d’individuation : la culture est en continuité avec la nature, et l’individualité est le résultat d’un processus social et d’une pratique de soi. Par conséquent, on constate que pour les pragmatistes, la connaissance est relative non seulement parce qu’elle est relative à un individu singulier, mais aussi parce que la réalité est en constant changement : le sujet connaissant est donc lui-même en constant changement parce qu’il est lui-même une partie d’un tout qui ne cesse de changer.

Il s’agit là aussi d’un point commun avec les penseurs anarchistes, comme le souligne Kropotkine, l’anarchisme présuppose une philosophie naturaliste. En effet, il n’y a rien de transcendant à la nature, ni un Dieu qui pose des obligations morales, ni un ordre social que les hommes doivent respecter. Le naturalisme anarchiste conduit les penseurs anarchistes à considérer que les individus suivent les lois immanentes de leur nature. La difficulté d’une position naturaliste classique est de savoir comment identifier ces lois de la nature et donc ne pas être conduit un dogmatiste scientiste qui en réalité ne ferait que projeter de manière illusoire nos préjugés sur la nature. Dewey, comme Kropotkine, considèrent dans un cadre Darwinien, que la moralité, entendue comme instinct social, est une conséquence de la sélection naturelle, mais à la différence de Kropotkine, Dewey insiste sur le caractère expérimental de la détermination des règles de cette éthique naturaliste.

L’autre conséquence du naturalisme, c’est qu’il conduit à remettre en question la tradition chrétienne d’un dualisme entre l’homme et la nature dans lequel l’homme occupe une place de « maître et possesseur de la nature ». La philosophie deweysienne repose sur la remise en cause des dualismes de la philosophie occidentale et en particulier le dualisme entre l’homme et la nature. L’homme fait partie de la nature, la culture se trouve en continuité avec la nature. Par conséquent, une telle remise en question, de la domination de l’homme sur d’une part la nature et d’autre part les animaux, implique les éléments d’une position écologiste.

Mais le pragmatisme remet aussi en cause la dualité de la société et de l’individu. En effet, l’individu n’existe pas en dehors de la société, l’individuation est elle-même d’ailleurs un processus social. « L’individualité d’un point de vue social et moral, est le résultat d’un processus » . C’est ici là aussi un point commun avec des penseurs anarchistes tel que Proudhon et Bakounine. Puisque pour ces penseurs, c’est par la société que l’homme réalise le plus pleinement son individualité comme l’atteste leur définition de la liberté. Comme l’écrit Proudhon, dans Les confessions d’un révolutionnaire, « l’homme le plus libre est celui qui a le plus de relation avec ses semblables ».

Mais si l’individu n’existe pas à l’état de nature, pour autant pour le pragmatisme aussi bien que l’anarchisme, c’est de l’individu que part toute éthique. Puisque tout discours, toute action s’exprime toujours à travers un individu singulier.

B-La question de l’épanouissement individuel

La question de l’art de vivre connaît un renouvellement particulier chez les neo-pragmatistes sous l’impulsion de M.Foucault. La notion d’art de vivre est prise dans le sens à la fois de technique de soi et d’esthétique de l’existence, de faire de son existence une œuvre d’art. Cet intérêt pour l’art de vivre, c’est à dire l’éthique, rejoint là aussi l’anarchisme. En effet, ce qui est premier dans l’anarchisme c’est l’individu et le point de vue qui est adopté sur l’individu n’est pas celui d’une morale obligatoire, mais d’une morale « sans obligations ni sanctions » c’est à dire d’une éthique . Nous allons plus particulièrement étudier la notion d’art de vivre telle qu’elle est analysée par R.Shusterman dans Vivre la philosophie.

