La dynamique de la Marche mondiale des femmes en l’an 2000 est
lancée. L’initiative en revient à la Fédérations
des femmes québécoises, qui avait déjà organisé
en juin 1995 une marche contre la pauvreté pour laquelle elle
avait rencontré un franc succès dans la province de Québec.
Mais aussi réussie soit-elle cette marche ne pouvait qu'être
le point de départ d’autres initiatives, beaucoup plus
importantes et élargies au plan international. Idée proposée
au Forum mondial des femmes à Pékin, idée retenue
avec enthousiasme.
Contre la pauvreté et les violences faites aux femmes
La Marche mondiale, qui aboutira le 17 octobre 2000 (1) s’articule
autour de deux axes : la lutte contre la pauvreté et pour la
répartition des richesses et la lutte contre les violences faites
aux femmes et pour le respect de leur intégrité physique
et mentale. Elle entend développer un certain nombre de revendications
pour l’abolition de la pauvreté et des violences. Une première
réunion s’est tenue à Montréal les 16, 17
et 18 octobre 1998, elle a regroupé plus de 150 femmes venues
de 67 pays. Les femmes présentes ont témoigné de
réalités différentes mais convergentes et de la
nécessité d’une forte dynamique commune et mondiale.
Sans revenir sur ce que nous écrivons en novembre dernier (2),
il nous semble important de souligner les points d'échauffement
entre les diverses délégations continentales de femmes.
En effet, si la dénonciation de la paupérisation et des
violences à l’encontre des femmes peut faire le consensus
malgré des réalités diverses d’une région
du monde à une autre, le poids de l’assujettissement de
certaines femmes à la religion ou leur mise sous tutelle par
des associations s’inscrivant dans le Jubilé 2000 sont
des freins dans l'élaboration de positions claires.
Par exemple, le terme de " lesbianisme " n’a pas été
retenu, celui de " libre orientation sexuelle " ayant eu la
préférence ; le " droit à l’avortement
" a été remplacé par la " maîtrise
de la fécondité " ; la référence sur
les violences est celle de la convention de 1949 dans laquelle en dehors
du trafic, de la traite et de l’exploitation de la prostitution,
il n’y aurait ni violences ni prostitution, ce qui est notamment
la position des allemandes et des hollandaises pour qui la prostitution
est un travail comme un autre.
Contre le Jubilé 2 000
En outre, la référence à la campagne du jubilé
2000 est un point fort de désaccord entre certaines associations
et les associations européennes. Même s’il est proposé
par les québécoises qu’il puisse y avoir une "
exception européenne " pour maintenir un cadre unitaire
de discussions et d’actions, les représentantes françaises
(du Collectif national pour les droits des femmes) se sont fortement
élevées contre cet ajout inacceptable. Le Jubilé
2000 est une initiative du Vatican avec, il est vrai, un volet social.
Mais pour autant, les revendications sociales chrétiennes sont
aux antipodes de la prise en compte de l'émancipation des individus
et notamment des femmes. Aussi, faire le lien entre des revendications
relatives à la dette des pays du tiers monde et celles du jubilé
2000 est largement dénoncé par les associations féministes
européennes qui ont des histoires de luttes clairement affichées
contre tout pouvoir religieux.
Du rapport de forces que les femmes d’Europe essaient de construire,
les anarchaféministes, sur le plan français, seront partie
prenante pour que soient renforcées les revendications pour l'émancipation
des femmes de toute tutelle religieuse ou économique –
et faire connaître ces revendications auprès des femmes
et des associations les plus en difficultés sur ces questions
– et pour que la campagne contre le jubilé 2000 que la
Fédération anarchiste va mener puisse être en lien
avec la Marche mondiale des femmes. Nous devons prendre les moyens d’exprimer
notre solidarité internationale tout autant que de contrecarrer
tout féminisme réformiste et soumis aux lois du capital
financier ou religieux. Pourquoi ne pas envisager un cortège
dans la manifestation convergente prévue à Genève
ou Bruxelles le 17 octobre 2000, afin de fédérer les différentes
initiatives anarchaféministes du continent européen ?
Hélène Hernandez - commission Femmes
(1) Comme d’autres dates correspondent à des convergences
internationales, le premier Mai, journée de luttes des travailleurs,
et le 8 mars, journée de luttes des femmes, le 17 octobre est
la journée internationale de lutte contre la pauvreté.
(2) cf. " Marche mondiale des femmes en l’an 2000, nous
marcherons ", in le Monde libertaire, n°1139 du 5 au 11 novembre.
La page origine : http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1154/article_9.html