L’expérience esthétique est en effet une expérience qui fait partie des processus intégrant de la vie. Dans l’esthétique pragmatique, l’art à une fonction vitale. Si l’esthétique est choisie comme paradigme de l’existence, c’est qu’elle constitue pour les neo-pragmatistes, dans la lignée de Nietzsche et de Dewey, l’expérience la plus intense et unifiante que puisse faire un être vivant. Etant donné son caractère vital, l’art de vivre pragmatiste passe par un souci du corps. Son caractère vital implique aussi que dans l’art de vivre pragmatiste « la croissance comme telle est la fin ». Il s’agit donc d’une esthétique de la création de soi, de la transformation de soi par soi par des techniques somatiques qui supposent que le moi est en devenir . Mais le caractère particulier, de l’art de vivre, inspiré par Dewey et développé par Shusterman, porte sur le problème suivant : la plupart des arts de vivre, qui sont développés dans l’antiquité ou ceux de Nietzsche et Foucault, ont en réalité un caractère aristocratique, ils n’ont de sens que dans une logique de distinction. J.Dewey montre que cette exigence de nouveauté radicale et donc de distinction dans l’art est une conséquence du régime capitaliste. Nous nous trouvons donc devant une contradiction : d’une part, le moi a un caractère fortement social et d’autre part l’esthétique qui est développée dans la société capitaliste est une esthétique de la différence radicale. L’intérêt de Shusterman est de penser l’esthétique et donc l’art de vivre non pas comme la réalisation d’une singularité en contradiction avec l’existence sociale, mais de penser que le caractère social du moi fait qu’il ne peut réaliser son épanouissement que dans son engagement social. Or comme le souligne Dewey, ce n’est pas dans une société autoritaire, mais dans une société démocratique que chaque individu peut vivre l’expérience la plus riche. Donc plus une société est démocratique, plus elle permet un épanouissement plus grand de l’individu. Par conséquent, d’une part toute esthétique de soi suppose la transformation de la société de manière à rendre possible la réalisation de son moi, mais d’autre part, il ne peut s’agir d’une esthétique aristocratique de la transgression comme critère de distinction (comme celle de Sade par exemple), mais au contraire d’une éthique démocratique. Il y a certes une multiplicité d’arts de vivre possibles, mais du fait caractère social de l’homme, rechercher un art de vivre qui se définisse par la transgression de toute vie sociale est absurde.

Mais si par conséquent, l’épanouissement individuel suppose la transformation de la société, il est par conséquent nécessaire de comprendre quelle forme peut prendre l’anarchisme dans le cadre d’une conception philosophique pragmatiste.

C- L’action politique

Le pragmatisme contient les ferments d’une théorie à la fois de critique et d’alternative aux sociétés organisées selon la méthode d’autorité, méthode qui induit des rapports de domination: autorité économique des possédants sur les travailleurs et du paternalisme étatique sur la société civile, autorité politique des gouvernants et des experts sur les gouvernés, des intellectuels sur les manuels, des hommes sur les femmes…Or cette théorie, contrairement à celle de Marx ou de Kropotkine, ne repose pas sur une philosophie de l’histoire et un scientisme sous jacent, mais sur un faillibilisme et un expérimentalisme qui la rend adaptable aux évolutions historiques des revendications.

Le pragmatisme repose sur une équation simple : savoir c’est pouvoir . Avoir de la connaissance, nous donne un pouvoir. Le Gorgias de Platon le soulignait déjà à propos de la rhétorique : la maîtrise technique de la rhétorique donne un pouvoir politique sur les autres citoyens. Le pragmatisme inclut donc une théorie du pouvoir.

a- Méthode autoritaire et méthode pragmatiste
b-

Tout d’abord, elle permet de distinguer entre méthode autoritaire et méthode pragmatique. Cette distinction, permet de faire une distinction, au sein des notions de pouvoir, de vérité, de démocratie, de raison et d’universel : une distinction entre un usage de justification de l’ordre social préexistant et un usage émancipateur de ces notions. Il ne s’agit donc pas de rejeter en bloc ces notions au risque de ne plus pouvoir penser de manière cohérente ou de s’enfermer dans une critique qui ne permet plus de penser l’alternative. On peut en effet distinguer d’une part une conception, ayant un rôle de justification de l’ordre social préexistant, qui fait apparaître ces notions comme instituées a priori, et une autre conception qui les fait apparaître comme constituées, construites historiquement par des pratiques. D’autre part, on peut distinguer entre une constitution du contenu de ces notions dans le cadre d’une société organisée de manière autoritaire et la constitution de ces notions par le consentement de tous que suppose la théorie de la vérité pragmatiste.

Moins un énoncé est justifié, c’est à dire moins il découle du consentement argumenté de tous, plus il est un objet possible de contestation. En effet, là où il y a consentement, il n’y a pas contestation de la part de ceux qui consentent tant que dure le consentement. Ce dont le pragmatisme permet de faire la critique, c’est la critique des rationalités, des formes de savoirs-pouvoirs, qui tout en pouvant d’ailleurs sembler en apparence s’appuyer sur la méthode scientifique ou se présenter comme des régimes démocratiques, sont en fait le produit de la méthode autoritaire et non du consentement issu de la discussion argumentée de tous. Ce que le pragmatisme permet de remettre en cause, ce sont les relations de pouvoir qui découlent en réalité, non d’une discussion argumentée et d’un consentement, mais de la méthode d’autorité c’est à dire d’un pouvoir qui découle d’une place sociale et non d’une compétence . Mais c’est la capacité à ne pas être réfuté ou une capacité à pouvoir faire quelque chose que les autres ne savent pas faire qui détermine la compétence; sachant qu’en matière politique, contrairement à la science, le primat de l’éthique fait que personne ne peut prétendre être compétent à la place de quelqu’un d’autre pour juger de son épanouissement personnel. Cela ne signifie pas que la démocratie, qui exige la participation directe de tous, soit une démocratie de l’incompétence. Au contraire, comme le montre l’affirmation du primat de la pratique, ce n’est qu’en participant que l’on peut acquérir un savoir politique, par conséquent, c’est la démocratie représentative elle-même qui entretient une forme d’incompétence politique.

Dans les faits, il est difficile de distinguer absolument la méthode autoritaire et la méthode pragmatique (ou démocratique), il y a une continuité : les régimes autoritaires, organisés de haut en bas, essaient de donner l’impression qu’ils s’appuient sur le débat argumenter, même dans une société organisée de bas en haut, selon la méthode pragmatiste ou démocratique, il est certainement impossible qu’un débat argumenté soit totalement exempte de rapports de violence. Il n’y a pas de société parfaite, excluant tout rapport de violence, de conflit, mais cela signifie a contrario qu’il n’y a aucune société qui puisse se considérer à l’abri de toute critique. Les justifications que se sent contraint de donner tout pouvoir de sa force, repose justement sur la puissance que constitue le consentement. Mais il faut remarquer qu’il faut distinguer par exemple entre le consentement obtenu par la propagande et celui obtenu par la discussion argumentée. S’il existe une ambivalence de termes comme démocratie, universel, consensus, cela provient de ce qu’ils renvoient à des aspirations fondamentales de l’existence sociale. Mais du fait de la fonction même de ces termes, les autorités les revendiquent pour justifier leur autorité.

c- Les dualismes sociaux
d-

Mais cette opposition entre méthode autoritaire et méthode pragmatique, qui permet de distinguer entre un pouvoir social et un pouvoir qui est issu du consentement argumenté de tous, est induite par une structuration sociale.

La technique est un phénomène naturel qui existe aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Mais le développement pris par la technique dans l’espèce humaine est ce qui amène à introduire un dualisme entre l’homme et la nature, l’homme et les autres animaux. C’est en ce sens que Bergson explique dans L’évolution créatrice que l’homme pourrait être qualifié d’homo faber.

Or la technique est ambivalente, comme l’a très bien vu Habermas, dans La science et la technique comme idéologie, : d’un côté elle est ce qui permet à l’homme de s’affranchir des contraintes naturelles, elle a un rôle émancipateur ; mais d’un autre côté la technique est ce qui a rendu possible la mise en place des inégalités sociales : le dualisme homme/femme s’établit sur la division sociale entre chasseur et cueilleur, la distinction travailleur/oisif dérive de l’existence d’une caste guerrière- rendue possible par l’invention des techniques métallurgiques- qui établie sa domination sur les agriculteurs.

Dewey montre dans Reconstruction en Philosophie que la méthode autoritaire tire son origine d’une organisation sociale où des individus ont un pouvoir institutionnel sur d’autres, d’une société hiérarchisée. Dans ces sociétés, ce sont les prêtres, les chefs institués par la tradition qui la perpétuent. Cette division politique et intellectuelle se double d’une division économique : ceux qui détiennent les places de prestige sont ceux qui ne travaillent pas. Par conséquent, cette division entre une philosophie idéaliste qui reproduit dans sa philosophie les dualismes sociaux ( ex : un esprit séparé et supérieur au corps car les intellectuels aristocrates sont supérieurs aux travailleurs manuels) et pensée pragmatiste renvoie à une structure sociale où un des éléments de ces dualités sociales est dominé par rapport à l’autre c’est à dire qu’il subit son autorité.

Pour des raisons liées au développement des techniques et par conséquent à l’adoption par la science de méthodes issue de l’empirisme technique, à la Renaissance, la méthode pragmatique d’abord en science , puis par la suite en politique connaît un essor.

Mais il faut bien comprendre qu’un développement complet de la méthode pragmatiste, comme le montre Dewey, dans Démocratie et Education, présuppose l’abolition des classes sociales et de tous les dualismes sociaux : gouvernant/gouverné, exploiteur/exploité, oisif/travailleur, intellectuel/manuel, nature/culture, homme/femme ….Il ne s’agit donc pas de limiter la critique sociale aux inégalités sociales qui sous tendent les divisions de classe, mais à tous les dualismes sociaux. Les luttes sociales ne se limitent donc pas dans cette théorie à la lutte des classes, mais incluent les luttes anti-sexistes, les luttes écologistes… Tant que ces dualismes sociaux se maintiennent, il ne peut y avoir de méthode pragmatique étendue à toute la société et donc de véritable décision démocratique puisque des effets sociaux de pouvoir invalident le débat démocratique.

La théorie de l’enquête s’applique au domaine social. Or il faut bien concevoir que pour un pragmatiste tout énoncé intègre toujours des valeurs, il est toujours en un certain sens idéologique, il est toujours une justification. Parce que le phénomène d’évaluation est un phénomène idiosyncrasique à l’origine, il est toujours relatif à une perspective individuelle, c’est pourquoi la démocratie pragmatique n’est pas une démocratie de la majorité, mais une démocratie du consensus . C’est pourquoi la démocratie pragmatiste, telle que la pense Dewey, est du côté de l’expérimentation des formes de démocratie radicale remettant en cause les dualismes sociaux contre les formes de démocratie qui sont en réalité soit des oligarchies ( autorité d’une minorité sur la majorité), soit autorité de la majorité sur la minorité. Cette expérimentation politique par les publics sont ce qui leur permet d’acquérir un savoir, donc d’acquérir du pouvoir c’est à dire une plus grande puissance d’agir.

Cette conception de la démocratie comme majorité opposée à une démocratie du consensus , on la retrouve aussi chez Proudhon à travers la notion de Raison Publique (ou collective). « Tout vote implique un débat contradictoire […] La vraie méthode consiste […] 2° A chercher l’idée supérieure, synthèse ou formule, dans laquelle les deux propositions contraires se balancent, et trouvent leur satisfaction, puis à faire voter sur cette synthèse, qui, exprimant le rapport des opinions contraire, sera naturellement plus près de la vérité » . Proudhon a critiqué à de nombreuses reprise la démocratie comme tyrannie de la majorité. Or les réflexions de Proudhon sur ce qu’il appelle la raison publique rejoignent celles d’auteur contemporain comme Serge Moscovici dans Dissensions et Consensus : le consensus loin d’éliminer le conflit le suppose car le consensus se distingue du vote arithmétique et du compromis au rabais, il est un dépassement des opinions individuelles par le débat. Un vrai consensus est une synthèse. Par conséquent, ce qui fait que la démocratie électorale ou le sondage sont critiquables, c’est qu’ils reposent sur la simple addition des opinions et non sur la formation d’une véritable opinion collective ou publique par le débat argumenté.

c-Une théorie de l’espace public

Revendiquer la remise en cause des dualismes sociaux, c’est donc exiger une véritable démocratie et exiger une véritable démocratie suppose de remettre en cause les dualismes sociaux. La démocratie n’est donc pas seulement une forme de régime, mais c’est aussi une certaine forme d’organisation sociale. Il n’y a donc pas de séparation entre le politique et le social, mais une continuité. Face à un problème, il se forme ce que J.Dewey, dans Le public et ses problèmes, appelle un public. Un public est un groupe d’individus qui agissent en portant un problème dans l’espace public. Le public chez Dewey n’est pas seulement produit, mais il est actif, il est un vecteur de transformation social. En outre, les publics sont multiples et ne peuvent être rendus par l’opposition simpliste entre bourgeois et prolétaire : ils incluent les luttes de classes qui oppose une classe à une autre, les luttes écologistes dans lesquels les intérêts de tous sont menacés, les luttes anti-sexistes ( luttes des femmes ou des homosexuels par exemples) où des individus appartenant à des classes différentes peuvent avoir des intérêts communs. Un même individu peut appartenir à plusieurs public.

Afin de résoudre le problème auxquels ils sont confrontés, les publics expérimentent. Cette expérimentation n’est pas seulement politique, mais aussi sociale. Dans sa dimension politique, il s’agit de remettre en cause le principe d’autorité dans les décisions et d’expérimenter une prise de décision par tous. Dans sa dimension sociale, il s’agit de redéfinir les limites entre le public et le privé : service public, collectivisation, possession privée, protection de la vie privée…La propriété n’est pas la conséquence de lois naturelles, elle est un phénomène social. Mais il ne s’agit pas d’appliquer telle ou telle idéologie collectiviste ou communiste comme un dogme, mais de l’expérimenter. C’est ainsi que les collectivisations durant les années trente en Espagne ont maintenu la petite propriété, plutôt que d’exterminer comme les bolcheviques les petits propriétaires terriens. Mais ces tentatives de réorganisation selon la méthode démocratique de la société sont certes limitées par l’organisation autoritaire de la société. En effet, si ceux qui occupent les positions inférieures dans l’organisation sociale cherchent à remettre en cause son organisation, ceux qui occupent les places supérieures cherchent à la maintenir. S’il est impossible que des moyens autoritaires mènent à une société démocratique, néanmoins il est fort probable que la répression d’une expérimentation démocratique suscite une réaction violente .

d- L’action révolutionnaire
e-

La remise en cause des classes sociales n’est pas liée à une philosophie de l’histoire, en particulier une philosophie de l’histoire qui considère que « l’histoire avance (inéluctablement) par le mauvais coté » c’est à dire par la violence, mais à ce que l’absence de consensus rationnel et les conditions matérielles créent la possibilité aléatoire d’une contestation démocratique. Par conséquent, si les méthodes sont en partie liées aux circonstances, il n’en reste pas moins que tant que les méthodes de transformations utilisées sont autoritaires, il ne peut y avoir mise en place d’une société non-autoritaire. En effet, la thèse qui soutient l’hétérogénéité des fins et des moyens commet une erreur par rapport à la relation continue qu’entretiennent les moyens et les fins, les moyens produisent leurs propres fins. Cela implique donc que tout ordre social est toujours contestable au nom d’une plus grande demande de démocratie, mais que cette revendication plus grande de démocratie ne peut parvenir à ses fins que par des méthodes non-autoritaires. Ce refus d’utiliser des moyens autoritaires pour arriver à ses fins est ce qui distinguent les anarchistes des marxistes.

La conception de la révolution telle qu’elle s’est imposée sous l’influence de Marx est tributaire d’une philosophie de l’histoire selon laquelle le moteur du changement social est la lutte des classes, la révolution étant un processus violent de destruction de l’ordre social préexistant. Dewey reconnaît l’existence de la lutte des classes, mais il répond à Trotski à propos de Leur morale et la notre que cela ne signifie pas quelle soit forcément le moteur de l’histoire. En outre, il ne faut pas oublier que la révolution telle que la conçoit Marx et Lénine consiste à s’emparer de l’appareil d’Etat qui est l’instrument de la classe dominante et qui doit donc devenir l’instrument du prolétariat. Or Proudhon et Kropotkine ont chacun à leur manière fait une critique de la théorie de la révolution de Marx. Tous les deux ont montré qu’il ne s’agissait pas d’éliminer physiquement une classe sociale, mais de remettre en cause un système social.

Or cette remise en cause des dualités sociales et de l’organisation autoritaire de la société passe d’une part par des luttes et d’autre part la mise en place d’alternative. Les luttes, que mènent ceux qui sont dominés dans le système social, supposent une organisation non-autoritaire (démocratie radicale) et des méthodes non-autoritaires mais pas forcément légale ( cela peut être la désobéissance civique). En effet, une réelle remise en cause de l’ordre social ne peut consister à remplacer une forme d’autorité par une autre et implique donc la rupture radicale avec les méthodes autoritaires. C’est là ce qui distingue les mouvements démocratiques, et l’anarchisme en particulier, des autres mouvements de contestation de l’ordre établis (par exemples fascistes), et qui les rendent légitimes (dans la mesure où dans la conception pragmatiste, contrairement à l’amoralisme scientiste marxiste et en accord avec le souci éthique de l’anarchisme, les règles qui sont valables pour le domaine cognitif, sont aussi valable pour le domaine éthique puisqu’il n’y a pas de dichotomie stricte entre fait et valeur).

Mais, il ne s’agit pas de croire qu’il suffit de se concentrer sur la lutte contre le système et que la société nouvelle sortira d’elle-même de la destruction de l’ancienne société. Il s’agit de sortir quelque peut de la mystique de la destruction et de la violence rédemptrice qui hante par certains aspects le mouvement anarchiste alors même que l’une des particularités du mouvement anarchiste, par rapport au marxisme-léniniste, est de ne pas avoir forcement identifié révolution et violence, et d’avoir su développer au cours de son histoire des pratiques d’action politique non-violente. La révolution présuppose l’expérimentation d’alternatives à la société capitaliste et à l’Etat. Chaque époque génère ses modes de résistance et ses alternatives, et il n’est jamais possible de savoir a priori qu’elles vont être leur extension. Il ne s’agit pas d’attendre que la Révolution ait eu lieu pour vivre en anarchiste car il ne peut y avoir de véritable révolution, c’est à dire de remise en cause des structures fondamentales de la société, que par l’expérimentation de structures alternatives sur le long terme. D’un coté, il existe des groupes d’individus qui désirent conserver leur position de domination et d’un autre côté il faudra bien faire une société aussi avec eux, à moins d’envisager de tous les exterminer, eux et leur soutien. Il s’agit donc avant tout de bâtir une société non-autoritaire en se réappropriant collectivement et en auto-gérant nous même les outils de production et les services, de l’étendre et de la défendre.

Si on résume ce que peut être l’apport du pragmatisme en matière de philosophie politique anarchiste : il permet d’élaborer une critique des dualismes sociaux, qui ne se limite pas à la lutte des classes, et une théorie critique de l’autorité.

Il nous permet d’élaborer ce que peut être une action politique sans philosophie de l’histoire. Tant qu’il n’y a pas un consensus reposant sur le débat argumenté de tous, il risque toujours d’y avoir des résistances. Mais la mise en place d’une société radicalement démocratique ne peut avoir lieu que par des méthodes non-autoritaires. Ces méthodes consistent en la mise en place d’expérimentation par des publics remettant en cause : la ligne de partage entre privé et public, les dualismes sociaux orientés selon un rapport de domination, le principe autoritaire d’organisation. Ces méthodes ne pouvant être qu’en rupture radicale avec la méthode autoritaire, elle le sont par conséquent aussi avec l’Etat : il ne s’agit pas forcement de se concentrer sur la destruction réactive de l’Etat, mais d’agir en rupture avec lui. Or c’est cette capacité aussi bien dans la lutte que dans la mise en place d’alternative qui fait la spécificité de la méthode d’action anarchiste. L’expérimentation collective, incluant le débat argumenté de tous, est la méthode de transformation sociale qui correspond à la méthode non-autoritaire. Mais la participation, pour qu’elle soit au maximum débarrassée de ses rapports de violence, présuppose la remise en cause des dualismes sociaux entre les participants à l’expérimentation. D’un coté ne peut pas être admis quelqu’un qui a plus de pouvoir social que les autres, mais d’un autre côté nul ne peut être contraint à participer à l’expérimentation. Néanmoins, toute tentative extérieure de s’opposer à la mise en place d’une expérimentation démocratique radicale conduit légitiment, comme l’affirme Dewey à propos de la guerre d’Espagne, à une défense et une lutte contre les tenants de l’autorité qui s’y oppose.

L’intérêt du pragmatisme, nous semble-t-il, est de constituer à partir d’une conception de la vérité, qui remet en cause le dualisme entre théorie et pratique, une critique et une alternative aux sociétés autoritaires en proposant une théorie de l’action politique qui découle de cette théorie de la vérité. Si la vérité est le produit d’un consensus rationnel et si tout énoncé de fait inclut des énoncés de valeur, alors il ne peut y avoir d’action politique juste que non-autoritaire. Mais comment est alors déterminer la justice sociale sans faire appel à une transcendance ? Plus une organisation sociale est le produit d’une expérimentation collective incluant le débat argumenté du plus grand nombre, plus elle est justifiée à la fois au sens cognitif et de rendre juste ( dans la mesure où la dimension factuelle et évaluative n’est jamais séparée dans la pragmatisme). Le refus commun au pragmatisme et à l’anarchisme de l’hétéronomie de l’autorité souligne l’affirmation d’une revendication commune d’autonomie tant individuelle que sociale.

Irène Pereira


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